Chapitre 22 : Nate
Mon cœur ne cessait de battre fort, je tentai du mieux que je pouvais de le calmer afin de reprendre mon trajet. Mon esprit était encombré de pensées tumultueuses, je tentai de chasser cette rencontre de ma tête, mais l'image de cette femme ressemblant trait pour trait à Célia ne voulait guère me quitter. À cet instant, je me retrouvais comme prisonnier de mes propres pensées, incapable d'effacer la silhouette de cette femme. Cela faisait dix longues années que je n'avais pas eu une seule pensée à l'ombre de mon passé sous toutes ses formes.
En reprenant mon chemin après cette rencontre surprenante, je fis demi-tour afin de me diriger vers ma voiture garée devant mon restaurant. En montant, attachant ma ceinture et démarrait le véhicule. Je quittai le centre effervescent de Cannes. Les rues animées ont peu à peu cédé la place à une route côtière offrant un panorama étincelant sur la Méditerranée. Le doux murmure des vagues accompagnait le ronronnement du moteur de ma voiture alors que je m'enfonçais dans l'arrière-pays. Quelques minutes plus tard, je venais de franchir les portes de mon domaine. Lorsque ces dernières s'ouvrirent, j'appuyai d'un coup sur la pédale de l'accélérateur afin de rentrer dedans du domaine. Le sentier menant à ce dernier serpentait à travers une allée majestueuse bordée d'arbres centenaires. À mesure que je roulais, l'architecture imposante de la demeure se dessinait, révélant l'élégance discrète qui caractérisait cet endroit enchanteur.
J'ai obtenu ce domaine de manière inattendue, l'un de mes formateurs d'école de cuisine reconnaissant mon engagement et ma détermination m'a offert une opportunité unique. Ce généreux mentor m'a alors transmis les clés d'un domaine qui allait devenir le théâtre de mes ambitions. C'est dans ce lieu que j'ai organisé une dizaine d'événements, mais il s'agissait également d'un lieu cinématographiquement prisé, de nombreuses productions m'en demandant l'accès afin de transformer mon domaine en lieu de tournage pour différents films ou séries.
En sortant de ma voiture, je m'orientai vers les marches pour gagner l'entrée de la bâtisse. En pénétrant dans mon domaine, j'étais déterminé de préparer un futur bal enchanteur qui se tiendrait entre ces murs. Chaque détail architectural reflétait l'histoire de ce lieu. En intégrant le hall, mon esprit était tourné vers l'avenir, orchestrant les préparatifs avec précision aux équipes présentes sur les lieux. Les chandeliers étincelants, les tissus somptueux, tout était en train de prendre forme dans l'anticipation, je souhaitais que ce bal puisse envouter à la fois le lieu tout comme les convives. En me rendant sur la terrasse principale du domaine, cette dernière offrait une invitation à l'émerveillement. Le jardin était soigneusement entretenu avec des parterres de fleurs éclatantes qui s'étendaient harmonieusement. L'extérieur était un véritable tableau vivant, que ce soit par des sculptures artistiques, une fontaine centrale avec ses eaux dansantes ou encore les buissons taillés sous forme de divers animaux. En apercevant le chef de projet de mon bal masqué, je vins le rejoindre.
— Bonjour Oliver, comment se déroulent les préparatifs pour le bal masqué caritatif ?
— Oh monsieur Jones, j'ignorai que vous viendriez dès ce soir. Rassurez-vous, tout avance selon le planning que vous m'avez envoyé. La décoration est en cours d'installation et l'équipe technique s'assure que tous les équipements seront opérationnels pour le cinq mai.
— Parfait ! De mon côté, j'ai ordonné à mon assistante d'envoyer les invitations pour certains de nos convives.
— De ce fait, j'ai échangé avec Julia et nous avons déjà reçu la plupart des confirmations et notre équipe d'accueil est prête à recevoir les invités. Les masques provenant de Madame Sylvia arriveront demain matin et seront distribués à l'entrée pour ajouter une touche de mystère.
— Excellente initiative ! Lors du bal, je voudrais que vous et votre équipe vous assurent que tout reste dans les normes de qualités et que chacun de nos convives repartent avec des souvenirs inoubliables.
— Bien, monsieur Jones, lançait le rouquin en notant le moindre de mes mots sur un bloc-notes.
— Oliver, concernant la musique du bal, je souhaite inviter un orchestre.
— Je suis d'accord avec vous sur cette idée, je trouve qu'un orchestre en direct apportera une touche d'élégance et de sophistication. De ce fait, j'ai déjà pris contact avec un ensemble talentueux qui serait ravi de se produire lors de votre bal, monsieur Jones.
— Excellente nouvelle, assurez-vous qu'ils soient au courant du thème masqué et qu'ils puissent incorporer des morceaux qui correspondent à l'ambiance mystérieuse de la soirée.
