Chapitre 18 : Nate







Dix ans plus tard...


Mon réveil sonna sur les coups de sept heures du matin m'indiquant l'heure de sortir de mon lit. En me massant le front, bâillant et m'étirant, je me levais pour me diriger vers ma douche. Quelques instants après, serviette noués à la taille, laissant quelques gouttelettes d'eau glisser le long de mon corps, je regagnai ma chambre afin de me diriger vers mon dressing.

Pantalon de costume de couleur noir pris en main, chemise noir soigneusement repassé ainsi qu'une cravate du même coloris, je m'habillais en un clin d'œil. En revenant sur mes pas, j'ouvris un de mes nombreux tiroirs se trouvant dans mon dressing dans le but d'en sortir une montre dont le bracelet était en acier. Je jetais un regard sur mon téléphone pour connaitre l'heure, en verrouillant le cellulaire, que je mis dans ma poche. Je m'avançais vers ma salle d'eau pour me coiffer, passer quelques coups de mains pour garder mon dégradé tout en ayant un léger volume au-dessus de ma tête. C'était une coupe qui me convenait, car elle restait naturelle, ne prenait pas trop de temps à réaliser le matin et cela apportait un aspect naturel, chic et sauvage. En me passant quelques coups de parfums sur le col de ma chemise, je profitais du même instant pour réajuster mon costume devant le miroir ainsi que ma cravate. En prenant une paire de chaussures en cuir italien, je pris mes clés de voitures se trouvant près de la table de séjour. En quittant la maison, je me précipitais vers mon véhicule se trouvant sur l'allée. Je mis le moteur en veillant à ouvrir le portail en bout de chemin.

Une heure plus tard, j'accédais au centre-ville de Cannes, je retrouvais ainsi mes habitudes quotidiennes. En me garant à la place réservée en mon nom, je pris le temps d'observer chaque détail de l'endroit auquel je m'étais garé. Du trottoir jusqu'au toit de la bâtisse, en ne voyant aucune imperfection, je fis mon entrée d'un pas confiant.

La pièce principale était composée d'un parquet grisâtre, des lustres en cristal suspendus au plafond diffusaient une lumière douce et étincelante créant une ambiance chaleureuse. La décoration intérieure était somptueuse, créant une atmosphère à la fois luxueuse et accueillante. Une multitude de tables en marbre, toutes nappées, dressés et prête à recevoir ses convives, étaient éparpillés de part et d'autres dans la pièce. Les chaises rembourrées étaient recouvertes de tissu en velours, offrant un confort unique à chaque convive. Plusieurs plantes ornaient chaque coin de l'établissement. De grands palmiers majestueux se dressaient près des fenêtres, les feuilles de ces derniers filtraient la lumière du soleil pour créer une atmosphère feutrée. Plus loin, des orchidées ainsi que des petits arbustes en pot étaient soigneusement disposées sur des étagères apportant une touche de couleurs et de délicatesse à l'ensemble des mobiliers. L'utilisation de plantes contribuait à apporter une ambiance apaisante au sein du restaurant.

En avançant dans la seconde salle, se trouvait un bar. Le comptoir en marbre poli étincelait sous une lumière tamisée, créant une atmosphère chaleureuse. Derrière ce dernier, des étagères richement garnies de bouteilles de grande qualité s'étiraient jusqu'au plafond, offrant un spectacle de couleurs et de formes. Devant, des tabourets capitonnés étaient disposés le long du comptoir, invitant les clients à s'installer confortablement. L'ensemble du bar était agencé avec un souci du détail impeccable, des verres en cristal étincelant prêt à être utilisés, des serviettes en lin étaient soigneusement pliées. Les serveurs se trouvant dans les lieux, étaient élégamment vêtues et prêt à prendre des commandes. L'ambiance musicale en arrière-plan était douce et envoutante, créant une toile sonore parfaite pour des conversations intimes. En me dirigeant cette fois plus loin, j'atteignais l'une de mes salles favorites de ce restaurant, les cuisines, je m'y sentais comme à la maison.

En faisant une entrée solennelle dans les cuisines du restaurant, je fis taire le tumulte qui y régnait. Une multitude de personnes vêtues de tabliers avaient déjà gagné leurs fonctions, partant du plongeur en passant par le commis de cuisine ou encore le chef cuisinier. En intégrant les différentes allées des cuisines, je pris le temps de saluer chaque membre de l'équipe tout en gardant une expression de visage sérieuse mêlée d'autorité, signe de mon importance dans l'établissement. Ces derniers me saluèrent d'un signe de tête avant de reprendre leurs travaux respectifs. En parcourant les cuisines avec un regard attentif, je vérifiais autant la qualité que la préparation des plats. Les chefs reconnaissant mon autorité s'activaient ainsi que le reste du personnel.

