15. Le professeur

- Ça va, mec ? Me demande Xiumin en me secouant par les épaules.

Nan. Nan, clairement ça va pas du tout, là.

Si maintenant je devais te faire un putain de draw my life, je saurais même pas par où commencer. Ma vie est une sorte de désastre sans fond. C'est dingue, à chaque fois que j'imagine qu'il ne peut rien m'arriver de pire, j'arrive toujours à être surpris. À croire que je suis voué à être poursuivis par les mêmes fou furieux, encore et encore. J'ai l'impression d'être un volant de badminton que les joueurs s'envoient façon uppercut, dans la gueule.

Mais plus sérieusement... Jin ? Professeur de maths ? C'est soit la meilleure, soit la pire blague de toute l'histoire des blagues, et dieu sait que j'en connais un rayon.

- Jungkook ? Allô ? Y'a moyen d'entrer en contact avec toi ou l'un de tes neurones ?

On parle quand même du mafieux le moins crédible de toute la Corée. Celui au passé louche, au lien mystérieux avec Taehyung et... clairement à la sexualité ambiguë. Il va mourir puceau, j'vois que ça !

Très franchement, je me pose pas mal de questions. En plus de me demander ce qu'on graille à la cantine ce midi, j'veux dire. Beaucoup de choses se bousculent dans ma tête.

Est-ce que ce gars va me faire foirer mon année ?

Très certainement.

De toute façon, est-ce que je suis sûr de finir cette journée en vie ?

J'ai peu d'espoir.

Est-ce que ce gars s'est fait chier à passer son master en mathématiques ?

Ah ah, lourde blague !

Est-ce qu'il est aller jusqu'à zigouiller mon prof de math pour prendre sa place, ou est-ce qu'il s'est contenté de prendre sa famille en otage ?

Aucune idée.

Est-ce que les pingouins ont des genoux ?

C'est une bonne question.

- Combien tu vois de doigts ? ... Et celui-là, tu le vois connard ?

Je jette un coup d'oeil à Jin, ou plutôt à son dos, parce que là, il est occupé à écrire des tonnes d'équations compliquées au tableau.

...Argh ! Le simple fait de voir des lettres au milieu d'autant de symboles me fout la gerbe. J'ai l'impression d'être témoin de la naissance de l'enfant moche et non désiré d'un livre de français et d'un manuel de math, après une soirée trop arrosée.

Moralité de la matière : Protégez-vous.

- Mec, si tu parles pas, est-ce que tu pourrais au moins fermer la bouche, y a comme une odeur qui me fait penser que tu t'es pas lavé les dents récemment...

La cloche sonne, et tout le monde se met bien gentiment à ranger ses affaires, sans même se rendre compte qu'un dangereux psychopathe vient tout juste de leur faire cours.

Ahhhh la vie et ses surprises...

- Et n'oubliez pas les exercices pour demain, je ferais passer l'un d'entre vous au tableau ! Hurle Jin, dans le brouhaha des chaises.

OK. 

J'veux bien avouer qu'à première vue, moi non plus j'ai pas l'impression d'avoir échappé à la mort, ou même d'avoir eu affaire à un dangereux psychopathe. Mais c'est qu'il cache bien son jeu le bougre ! On parle quand même de l'homme qui m'a séquestré et torturé pendant des semaines, je m'attendais au moins à une prise d'otages, à des pleurs, des cris, du sang et des tas d'autres trucs dans le genre. Et au final, tout ce qu'on a eu, c'est Yoona qui se coupe le doigt avec une feuille ?! Une PUTAIN DE FEUILLE ?!

Choqué, déçu. Mais bon, si on continue sur cette lancée aujourd'hui, je verrai peut-être demain se lever, qui sait ?

Je me mets moi aussi à ranger mes affaires, lorsque Jin s'éclaircit la voix et m'interpelle.

- Jeon Jungkook ? M'appel t-il, comme s'il avait peur de se tromper de prénom.