— Bien, monsieur.
— Faites-leur savoir également que nous voulons quelque chose de magique, quelque chose qui fasse vibrer nos invités et les transporte dans une expérience unique. Aussi, il faudra aménager l'espace dans la pièce de manière optimale pour tirer le meilleur parti de leur performance.
— Entendu, je vais m'occuper de tous les détails En.
En quittant la terrasse ainsi qu'Oliver, je pensais à nouveau à cette rencontre qui ne souhaitait plus sortir de mes pensées. Il fallait impérativement oublier cette femme, ce ne pouvait pas être vrai, je ne voulais pas croire que le passé pouvait refuser de rester enfoui. Pourtant, sous le poids persistant de cette rencontre, une décision m'apparut à l'esprit. Je ressentis un désir ardent de vouloir revoir cette inconnue qui m'était si familière. Je souhaitai l'inviter à la soirée caritative. Un bal masqué, c'était le rendez-vous parfait où les masques dissimulent autant qu'ils révèlent. Une idée me vint, il fallait que j'obtienne une valse en sa compagnie afin de percevoir la vérité. Cependant, une part de moi hésitait face à cette démarche qui pouvait ouvrir la porte à des vérités difficiles que j'avais oublié depuis si longtemps. Malgré cela, l'appel de la vérité était beaucoup trop forte pour renoncer. J'étais décidé à l'inviter, le seul ennui était que j'ignorai où se trouvait cette femme. Était-elle encore sur Cannes ? J'espérai au fond de moi, la retrouver.
***
Les heures défilèrent et les coups de vingt-deux heures trente montrèrent le bout de leurs nez. En regagnant le centre-ville ainsi que mon établissement, ce dernier paraissait si vide. Le restaurant était fermé, pas un convive, pas la trace d'un membre de mon personnel ni même les employés d'entretien de locaux n'étaient présents. Le silence régnait, j'ignorai si Cassie avait déserté à force de m'attendre. En accédant à la pièce donnant au bar, celle-ci était aussi vide que la première, elle était baignée dans le calme qui succédait à l'effervescence de la journée. Les lumières tamisées soulignaient la splendeur du lieu désert. Un soupir lourd marqua mon soulagement apparent, mais une tension persistait sur mon visage. Je me glissai derrière le comptoir afin de me servir un verre de whisky. Un moment de silence s'installa, brisé seulement par le doux murmure de la nuit. Chaque gorgée d'alcool était une tentative de dissoudre ces pensées dues à cette journée mouvementée et de cette rencontre inattendue qui avait secoué les fondations de ma vie professionnelle. Lorsque j'aperçus une tête blonde se rapprochait du bar et s'installer sur la rangée de siège en hauteur se trouvant près de moi.
— Nate ! Je pensais que tu étais déjà parti !
— Je viens tout juste d'arriver, lançais-je en buvant une gorgée.
— Tu es venu pour moi ou pour boire ton whisky ?
— Pour le whisky, bien-sûr.
— Je vois que ton amour pour moi n'a pas changé. Tu comptes me révéler la vérité ?
— Je ne t'ai pas fait attendre, seule, ici, pour rien, je te rassure.
— Encore heureux.
— Que veux-tu savoir ? Rétorquais-je en posant mon verre sur le comptoir.
— Tout, je veux tout savoir, je veux savoir comment c'est possible que le fils de Will Jones soit aujourd'hui un homme riche et sexy ! S'exclamait la blonde à vive voix.
— N'abusons pas, je ne suis pas si sexy que ça, lançais-je en me levant face à elle.
— Tu rigoles ? Je viens de te voir sur une affiche publicitaire pour un parfum ! Et tu as également ta propre publicité qui passe à la télévision. On te voit torse-nu en train de nager dans un océan avec des orages et il me semble même qu'il y a des loups dans cette publicité.
— Je vois que tu as même regardé la version longue, fis-je remarquer à Cassie, en ricanant légèrement.
— Oui, car je n'en reviens toujours pas, j'ai besoin de savoir depuis que l'on s'est rencontré à l'aéroport. Qu'as-tu fait pour en arriver jusqu'à aujourd'hui ?
— Très bien, je vais tout te raconter, mais je pense que tu devrais toi aussi te verser un verre de whisky, l'histoire promet d'être longue, lançais-je à Cassie, en lui versant un verre.
Je n'avais plus le choix, il était temps de raconter ce qu'il s'était passé durant ces dix dernières années. J'expliquai alors à Cassie tout ce qu'elle devait savoir me concernant.
