Chapitre 20 : Nate




Ce furent les premiers rayons de soleil qui vinrent me caresser la peau en guise de réveil. En ouvrant lentement les paupières, je mis quelques secondes à sortir de mon lit pour attaquer une énième journée dans la peau du directeur que j'étais. Je m'installai au bord de mon lit, en posant une main sur le côté gauche du mobilier me demandant si un jour, une personne comblerait ce vide. Dans la seconde d'après, j'avais cessé d'y penser, je me levais en me dirigeant vers ma salle de bain pour me passer de l'eau sur la figure. En jetant un regard sur mon reflet dans le miroir, j'ignorai pour quelles raisons, mais j'aperçus des dizaines de flash-back, des images représentant des personnes que j'avais fuies depuis bien si longtemps.

Pour passer à autre chose, je regardai mon horloge où les coups de huit heures allaient bientôt se mettre à retentir, je filais m'habiller dans mon dressing. Une fois prêt, je descendis pour intégrer ma pièce à vivre, lorsque je me rendis compte que la télévision de la salle de séjour était allumée. En me postant devant cette dernière, je laissais mon attention être attiré par les quelques publicités défilant dans l'écran. Une voix chaleureuse apparue dans la pièce à vivre.

— Bonjour Nate, je me suis permis d'allumer la télévision afin que les femmes de ménages aient un fond sonore.

— Bonjour Henri, il y avait bien longtemps que je ne l'avais pas allumé. La télévision aspire votre esprit et votre concentration, il n'y a rien de bon à montrer.

— Je vous rejoins là-dessus, monsieur. Toutefois, un bon film est agréable à visionner, surtout en bonne compagnie, lançait Henri en me tendant une tasse de café.

— Si vous le dites, mais lorsque nous ne sommes pas en bonne compagnie, je n'en vois pas l'intérêt, rétorquais-je en la saisissant.

— Oh, regardez, c'est vous ! Donc dois-je en conclure que vous n'êtes pas intéressant ? Taquinait mon majordome.

Je levai les yeux au ciel accompagné d'un léger sourire et m'installai sur une des chaises haute qui se trouvait près de mon ilot de cuisine. En regardant la publicité défilait sous mes yeux, je ricanais silencieusement en m'exclamant.

— L'agence de publicité voulait à tout prix m'avoir pour cette campagne de parfum. J'ignore pourquoi, mais elle voulait absolument ma personne plutôt que toutes les personnalités qui existent dans ce monde.

— L'indomptable, ne cherchez pas, Nate, tout est dans le nom du parfum.

— Vous êtes de bonne humeur, ce matin, à ce que j'en présume ?

— En effet, aujourd'hui est un jour important, il s'agit de l'anniversaire de mon épouse. Je l'emmène manger dans le restaurant de notre rencontre.

— Oh, je comprends votre joie, écoutez Henri, prenez votre après-midi. Je ne voudrais pas que vous travaillez en un jour si important pour vous.

— Monsieur, je finis ma journée à dix-neuf heures aujourd'hui.

— Henri, voyons, je vous l'ordonne, allez-y, m'exclamais-je en posant ma tasse sur l'ilot de cuisine. Allez profiter de votre journée avec votre épouse, c'est un jour unique qui n'arrive qu'une fois par an.

— Monsieur, êtes-vous sûr de votre décision ?

— Je ne compte pas revenir dessus, Henri, je m'en vais, souhaitez un bon anniversaire de ma part à votre épouse, lançais-je en m'éloignant de sa portée.

En me dirigeant vers la porte d'entrée, je pris mon manteau de couleur noir afin de m'envelopper de ce dernier. Je franchissais le seuil de ma porte en orientant mon attention vers ma voiture. Après avoir quitté la maison, j'accédais au centre-ville et me garai à ma place habituelle. Je levai ma tête en l'air auquel j'aperçus que le soleil avait disparu pour laisser apparaitre de gros nuages ainsi qu'un ciel grisâtre. En me tournant vers le restaurant, je fis mon entrée, prêt pour une journée bien orchestrée. Une fois dedans, comme à mon habitude, je me fis saluer par le personnel dont ces derniers étaient déjà en action. Lorsque j'accédais à mon bureau, je rencontrai Julia dans les escaliers, cette dernière, d'un sourire radieux, m'adressait.

