Prologue
L'hiver...
Le froid mordant lui brûlait les doigts, la sensation de lentement se congeler et sentir son souffle ralentir lui glaçait les veines.
Il ne voulait pas mourir.
Pourtant, il devait se rendre à l'évidence : personne ne le sauverait cette fois -ci, les gens étaient devenus indifférents avec le temps.
Ses vêtements déchirés, son corps décharné et ses gémissements ne touchaient plus les passants : il était devenu une ombre, un détail inutile caché dans un décor.
Seuls les enfants semblaient le remarquer avant de brusquement détourner le regard devant la mine furieuse de leurs parents.
Il y a quatre ans, c'est ce qu'il aurait sûrement fait. Maintenant, le souvenir de cette époque lui semblait si lointain qu'il se demandait s'il ne l'avait pas rêvé : c'était sûrement le vestige d'une autre vie...
Il entrouvrit ses lèvres et souffla sur ses mains trop pâles, aux veines trop bleues dans une faible tentative pour gagner un peu de chaleur.
L'hiver était plus rude que les années précédentes et les centres d'hébergement étaient déjà tous remplis.
Impossible pour lui de se dégoter une place : il dormirait sous l'immeuble qui longeait la gare en espérant ne pas se faire violemment déloger comme tant de fois auparavant.
Survivre était devenu un jeu malsain qui se corsait un peu plus à chaque instant et il n'espérait plus gagner...
Les jours demeuraient les mêmes, les minutes longues et pénibles, le regard des inhabituels...un supplice.
Toute dignité lui avait été retirée le jour où il avait été obligé de se mettre à genoux et de baisser la tête sans que cela ne perce l'invisibilité dont il était victime.
Même dans ces jours sombres, il n'avait jamais pleuré : les larmes appartenaient au passé, c'était tout ce qu'il lui restait de son ancienne vie...hors de question que cela lui soit arraché.
Un élan de faiblesse le saisit et il se tassa sur lui-même, cachant ses pieds sous l'unique couverture qu'il possédait.
Les épaisses couches de nuages grisâtres cachaient le peu de soleil qu'un hiver pouvait espérer avoir, renforçant le sentiment de solitude qui lui broyait le cœur.
Le jeune homme passait ses journées à écumer la ville à la recherche d'un abri de fortune, se persuadant que cette journée serait la dernière à la rue.
Sa mémoire flanchait et, se souvenir des choses les plus simples, était devenu si compliqué qu'il n'y arrivait presque jamais.
─ Je m'appelle Wyatt, je m'appelle Wyatt..., marmonna t-il inlassablement dans le but de ne jamais l'oublier.
Clic, une pièce roula à ses pieds. La seule depuis plusieurs jours.
Il se hâta de la récupérer, la serrant contre sa poitrine.
─ Merci..., souffla t-il respectueusement en levant la tête.
Un vieil homme se tenait devant lui, un sourire faiblard aux lèvres.
─ De rien. Tu sais que tu ne devrais pas être ici ? Il y a des centres d'hébergement pas loin du centre ville...
─ Je sais, ils sont tous saturés.
L'homme le jaugea d'un regard empli de pitié : il ne supportait plus être la cause de ce sentiment.
Une jeune femme se rapprochait d'eux, l'air préoccupé.
─ Papa, tu sais très bien que ça ne sert à rien de l'aider. Regarde-le : je suis sûr qu'il s'achète de l'alcool à chaque fois qu'il reçoit de l'argent. Il n'y a rien à faire, les personnes comme lui cherche leur mal, c'était sûrement un dealeur ou quelque chose dans ce genre...
Le vieil homme ouvrit la bouche, sourcils froncés.
─ Enfin Sacha, vois l'état dans lequel il est : ce pauvre gosse vit un enfer. On ne laisse pas les gens vivre ainsi lorsqu'on peut les aider.
Ladite Sacha lança au pauvre sans abris un regard empreint de mépris.
─ Ne t'inquiète pas, il trouvera bien un pigeon pour l'aider, viens maintenant. Il commence à faire froid, fit-elle en l'entrainant d'une démarche assurée.
Sa réaction ne surprit pas Wyatt : les gens s'imaginaient que tous les SDF étaient des alcooliques, des personnes violentes se retrouvant à la rue après une vente illicite qui aurait mal tourné.
Ce qui n'était le cas que pour une infime poignée d'entre eux, dont heureusement Wyatt ne faisait pas partie.
Même si ce genre de situation était courant, la haine virulente des passants à son égard était quelque chose dont il ne s'habituerait jamais : les mots étaient là, tranchant comme un couteau aiguisé sur une tendre chair, et tournoyant dans son esprit, inlassablement, ne lui laissant jamais une minute de répit.
Quelque chose de doux cognait contre sa cuisse : Lucky se frottait à sa jambe, sentant que son maître était perturbé.
Chanceux...ce petit chaton était un miraculé, si faible et malade que le jeune homme l'avait pensé mort lors de leur première rencontre.
Un amour inconditionnel et un peu de nourriture plus tard, Lucky s'était remis, devenant fidèle à son sauveur.
─ Je m'appelle Wyatt...
Il ne fallait jamais oublier : la chance pouvait si vite se retourner contre vous...
Seuls les souvenirs resteraient avec vous.
Ils vous appartiendront toujours.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top