Chapitre 9 - Nina

Nina

Après quelques pas hors de la galerie, je retrouve mon souffle à mesure que la peur se dissipe.

— Pitié, plus jamais ! Mon cœur a failli lâcher à trois reprises.

— Ton sourire me raconte l'inverse, constate Adam sur un ton victorieux.

Il glisse à nouveau sa main dans la mienne aussi normalement que si c'était sa poche.

Le naturel dans nos échanges me réconforte et m'effraie. J'oscille entre l'envie d'arrêter tout de suite cette mascarade, de fuir cette relation qui ne sera qu'éphémère, et celle d'y croire, parce qu'après tout, Adam pourrait s'incruster dans mon existence avec la même facilité que dans ce vernissage.

— On va où maintenant ?

— Va savoir... Ce sera compliqué de trouver autant d'émotions fortes, m'avoue-t-il.

— Je ne suis pas fan des émotions fortes si tu n'avais pas remarqué.

Une expression d'incrédulité déforme ses traits ce qui le rend aussi mignon qu'agaçant.

— Mon offre de chercher ton clito tient toujours, m'annonce-t-il d'une voix suave, je pense pouvoir te réconcilier avec les sensations fortes.

Je reste muette un instant devant son excès de culot, puis je réalise qu'il me provoque et j'explose de rire.

Après avoir retrouvé mon calme, je lance :

— Je te propose plutôt de m'occuper du prochain rendez-vous !

— Aucun problème, me répond-il avec un sourire qui fait fondre mon cerveau.

Je refoule comme je peux le désir qu'il déclenche en moi depuis le début de la soirée en me concentrant sur le bonhomme rouge au feu devant nous. J'y vois un signe du danger qu'Adam représente si je n'arrive pas à garder mes distances. Je ne peux pas foirer les concours pour un mec une deuxième fois.

Tim avait toute sa place dans ma vie depuis plus de trois ans. On devait emménager ensemble dès l'obtention de nos diplômes. Il aurait eu son master de droit des affaires avant que je termine Polytechnique, mais j'aurais pu le retrouver tous les week-ends. Et puis, il y a eu un « imprévu ». C'est ainsi qu'il s'est justifié... Désolé, Nina, je n'avais pas prévu ce qui m'arrive. Ça m'est tombé dessus. Une jolie blonde à la bouche en cœur, ça tombe du ciel directement dans son lit, évidemment !

Après quelques centaines de mètres rythmés par la traversée de passages piétons, Adam finit par demander :

— Alors c'est quoi ton plan ?

Je pourrais rétorquer : Me concentrer sur moi, ne laisser personne contrecarrer mes ambitions ! mais à la place je réponds, résignée :

— Je n'en sais rien, je n'ai pas ton talent pour imaginer des rendez-vous...

— Faisons une pause, décrète-t-il en s'arrêtant de marcher.

Adam me fait face, nos mains toujours enlacées. Son regard plonge dans le mien et désarme mes réticences et mes doutes. Je résiste avec difficulté à l'envie de me blottir dans ses bras.

— En attendant que tu aies une idée, ce que ton cerveau très performant ne manquera pas d'avoir, je te propose un petit spectacle, m'annonce-t-il en lâchant son sac au sol.

Il retire son cuir et me le tend, avant de reculer de plusieurs pas. Il fait craquer sa nuque, puis commence à relever son polo, exhibant une série d'abdos qui donne envie de réviser la table de 6. Nina, reprends-toi !

— Non, mais tu fais quoi ?

— J'enlève mon tee-shirt, me confirme-t-il avec malice en passant la main sur son ventre ferme. Ça ajoute un plus à mon show, mais c'est pas indispensable...

Je secoue la tête, incapable d'anticiper ce qu'il veut me montrer.

— OK, je le garde. Bouge pas.

Il vérifie que personne n'arrive à droite et à gauche puis prend quelques pas d'élan avant d'exécuter un salto.

— Whaaat ? je m'écrie. C'est fou !

— Et tu n'as pas tout vu. Laisse-moi le temps de m'échauffer.

Adam tombe au sol pour réaliser une série de pompes rapides. Je l'observe un peu perplexe en serrant sa veste contre ma poitrine. Il se relève et agrippe un des barreaux de fer qui protège la fenêtre d'un appartement au rez-de-chaussée.

— Tu n'arriveras pas à la tordre, superman !

Concentré, il ne répond pas à ma moquerie. Les bras écartés et tendus, il lance une jambe, puis gaine l'ensemble de ses muscles. Son corps s'élève à l'horizontale comme une planche, lévitant à un mètre cinquante au-dessus du sol. Il tient la position plusieurs dizaines de secondes avant de reposer les pieds.

— Oh la vache ! je m'exclame en collant son cuir contre ma bouche pour étouffer ma stupéfaction.

Il masse ses biceps endoloris par l'effort avant de tendre la main pour récupérer sa veste. Mais au lieu de lui rendre, je la laisse tomber et fonds sur lui. Mon corps réclame le sien maintenant, sans que mon cerveau ait son mot à dire. Mon attirance est aussi puissante qu'un aimant de centrale nucléaire.

Son dos s'écrase sur les barres de métal glacé. Mon visage percute le sien. J'enfonce mes doigts dans ses cheveux, les glisse jusqu'à sa nuque et la serre sans douceur. Je veux retenir contre moi l'insaisissable Adam.

— Nina, attends, souffle-t-il contre ma bouche.

Sa voix calme me ramène au réel. Les bras plaqués le long du corps, il n'a pas bougé. Terrassée par la honte, je n'ose plus faire un geste. J'aimerais qu'un séisme ouvre une large faille sous mes pieds et m'aspire jusqu'au noyau terrestre.

— Nina, m'implore-t-il, putain j'en crève d'envie aussi. Te méprends pas !

Il appuie son front contre le mien, j'inspire quand il expire. Dans cette bulle, je ressens une connexion intense et un vide absolu.

— Avant qu'on aille plus loin, murmure-t-il, je veux que ce soit clair : c'est juste pour cette nuit.

— Juste pour cette nuit.

Je répète ces mots sans trop savoir à quoi je m'engage ni pourquoi c'est si important pour lui. En cet instant, il pourrait bien me demander de réciter les décimales de Pi en grec ancien, je m'exécuterai.

Le silence de nos respirations s'installe sans aucun de nous n'ose initier un mouvement.

— C'est juste que c'est compliqué en ce moment, cherche-t-il à se justifier.

— Adam, pitié, si tu n'en as pas envie, ne m'épargne pas. Je m'en remettrai.

Je m'apprête à faire un pas en arrière, rompre le contact entre nos corps, quand il rabat ses bras dans mon dos. Ses lèvres frôlent les miennes, la vibration de son souffle me fait frissonner.

— J'en crève d'envie, susurre-t-il.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top