— À la suite de notre rencontre, je me suis dirigé vers une école dans laquelle j'ai pu obtenir différents diplômes autour de la restauration avec acharnement, mais pas que j'ai pu aussi acquérir des diplômes de gestion ou dans la réception. J'ai dû surmonter des dizaines d'échecs, mais je n'ai jamais abandonné. Pour me faire de l'argent, j'ai travaillé dans différentes boulangerie et restaurant sur Paris, mais aussi des bars et bistrot en tant que serveur, commis, plongeur et j'en passe. J'ai par la suite ouvert ma propre pâtisserie en région parisienne, c'est d'ailleurs là-bas que j'ai pu faire connaitre mes créations. Grâce à ce succès, j'ai décidé d'ouvrir une autre pâtisserie dans le sud de la France. Après quelques années d'efforts, mes pâtisseries ont attiré l'attention du grand public. Les médias ont commencé à s'intéresser à mon parcours et j'ai eu l'opportunité de partager ma passion à la télévision à travers des émissions culinaires. J'ai enchainé les invitations que ce soit de participer à des podcasts ou à des salons culinaires. Mon mentor qui m'a formé durant mes années d'études, m'a donné ma chance en me propulsant au sommet. En travaillant dans ma pâtisserie sur Cannes, je voulais faire plus qu'une simple pâtisserie, je voulais pouvoir montrer tout mon talent culinaire que ce soit dans la restauration, ma confection de cocktails, mes créations sucrées, j'ai alors monté mon propre restaurant de luxe.
— Attends juste quelques secondes. Ce restaurant n'est pas la seule chose que tu détiens ?
— J'ai deux pâtisseries sur Paris, une dans le centre de Cannes, une sur Lyon qui a ouvert récemment.
— Il va me falloir du temps pour digérer cette nouvelle et tu dis que tous les médias te connaissent ?
— Pas tous les médias, mais certains.
— Nate, je t'ai vu dans une publicité pour un parfum, comment c'est possible ?
— Grâce à mes succès, j'ai pu obtenir des opportunités et puis ça fait parler un jeune directeur de vingt-huit ans, ce n'est pas commun. Par ailleurs tout ce que je sais, je ne l'ai pas uniquement appris en salle de cours. J'ai parcouru le monde à la recherche d'inspiration. Chaque coin du globe m'a offert des saveurs uniques qui ont enrichi mes créations. J'ai découvert des nuances de goûts que je n'aurais jamais imaginées. Mais durant mes voyages, j'ai pu faire des dizaines de rencontres, j'ai collaboré avec des artisans passionnés avec qui j'ai pu créer des expériences gustatives uniques. Dans la plupart de mes pâtisseries, on peut retrouver une saveur de chacun de mes voyages. C'est un échange culturel se retrouvant dans chacun de mes gâteaux. C'est d'ailleurs une des valeurs de mon restaurant, celle de pouvoir faire voyager chaque convive avec une seule bouchée.
— Je n'arrive pas à croire à tout ça, Nate.
— Ça viendra, je sais que tu ne peux pas croire à tout ce que je viens de te raconter, ça semble fou surtout que tu connaissais ma vie autrefois.
— Justement, il va me falloir beaucoup de temps. Mais j'ai une autre question.
— Je t'écoute, lançais-je en me levant du siège afin de me poster debout face à elle.
— Personne connait ton passé ? Le fait d'être un fils de prisonnier ? Tu as raconté à personne tout ce que tu as vécu auparavant ?
— Personne ne connait ma véritable histoire, Cassie. Et c'est mieux ainsi, j'ai pu recommencer à zéro. Venir en France et pouvoir pâtisser a toujours était le rêve de ma mère. Je suis venu ici pour elle, pour la rendre fière, pour lui faire honneur.
— Le cocktail création au nom de Talya sur la carte du bar, c'est pour elle, non ?
— Exactement, c'est un de mes meilleurs cocktails, je lui ai dédié son prénom. D'ailleurs, tu ne l'as pas encore testé ? Je me trompe ?
— Ton assistante ne m'a pas donné ce plaisir, ricanait la blonde en grimaçant.
— Alors, je vais te le préparer personnellement, rétorquais-je en remontant mes manches.
— Un cocktail préparé par nul autre que monsieur Jones, le grand directeur de Comme une évidence.
— Appelle-moi Nate, cela résonne mal dans ta bouche.
— Je me souviens autrefois, je t'appelais sans cesse Jones.
— Je m'en souviens en effet, je te laisse le choix de me prénommer comme tu le souhaites.
— Nate, c'est mieux, me répondit Cassie en m'offrant un sourire.
En me glissant derrière le comptoir, j'attrapais plusieurs ingrédients ainsi qu'un shaker et un verre à pied que je réunissais sous mes yeux.
— Ma mère a toujours apprécié les fleurs sous toutes ses formes. Tout d'abord, pour une base légère, je verse le gin finement distillé dans un verre aussi élégant que celle qui s'apprête à le boire.
— Je ne te pensais pas charmeur, mais j'apprécie le compliment, souriait Cassie de toutes ses dents.