— Bonjour monsieur Jones, comment allez-vous ?

— Bien et vous ? Vous êtes prête pour une nouvelle journée ?

— Oh, comme d'habitude, simplement, vous avez rendez-vous avec Aurélie, pour votre interview, elle ne devrait plus tarder.

— Je vais monter dans mon bureau, envoyez-la dans quelques secondes. Merci à vous, Julia.

Tout en continuant de monter les marches en direction de mon bureau, je me stoppai en plein milieu afin de me retourner pour questionner mon assistante avant qu'elle disparaisse de mon champ de vision.

— Julia ? Avez-vous reçu le courrier ?

— Oui, monsieur, je vous l'ai mis sous votre porte de bureau.

— Très bien.

En me dirigeant vers mon bureau, je remarquai une pile de courrier au pied de la porte. Tout en ouvrant mon bureau, je pris la pile en main. Une fois dedans, je m'installais à mon fauteuil et posais la pile de courrier sur l'étendu de mon bureau, lorsque je fis tomber une carte au sol. En la ramassant, je discernai une police assez grande, le nom d'une boutique. Cette dernière avait pour nom "L'Orchidée", la carte informait une soirée d'inauguration. Des dizaines de fleurs ornaient la carte, pas de doute, il s'agissait d'une boutique de prêt-à-porter féminin. C'était sans doute la nouvelle boutique s'installant au bout de la rue. Il était évident de me rendre à cet événement, il avait lieu à dix-huit heures. Pour la notoriété de mon restaurant, il était important de me rendre à ces événements afin de connaitre les nombreux commerçants, mais également de pouvoir inviter davantage de convives dans mon établissement. En rangeant la carte dans l'un de mes tiroirs, une voix me surprit.

— Bonjour monsieur Jones, je me présente, Aurélie Vinois, de presse people magazine.

— Oh, bonjour, je ne vous ai pas vu, j'étais concentré ailleurs. Installez-vous, je vous en prie.

— Vous aussi, vous avez reçu ce carton d'invitation pour la nouvelle boutique de luxe qui s'installe en ville ?

— Vous êtes de nature curieuse ? En effet, je lisais cette invitation, lançais-je en prenant un stylo en main.

— Très curieuse, c'est pour cela que j'en ai fait mon métier. C'est une boutique dont le siège est basé à Paris, le directeur a récemment confié le rôle de responsable de boutique à une de ses vendeuses...

— Trêve de bavardage, mademoiselle, mon temps est précieux, coupais-je à la jeune journaliste.

— Pardonnez-moi, alors j'ai quelques questions à vous poser, ce ne sera pas long, rassurez-vous.

La jeune rousse sortit de son sac bandoulière, un carnet de notes. Son regard était vif et curieux, la lueur de ce dernier révélait une passion indéniable pour son métier, sa façon d'être démontré qu'elle était prête à capturer chaque détail avec un esprit aiguisé afin de remplir ses rapports. Elle prit quelques secondes pour fouiller l'ensemble de son sac à la recherche d'un stylo. En perdant patience, je lui tendis celui que je tenais en main.

— Merci, s'exclamait timidement la journaliste.

— Allons-y pour vos questions, je vous écoute.

— Oh, vous avez des stylos gravés à votre nom ? C'est vraiment classe !

— Eh bien, gardez-le, je vous l'offre, place à vos questions désormais.

— Désolé, je m'éparpille. Alors, j'ai deux questions provenant de notre équipe, mais également une de nos abonnés.

— Très bien, j'y répondrais à l'ensemble.

— Donc, selon vous, qu'est-ce qui vous a inspiré à poursuivre une carrière dans la gestion de restaurant gastronomique ?

