Chapitre 23 : Célia




En revenant sur mes pas vers la boutique, j'étais encore un peu assommée de mon incident et de cette rencontre qui m'avait perturbée. Cet homme m'évoquait quelqu'un de si familier, faisait-il partie de ma vie autrefois ? En n'y pensant plus, je rejoignis L'Orchidée pour l'inauguration de ce soir. Je me frayais un chemin parmi les étagères soigneusement disposées pour l'événement. Au même moment, Horace, occupé à admirer l'agencement, levait les yeux en me voyant revenir.

— Ah Célia, vous êtes de retour avec les cartons ! Donnez-les-moi, je vais m'occuper de les placer de part et d'autres dans la boutique. Allez disposer les plateaux des traiteurs avant que Lisa ne les dévore

Tout en rigolant à vive voix, j'exécutai l'ordre d'Horace en me dirigeant vers les plateaux de petits fours qui se trouvaient vers le fond du magasin. Lisa portait l'un d'eux afin de les placer sur des tables nappées. Je me rapprochais de ma collègue d'un air évasif, ce que Lisa remarqua.

— Célia ! Tu es de retour ! Ma belle, tu vas bien ? Tu m'as l'air ailleurs, je me trompe ?

— Eh bien, tu n'as pas totalement tort, en revenant sur mes pas avec les cartons, j'ai percuté quelqu'un, mais rien de grave. Ce qui est étrange, c'est que cet homme m'a rappelé quelqu'un de mon passé, mais j'ignore de qui il s'agit.

— Intéressant, c'était peut-être ton coup de foudre de l'époque ? Ce qui voudrait dire que ton âme sœur n'est pas Scott, mais ce mystérieux individu.

— Que dis-tu, Scott et moi sommes mon amour de jeunesse et je suis également le sien. Il n'y a eu personne d'autre et si je recroise cet homme, je te le présenterai, m'exclamais-je en lui souriant.

— Chic, j'ai hâte que tu le percutes à nouveau avec des cartons !

— Dépêchons-nous de préparer les derniers plateaux pour l'inauguration, autrement, c'est Horace qui va nous percuter.

Tout en rigolant, nous, nous plongeâmes à nouveau dans les derniers préparatifs de l'inauguration de ce soir. Quelques heures plus tard, la boutique était en effervescence, les invités entrèrent dans un espace magnifiquement décoré par nos soins. Les discussions joyeuses emplirent l'air tandis que la plupart des clients découvraient les collections raffinées exposées. La musique envoutante ajouta une touche festive à l'atmosphère déjà chargée d'excitation. Au milieu de cette foule d'invités, je repérai la présence discrète de Scott. Habillé avec élégance, il observa l'agencement avec fierté, jusqu'au moment où il captait mon attention. Un échange de regards complices tout en se rapprochant l'un de l'autre, Scott m'attirait près de lui en m'embrassant tendrement.

— J'ignorai que tu étais déjà là, m'exclamais-je en le dévorant du regard.

— Je voulais te faire une surprise, je suis si fier de toi ma puce, tu es absolument éblouissante ce soir et ta boutique est tout autant magnifique. Tout le monde semble adorer.

— Merci mon cœur, c'est un rêve devenu réalité, je suis tellement reconnaissante de tout le soutien que tu m'as apporté ces dernières années jusqu'à aujourd'hui.

— C'est mérité, tu as travaillé si dur pour en arriver là. La soirée est un succès et j'ai d'ailleurs une deuxième surprise pour toi !

— Qu'est-ce que c'est ?

— Ma start-up a obtenu une réservation au grand restaurant gastronomique au bout de ta rue !

— Le restaurant de luxe ? Oh, mais chéri, c'est beaucoup trop cher pour nous, on n'est pas si riche que ça pour pouvoir y manger.

— Chérie, tu n'as pas compris, ma boite paye tout. D'habitude ce restaurant affiche complet pour les six prochains mois. Mais ils ont réussi à m'obtenir une réservation de dernière minute tout frais payés. Ce n'est pas incroyable ?! Surtout que la cuisine est divine, d'après les avis de mes collaborateurs, chacun de leurs plats est une œuvre d'art culinaire. Le directeur de cet établissement est renommé et connu à travers le monde pour sa créativité et son savoir-faire exceptionnel.

— En t'entendant parler de la sorte de cet homme et de son restaurant, j'ai l'impression que tu rêves d'y manger là-bas.

— Absolument ! J'ai hâte de pouvoir déjeuner là-bas et le raconter à mes collègues de cette expérience. Je pense que tu adoreras " Comme une évidence" !