— Je verse ensuite délicatement le sirop de rose, laissant la douceur florale se mêler au gin. Puis une touche de lavande pour un arôme subtil. Les pétales flottent doucement à la surface ce qui crée une véritable œuvre artistique. Pour équilibrer les saveurs, j'apporte une note d'acidité avec quelques gouttes de jus de citron frais. Et maintenant, l'infusion de camomille pour une touche apaisante à chaque gorgée.
En offrant le verre à Cassie, cette dernière restait sans voix face à ma prestation si appliquée.
— Tu as devant toi le cocktail Talya. Une création spéciale, inspirée par l'amour et dédié à ma mère. Essaye-le.
— Nate, la façon dont tu as fait ce cocktail est remarquable, lançait Cassie en prenant en main le verre.
En buvant quelques gorgées, une mine dubitative apparue pour ensuite laisser place à un léger sourire qui grandissait petit à petit sur ses lèvres.
— Nate, ce cocktail est un délice, je ne me connais pas autant que toi pour te sortir des termes culinaires, mais il est incroyable en bouche. C'est un hommage très touchant à ta mère, elle serait fière de toi et surtout de voir l'homme que tu es devenu aujourd'hui.
— Merci Cassie.
— Je vais rentrer et essayer de me remettre de toutes ces émotions et de cette belle et surprenante découverte te concernant.
— Tu veux que je te raccompagne ?
— Oh non, tu sais l'hôtel est à quelques mètres, je suis une grande fille.
— L'hôtel ?
— Oui, j'ai réservé pour quelques jours le temps de trouver une location ailleurs.
— Hum très bien, je te souhaite une bonne nuit Cassie.
Cassie s'en alla en quittant la salle du bar afin de quitter le restaurant quant à moi, je pris le verre pour le nettoyer et de le ranger derrière le comptoir lorsqu'elle fit son retour face à moi en me murmurant timidement.
— Nate ?
— Oui ?
— Ça fait du bien de revoir un visage familier et merci pour le poste.
— Tout le plaisir est pour moi, souriais-je légèrement avant de détourner le regard de cette dernière.
Il était évident que je n'allais pas laisser ma salariée dormir à l'hôtel d'autant plus si cette personne est Cassie. Je comptais lui trouver un lieu stable où elle puisse vivre sans devoir remettre les clés à qui que ce soit. En sortant à mon tour du restaurant, je fermais les portes à double tour et me dirigeai vers ma voiture. Après avoir mis le contact, je démarrai à vive allure. À cet heure-ci, les rues de Cannes étaient désertes, seuls les fêtards étaient encore présents. En quittant le centre-ville, je pris la route menant à la maison.
***
Le lendemain, je sortis dû barber dans lequel, j'avais pris rendez-vous il y a quelques jours, ce dernier avait taillé ma barbe au centimètre près. En m'élançant vers la rue de mon restaurant, j'aperçus au loin Oliver en compagnie de Julia se tenant à l'extérieur. S'agissait-il de leur pause ? En levant mon poignet afin de regarder l'heure sur ma montre, il était seulement midi trente. En défilant devant ces derniers, je m'exclamais vers Julia qui détournai son attention d'Oliver.
— Bonjour mademoiselle Lynch, vous êtes en pause ?
— Du tout, monsieur Jones, je souhaitai m'entretenir avec vous au sujet de l'inauguration de L'Orchidée. Malheureusement, je n'ai pas pu m'y rendre, car j'ai eu un empêchement.
— Ce n'est rien Julia, de toute évidence, le personnel de cette boutique sera invité à notre bal caritatif et puis je sais que tôt ou tard, ils viendront manger au sein de notre établissement, affirmais-je en intégrant le restaurant en compagnie de cette dernière ainsi qu'Oliver.
— Monsieur Jones, concernant les préparations du domaine, les membres de l'orchestre ont confirmé leurs présences. La plupart des invités ont répondu présents, il y a seulement l'invitation pour la nouvelle boutique que nous n'avons pas eu le temps d'envoyer, mais ce sera fait dès que possible.
— Bien, j'aimerais un récap de toutes les préparation la veille du bal, le cinq mai arrive à grands pas, la semaine prochaine, lançais-je en direction d'Oliver qui me suivait au pas de course.
En intégrant le restaurant, je passai en un coup de vent pour rejoindre la salle de réunion de mon établissement. Ma journée allait être assez chargée, j'enchainais les différentes réunions concernant le bal de mon domaine, mais également des réunions sur un nouveau restaurant Comme une évidence qui sera implanté au centre-ville de Montréal au Canada. J'avais ordonné à mes différents responsables de se réunir afin d'en discuter pleinement sur cette création. En me dirigeant vers la salle de réunion, je me fis interpeller par Cassie qui me stoppa dans mon élan.
— Nate ! Enfin monsieur Jones, j'aimerais m'entretenir de toute urgence avec vous, s'il vous plaît, se reprit la blonde face à Julia qui la dévisageait.