En m'avançant, je m'arrêtai près du pâtissier. Un sourire d'approbation se dessinait sur mes lèvres, montrant ma satisfaction envers cet artisan de la gourmandise. Je pris un plaisir à observer les délicates créations sucrées prenant forme sous les mains expertes du pâtissier. Au même moment, une voix féminine vint m'interrompre durant ma fascination gourmande.

— Bonjour Monsieur Jones, je vous ai cherché dans votre bureau, mais comme à votre habitude, vous n'y étiez pas. Mon petit doigt m'a dit que vous serez sans doute en cuisine.

Il s'agissait de Julia Lynch, mon assistante ou encore mon bras droit. Julia était une femme d'une élégance discrète, elle avait des cheveux châtains parfaitement coiffés, qui tombaient en douce vague autour de son visage. Son teint était lumineux et sa peau paraissait impeccable sans la moindre imperfection. Ses yeux étaient d'un bleu profond, reflétant à la fois une détermination ainsi qu'une convivialité remarquable. Tout juste âgée de vingt-cinq ans, elle tenait malgré tout son rôle à la perfection. Julia portait un tailleur mettant en valeur sa silhouette élancée et sa posture assurée, sa voix avait une tonalité apaisante.

— Effectivement ! Travailler derrière un bureau, ce n'est pas ce que je préfère alors que derrière les fourneaux, c'est beaucoup mieux, vous ne trouvez pas, Julia ?

— Je vous rejoins là-dessus, c'est vrai que c'est mieux, mais, monsieur, aujourd'hui est un jour important, monsieur Jones. Avez-vous oublié que nous recevons un journaliste de renom pour le déjeuner, il vient en compagnie de son épouse, lançait Julia en me suivant.

— Julia, allons, calmez-vous. Ce n'est qu'une personne comme vous et moi qui viens manger au restaurant comme de nombreux autres convives. Il ne faut pas s'affoler pour si peu.

— Mais monsieur Jones, il s'agit d'un grand journaliste qui pourrait mettre votre restaurant en lumière même si tout le monde connait déjà l'établissement.

— Julia, je suis serein et vous devriez en faire autant, croyez-moi là-dessus, m'exclamais-je confiant.

— Comment vous faites pour être aussi calme et serein ?

— C'est comme une évidence, Julia.

— Je ne sais pas si, en citant le nom de votre restaurant, cela s'appliquera également.

En sortant des cuisines, toujours en compagnie de Julia, j'empruntais un escalier qui menait directement à plusieurs bureaux, dont le mien. En gagnant la pièce, celle-ci était baignée de lumière et offrait une vue imprenable sur le centre-ville de Cannes. Un grand bureau en bois finement ouvragé ainsi qu'un fauteuil confortable se trouvait près des grandes fenêtres. Sur les murs se trouvaient des dizaines de cadres. Chacun refermait des diplômes ainsi que des photos de mes exploits culinaires, mais aussi la trace de mon expertise. Durant ces dernières années, j'avais acquis différentes certifications comme le diplôme en arts culinaires, le diplôme de chef cuisinier, celui de chef pâtissier ou encore des formations en gestion de la restauration. J'avais choisi de disposer ces cadres sous mes yeux afin de pouvoir avoir un rappel constant de mon expérience, mes compétences et de mon vécu. En m'installant à ce dernier, j'ouvris mon ordinateur portable pour consulter mon planning de la journée. La voix de Julia se rapprochait de ma portée, en levant un regard vers cette dernière, je m'exclamais sur un ton interrogateur.

— Julia, je vous sens particulièrement stressée, je me trompe ? Est-ce réellement l'arrivée de ce journaliste qui vous effraie ou est-ce plus profond ?

— C'est ce convive, la notoriété de votre restaurant, ce sont toutes vos années de dur labeur qui sont en jeu et j'ai l'impression que cela ne vous stresse pas, monsieur Jones. Et puis vous avez une interview avec ce dernier, vous savez comment sont les journalistes toujours à déformer les moindres paroles.

