14. L'école

Quand mon réveil sonne, je suis déjà debout, habillé et prêt à partir. Ne manque plus qu'à trouver où se cache cette putain de motivation, et on est bon j'pense.

- Mon chéri, chochotte ma mère.

Elle toque à la porte et entre, sans me demander mon avis.

- Déjà debout mon lapin ?

Alors déjà... Pas ouf comme surnom. Surtout à mon âge. Je serais sans aucun doute capable de perdre toute crédibilité pour bien moins que ça, alors s'il te plaît, respecte-moi un minimum.

Et puis sinon... Vraiment ?

J'veux dire, je suis debout, seul, dans le noir et dans un coin de la pièce à faire les cent pas. J'pense que c'est évident pour tout le monde que, en plus d'être légèrement chelou, je suis plutôt bien réveillé. Pour que ce soit encore plus clair, faudrait peut-être que je jongle sur un monocycle, avec des quilles enflammées, un couteau dans la bouche, tout en récitant mon dernier cours de latin ?

N'en dîtes pas plus, je sais que vous avez l'image.

- Maman... Je souffle. Tu voudrais pas attendre que je te réponde au moins, avant de débouler comme ça dans ma chambre ?

Elle fronce les sourcils.

- Et comment je fais si tu es encore en train de dormir ?

Facile. Tu me laisses dormir.

- Et comment tu fais si j'suis en train de me branler ?

- Mais non, ce n'est pas encore de ton âge ce genre de choses-là voyons ! Rigole t-elle.

Ouaaaaw. 

J'ai pas les mots. 

Alors tu fais donc partie de cette catégorie mystique de parents qui pensent encore que leurs enfants bois aux biberons, même à 18 piges ? DUR. Très dur.

- Désormais, je me lèverai tout seul, pas besoin de venir me réveiller.

Elle me regarde, des étoiles plein les yeux et un sourire béat sur le visage.

- Dis donc, cette école t'a métamorphosée ! Depuis ton retour, tu es prêt avant ton réveil, sans compter que tu deviens de plus en autonome.

Ah ah ah ah, si seulement elle savait...

Elle ferait certainement une syncope. Et clairement, c'est pas une bonne idée car je suis un individu totalement irresponsable, qui n'est pas capable d'effectuer les gestes de premiers secours ou même de se souvenir du putain de numéro des urgences.

Alors, non.

Lui avouer que cette prétendue école n'a jamais existé -bien que Taehyung soit carrément allé jusqu'à lui créer un site internet officiel pour rendre le truc un minimum crédible-, et qu'il y a juste une entreprise chelou, où trainent des putains de sociopathes au nombre de délits aussi nombreux que toutes mes gastro-entérites réunies, n'est pas une bonne idée.

Déjà qu'elle pense que je bois encore au biberon, alors si je lui apprend qu'elle m'a livrée sur un plateau d'argent à un pervers, tripoteurs de tétons, aux mains baladeuses, ce serait la fin.

Bref. 

Taehyung est un menteur. Et un connard. Mais surtout un menteur dans ce cas-là.

Et franchement, j'sais pas par quel miracle il a réussi à convaincre tout le monde qu'une prestigieuse école m'avait recrutée grâce à mes aptitudes en claquettes espagnoles, mais soit il est très fort, soit ils sont tous consanguins et leurs parents avaient l'habitude de confondre le lait en poudre avec la lessive.

De loin l'explication la plus logique que j'ai pu trouver à cette histoire.

- Bon, descend, le petit déjeuner est prêt, m'annonce t-elle en quittant ma chambre.

Le point positif dans tout ça, c'est qu'au moins, mes parents n'ont pas eu conscience de m'avoir vendu. Et ça, c'est cool ! Désespérant, mais rassurant.

En sortant de ma chambre, je croise mon père, qui remonte ses lunettes, du bout des doigts.

- Salut fiston, me salut-il d'une claque dans le dos.

Putain, les gens en auront vraiment jamais assez de me frapper.

- Alors ? Comment va notre champion ce matin ?

Je lui souris. À la fois parce que je ne sais pas quoi lui répondre, et que je ne sens plus mon omoplate.

- Quoi ? T'as perdu ta langue ? Me secoue t-il.

Non. Mais s'il continue comme ça et avec la chance que j'ai en ce moment, y a grave moyen que je me la morde si fort que je ne puisse plus parler à vie. Contraignant tout de même.

J'aimerais pouvoir insulter encore un peu les gens.

- Non, non, je vais bien, et toi, toujours aussi vieux ?

Je ris de ma propre blague, mais c'est surtout pour dissimuler le blanc intersidéral qu'elle a causé. J'ai légèrement l'impression qu'il s'apprête à me défoncer. Mais fort heureusement pour moi, je sais que la seule chose qui le retient encore de le faire, c'est que ma mère est en bas, et que lui aussi risque de se prendre une raclée.

Ahhhh... Les biens-faits de l'amour maternel.

- Aujourd'hui aussi, ton ami t'attend, change t-il de sujet.