— Mademoiselle Smith, qu'y a-t-il de si urgent ? Rétorquai-je en buvant un café qu'Oliver me tendit.
— J'aimerais vous en parler dans votre bureau, si vous voulez bien.
— Cela attendra malheureusement, j'ai une réunion assez importante, je vous retrouve dans mon bureau pour plus tard.
En ignorant les interpellations de Cassie, je continuai mon élan vers la salle de réunion. En détournant le regard de cette dernière, j'entendis des chuchotements derrière mon épaule, Julia avait surement réprimandé Cassie d'avoir utilité mon prénom. Cette situation me fit légèrement rire intérieurement, j'ignorai quelle était cette chose que Cassie souhaitait me partager, mais cela devait attendre, ma réunion était plus importante. En intégrant la salle, je me fis suivre par Julia qui vint apporter mes dossiers ainsi que mon ordinateur portable. Julia remit quelques mèches de ses cheveux par-derrière ses oreilles, tout en s'excusant du comportement de Cassie envers moi.
— Monsieur Jones, veuillez excuser Cassie de vous avoir nommé par votre prénom, c'est assez maladroit de sa part.
— Julia, ne vous en faites pas, c'est nul autre que moi qui ai demandé à mademoiselle Smith de me nommer ainsi afin qu'elle puisse prendre ses repères convenablement.
— Oh, je l'ignorai, monsieur Jones, j'en suis navrée.
— Est-ce qu'ils sont arrivés Julia ?
— Eh bien, je voulais vous informer de leurs visites, ils sont dans le hall, dois-je les faire rentrer ?
— Oui, faites les venir ici. Aussi, Julia, cet après-midi, je m'absenterai afin de me rendre à ma pâtisserie, je prendrai mademoiselle Smith avec moi. Vous ne l'aurez pas sous votre aile.
— Très bien, monsieur Jones.
En m'installant au centre de la table, j'enlevai ma veste de costume pour la mettre au dos de la chaise. En m'asseyant sur cette dernière, j'ouvris mon ordinateur portable tout en attendant impatiemment l'entrée de mes responsables de différents secteurs. Quelques secondes plus tard, ces derniers arrivèrent progressivement, chacun apportant avec lui de l'excitation et l'anticipation à l'annonce d'un nouveau projet. La salle se remplissait de murmures, de conversations et du cliquetis des chaises tandis que les derniers membres de l'équipe prenaient place. Une fois tous présents, je pris la parole en soulignant l'importance de cette expansion à Montréal.
— Bonjour à tous, merci d'être présents. Je pense que vous êtes au courant pour la plupart d'entre vous, comme vous le savez, je compte ouvrir un nouveau restaurant Comme une évidence à Montréal au Canada. J'attends vos idées et contributions pour faire de cette expansion un succès. Qui veut commencer ?
— Bonjour monsieur Jones et bonjour à vous tous, je pense que pour le lancement, une campagne percutante sur les réseaux sociaux serait idéale. Nous devrions également explorer des partenariats locaux pour maximiser notre visibilité auprès des canadiens, annonçait le responsable du marketing.
— Très bien, j'en prends note, énonçais-je.
— En ce qui concerne la carte, nous pourrions proposer des plats qui intègrent des saveurs locales tout en restant fidèles à l'identité culinaire de Comme une évidence. Cela attirera une clientèle variée. Qu'en pensez-vous monsieur Jones ?
— Je vous rejoins, incorporer les saveurs locales tout en conservant notre identité culinaire distinctive est une bonne idée...
En tentant de répondre à mon collaborateur, je me fis couper par une voix féminine qui fit irruption dans la réunion.
— Monsieur Jones, j'aimerais m'entretenir avec vous, c'est assez urgent, je ne peux pas attendre la fin de votre réunion, s'exclamait Cassie.
En dévisageant la blonde, je me levai de ma chaise en m'excusant et en demandant à mes responsables de patienter avant mon retour. En sortant de la salle, le regard fermé, les sourcils froncés, je questionnais Cassie sur un ton autoritaire.
— Je peux savoir pourquoi tu as fait irruption dans ma réunion ? Qu'y a-t-il de si urgent ?
— Nate, je ne t'aurais jamais interrompu pour si peu, je te l'assure !
— Dépêche-toi de me dire ce qu'il y a, je dois y retourner, lançais-je en me tenant près de la porte de la salle de réunion.
— Pas ici, dans ton bureau, ce sera mieux, ou alors un coin plus tranquille.
En soupirant d'un air énervé, je montais à pas rapides les marches menant à mon bureau, en l'atteignant, je l'ouvris et fis rentrer Cassie et refermai la porte d'un coup sec. En la fixant du regard, les bras croisés sur mon buste, je m'exclamais à vive voix.
— Je t'écoute.