— Julia, je n'ai pas créé mon restaurant pour être au sommet, si j'en suis arrivé jusqu'ici ce n'est pas grâce aux journalistes, mais uniquement aux gens. Vous savez, le bouche-à-oreille aura beaucoup plus d'impacts et de résultat que de simples mots dans un journal. Allons, retournez à vos occupations, l'ouverture du restaurant arrive à grands pas et nos convives n'attendent pas.

— Très bien, monsieur Jones.

En tournant les talons, Julia quittait mon bureau en refermant la porte derrière elle. En mettant en veille mon ordinateur après avoir jeté un coup d'œil sur le planning de la journée, je détournai mon regard de l'ordinateur pour le concentrer vers les grandes baies vitrées qui offraient une vue panoramique du centre de Cannes. Je reçus au même moment une vibration provenant de mon téléphone, en le prenant en main, il s'agissait seulement d'une notification concernant les livraisons du restaurant. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas reçu le moindre message ayant pour but de me dessiner un sourire. Depuis dix ans maintenant, mon téléphone me servait seulement à contacter les prestataires, la presse ou encore les partenaires de mon restaurant. En constatant l'heure afficher sur mon portable et en sentant mon ventre gargouiller, je me rendis compte que j'avais oublié de prendre un petit déjeuner ce matin. En quittant mon bureau, me munissant de mon portefeuille, je quittais l'établissement afin de me diriger vers un café se situant sur la même rue que mon restaurant. J'aimais m'installer à la terrasse de ce dernier, cela me permettait de faire une pause et de déconnecter de mon statut de directeur. En m'approchant de la terrasse, je fus immédiatement reconnu par la serveuse qui vint m'accueillir avec un grand sourire charmeur. Elle devait sans doute avoir tout comme moi vingt-huit ans, elle avait la peau bronzée, une chevelure brune sous la forme d'un chignon. Tout en attachant son tablier, portant un plateau sous son bras, elle me questionnait.

— Bonjour, monsieur Jones, comment allez-vous ? Je vous sers un expresso ?

— Bonjour à vous, je vois que vous n'avez pas oublié ma commande.

— Oh, vous savez, je ne suis pas du genre à oublier les commande et encore moins les clients fidèles, lançait la brunette en me souriant de toutes ses dents.

— Cela m'enchante, rétorquais-je d'un sourire en creux de lèvres.

La jeune serveuse s'éclipsa ensuite, quant à moi, je pris un instant pour regarder la ville se réveiller. Des dizaines de camions de livraison stationnaient afin de décharger leurs marchandises, une foule de personnes allaient et venir dans tous les sens, le parfum frais du café et autres saveurs qu'émanaient de la terrasse. Un bruit de plateau ramenait mon attention, le serveur y déposait une tasse pleine au centre de la table. Je la remerciais d'un signe de tête en apportant la tasse à mes lèvres quant au même moment, elle s'exclamait à vive voix.

— Monsieur Jones, j'ai une question qui me turlute tous les matins et je me dis qu'il est peut-être temps de vous la poser, puis-je ?

— Bien-sûr, je vous écoute, mademoiselle, qu'y a-t-il ?

— Eh bien, je ne veux pas vous offenser avec ma question, mais tous les matins, vous venez vous asseoir à la même place, vous prenez la même chose et je me demande pourquoi vous venez ici boire un simple expresso quand on sait que votre restaurant est tellement immense que ce soit en termes de service ou bien de spécialité. Comme une évidence est si grand en terme de gammes qu'il pourrait contenir tous les restaurants de la rue au moins. À votre place, je ne sortirais même pas du restaurant pour boire un simple expresso, vous comprenez ce que je veux dire ? Questionnait la serveuse en s'installant à la chaise devant ma portée.

En posant ma tasse sur la petite assiette qui accompagnait cette dernière, je pris quelques secondes de réflexion avant de concentrer mon regard vers la brunette.

— Dois-je comprendre que je ne suis plus le bienvenu dans votre terrasse ?

— Oh non, loin de là, monsieur Jones, je suis désolée si ma question vous a mis mal à l'aise. Si mon patron apprend que je vous ai posé une question impolie de la sorte, je pense qu'il me virerait sur le coup. Pardonnez-moi, lançait la serveuse en se levant tout en baissant le regard vers le sol.

— Attendez, je vous rassure, j'ai compris le sens de votre question, ne vous excusez jamais d'avoir posé une question qui vous turlute. Si je viens ici tous les matins, prenant le même expresso, c'est pour vous.

— Moi ?