— Pardon ? Qu'as-tu dit ? Comme une évidence ? Lançais-je sous l'incompréhension.

— Oui, c'est le nom du restaurant, c'est un choix intéressant, n'est-ce-pas ?

Le nom du restaurant m'avait frappé comme un éclair de nostalgie, j'avais déjà entendu ce nom quelque part autrefois. Intérieurement, mon cœur vacillait entre les souvenirs du passé et du présent. J'avais banni tous souvenirs de ma vie, de ce passé néfaste, de tout ce qu'il s'était passé avant l'arrivée de Scott dans ma vie. Ce nom de restaurant me fit resurgir des souvenirs dont j'avais tenté d'effacer. Comme une évidence était l'interpellation favorite de Nate Jones. Il aimait tant qualifier notre amour de la sorte. Ces mots prononcés par ce dernier, résonnaient encore dans mon esprit, évoquant tous nos moments que j'avais consciemment mis de côté. L'impact de cette coïncidence me laissait dans un mélange complexe d'émotions, allant de la tristesse à la surprise tout en passant par la colère. À cet instant, je n'entendais ni le vacarme de la foule, ni les mots de mon partenaire de vie. Le flou lointain avait pris possession de mes pensées. Soudain, je me fis sortir de cette absence par une secousse provoquée par Scott.

— Célia ? Tout va bien ?

— Oui, j'ai eu une légère absence, désolé.

— Je te disais que j'avais hâte d'y être, la réservation est pour le six mai.

— Très bien.

Malgré cette révélation imprévue, j'avais choisi de ne plus porter attention à cette histoire qui n'avait plus sa place dans ma vie. En revenant à l'instant présent, je serrai le bras de Scott en me rapprochant de ce dernier, le sourire aux lèvres. J'étais désormais heureuse avec mon partenaire, même si je savais qu'une ombre du passé s'était momentanément glissée dans l'instant présent, je comptais bien me rendre dans ce restaurant, après tout, il s'agissait d'une simple coïncidence et de rien d'autre.

Le lendemain matin, j'arrivais en boutique, comme à mon habitude avec dix minutes d'avance. Avec grande surprise, Lisa était déjà présente, je me demandais quelle mouche l'avait piquée, elle qui avait tendance à venir avec un train de retard. En déposant mes affaires et enlevant ma veste en jeans, j'interrogeai ma collègue tout en lui offrant un grand sourire.

— Hey ! Comment vas-tu ? Te voir présente avant moi, c'est si rare !

— Je me suis dit qu'il fallait bien commencer ce nouveau job par une nouvelle habitude, celle de venir au travail avant ma responsable.

— Tu sais je ne suis pas Horace, je ne te virerai pas, car tu as du retard ! Tu restes mon amie, mais aussi la seule personne que je connaisse sur Cannes hormis mon fiancé.

— Je te l'accorde, d'ailleurs, j'ai vu qu'il était venu hier, je n'ai pas eu le temps de parler davantage avec lui. Comment il va ?

— Il se sent bien ici, mieux qu'à Paris, je pense.

— Tu m'étonnes, j'en avais marre de cette ambiance anxiogène, il a bien raison !

Tout en continuant ma discussion avec Lisa, je rangeais les dernières tables disposées au centre de la boutique que nous avions volontairement laissée hier par manque de temps, mais aussi par fatigue de la journée. Les premiers clients arrivèrent, ce qui nous interrompu dans notre conversation. La matinée défilait sous nos yeux entre rangement, encaissement et arrivage d'articles. Lisa me rejoignit à la caisse en soupirant silencieusement, en détournant mon regard de la caisse pour le poser sur cette dernière, je la questionnais.

— Qu'y a-t-il ?

— Aucun beau et riche homme a franchi les portes de notre boutique mis à part Scott, mais bon, il est déjà pris. Aujourd'hui, mis à part l'homme de la publicité de parfum que j'ai vu ce matin sur un panneau d'affichage en me rendant au magasin, je n'ai aperçu personne d'autre. Je pense qu'il faut que l'on fasse connaitre notre enseigne auprès d'influenceurs, j'ai envie de me faire inviter à des soirées ou des événements, pas toi ?

— Tu n'as qu'à espérer que l'homme de la publicité vienne te voir en boutique, ricanais-je. Si, bien sûr que si, mais pour cela, il faut que l'on se fasse connaitre. Cela viendra, ne t'en fais pas.

— Je ne trouve pas ça drôle ! Rétorqua ma collègue en me donnant une tape sur l'épaule.