— Nate, j'ai rencontré quelqu'un.
— Attends, tu rigoles, j'espère ? Tu m'as fait quitter l'une des réunions des plus importantes, car tu as rencontré quelqu'un ? Cet acte est motif que je te vire sur le champ, surtout sachant que tu es en période d'essai, tu en as conscience ?
— Non, non, attends, s'il te plait, j'ai rencontré une personne que toi et moi connaissions autrefois.
— Bon écoute, je n'ai pas le temps pour ça, Cassie, lançais-je en attrapant la poignée de la porte.
— J'ai rencontré Célia Banel...
Lorsque Cassie énonçait le prénom de cette dernière, je me stoppai dans mon élan, cela me provoquait un électrochoc me donnant l'impression d'être dans un état de paralysie. Je ressentis la même stupéfaction que ma rencontre avec elle dans la rue. Le regard figé, je restais choqué face à l'annonce de Cassie, cette dernière me tapotait le haut de mon épaule en me sortant de mes pensées.
— Nate ? Tout va bien ?
— Tu l'as rencontré où ? Murmurais-je en baissant le regard vers le sol.
— Je suis passé devant cette nouvelle boutique qui a ouvert au bout de la rue. En voulant rentrer dedans, je me suis fait interpeller. En me retournant, je suis tombée sur elle. C'est elle la responsable de cette boutique.
— Elle t'a reconnu après tout ce temps ? Murmurais-je.
— Oui, d'ailleurs ça m'a étonnée, elle n'a pas changé, elle est toujours aussi belle et rayonnante qu'avant. C'est vachement drôle de se retrouver dans la même ville.
— Tu lui as dit que tu travaillais, ici ? Avec moi ?
— Non, j'ai juste eu le temps de lui dire que je travaillais dans un restaurant, mais je n'ai rien dit de plus.
— Très bien, lançais-je en me tournant face à Cassie.
Mon visage se décomposa, mes doutes étaient donc vrais, la femme que j'avais heurtée dans la rue était Célia. Sur le ton de l'interrogation, Cassie se rapprocha.
— Nate, je sais que cette nouvelle t'abasourdie, mais ce n'est que Célia, une fille que tu détestais autrefois. Elle a dû t'oublier aujourd'hui, pourquoi réagis-tu ainsi pour une personne qui n'en vaut pas la peine ? C'était certes ma meilleure amie auparavant, mais je n'oublierai jamais qu'elle m'a laissé tomber pendant dix ans sans même demander de mes nouvelles, pas une seule fois.
— Elle ne t'a jamais contacté ?
— Jamais, Nate, j'ai vu son réel visage. Elle restera une simple connaissance.
— Hum, je pense que je vais retourner à ma réunion, merci de me l'avoir dit.
— Nate, tout va bien ?
— Oui, rassure-toi.
Soudain la porte s'ouvrit laissant apparaitre une Julia inquiète.
— Monsieur Jones, vos responsables s'impatientent, dois-je reporter la réunion ?
— Julia, veuillez informer les responsables que j'attends leurs différentes idées par mail avant de prévoir une réunion. Malheureusement, j'ai quelque chose de plus urgent à m'occuper.
— Bien monsieur Jones, je vais les avertir de ce pas, acquiesçait mon assistante en refermant la porte de mon bureau.
En me retournant à nouveau vers Cassie, je me dirigeais vers mon bureau en me tenant au bord de ce dernier. Le regard inquiet de la blonde se posait sur ma portée, en s'avançant à mon niveau, elle me demandait timidement.
— Nate, pourquoi avoir annulé ta réunion ?
— Parce que je ne peux pas retourner travailler, pas après ce que tu viens de m'annoncer.
— Ma rencontre avec Célia ?
— Savoir qu'elle est de retour...
— Vu ton comportement et ton regard, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose que tu ne me dis pas.
À cet instant, je levais mon regard pour le plonger dans celui de Cassie, en lui demandant de s'asseoir.
— Il y a quelque chose que tu ne dois sans doute pas savoir.
— Nate, tu me fais peur, là, s'exclamait la blonde en s'installant à un des sièges. Ne me dis pas que tu vas m'apprendre ce à quoi je pense.
— Autrefois, Célia et moi étions des ennemis, tout le monde nous a connus ainsi. Son père ayant mis le mien derrière les barreaux.
— Oui, tu ne fais que ressasser le passé, vous n'étiez pas compatibles vous deux, ce n'est pas nouveau, je ne vois pas où tu veux en venir.
— Ce que je veux te dire, c'est que, aux yeux de tous, on était des ennemis, mais il y avait bien plus entre nous. Célia et moi étions en couple.
Choquée, Cassie écarquillait ses yeux puis dans la seconde qui suivait, elle les plissait en fronçant les sourcils. Voyant mon sérieux, elle laissait échapper un souffle retenu, la lueur de son regard révélait une surprise mêlée d'incompréhension.