— Je dirais que depuis mon enfance, j'ai toujours été fasciné par l'art de la gastronomie et l'impact que la nourriture peut avoir sur les gens. Travailler dans la gestion de restaurant tel que le mien, me permet de fusionner ma passion pour la cuisine avec le désir de créer des expériences mémorables pour nos clients. Chaque jour, je trouve une immense satisfaction à voir le haut niveau de l'art culinaire que propose Comme une évidence auprès de nos convives.

— Très bien, je note ça et je passe à la seconde question. Y a-t-il un plat ou un de vos cocktails dans votre restaurant qui a une signification personnelle pour vous ?

Je pris quelques instants pour réfléchir avant de répondre. Dans l'ensemble de ma carte, il y avait effectivement un cocktail qui avait une réelle importance pour moi. En levant à nouveau les yeux vers la journaliste, je répondis alors à sa question de façon solennelle.

— Le cocktail Talya. Pour tout vous dire, il porte le nom de...

— Votre compagne ?

— De ma mère, pour être exact.

— Oh, je pensais...

— Il s'agit du prénom de ma mère, c'est ma manière de lui rendre hommage. Il incarne non seulement l'excellence culinaire de notre établissement, mais il évoque également des souvenirs précieux de moments partagés en cuisine avec elle. C'est une connexion personnelle qui trouve sa place au cœur de notre restaurant, ajoutant une dimension unique à cette création.

— Oh, veuillez m'excuser de cette faute, monsieur Jones.

— Ce n'est rien, avez-vous d'autres questions ?

— Pour tout vous dire, j'ai une dernière question qui nous vient de nos abonnés, mais je doute qu'elle soit vraiment importante.

— Je vous écoute.

— Eh bien, la question est la suivante, avez-vous une personne avec qui vous partager votre vie ?

La question était assez déplacée, mais je savais que cette interrogation intéressait plus d'une femme. Tout en concentrant mon attention sur la journaliste, je me levais de mon siège afin de m'installer sur le bord de mon bureau face à cette dernière.

— Pour répondre à vos abonnés, je ne suis pas en couple.

— Un grand homme comme vous ? Si beau et si...

— Riche ? Coupais-je.

— Je comptais dire aisé, mais c'est la même chose. Comment cela se fait-il ?

— Cette question n'est pas appropriée, avez-vous d'autres questions concernant mon restaurant, mademoiselle ?

— Non, j'ai fini, merci de m'avoir reçu sur votre temps de travail, monsieur Jones. Je vous verrai peut-être à l'inauguration de la boutique L'Orchidée ?

— Sûrement, merci à vous et bonne journée.

La journaliste sortit de mon bureau en rangeant son carnet de notes dans son sac, je lâchais un léger soupir et décidai de la raccompagner jusqu'à la sortie du restaurant. En accédant au hall d'entrée, je remarquai Julia en pleine discussion avec une jeune femme dont l'apparence me semblait si familière. Elle tenait une feuille en main et portait un sourire radieux sur ses lèvres. La jeune femme avait une chevelure blonde sous la forme d'une queue de cheval assez haute. Cette dernière portait une chemise satinée rose légèrement repassée qu'elle avait optée sur un jeans délavé. Je défilai sous les yeux de Julia dont le ton de sa voix était accentué. En me stoppant entre les deux femmes, j'interrogeai mon assistante.

— Julia, tout va bien ?

— Oui, monsieur, ce n'est rien. J'informais cette jeune femme qu'il était inutile de nous donner son curriculum vitae, car notre effectif était complet.

Je sentis le regard insistant de la jeune inconnue et détournai mon attention de Julia pour le poser sur la jeune femme. En étendant ma main vers cette dernière, elle me tendit son curriculum vitae en me scrutant du regard. En y jetant un coup d'œil rapide, j'aperçus les nombreuses expériences de la jeune femme en tant que serveuse dans différents établissements de la région parisienne. Je remontais mon attention vers le nom et prénom, c'est alors que mon regard changea lorsque je reconnus cette figure familière appartenant à mon passé. En redonnant la feuille à la jeune femme, la scrutant du regard, je m'adressai à Julia.

— Julia ?

— Oui, monsieur ?

— Veuillez emmener mademoiselle Davis dans les vestiaires, tâchez à la former. Occupez-vous d'elle comme si elle était un membre de votre famille.