— Sinon pour revenir à l'instant présent, il est bientôt l'heure de la pause, tu souhaites manger quelque part ce midi ?

— Il y a un café près de la boutique, ils doivent surement proposer une carte pour le déjeuner.

— Bonne idée ! M'exclamais-je à vive voix.

Après avoir fermé les portes de L'Orchidée pour déjeuner, nous sortîmes ensemble en nous frayant un chemin à travers la foule des rues ensoleillées de la ville balnéaire. Les façades colorées des boutiques de luxe attiraient notre attention alors que nous nous dirigions vers le café. Arrivées à ce dernier, nous choisîmes une table en terrasse avec vue sur la Croisette. Les passants élégamment vêtus ajoutaient une ambiance glamour à l'atmosphère. C'est dans ce cadre enchanteur que nous entamâmes notre déjeuner. Une fois l'estomac plein, je décidais de rentrer vers la boutique, laissant Lisa s'éclipser pour passer un appel avant de me rejoindre. En reprenant le chemin déjà emprunté, je fus plongée dans mes pensées. Arrivé à quelques mètres du magasin, une personne attira mon regard. En plissant les yeux, une silhouette se dessinait avec une grâce presque irréelle. Une longue chevelure blonde, un regard pétillant, après réflexion, cette femme n'était nulle autre que Cassie, mon ancienne meilleure amie. Je ne l'avais pas vue depuis une décennie, la surprise me figea sur place. Tant de souvenirs refaisait surface, un mélange d'émotions m'envahit alors, je n'avais jamais envisagé qu'un jour, je rencontrerais à nouveau Cassie et encore moins sur Cannes.

Sous le choc de la rencontre, je sentis une impulsion irrésistible de m'approcher et de lui parler. Je pris une profonde inspiration et me dirigeais vers Cassie.

— Cassie ? C'est toi ? Je n'arrive pas à croire, ça fait tellement longtemps !

— Oui, c'est moi et vous vous êtes ? Lança cette dernière, sceptique.

— C'est moi, Célia Banel. Tu ne me reconnais pas ? Je n'ai pas si changé que ça.

— Célia ? C'est vraiment toi ? J'ai du mal à réaliser.

— En effet, c'est bien moi. Je n'aurais jamais imaginé te retrouver ici.

— C'est inattendu ! La dernière fois que l'on s'est vues...

— C'était il y a dix ans, ça fait un bail...

— Oui, ça fait très longtemps, soupirait Cassie en baissant son regard vers le sol.

— Je suis choquée, comment va ta vie depuis tout ce temps ?

— Je travaille dans le restaurant de luxe au bout de la rue, je suis serveuse là-bas et toi ?

— Eh bien, je suis responsable dans une boutique tout près d'ici. On a tant de choses à rattraper, ça te dirait de prendre un café après ton service ?

— Pourquoi pas, je viendrai directement en boutique dans ce cas, je finis à dix-neuf heures ce soir.

— Très bien, je travaille à L'Orchidée, on se dit à ce soir ?

— Parfait, sourit Cassie légèrement émue.

Nous nous échangeâmes un dernier sourire chaleureux avant de se dire au revoir, reprenant chacune notre chemin. Alors que Cassie s'éloignait, un mélange d'émotions tourbillonnait en moi. Cette surprise de retomber sur elle après dix ans, après une décennie d'absence, m'avait créée un tourbillon de souvenirs. Des images de tous nos moments heureux, des épisodes marquant de notre amitié me flottaient à l'esprit. Toutefois, je ressentis une point de culpabilité, le regret de n'avoir jamais repris contact avec Cassie, cela me pesait lourdement sur mon cœur. Après que Cassie ait choisi de partir avec Zack, j'avais décidé de laisser mon amitié si précieuse avec Ielle s'effacer. Comme une page qu'on tourne sans jamais y revenir...

En revenant sur mes pas vers la boutique, Lisa était déjà présente, elle aperçut alors l'expression de mon visage qui ne passa pas inaperçue. Curieuse, elle ne put s'empêcher de me questionner.

— Célia ? Tout va bien ? On dirait que quelque chose s'est passé, tu as l'air chamboulée.

— Oh Lisa, tu n'imagines même pas, j'ai croisé Cassie, mon ancienne meilleure amie.

— Cassie ? Celle avec qui tu étais au lycée ?

— Oui, exactement, c'était inattendu.

— Incroyable ! Comment ça s'est passé ?

— Étrange, nostalgique, je ne sais même pas. Je me sens coupable de ne jamais avoir repris contact avec elle après le lycée.