— Oui, vous, la foule matinale, les livreurs, les passants, les oiseaux, je pourrais passer toute ma journée dans mon restaurant tellement il est grand en superficie, mais également en dizaines de spécialités, comme vous dites. Mais moi ce qui m'intéresse, c'est de voir le jour, de rencontrer, d'apprendre et de prendre le temps de profiter d'une matinée, dégustant un bon expresso servi par une jolie femme tel que vous. Ai-je répondu à votre question ?

— Oui, monsieur, merci pour votre réponse, répondit la serveuse, l'air ravi.

En détournant le regard de cette dernière, je repris la tasse en main afin de finir l'expresso avant de me lever de la table. En glissant un billet de cinq euros pour le prix du café ainsi qu'en guise de pourboire, près de la tasse, je remerciai la serveuse en hochant la tête. En marchant le long du trottoir, j'aperçus face à moi, un jeune couple se baladant main dans la main, je pris quelques secondes à observer leurs complicités et leurs sourires. Je détournais ensuite mon attention sur ces derniers en les dépassant, l'union de ce couple d'inconnu me remémorait ma propre jeunesse passée. En essayant de fuir cette vague de souvenirs néfaste, accélérant ma démarche, j'aperçus au croisement de la rue, des dizaines de camions blancs dont sortaient de ces derniers différents meubles de style baroque. En m'approchant des véhicules, je me rendis compte qu'il s'agissait d'une boutique de luxe de prêt-à-porter féminin venant de s'installer au centre-ville. Une dizaine de portants défilaient sous mes yeux ainsi que de nombreux cartons, cela me réjouissait qu'une nouvelle boutique vint s'installer en ville. Cette boutique venait de prendre la place d'une ancienne boutique dont les responsables avaient fait faillites par manque de moyens. En me rapprochant de la devanture de la boutique, celle-ci attira soudainement mon attention. L'entrée était un véritable enchantement, des fleurs séchées de toutes sortes étaient habilement accrochées sur un treillis en bois. Cela formait un tunnel de couleurs et de parfums, les roses, les jasmins et les tournesols s'entremêlent, créant une arche florale. J'ignorais qui venait de s'installer dans cette boutique, mais cette personne avait le sens de l'accueil.

*** 

En revenant sur mes pas, regagnant mon restaurant, j'aperçus, comme à son habitude, une foule de personne enthousiastes à l'idée de se rendre dans mon établissement pour déjeuner. En souhaitant la bienvenue à quelques personnes proches de mon étreinte, je passai en un coup de vent dans le hall d'entrée pour atteindre la salle du bar. En me tenant près du comptoir, je saluais les équipes de serveurs venant de commencer leurs services. En tapotant mes doigts sur le bout du mobilier, je saluais les différents clients s'installant au bar. En levant les yeux vers l'horloge, cette dernière indiquait les coups de midi trente, en quittant la salle afin de me diriger vers la première pièce, j'aperçus face à moi, nul autre que le journaliste tant redouté par Julia. En posant mon attention sur ce dernier, qui posait son œillade dans les moindres recoins de mon établissement, une pensée me vint à l'esprit. Il ne perd pas une minute pour commencer sa critique celui-ci, pensai-je avant de m'élancer vers le journaliste. En souhaitant la bienvenue à ce dernier ainsi qu'à son épouse, je les invitais à s'installer à l'une des tables désignées par mon équipe de serveurs. Quelques secondes après, une présence féminine se tenait près de mon épaule.

— Relax, Julia, le journaliste qui vous effraie vient de faire son entrée. Agissez comme d'habitude et tout ira pour le mieux.

— Bien, monsieur Jones.

— Dites Julia, êtes-vous au courant de la nouvelle boutique qui s'installe plus loin dans la rue ?

— Une nouvelle boutique ? Non, monsieur, je ne suis pas au courant, souhaitez-vous que je me rende à cette dernière afin de proposer vos offres pour les commerçants de notre rue ?

— Pas besoin, cette personne se manifestera tôt ou tard au restaurant, comme à chaque fois. Je vous laisse gérer le service, je remonte dans mon bureau.

— Très bien, monsieur Jones.

En remontant dans mon bureau, passant devant les portes des cuisines, laissant sortir les doux parfums enivrant des saveurs des plats. Je pris un instant de réflexion, une envie en moi me poussait à entrer en cuisine et rejoindre le milieu dans lequel je me sentais chez moi. Je ne pouvais pas résister à cette envie très longtemps, je fis demi-tour afin de gagner les vestiaires. En ressortant de ces derniers, j'avais dit adieu à mon costard élégant pour porter mon ancien tablier de cuisine avec comme indications au col de ce dernier, un drapeau rappelant les couleurs du drapeau français.