Bordel de tagliatelles mal préparées, manqué plus que ça pour égayer ma matinée.

Je descends dans la cuisine, où ma mère à préparée un véritable festin, capable de me rassasier moi, et sûrement la moitié de la population Somalienne. J'attrape une tartine et l'engouffre dans ma bouche, quand la sonnerie de la porte retentit. Je grogne, tandis que ma mère, toute guillerette se recoiffe en allant ouvrir.

- Bonjour jeune homme, vous arrivez pile à temps pour le petit déjeuner, chantonne t-elle.

Namjoon entre et se déchausse poliment.

- Oh, merci madame, vous êtes trop bonne, répond-il en lui adressant un regard à la limite de l'indécence, qui me fait recracher mon jus d'orange sur la table.

Bah nickel, encore un petit déj' de foutu en l'air, R.I.P les petits somaliens.

- Oooh ! Jungkook, mais qu'est-ce qui te prend voyons ? Il ne reste plus rien pour Namjoon maintenant...

Ni pour les petits somaliens, mais est-ce qu'ils s'en plaignent eux ? Nan, j'crois pas !

Namjoon est mort de rire derrière ma mère et je ne peux pas m'empêcher de le fusiller du regard. Dire que cet abruti m'a pourri tous mes petits déj' depuis 4 moins, et voilà que maintenant il me poursuit jusque chez moi... Pincez-moi, ou bien faite lui du mal.

- Ne vous en faite pas madame Jeon, j'ai bien dîner hier soir, je n'ai pas très faim de toute façon.

Ma mère est encore en train de s'excuser platement, quand je décide d'attraper mon sac et d'embarquer Namjoon hors de la maison avant que ça ne devienne vraiment trop gênant.

- Ta mère est sympa, lâche t-il quand on passe le portail de mon jardin.

- Arrête de la draguer sale psychopathe aguicheur de mamans !

- Que veux-tu, c'est un sacré cordon bleu, je m'en voudrais de passer à côté de ses petits déjeuners !

Je tente de lui filer un coup de coude dans les côtes, mais il esquive habilement le mouvement. Raaaahhh... Ce qu'il peut m'énerver quand il fait ça !

- Est-ce que tu pourrais arrêter de venir me chercher tous les matins, ou ça non plus c'est pas possible ?

- Je ne fais que suivre les instructions du patron Kook, c'est avec lui que tu devrais en parler, pas avec moi.

Je m'avance dans l'allée, en direction du bahut, pour éviter de lui cracher toute la rancoeur que j'éprouve envers Taehyung. Ce mec est un minable. Un putain de psychopathe.

Blanchisseur, trafiquant et tueur un jour, puis homme d'affaires et PDG un autre. Taehyung est à la fois quelqu'un de complexe et de surprenant, mais ça n'enlève en rien tout le sang qu'il a sur les mains.

Sans compter ses lubies chelou...

- Namjoon... Je peux te poser une question ? Je lui demande.

- Hum ? Me répond-il d'un air détaché.

J'inspire un coup.

- Je peux savoir qui t'a donné la permission de me trimballer comme un vulgaire sac à patates s'pèce de dégénéré ?! Repose-moi tout de suite ou je te jure que je te refais le portrait ! Je hurle en m'agitant dans tous les sens pour essayer de descendre de son épaule.

Non mais à quel moment est-ce qu'il a pu le faire sans que je m'en rende compte ? Ce mec est magicien ou quoi ? Prêt à m'embarquer dans une limousine beaucoup trop grande pour juste nous deux, je cogne Namjoon qui couine sous mes agressions, faisant se retourner quelques curieux.

- Aïe ! Mais pourquoi tu te plains ? On irait beaucoup plus vite en voiture, tu sais ?

- Bordel mais t'es pas bien ! Je t'ai dit de me lâcher et plus vite que ça !

- Hola, du calme mordicus, il ne te sera fait aucun mal, me rassure t-il, comme si j'avais besoin de ça maintenant.

Il me catapulte sur le siège passager, m'éjectant contre la portière de l'autre côté, me fracassant le crâne au passage. Il s'assoit à côté de moi, juste après avoir fait signe aux hommes de main de démarrer.

J'ai envie de pleurer, autant pour l'humiliation publique, que pour la bosse que je sens déjà se former sur le haut de ma tête.

- J'ai déjà dit non pour que tu viennes me chercher, j'ai déjà dit non aux gardes du corps, j'ai déjà dit non à la limousine et à tout le reste, ! Alors pourquoi vous continuer à me casser les couilles, bande de cucurbitacées cinglés ?! Ça vous amuse de me torturer ou quoi ?

Namjoon rigole, en fouillant dans le mini-bar de la bagnole.

Putain, mais il est genre, 7h du mat', à quel moment t'as envie de t'enfiler un verre de Vodka ?

- Tu sais comme moi, que depuis les derniers événements, tu n'es plus en sécurité. Jin sait que Taehyung tient à toi désormais. Le fait qu'il soit venue te chercher en personne dans l'entrepôt le prouve, alors il n'hésitera pas à s'en prendre à toi pour le faire chanter.