— Mais monsieur, nous n'avons pas besoin d'une serveuse de plus.

— Dans mon restaurant, on a toujours besoin de mains d'œuvre, faites ce que je vous dis, mademoiselle Lynch.

— Bien monsieur, répliquait Julia en baissant les yeux vers le sol.

Julia défilait sous mes yeux en compagnie de Cassie en direction des vestiaires. Je n'arrivais pas à me rendre compte qu'elle était là, cette fille que j'avais connue, il y a fort longtemps. L'apercevoir de nouveau me surprit, je n'avais pas réalisé sur le moment, mon passé était en train de resurgir à nouveau. J'avais accepté de la prendre, car dans la lueur de son regard, j'avais aperçu un sentiment d'innocence. Et puis j'ignorai la raison de sa venue dans mon restaurant. Je ne pouvais pas la refuser, permettre de donner une chance à autrui était une des valeurs que j'inculquais, même si cette personne faisait autrefois partie de mon passé. En regagnant mon bureau, je refermais la porte derrière moi. Une fois dedans, je me postai devant mon siège, passant ma main sur mon menton barbu et plongeant dans une profonde réflexion. Soudain, quelqu'un toqua à la porte.

— Entrez, lançais-je à vive voix.

— Ce n'est que moi, Julia m'a demandé de venir dans votre bureau pour signer les formalités, s'exclamait mademoiselle Davis, d'une fine voix.

— Oui, bien sûr, installez-vous.

En réajustant le col de ma chemise, je fis face au regard insistant de la blondinette. En m'installant à mon siège, me rapprochant de mon bureau, je captais ainsi son attention. Je lui tendis un contrat type tout en l'interrogeant.

— Je rédigerai votre contrat en temps et en heure, en attendant je vous donne ce document comprenant le règlement intérieur ainsi que la charte graphique. Je peux vous poser une question, mademoiselle Davis ou devrais-je vous appeler Cassie ?

Son regard s'illuminait lorsque j'énonçai son prénom, en fronçant légèrement les sourcils, elle lâcha un soupir avant de sourire à nouveau.

— Appelez-moi comme vous souhaitez, vous venez de m'embaucher, je vous en suis tant reconnaissante, j'ai tant galéré jusqu'à aujourd'hui. Mais attendez, j'ai l'impression de vous connaître, on ne se serait pas déjà vu quelque part ? Ou alors c'est sûrement ma mémoire qui me joue des tours.

— Je vais répondre à votre question par une autre question, que connaissez-vous de mon restaurant, Cassie ?

— Pour tout vous dire, je viens tout juste de m'installer à Cannes et je ne connais pas vraiment votre établissement, veuillez-m'en excuser. Mais à l'extérieur, beaucoup de personnes parlent de ce restaurant en bien et puis quand je suis rentré dedans, je ne savais plus où donner de la tête. Il y a tant de couleurs, de détails, d'arts réunis dans votre établissement si luxueux.

— Hum, donc vous ne savez absolument pas, qui je suis ?

— Si vous êtes le directeur de Comme une évidence, mais pour ce qui est de votre nom, je l'ignore, monsieur.

En me levant, je contournais mon bureau afin de me poster devant Cassie, qui m'observait. En signant son contrat, que je lui tendis ensuite afin qu'elle garde un exemplaire, je m'exclamais joyeusement.

— Bienvenue à Comme une évidence, Cassie. Je vous prie, appelez-moi monsieur Jones ou bien Nate Jones...

Le visage de la blonde se décomposait face à l'énonciation de mon prénom. Les yeux écarquillés d'incompréhension, elle était sans doute en train de replonger dans des souvenirs enfouis. En remontant son regard vers moi, une lueur de surprise et de nostalgie apparut. Une onde de choc la traversait à ce moment, ce qui l'empêchait d'émettre le moindre mot.

— Je pense qu'il va te falloir quelque temps pour t'en remettre.

— Comment c'est possible ? C'est du délire, ce n'est pas toi, tu es vraiment le Nate Jones que j'ai connu ? Celui de New-York ? Le fils du grand Will Jones ? Murmurait Cassie, stupéfaite.

