Tranche de vie

Elle déambulait dans le salon, marchant à quatre pattes en babillant les mots appris à la crèche : « papa ». Elle semblait joyeuse de connaître de nouveaux mots et regarda sa maman. Celle-ci tiqua à l'appellation puis haussa les épaules. Après tout elle voulait comprendre.

Elle avait 2 ans.



Elle était sur le chemin de l'école, sa main dans celle de sa mère, chaude et réconfortante, posant des questions sur son père. Ses paroles jamais ne se tarissaient tandis qu'incessamment elle parlait sur son papa. Elle voulait apprendre.

Elle avait 5 ans.



Elle ne comprenait pas les mauvaises blagues. Les yeux perçants des parents et les sourires ironiques qu'ils lui donnaient. Les mauvaises langues qui dans son dos s'activaient. Elle était perdue, seule avec sa maman. Elle pleurait souvent, essayant d'apprendre, de comprendre. Tout était trop dur. Elle entendait des mots incompréhensible, dirigés vers elle : « bâtarde, indésirée... ». Elle ne savait pas ce que c'était et continuait de sourire. Sa maman, elle, l'aimait.

Elle avait 8 ans.



Elle écoutait sa maman lui raconter leur histoire. Tel Roméo et Juliette, il avait vécus un amour interdit. D'amour et d'eau fraîche, la vérité est bien plus rêche. Des mensonges doux et des promesses, ils avaient entretenus cinq ans d'amour et de tendresse. Un rêve qu'elle voulait vivre, persuadée d'un beau conte de fée.

Elle avait 11 ans.



Elle écoutait les sonneries, impatiente et anxieuse. Pourtant ce n'était que le répondeur qui mécaniquement ânonnait. Ses larmes souvent coulaient mais son sourire les effaçaient. Ce n'était qu'un passage, une étape. Le jour où la voix répondit, l'appel ne dura qu'un instant, court moment d'existence. Son cœur bondit dans sa poitrine, sa voix trembla doucement. Il comprit rapidement, le bip retentit finalement. Il avait raccroché.

Elle avait 15 ans.



Elle l'appelait encore, voulant lui annoncer. Elle avait fini, elle avait réussi. Toujours le répondeur, au message incessant. Elle laissa tout de même quelques mots importants : « Papa, j'ai mon bac. ». Plus tard, elle apprit que la vie de cet homme n'avait été que mensonge, que ses paroles à sa maman n'avaient été que doux poison. Mensonge douloureux et blessant, qui de sa mère glacèrent le sang.

Elle avait 17 ans.


Elle attendait derrière le combiné, les sonneries se répétant inlassablement. La voix métallisée répondit finalement : « le numéro que vous demandez n'est pas attribué, veuillez contacter le service des renseignements. ». Une larme coula, son cœur se serra. Lentement, elle murmura, se répercutant dans le message enregistré : « bonjour Papa, j'ai 18 ans. ».



Ce n'est qu'une histoire, une tranche de vie, ce n'est que mon histoire, ma tristesse établie. Que cela vous touche ou passe, ce n'est que ma vie, sans artifices. Ce n'est que ma faiblesse, un coup de glaive en plein cœur, ma définie douleur. Que l'on y crois ou non, que celui qui n'a jamais fauté, me lance la première pierre.


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