Fait pas genre, tu sais très bien comment je m'appelle trou du cul.

Je ne réponds pas. La journée a trop mal commencé, ça me ferait chier que ce soit la dernière. Tandis que je presse le pas en direction de la porte, Xiumin m'arrête.

- Le prof t'appelle mec, t'as pas entendu ?

Je ravale ma salive, mes larmes et mon envie de lui arracher la langue, avant de lui répondre.

- Ah bon, t'es sûr ? J'ai rien entendu moi.

Je lui écrase le pied de tout mon poids en lui offrant le plus beau sourire que j'ai en stock. Il hurle un bon coup et me regarde sans comprendre, mais au moins, il la ferme. Et c'est pas plus mal.

- Monsieur Jeon, j'aimerais vous parler, me rappel Jin depuis son bureau.

Oui, et moi fuir très loin, mais visiblement la vie a décidé de me contrarier aujourd'hui.

Son sourire me donne envie de lui arracher dent après dent, est-ce que c'est normal, ou bien les tendances psychopathes de ce mec déteignent sur moi à mesure qu'on reste dans la même salle ? Parce qu'à ce train là, je pense que j'explose la gueule du premier con qui me demande un stylo, d'ici la fin de journée.

- Je t'attends en cours, me lance Xiumin en boitant.

J'aurais dû lui écraser le pied plus fort... La dernière personne à quitter la salle referme la porte derrière elle, et le sourire aimable de Jin disparaît aussitôt.

- Bordel, personne ne m'avait dit que les enfants étaient si chiants ! Se plaint-il.

- Bon, qu'est-ce que tu me veux le sac à merde ?

Petit moment de silence.

- C'était blessant ça, chouine Jin?

- Mais partiellement mérité, tu l'avoueras.

- Dis-donc, je te savais pas rancunier gamin...

D'un geste vif, il sort de sa poche de pantalon, une lame de cutter, mais avant qu'il n'en fasse quoi que ce soit, je lui attrape le poignet pour la lui arracher.

- En tout cas une chose est sûre, tu te débattais pas autant, ligoté sur ta chaise.

T'as tout dit. J'étais l-i-g-o-t-é. Est-ce que tu connais, ne serait-ce, que le principe ?

- Mais qu'est-ce que tu me veux, bordel ?

- Moi ? Rien de spécial, tu me manquais, c'est tout !

De l'autre main, il sort de sa manche un petit couteau, et avant que je ne me recule, m'entaille la joue.

- Conduit moi à Tae. M'ordonne t-il.

... Nan, vraiment ? On en est vraiment arrivé là ?

- Sérieusement ? Mais pourquoi moi ? Je chouine. Pourquoi ce mec me porte la poisse à ce point ?

- Hein ? S'interroge Jin, l'air de pas comprendre ma réaction.

- Je suis pas votre mère les gars, à quel moment vous allez imprimer ça dans vos petites têtes ?

- Je te demande pardon ?

- Vous avez pas besoin de mon accord pour vous rendre visite, ou même vous entretuez ! J'en ai rien à s'couer et d'ailleurs, Dieu seul sait où il est en ce moment... Sur une île, aux Bahamas, ou bien dans sa baraque de barge, en train de chuchoter des mots d'amour à son reflet pendant que ses gardes ont le dos tourné. Y a que lui pour faire des trucs aussi tordu !

-  C'est pas tordu !

... Ah. Aurais-je touché une corde sensible ?

- Tu veux qu'on en parle ? Je lui demande en posant une main sur son épaule.

Il ne prend pas le temps de me répondre que son couteau me passe sous le nez. J'en déduis donc qu'il n'est pas ouvert à la discussion.

Mouais. Il pouvait tout aussi bien le dire avec des mots.

- Plutôt me faire épiler la tête par un graveur de timbres !

Hum... D'accord, oui... Est-ce que tu as pris tes médicaments ce matin, Jin ?

