Chapitre 3 - Adam

Adam

J'effrite le mégot de ma clope roulée pour éviter de chercher une poubelle.

Mes yeux sont secs à cause de la fatigue. Je ne dors pas assez en ce moment. Je m'étire et dénoue mes épaules. J'hésite à remonter. De la musique s'échappe par la fenêtre ouverte. Deux mecs se partagent un joint, accoudés au garde-corps en fer forgé. Un peu de beuh calmerait sans doute la migraine lancinante qui pulse sous mes tempes.

Et puis là-haut, il y a cette fille, Nina Guillot. Tout juste habillée d'un short minuscule et d'un débardeur. Ses longues jambes à la peau mate et ses tétons qui pointent sous le coton. Tout ça tourne en boucle au fond de mon crâne, comme si j'étais un gamin de 15 ans, shooté aux hormones.

Je roule une deuxième cigarette pour occuper mes doigts nerveux.

J'ai cru que l'attirance était réciproque mais quand elle a refusé un simple café, j'ai compris que j'avais tout faux.

Je regarde mon téléphone en me demandant avec quel pote je pourrais rejoindre maintenant. Peut-être mon collègue Vince, dont la cousine est en école d'infirmière. Il me tanne tout le temps pour que je l'accompagne à l'une de leurs soirées.

Mais je ne veux pas faire la fête.

Là, j'avais envie de Nina Guillot, de m'accrocher à ses longues boucles brunes, d'écraser ses seins minuscules entre mes doigts et me brûler la langue sur sa peau.

Putain ! Oublie, Adam.

Au moment où je me décide à partir, la porte de l'immeuble s'ouvre. Encore perdu dans mes pensées, je sursaute. Nina s'en aperçoit et se moque d'un petit rire mignon.

Elle porte toujours ce manteau beige. J'imagine ce qu'il recouvre et mon cerveau s'emballe à nouveau.

— Tu n'avais pas le code pour remonter ?

J'ai un instant l'espoir dingue qu'elle est revenue me chercher.

— Non, j'avais juste besoin de prendre l'air. J'ai mémorisé le digicode tout à l'heure.

— OK ! Bon j'y vais alors, s'exclame-t-elle en douchant tous mes désirs.

Elle me tourne le dos, mais je veux tenter une dernière fois ma chance.

— Attends, Nina ! Tu vas où ?

Elle me jette un regard de côté que je ne parviens pas à décrypter.

— Je vais à la bibliothèque du centre Pompidou pour réviser. Il y a trop de bruit chez moi.

— À 19 h 30 ?

Elle acquiesce, comme s'il n'y avait rien d'étonnant, et je ne trouve rien d'autre à dire que :

— Parfait, je t'accompagne.

— À la bibliothèque ?

Pitié, Adam ! On dirait un stalker.

— Non, juste au métro. J'allais dans cette direction de toute façon.

Elle me jauge, avant de poursuivre :

— T'as compris que je n'avais pas le temps de flirter ?

C'est direct et sans appel, et ça me flingue plus que ça ne le devrait.

— J'avais pigé, ouais, t'inquiète.

Satisfaite, elle continue sa progression jusqu'à la bouche de métro la plus proche.

On s'engouffre dans une rame déjà bondée. Je tends le bras et repousse la fenêtre pour nous créer un espace protégé au milieu des passagers.

— Merci, murmure-t-elle, si proche de moi que je m'enivre du parfum sucré de son shampoing.

À chaque arrêt comme à chaque secousse de la rame, Nina se love, malgré elle, contre moi. Alors qu'une succession de pensées obscènes m'assaillent, je décide de reprendre le contrôle en discutant :

— Ça ne craint pas la bibliothèque le soir ?

— Non, il y a souvent beaucoup de monde. On est parfois obligé de faire la queue. J'espère que ça sera pas le cas d'ailleurs.

— La queue pour rentrer dans une bibliothèque ?

Mon ton halluciné la fait marrer.

— Oui, Beyoncé traîne régulièrement au rayon « Histoire et géographie », tu n'étais pas au courant ? Sinon comment expliquer l'affluence dans un lieu aussi mortel ?

Je secoue la tête en riant.

La rame ralentit.

— On arrive à Châtelet, constate-t-elle.

Les battements de mon cœur s'accélèrent au moment où je réalise qu'elle s'apprête à sortir.

— Bon, bah... salut ! dit-elle d'une voix peu assurée avant de m'écraser une bise ridicule sur la joue.

Elle pose le pied au sol, puis avance et se laisse embarquer par le flot de passagers qui sort du wagon en même temps qu'elle. Je la regarde s'éloigner sans bouger. Le bip strident annonçant la fermeture des portes me tire de ma léthargie et je saute in extremis sur le quai.

Je crie son prénom plusieurs fois, mais le son de ma voix est couvert par le métro qui démarre. Dans cette station, sans aucun doute la plus fréquentée de Paris, je ne vais jamais la retrouver. Je lève le nez à la recherche d'un panneau m'indiquant la sortie la plus proche, avant de remarquer que la foule se scinde en deux pour contourner Nina, qui s'est arrêtée. Sur la pointe des pieds, elle regarde au-dessus des passants. Quand nos regards se croisent, j'ai la certitude qu'elle est soulagée de me voir.

— Beyoncé pourra me signer un autographe, tu crois ? je lui demande en arrivant à sa hauteur.

Elle mord sa lèvre inférieure pour éviter de sourire.

— Elle n'est pas si incroyable qu'on le dit, j'espère que tu ne seras pas déçu.

Les iris noirs de Nina pétillent d'amusement, déclenchant en moi une irrésistible envie de continuer à faire l'idiot.

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