En entrant dans la cuisine, les regards étaient tournés vers ma venue, après un lavage des mains, je m'orientais vers les différents cuisiniers afin de leur apporter de l'aide. Ces derniers me jetaient des regards intrigant et complice, mon action surprit plus d'un employé. Je n'aimais guère travailler derrière un bureau, j'étais si épanoui derrière les fourneaux, ce qui avait tendance à énerver Julia. Si j'étais devenu le directeur de Comme une évidence, c'était avant tout pour mon expertise et mes compétences culinaires. J'aimais tant le partage et transmettre le savoir à autrui. En aidant les commis ainsi que les chefs des différentes spécialités, j'étais alors dans mon élément. En les rejoignant, un flash-back m'apparut à l'esprit.

Le chef de cuisine formateur, habillé d'un tablier, s'adressait à la dizaine d'élèves sous ses yeux, en me mêlant au groupe, le chef annonçait à vive voix :

— Bienvenue en cuisine ! Aujourd'hui, nous allons apprendre ce qu'est le savoir culinaire français. Assurez-vous de suivre attentivement mes instructions et posez des questions si vous en avez. Les clés pour devenir un grand chef sont la pratique, la patience et la précision. Alors, mettons-nous au travail et créons de la magie en cuisine !"

Après des heures à travailler auprès de mes employés, à les motiver, mais également pour les soutenir. En positionnant les différentes assiettes sur les plateaux des serveurs, je sentis des regards se posait sur ma portée, en levant les yeux, j'aperçus Julia ainsi que le journaliste se tenir devant l'entrée des cuisines. En me dirigeant vers ces derniers, le journaliste, le sourire aux lèvres, s'exclamait.

— Je souhaitais m'entretenir avec vous, monsieur Jones, sur votre restaurant si prestigieux, mais à la place, j'ai eu le droit à bien mieux. Avoir l'opportunité de vous observer, vous impliquer activement dans les cuisines aux côtés de votre équipe. Votre dévouement à l'art culinaire et pour votre personnel est remarquable ! Vous jonglez entre les casseroles, les idées novatrices et vous maintenez une atmosphère de travail collaborative. Votre immersion de directeur au sein de vos cuisines est un exemple de leadership inspirant pour l'industrie de la restauration ! Je ne regrette en rien mon déjeuner dans votre établissement !

Les propos du journaliste me touchaient tant, mais je ne voulais en rien laisser apparaitre la quelconque émotion sur mon visage. En serrant la main du journaliste, le remerciant d'un léger sourire, je l'invitais à sortir des cuisines en le raccompagnant vers son épouse. En revenant sur mes pas, je tombais face à Julia, cette dernière croisait ses bras sur sa poitrine, le sourire malicieux, elle s'exprimait à voix basse.

— Bien joué, monsieur Jones ! Encore une fois, vous avez réussi votre coup !

— Vous devriez peut-être prendre exemple sur moi et rejoindre les fourneaux plutôt que de votre travail d'assistante, murmurais-je en saluant les convives aux loin.

— Mais qui va s'occuper de mes missions ?

— Dans notre restaurant, une aide se manifestera toujours à ceux qui ont en besoin, lançais-je en me tournant vers Julia.

Elle acquiesça silencieusement avant de s'élancer vers les serveurs, quant à moi, je repris mon rôle de directeur en intégrant mon bureau à l'étage.

***

La journée avait défilé, les coups de vingt-deux heures sonnèrent, il était temps de fermer le restaurant. Après un long nettoyage de la salle, des cuisines ou encore des meubles, le personnel sortirent de l'établissement. Ce fut également au tour de Julia de s'en aller, elle toquait à la porte de mon bureau, un manteau à la main.

— Monsieur ? Il est temps de fermer le restaurant, vous ne sortez pas ?

— Si, si, je termine quelques dossiers et je m'en irai. Rentrez chez vous Julia, à demain, lançais-je sur un ton solennel.