— Tu sais, les gens changent, la vie nous emmène parfois dans des directions différentes. Ne te blâme pas trop.

— Je sais bien, mais quand je l'ai vue, ça m'a rappelé à quel point, elle était importante pour moi. Je regrette de ne pas avoir fait plus d'efforts pour rester en contact.

— Célia, parfois, on ne réalise la valeur des choses qu'après les avoir perdues. Peut-être que cette rencontre t'offrira une nouvelle chance de te rattraper, me conseillait Lisa en posant une main sur la mienne.

— Je ne te savais pas si philosophe, tu es rempli de sagesse, Lisa ! Merci de m'avoir écouté, je vais essayer de ne pas la laisser filer à nouveau, esquissant un sourire.

— Oui, à mes heures perdues, je rigole, j'ai une application sur mon téléphone sur lequel chaque matin, j'ai le droit à une citation différente. Pour revenir à toi, je serai toujours là pour t'aider.

Alors que je me dirigeais pour contrôler les livraisons reçues ce matin, une notification apparut sur l'interface de mon téléphone m'indiquant qu'un des cartons avait été déposé au mauvais endroit sur la même rue. Je tenais avant tout à informer Lisa de cette erreur.

— Lisa, il semble y avoir eu un problème avec l'une des livraisons. Elle a été déposée au mauvais endroit sur la même rue.

— Décidément les livreurs cannois, ils n'ont pas le sens de l'orientation, tu vas le chercher où j'y vais ?

— Ne t'en fais pas, j'y vais, restes ici, j'en ai pour pas longtemps.

À la suite de notre échange, je m'élançai dans la rue animée. Sous le doux soleil de l'après-midi, je parcourus la distance jusqu'au lieu indiqué pour récupérer le carton. Ce dernier avait trouvé refuge dans un autre magasin de prêt-à-porter féminin. Alors que je quittais la boutique, avec mon carton dans les bras, j'aperçus au loin le fameux restaurant où Cassie m'avait mentionné y travailler. La façade de l'établissement paraissait élégantes et sophistiquées, les lettres délicatement sculptées du nom du restaurant brillaient discrètement au-dessus de la porte, évoquant un prestige. L'extérieur de l'établissement me donnait envie de découvrir les délices qui se cachaient derrière ses portes élégantes. Sans m'en rendre compte, je m'étais arrêtée en plein milieu de la rue pour observer le restaurant. Une touche de curiosité et d'émotion se mêlèrent à mes pensées, je repensais à Cassie qui avait tracé son chemin professionnel. Un moment de pause involontaire où je repensais au passé, mais aussi au présent. Je repris ensuite le chemin vers la boutique...

De retour à L'Orchidée, je déposais le carton soigneusement près des cabines d'essayages, tout en ressentant encore les vibrations de cette journée mouvementée. Lisa, repérant le carton, s'approcha avec un enthousiasme palpable.

— Célia ! Tu n'imagines pas ce qui s'est passé pendant ton absence ! L'homme ! L'homme !

— Quel homme ? L'homme de ta vie est venu en magasin ? Rigolais-je à vive voix.

— Oui ! Tu sais l'homme qui fait la publicité du parfum ! Il est venu ! J'ai cru halluciner !

— Réellement ? C'était surement une illusion, Lisa. Cet homme doit sans doute être une célébrité !

— Je te promets, Célia ! C'est lui-même qui me la dit ! C'est également le directeur du restaurant de luxe au bout de la rue.

— Attend quoi ?! Vraiment ? Mais pourquoi il est venu ? Et il ressemblait à quoi ?

— Pour nous donner ceci, lançait Lisa d'un sourire mystérieux tout en me donnant une invitation. Il était grand, en chemise blanche avec les manches relevées, un bouton ouvert laissant entrevoir un torse musclé. Il avait une barbe taillée au centimètre près, des cheveux blonds en une coupe dégradée soignée et son regard, je n'en parle même pas, ses yeux étaient d'un bleu perçant.

— Un bal masqué ? Et pourquoi nous inviterait-il ? Vu cette description, il semble être tout droit sorti d'un film à l'eau de rose.

— Nous sommes dans la même rue et nous venons de nous installer donc je pense qu'il nous a inviter pour ces raisons. Oui, il avait une certaine prestance, j'en frissonne encore.

— Un bal masqué organisé par un homme mystérieux. C'est tentant !

Nous échangeâmes un regard complice, anticipant avec curiosité cette invitation inattendue pour cette soirée qui s'annonçait pleine de surprises...

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