— Rassure-moi Nate, tu plaisantes ? C'est une blague pas vraie ?
— C'est la vérité, Cassie. Nous étions en couple durant presque deux ans.
— Mais c'est impossible, elle était avec Mike Miller à cette époque.
— Cela ne t'étonnait pas qu'elle n'ait aucun rapprochement avec ce dernier ? Pas même un baiser de sa part ?
— Maintenant que tu le dis, c'est vrai qu'elle n'était pas réellement proche de lui. Attends ça veut dire qu'elle était proche de toi, c'est avec toi qu'elle couchait ? C'est avec toi qu'elle passait ses soirées ?
— En effet, on s'était imposé une règle, pas de rapprochement avec qui que ce soit. Devant les autres, on se détestait et le soir, on se retrouvait. Personne ne s'en doutait pas, même nos amis.
— Je suis sans voix, elle ne me l'avait jamais dit, j'étais sa meilleure amie quand même, s'exclamait Cassie sous l'incompréhension. C'est toi qui l'as quitté ensuite ?
— Elle m'avait trahi en couchant avec Miller. J'ai donc tiré un trait à contre-cœur sur notre relation. Je suis ensuite parti de New-York ce même soir.
— Les apparences sont trompeuses, je n'arrive pas à m'en rendre compte. Mais tu l'aimais vraiment ?
— Oui, je n'avais qu'elle à New-York, Célia et moi, c'était un rêve éveillé. Ce que j'ai vécu avec elle, était d'une intensité incroyable. Bien qu'il fallût se cacher pour être ensemble, j'avais une connexion spéciale avec elle, c'était si puissant, l'amour que l'on ressentait l'un pour l'autre était indescriptible. Pour tout te dire, depuis ces dix dernières années, je n'ai pas réussi à égaler cette connexion que nous avions. Je n'ai plus jamais accueilli l'amour dans ma vie depuis Célia. C'est comme si le lien était irremplaçable. Et puis je ne veux plus jamais ressentir cette douleur que j'ai connu ce soir-là. Mettre fin à cette relation et dire adieu à tous nos souvenirs a été la décision la plus difficile de toute ma vie.
— Oh mon Dieu, murmurait Cassie en posant une main sur mon épaule. Nate, ça veut dire que depuis dix ans, tu n'as jamais rencontré quelqu'un d'autre ? Pourtant, tu es différent aujourd'hui, tu es quelqu'un d'influent. Tu as de la richesse à revendre, tu es connu, tu es beau, talentueux, charismatique...
— Cela ne fais pas tout, je préfère être seul que de devoir revivre ces peines encore et encore.
— Je n'ose pas imaginer ce que tu as dû ressentir pendant très longtemps, surtout savoir que tu ne voulais pas mettre un terme à votre histoire qui semblait si forte.
— On ne parle jamais de cette douleur que l'on peut ressentir, lorsqu'il faut couper les ponts avec une personne, lorsqu'il faut rester ferme sur cette décision en sachant que ce n'est pas ce que l'on voulait. Mais que c'était nécessaire pour son bien-être. À l'époque, j'étais rien qu'un fils de délinquant en cavale, je n'aurais jamais pu lui apporter la vie dont elle rêve.
Sans réfléchir, Cassie vint me serrer contre elle. En ne réagissant pas face à son action des plus inattendues, je lui fis une remarque en sortant de son étreinte.
— Je pense que tu devrais retourner travailler, de toute façon, je n'ai plus jamais repensé à elle depuis ces dix dernières années, je me suis concentré sur moi et mes projets.
— Tôt ou tard, qu'on le veuille ou non, le passé nous rattrape toujours, Nate. J'aurai su votre histoire et votre amour si puissant, je n'aurai jamais dû me comporter telle une peste avec toi. Ce n'est pas parce que ton père a fait tant de mal que tu allais suivre son chemin, j'espère que tu me pardonneras, un jour.
— Je t'ai déjà pardonné le jour où je t'ai pris en essai. Mettons ce sujet de côté, le service n'attend plus que toi.
— Mais Nate, pour Célia, tu comptes l'inviter au bal ?
— Je n'ai guère le choix, elle fait plus partie de ma vie, mais de ma ville et de ma rue, tôt ou tard, on sera obligé de se côtoyer professionnellement.
— Ou peut-être pour plus ?
— Elle fait partie du passé et sache que le passé ne m'intéresse plus. Cassie, je souhaiterais que tu viennes avec moi cette après-midi, je dois aller faire un tour dans ma pâtisserie.
— Très bien, je retourne à mon service avant que ton assistante me tombe dessus, préviens-moi avant de partir.
— Ce sera fait.