Julia disparut du coin de la porte une seconde après, en entendant le bruit du claquement des portes du restaurant, je me rendis compte que j'étais le seul encore présent dans l'établissement. En éteignant la lampe de mon bureau, saisissant mes clés de voiture, je verrouillai la porte de mon bureau avant de prendre congés. En descendant les escaliers, je pris le temps d'admirer l'ensemble des salles, des mobiliers, tout en me remémorant les centaines de souvenirs de ces dernières années. Depuis le jour où j'étais arrivé à Paris, j'avais acquis une multitude d'expériences, passant des dizaines de diplômes confondues autour du métier de restaurateur. Avant de sortir du restaurant, je m'arrêtais afin d'observer le hall d'accueil, me rappelant des réussites et des défis que j'avais dû affronter au fil des ans pour en arriver jusqu'ici. En éteignant les lumières, et fermant le restaurant à double tours, je me dirigeai vers l'emplacement de mon véhicule. En appuyant sur le bouton de ma clé de voiture pour déverrouiller cette dernière, j'aperçus deux grands camions blancs roulaient sous mes yeux. J'avais reconnus ces véhicules, il s'agissait des camions s'étant garés devant cette nouvelle boutique s'installant en ville. En n'y prêtant pas plus attention, j'intégrais le siège conducteur de mon véhicule.

En rentrant à la maison, le silence régnait, seulement les bruits de mes pas sur le carrelage en marbre résonnait. En m'approchant de la pièce à vivre, j'entendis le crépitement des buches au contact du feu dans la cheminée puis une voix apparue près de cette dernière.

— Bonsoir monsieur Jones, votre journée s'est bien passée ?

— Bonsoir Henri, oui, comme d'habitude et la vôtre ?

— Eh bien, tout s'est déroulé à merveilles également.

— Fort bien ! Bonne soirée à vous ! Lançais-je, le regard fuyant.

— Oh monsieur Jones, avant que j'oublie demain vous avez un rendez-vous à huit heures au restaurant, il s'agit d'une jeune journaliste qui tient un podcast. Elle aimerait vous poser des questions sur vous, mais aussi sur votre restaurant.

— Cela m'est sorti de la tête, merci Henri, vous devriez rentrer, il se fait tard et votre épouse doit déjà vous attendre.

— Oh, ne vous en faites pas pour mon épouse, je tiens à vous faire mon rapport comme chaque soir, monsieur Jones, cela me tient à cœur.

— Je vous en remercie.

— Je vous souhaite une belle soirée, monsieur, rétorquait Henri en s'habillant de son long manteau noir.

— Au revoir Henri.

Henri Beaumont était mon majordome depuis bientôt cinq ans. En ouvrant mon restaurant au centre-ville de Cannes, j'avais aperçu, non loin, une belle demeure laissée à l'abandon, envahit par les mauvaises herbes. Cette dernière était à l'origine celle d'Henri, n'ayant plus la force de s'en occuper, il cherchait en vain un nouveau propriétaire. La plupart s'étaient rendu compte de l'étendue des travaux à réaliser et n'avaient plus donné suite. Quant à moi, il a suffi d'une et unique fois pour pouvoir me projeter. Je lui avais donc fait une offre qui malheureusement était inférieur aux offres qu'on avait pu lui proposer antérieurement. J'ignorai pour quelle raison, mais Henri m'avait proposé à la place du prix de sa maison ses fidèles services. Henri faisait partie de ces personnes à voir le bien en chacun de nous, peut-être avait-il usé de ses pouvoirs lorsqu'il m'avait aperçu. Étant seul et ne connaissant que très peu de monde, j'avais donc accepté, mais aussi, car cela m'apportait de la compagnie. Malgré mon jeune âge, Henri, ne m'avait jamais considéré comme un de ces petits enfants du même âge que le mien. Le vouvoiement avait été instauré entre nous, une relation de confiance et de respect s'était alors créé. Henri et son épouse vivaient non loin de la demeure, ils étaient à quelques mètres, laissant le temps à ce dernier de pouvoir rentrer en toute tranquillité. Henri avait une cinquantaine d'années et n'était pas loin de sa retraite. Habillé d'un costume élégant, d'un sourire chaleureux, il avait un savoir-vivre ainsi qu'un savoir être irréprochable.

En laissant Henri quittait la demeure, j'en ressentis un léger pincement, ne souhaitant pas voir ce dernier s'en aller. J'avais passé dix longues années en vivant sans avoir la moindre compagnie, cela m'avait forgé. Je savais que je devais seulement énoncer quelques mots pour qu'Henri puise rester, mais cela serait fort égoïste de ma part. En chassant cette idée de ma tête, je détournais mon regard de la porte afin de le poser vers l'étage auquel se trouvait ma chambre, une longue nuit de sommeil m'attendait...

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