Il ne perd pas de temps en bavardage et me file un coup de pied dans l'estomac qui me fait tomber à la renverse. Je m'écrase contre le bureau derrière-moi.

Bordel, mais c'est qu'il frappe fort l'enfoiré ! Le bureau s'est carrément fendu sous le choc.

Jin bouscule quelques chaises en s'approchant de moi, et par réflexe, j'en choppe une à la va-vite. Je lui agite sous le nez, de sorte à garder une certaine distance de sécurité entre lui et moi. Il tente de me planter au couteau à plusieurs reprises et je riposte en lui écrasant la chaise sur le coin de la gueule. Manque de pot, il se protège in extremis à l'aide de ses avant bras, et perd son couteau, mais la chaise se brise en morceaux.

OK d'accord... Je dévisage les morceaux au creux de mes mains. Je m'attendais pas vraiment à ça, mais en même temps, faut dire que ces chaises doivent au moins avoir l'âge de ma grand-mère.

- Bordel, mais elles sont faites en polystyrène ou quoi !?

Les manches du costume de Jin sont déchirées, et me laissent entrevoir les barres de métal qu'il s'est préalablement fixé aux poignets. Sûrement en prévision de notre altercation.

OK.

Le mec se lève le matin avec l'envie de faire cours, mais aussi de tabasser quelqu'un dans la même journée. Si ça c'est pas de l'organisation, je sais pas ce que c'est...

Il lorgne son couteau tombé à terre tout à l'heure mais d'un coup de pied je l'envoie valser au fond de la pièce, sous l'étagère. Jin ne laisse pas abattre pour autant et attrape les barres de métal à ses poignets. Il commence alors à les agiter dangereusement dans ma direction. Pris de cours, je choppe le premier objet qui me tombe sous la main pour riposter.

Un balai.... Eh bah nickel. Autant dire que je suis mort à ce niveau ! 

Jin sourit. Il frappe une première fois dans ma direction et j'esquive de justesse. Puis une seconde fois, mais cette fois-ci, je me protège avec le manche du balai, qui se brise comme une brindille au creux de mes mains.

Super.

Comment te dire que t'es pas chez ta mère en fait ! T'as pas tellement le droit de briser tout ce qui te tombe sous la main, surtout si facilement, parce que bordel c'est rageant !

- Hum... On peut discuter, tu penses pas ? J'veux dire, la journée fait que commencer, on a tout le temps de mettre les choses au clair, non ?

- On discutera quand j'aurais fini de m'amuser un peu avec toi. Et puis, avec un peu de chance, Tae va débarquer pour te filer un coup de main et je ferai d'une pierre deux coups !

- Mais puisque je te dis que j'ai plus rien à faire avec lui ! Pourquoi tu voudrais qu'il débarque ?

Je recule, encore, encore et encore, et contre toute attente, je finis par rencontrer une surface plate, dure et froide. Je crois qu'on appelle ça un mur, mais j'ai plutôt envie de dire que c'est la cause de ma morte imminente.

Quand Jin se penche au dessus de moi avec son air supérieur, je ne peux pas m'empêcher de dévisager son double menton et les nombreux autres trucs qui lui pendent du nez. Bordel, il héberge une famille entière là-dedans ou c'est comment ?

Pour m'éviter d'avoir à supporter cette vision d'horreur, je tourne la tête en direction de la porte, qui me semble bien loin maintenant. Soudain, l'un de ses joujou métallique se plante violemment entre moi et la sortie, histoire de bien me faire comprendre qu'il y a pas moyen de s'échapper de cette entrevue.

- Eh bien alors, déjà fini ? Je suis à peine échauffé... Plaisante Jin.

C'est ça, rajoutes-en une couche !

- Mais je dois avouer que c'était marrant de jouer avec toi, ça me donne envie de te faire agoniser lentement.