J'acquiesçai, suivi d'un léger sourire, avant de me poster devant la dizaine de cadres montrant mes divers succès.

— Ici, je suis connu comme étant Nate Jones, le grand directeur de Comme une évidence et uniquement ainsi.

— Je n'arrive pas à y croire, on est dans un univers parallèle, je suis en train de rêver, c'est ça ?

— Loin de là. Je te donne deux semaines de période d'essai. Selon tes compétences, tu resteras.

— Mais, mais...

— Il est temps pour toi de descendre, Julia est sûrement en train de t'attendre.

— Nate, je ne peux pas travailler. Pas après cette découverte qui vient de remettre ma vie en question.

— Passe après ton service, je répondrai à toutes les questions que tu souhaites.

Abasourdie, elle sortit de mon bureau, le regard vide de sens. En la suivant afin de fermer la porte derrière elle, je pris un temps de réflexion. Et si l'avoir embauchée était une erreur ? Ce serait comme me tourner à nouveau face à mon passé. En essayant de faire le trie de ces dizaines de questions, je sentis mon estomac se tendre, je n'avais rien mangé mis à part un café que j'avais avalé en un coup de vent. Je réajustai le col de ma chemise, et me précipitais pour quitter mon bureau afin d'accéder aux cuisines. Une fois dedans, l'ensemble du personnel me saluèrent dès mon arrivée. Je pris une assiette et me servais de différents plats selon mon envie. Puis je m'installai au fond, je me fis rejoindre par l'un des membres de l'équipe, qui vint me tendre le journal local.

— Tenez, monsieur Jones, il y a une page qui parle de Comme une évidence, il me semble, c'est la page trois.

— Hum, j'ai hâte de lire ça ! Merci bien, lançais-je en le remerciant.

En terminant mon repas, je me levai afin de lire ce fameux article concernant mon restaurant. Mes yeux passèrent sur les premières lignes, mon regard s'illumina en découvrant un article élogieux qui détaillait les saveurs et l'atmosphère unique de mon établissement. Fier, un léger sourire se dessina sur mon visage. Rempli de satisfaction, je refermai le journal et décidai de partager la nouvelle avec mon équipe. J'ordonnai à un des serveurs de réunir l'ensemble de l'équipe dans les cuisines. L'ensemble du personnel ainsi que Julia et Cassie me rejoignirent. Réunissant mon équipe, je leur exposai avec enthousiasme l'article, soulignant l'importance de leur dévouement dans le succès du restaurant. Une ambiance de fierté et de motivation imprégnait l'équipe, renforçant notre engagement commun envers l'excellence.

En quittant ce moment joyeux, je me fis rattraper par Julia dont cette dernière se fit rejoindre par Cassie.

— Monsieur Jones ? Pourrais-je vous parler, un instant ?

— Si vous souhaitez me parler de cet article, je vous accorde mon temps, autrement si c'est pour me parler de mademoiselle Smith, je n'ai pas ce temps.

— Mais monsieur, elle ne connait en rien le service dans un établissement tel que le nôtre. Il me faudra plus de deux semaines pour la former.

— Voyons Julia, elle n'est pas sourde, ne traitez pas mademoiselle Smith comme un cas désespéré. Avec du temps et de la persévérance, elle pourrait même nous étonner, donnez-lui sa chance comme je vous ai donné la vôtre. À présent, je dois regagner mon bureau.

En passant un léger regard sur Cassie, cette dernière me remerciait par un sourire timide. Je défilai devant cette dernière dont je sentais son regard insistant. En remontant et accédant à mon bureau, je refermai derrière moi. Je m'installai à mon bureau et ouvris un des tiroirs afin de prendre mon calendrier. C'est à ce moment que j'aperçus l'invitation à l'inauguration de cette nouvelle boutique s'installant au centre-ville de Cannes. Je me rendis compte que je ne pourrais être présent, car il fallait que je m'entretienne avec Cassie, ce soir. Je remis l'invitation dans le tiroir, je demanderai à Julia de s'y rendre pour moi. Le problème était résolu. Je sortis différents dossiers, des plans et des notes. Comme chaque année, j'organisais un bal à thèmes dans l'un de mes domaines. Une soirée dont les bénéfices sont directement versés à des associations. Je m'occupais pleinement de chaque détail, des invitations de certains convives jusqu'à la décoration. Tout en me concentrant pleinement sur la préparation de cet événement, je me fis interrompre par Julia qui fit son apparition dans mon bureau.