Je souffle, en m'affalant sur mon siège et m'engouffre le visage dans le creux des mains en couinant comme un enfant privé de dessert. Tout ça c'est la faute de Taehyung, rien ne serait jamais arrivé si je n'étais pas allé à ce fichu date et qu'il n'avait pas fait une fixette sur moi !

- Et combien de temps elle va durer cette mascarade, au juste ?

- Hum... Réfléchit-il en avalant un verre. Jusqu'à que tu te décides à revenir chez nous, j'dirais.

- Alors ça, jamais de la vie ! Je hurle.

- Ouais ouais, je sais. Mais reconsidère sérieusement la proposition s'il te plaît. Tae fait ça, avant tout pour te protéger. Après tout, qui sait ce que Jin est capable de faire.

- Peu importe ! Je ne reviendrais pas sur ma décision, ce gars est un tueur, je ne veux plus rien avoir à faire avec lui !

Quand on arrive enfin devant le bahut, je sors de la voiture en courant.

- Gamin, j'ai pas fini ! Bordel, mais où tu cours comme ça ?

- Le plus loin de toi et de ta sale gueule de suricate !

Et de la limousine.

Déjà que ces derniers temps, les gens parlent pas mal de moi, j'aimerais autant pas attiser d'autres rumeurs chelou.

Quand j'arrive en cours, je suis tout bonnement crevé. La tronche étalé sur mon bureau, je souffle comme un asthmatique en manque de ventoline.

- Encore lui ? Me demande Xiumin en posant ses affaires sur la chaise à côté de la mienne.

Je lui réponds par un grognement, que seul les vrais potes peuvent comprendre.

Je l'entends s'asseoir, puis rapprocher sa chaise de la mienne.

- T'as pensé à porter plainte ?

Bordel, si seulement c'était aussi facile, y a longtemps que je l'aurais fait ! 

Mais là, je vois pas comment procéder. J'ai déjà tenté de prévenir les autorités, mais Taehyung fait tout capoté à coup de gros billets et de promotions juteuses...

Mon bureau se remplit peu à peu des larmes de mon désespoir et de ma solitude. J'aurais aimé effacer ces 4 derniers mois et reprendre la vie banale du mec lambda que j'étais... Maintenant, je peux même plus aller chier tranquille sans que les moindres de mes faits et gestes soient surveillés et enregistrés.

J'suis certain que cet enfoiré a fait placer des caméras dans toute ma maison et qu'il garde précieusement toutes les images de moi à poil. Je l'imagine trop bien faire ça, pour que ce soit juste moi qui me fait des idées...

Ou alors c'est cette situation qui me rend totalement parano.

Quand la cloche sonne, j'ai déjà inondé la totalité de mes affaires, pendant que Xiumin continue de me tapoter le dos, comme un putain d'automate. Les gens autour de moi chuchotent, et j'ai pas spécialement besoin de relever la tête pour savoir que c'est de moi qu'ils causent.

Notamment parce que certains s'amusent à beugler mon prénom comme des mongoles des prés.

En même temps, un mec qui disparaît du jour au lendemain, embarqué par un gars au mégaphone, et qui revient soudainement 4 mois plus tard, j'comprends que les gens puissent s'imaginer des trucs. Mais le plus drôle dans tout ça, c'est que peu importe ce que les gens pensent, c'est toujours bien en dessous de la réalité.

- Levez-vous, nous ordonne le directeur en entrant dans la salle.

Tous les élèves s'exécutent dans un silence de mort.

Bordel... C'est tellement silencieux, que j'ai l'impression que même les mouches respectent ce mec.

- Aujourd'hui, suite à l'absence subite de votre professeur de Mathématiques, je vous présente son remplaçant, monsieur Kim.

Toutes les têtes se tournent vers la porte, impatientes de voir quelle gueule peu bien avoir ce fameux remplaçant.

Madré. 

De. 

Dios.

Que quelqu'un me coupe une couille, ça peut pas être possible !

- Toi ! Je hurle sans faire exprès, en brandissant mon doigt dans sa direction.

- Monsieur Jeon ! Me rappel à l'ordre le directeur, pendant que les autres élèves se foutent de ma gueule.

La bouche grande ouverte, je le regarde impuissant faire une entrée décontractée en classe. Lunette d'intello, cravate de travers, sourire de tombeur et mèche de côté, je suis à deux doigts de m'effondrer en voyant la tête satisfaite de Jin prendre place derrière le bureau.

- Bonjour tout le monde, nous salut-il. Je suis monsieur Kim, je remplacerai votre professeur de Mathématiques pendant quelque temps.

Je vais gerber. Je sais pas comment, ni quand et par où ça va sortir, mais c'est sûr que je vais gerber.

- J'espère que tout se passera bien pour les semaines à venir, dit-il en me regardant droit dans les yeux avec son petit sourire malicieux. Même si, je n'ai aucun doute là-dessus.


_ _ _

Plus chocolatine, ou pain au chocolat ?

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