Qui aurait pu prédire que la dernière chose que je ferais de ma vie, c'est des maths ?

- Hein ? Mais t'avais pas dit qu'on allait parler ?!

- Pourquoi faire ? Puisque tu m'as gentiment avoué que tu n'avais plus aucun lien avec Tae  tu ne m'es donc plus d'aucune utilité.

Alors que Jin s'apprête clairement à me refaire le portrait, au point que même ma propre mère ne me reconnaîtrais plus, quelqu'un toque à la porte. 

Pendant quelques secondes, on échange avec Jin, un air coupable, les yeux vides et la bouche pincée, comme deux adolescents pris en pleins préliminaires. Non mais qui est assez con -ou bon- pour venir interrompre ma mise à mort ? Manquerait plus qu'un abruti est oublié sa trousse et je me tape la plus grosse barre de toute ma vie.

Lorsqu'on toque à nouveau à la porte, j'ai presque envie de lâcher un petit " Y'a personne ", juste pour déconner. Mais après mûres réflexions, c'est peut-être pas le moment idéal pour lâcher une vanne. Et puis si jamais quelqu'un entre maintenant, y 99% de chance qu'elle se fasse zigouiller. Et je sais pas vous, mais j'ai pas spécialement envie d'avoir la mord d'un gars lambda sur la conscience. Surtout si je dois mourir tout de suite après lui.

Les secondes passent dans le silence, tandis que Jin continue de maintenir son arme au dessus de ma tête. Et c'est même pas ça le pire. Non, le pire c'est d'avoir son aisselle à genre, 2 centimètres de mon nez. Avant de mourir, je saurais que Jin est du genre à suer dès 8 heures du matin.

Mais étonnament, j'aurais préféré ne jamais le savoir.

L'ombre sous la porte finie par s'éloigner.

- On va pouvoir reprendre ! Sourit Jin.

Bordel ! Alors lui, il s'est clairement pas laver les dents non plus. J'ai les yeux qui pleurent tout seul tellement l'attaque chimique est violente. On part donc sur un gars qui empeste de manière générale.

Son arme est à quelques centimètres de s'abattre sur moi, quand quelqu'un défonce la porte à grand coup de pied. Et contre toute attente, c'est le power ranger rouge qui apparaît fièrement.

- Je dérange peut-être ? Demande t-il en ramassant la porte d'un air gêné.

Non, ça va.

- Jimin ? S'interroge Jin.

- Tiens ! S'exclame t-il. Comment ça va Jin ? Alors, toujours du côté des méchants ?

- Bah, comme tu vois, dit-il en me jetant un petit coup d'oeil. Là routine quoi ! Mais et toi ? Qu'est-ce que tu fous dans le coin ?

- Je suis là pour lui aussi, avoue t-il en me pointant du doigt.

- Pas de bol, j'en fais déjà une affaire personnelle... Je ne te le laisserais pas !

Le fameux Jimin sourit.

- Ah moi non, mais à lui... y a des chances.

Tout à coup, un Namjoon sauvage apparaît. Et la différence de taille est genre... impressionnante ? Non mais sans rire, il a toujours été si petit ce gars ?

- Salut Jin, lui sourit-il.

Bordel, c'est l'exécution la plus longue de toute ma vie... Pas que j'en ai connu plusieurs, mais putain c'que c'est long !

- On est venu chercher le gamin, affirme t-il.

Jin réfléchit, avant de baisser son arme.

- Vous l'emmener voir Taehyung, c'est ça ?

Quoi ? C'est que j'ai pas spécialement envie de le revoir lui non plus... Et d'ailleurs, est-ce que quelqu'un peut me demander mon avis, dans tout ça ? ...Non ? OK, c'est bon, j'ai compris.

- Oui, répond Namjoon.

- Très bien, alors emmenez-moi avec vous.

Super, ça promet une chouette balade...


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Nan mais sans rire, les pingouins ont des genoux, ou pas ?

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