— Monsieur Jones ?

— Oui Julia ? M'exclamais-je en restant concentré sur mes plans.

— Je souhaiterais échanger avec vous concernant Cassie.

— Je vois qu'elle vous donne du fil à retordre, qu'y a-t-il ?

— Eh bien, elle ne correspond pas du tout aux profils que l'on recherche dans notre équipe de serveurs. Elle ne sait pas tenir plusieurs plateaux, elle est assez familière avec certains clients, je pense que sa place devrait plutôt être au café du coin de la rue et non dans un restaurant aussi luxueux que le vôtre...

En détournant le regard vers mon assistante, les sourcils froncés, je lâchai mon stylo en interrompant Julia.

— Julia, êtes-vous en train de remettre ma décision en question ? Parce que si c'est le cas, votre avis ne compte pas. Dois-je vous rappeler qui je suis ?

— Je ne veux pas vous froisser, monsieur, mais recruter une personne sans même avoir fait passer d'entretien, est-ce la meilleure des choses à faire ?

— Je répète, car j'ai l'impression de ne pas m'être fait comprendre, dois-je vous rappeler qui je suis, mademoiselle Lynch ?

— Vous êtes le directeur et je...

— Et vous êtes mon employé, si ce poste ne vous convient pas et qu'il vous faut plus de directives, libre à vous de partir, mais ici, vous êtes sous mes ordres et dans mon établissement. Me suis-je bien fait comprendre ?!

— Oui, monsieur Jones, murmurait Julia en fixant le sol.

— Concernant Cassie, si vous êtes surchargée par votre travail, il suffit de me le dire. Je m'occuperai moi-même de sa formation.

— Non, monsieur, je vais continuer de la former, ne vous en faites pas.

— Comme vous le souhaitez, d'ailleurs, pendant que je vous aie sous la main, j'ai besoin de vous pour envoyer les invitations à la liste de convives pour notre bal annuel marquant le printemps.

— Oh, vous avez choisi le thème de cette année ?

— Que pensez-vous d'une soirée masquée ? Avec des masques vénitiens ? Il me semble que nous avons une de nos convives qui en confectionne ? Son nom m'échappe, mais je reconnaitrai cette femme si élégante parmi tant d'autres.

— Vous avez tout juste, il s'agit de Mademoiselle Sylvia, elle se fait appeler ainsi sur Instagram.

— Très bien et bien, dites à Sylvia qu'elle et ses masques sont invités à cette soirée.

— Vous souhaitez l'organiser quand cet événement, monsieur Jones ?

— Que pensez-vous du cinq mai ? À partir de dix-neuf-heure ?

— C'est une bonne date, dois-je envoyer les invitations dès maintenant ?

— Oui, le plus tôt possible.

— Très bien, ce sera fait

Julia tournait les talons en se rapprochant de la porte, lorsque je la rappelai avant qu'elle franchisse la sortie de mon bureau.

— Dites, Julia, que faites-vous ce soir ?

— Euh... Je comptais rentrer à la maison et me reposer, pour quelle raison me posez-vous cette question ? Me questionnait mon assistante en plissant les yeux.

— Cela vous dit d'aller à une inauguration de boutique ?

— Est-ce une invitation ?

— Tout à fait, j'ai reçu une invitation pour l'inauguration d'une nouvelle boutique. Malheureusement, il m'est impossible de m'y rendre, j'ai quelque chose de prévu, ce soir. J'aimerais si cela ne vous dérange pas que vous soyez présente le temps de quelques secondes afin de représenter notre établissement.

— Oh et bien, je vais y réfléchir, lançait Julia d'un air vexé.

— Tout va bien ?