Cassie sortit de mon bureau en veillant à refermer la porte derrière elle, en m'installant à mon bureau, j'eus une absence. Je m'étais alors plongé dans mon passé le temps d'un court instant. Je me revoyais vivre cette nuit où j'avais pris la décision de m'en aller à jamais de New-York, mais également de la vie de Célia. Si j'avais pu revenir en arrière, je l'aurais fait ne serait-ce pour laisser un mot, un message, une lettre de mon départ précipité à Célia. L'acte que j'ai commis avait dû l'anéantir, ne pas savoir où j'étais aller, ne pas avoir le moindre contact de ma personne, je n'avais pas le droit de la laisser seule et perdue, devoir affronter mes erreurs avait surement dû la détruire. Au fond de moi, j'avais cette crainte qu'elle vienne m'en parler à nouveau, devoir la revoir c'était devoir faire face à un passé que j'avais fui depuis tant longtemps. Et si je me faisais des films ? Après tout, cela faisait dix ans, elle avait surement dû refaire sa vie depuis le temps, une partie de moi voulait la revoir, souhaitait lui reparler ne seraient-ce quelques secondes, avoir la chance de revoir son si beau visage qui charmait mon cœur. En concentrant mon attention sur mon bureau, j'aperçus l'invitation de la boutique L'Orchidée. Julia avait surement dû oublier de leur donner, en l'attrapant, j'eus l'idée de leur remettre l'invitation en main propre. Ce serait l'occasion de la revoir à nouveau.
Sur mon chemin vers la sortie de mon bureau, je réajustais le col de ma chemise blanche en remontant mes manches, ouvrant un bouton de ma chemise laissant apparaitre le début de mon torse. Mes doigts se glissaient sur mes cheveux dorés, afin de restructurer ma coupe. Invitation en main, je me dirigeais d'un pas confiant vers les escaliers pour quitter mon établissement. En défilant sous les yeux de Cassie et Julia, ces dernières me jetèrent un sourire amical. En gagnant l'extérieur, je pris la direction de la nouvelle boutique se trouvant au bout de la rue. Je ne pouvais pas faire marche arrière, j'étais à présent devant l'enseigne. Dès que je franchis la porte, un mélange enivrant d'arômes délicats et de parfums floraux captura mes sens. Les étagères ornées de vêtements, se dressèrent comme des œuvres d'arts dans un décor élégant aux tons doux et pastels. Chaque coin de la boutique semblait respirer le raffinement et le luxe. Alors que je déambulais dans la boutique, je tombais face à une ravissante brunette, cette dernière était occupée à ranger des articles, quant au même moment, elle détournait le regard vers ma portée. Un sourire discret éclaira son visage, signe que j'avais attiré son attention. Il paraissait que mon arrivée avait suscité un intérêt particulier. Il m'était également possible d'apercevoir une lueur naissante de charme dans son regard. En m'approchant de cette dernière, je pris la parole en la regardant d'un air sérieux.
— Bonjour, excusez-moi de vous déranger, je recherche la responsable de cette boutique.
— Oh bonjour, vous ne me dérangez absolument pas. Du tout, ma collègue s'est absentée, elle sera de retour d'une minute à l'autre, vous souhaitez la voir pour une raison en particulier ? S'interrogeait la brunette, le regard attendri.
— Je suis le directeur du restaurant gastronomique Comme une évidence, chaque année à la même période, j'organise un bal caritatif dont les bénéfices vont directement à des associations. Cette année, le bal se tiendra le cinq mai, c'est-à-dire dans les prochains jours et je souhaitai inviter les membres de votre boutique à l'événement.
— Oh, je suis flattée ! Merci beaucoup, je donnerai l'invitation à ma collègue, mais nous serions ravis de participer à votre bal.
— Merci à vous, l'adresse se trouve sur l'invitation ainsi que le reste des informations.
— Veuillez m'excuser, mais j'ai l'impression de vous avoir déjà vu quelque part, vous me faites penser à cet homme qui fait la publicité du parfum l'indomptable, vous êtes partout sur des affiches d'arrêt de bus.
— En effet, c'est bien moi, vous m'avez reconnu.
— J'ai l'œil en effet, mais vous êtes une célébrité ?
— Je ne dirai pas cela, mais je suis reconnu pour la notoriété de mon restaurant, n'hésitez à venir, mon personnel et moi-même vous accueillerons comme il se doit. Si vous permettez, je dois regagner mon établissement, je vous souhaite une agréable journée, mademoiselle ?
— Lisa, je m'appelle Lisa.
— Eh bien, je vous souhaite une bonne journée Lisa, à bientôt.
À la suite de cet échange, je quittai la boutique avec une pointe de déception de ne pas l'avoir aperçu. Malgré tout, une lueur d'espoir brûlait dans mes yeux à la pensée de la voir au bal masqué caritatif. La promesse d'une future rencontre avec cette dernière, fit augmenter mon anticipation pour cet événement à venir...
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