— Bien sûr, je vais vous laisser et aller envoyer ces dizaines d'invitations.

— Merci à vous.

Julia quittait alors mon bureau, ce qui me permit de plonger à nouveau dans mon travail. Les heures défilèrent, la journée toucha à sa fin et les coups de dix-neuf heures se firent retentir, il était temps pour moi de quitter mon établissement. En fermant la porte de mon bureau, je croisai Cassie se baladant près de la rangée de bureaux suivant le mien.

— Dis, tu ne devrais pas être en formation aux côtés de Julia ?

— Si, si, elle m'a demandé d'aller chercher des plateaux en réserve.

— La réserve est à côté des vestiaires, là tout ce que tu trouveras, ce sont des fournitures de bureau.

— Réellement ? Elle m'a envoyé au mauvais endroit.

— Ou alors c'est toi qui n'as rien compris aux indications.

— Sûrement.

— Écoute, le restaurant ferme à vingt-deux heures trente, je vais sortir faire une course et je reviens pour que l'on discute, on a beaucoup de chose à se dire.

En descendant les escaliers sans attendre la moindre parole de sa part, je défilais dans le hall d'entrée pour ensuite me mêler aux différents passants de la rue. Je me précipitais le long du trottoir afin de prendre un bol d'air, mais également pour marcher un peu, essayant de trouver mes mots face à Cassie. Devoir reparler de mon passé était pour moi une réelle épreuve. En faisant le vide dans mon esprit, j'étais si concentré dans ce qu'il fallait dire et ne pas dire que je ne faisais plus attention à la foule qui m'entourait. Soudain, je reçus une secousse assez forte se dirigeant droit vers moi. Dans la seconde suivante, deux cartons imposants se retrouvèrent au sol dont des tissus en sortirent. Une voix s'écriait alors, une voix qui me semblait si proche, une voix qui me causait des frissons à travers tout le corps, une voix qui résonna à mes oreilles tel un murmure si doux. Le choc m'envahit, cela ne pouvait pas être vrai, pas deux fois en une même journée. Une femme élégante à la chevelure d'or, des yeux d'un bleu pétillant, elle était vêtue d'une tenue raffinée et soignée. Elle avait une allure qui captivait l'attention, mais surtout la mienne. Par réflexe, je m'agenouillai afin de l'aider à ramasser, les tissus ainsi que les cartons éparpillés sur le sol. Toujours saisit par le choc, impossible d'émettre le moindre mot, elle ne cessait de s'excuser tout en attrapant ses tissus.

— Oh, je suis confuse, pardonnez-moi.

Au moment, où elle croisa mon regard, une lueur lumineuse apparue à l'intérieur de ce dernier, ce qui me troubla encore une fois. J'ignorai si elle m'avait reconnu ou si je restais un inconnu pour elle. En me relevant, seulement quelques mots sortirent de mes lèvres.

— Faites attention de ne pas vous prendre quelqu'un d'autre.

— Merci de votre conseil, je ferai plus attention.

Elle m'offrit un léger sourire avant de s'en aller et de disparaitre de mon champ de vision. Je l'observai s'éloigner sans prononcer un mot, un torrent de pensées se mélangeaient, le regret pris possession de mon esprit et si c'était une illusion ? Et si ce n'était pas celle dont j'imaginais celle dont j'avais reconnu la voix ? Le regard figé, choqué par cette rencontre inattendue, alors qu'elle s'éloignait, je me fis bousculer par l'un des passants, qui me permit de me réveiller et de me reprendre. En m'arrêtant près d'une ruelle, des centaines de souvenirs d'un amour jadis vibrant refaisaient surface. Incapable de rester immobile, je posais mon dos contre le mur en brique de la ruelle, prit une profonde inspiration et tenta d'effacer tous ses souvenirs que j'avais tentés d'oublier. Il s'agissait d'un mauvais tour que mes démons aimaient tant me jouer, me faire resurgir mon passé était l'un de leurs passe-temps favoris. Mais ressentir de tels frissons, de telles émotions, ne serait pas un de leurs tours, c'était si puissant, si intense, si évident. Il s'agissait bel et bien de Célia...

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