Wyatt se pelotonnait contre une douce source de chaleur, gémissant de contentement.

L'oreiller en question lui caressait les cheveux avec douceur, détendant son corps comme jamais.

Une petite seconde !

Le jeune homme ouvrit les yeux, sursautant violemment en voyant Tyna lui faire face.

Que faisait-elle ici ?

Soudain, les événements de la veille l'assaillirent : ses révélations, son rapprochement avec la jeune femme, la sensation d'être enfin apaisé.

-Bonjour...bien dormi ?

-Bonjour Tyna. Merci, c'est grâce à toi...Pourquoi es-tu restée ?

Wyatt ne comprenait sincèrement pas ce qui avait pu la pousser à faire une chose pareille.

-Tu avais besoin de moi. -Lui répondit-elle avec simplicité.

-Je te remercie dans ce cas.

-Aucun problème, je t'assure.

Détournant le regard, Wyatt se sentit misérable : il avait encore besoin d'une présence pour l'aider à dormir !

-Ça ne m'a pas dérangée. -Intervient la jeune femme d'une voix douce.

-Ça prouve ma faiblesse : je devrai réussir à m'en sortir, seul.

-Je ne suis pas d'accord. Avoir besoin de quelqu'un n'est pas synonyme de faiblesse. C'est un synonyme de sagesse. Range-moi cette fierté misogyne et souviens-toi d'une chose : si tu tombes, je te rattraperai.

Wyatt se tourna vers elle, fronçant les sourcils.

-Ne cherche pas à comprendre, j'ai mes raisons. -Fit la jeune femme en souriant.

-Très bien

-Je dois assister à mes cours de 9 H à 14 H 30, tu te sens capable de ne partir cette fois-ci ? -Lui demanda-t-elle en arquant un sourcil.

La mine sombre, Wyatt acquiesça.

Grillé.

-Excellent ! -S'exclama-t-elle en se levant.

Il l'accompagna jusqu'au perron de la porte, se dandinant sur place.

-Tyna ?

-Oui ? -Fit cette dernière en se tournant vers lui.

-Merci. Merci pour tout. -Lui dit-il avec une intonation sincère.

Le regard adouci, celle-ci se pencha, l'embrassant sur la joue avec tendresse.

-De rien, Wyatt.

Il la regarda partir, étrangement perdu sans elle.

Après avoir passé la matinée à nettoyer et ranger ce qui traînait un peu partout dans la pièce, Wyatt se tracassa la tête pour se trouver une occupation.

Explorer la maison lui semblait irrespectueux.

Sur le buffet du salon était posé un cadre contenant plusieurs photos ; curieux, le jeune homme s'approcha.

La première était une image d'une mini Tyna souriante, adorable avec ses petites fossettes et son sourire innocent. Une petite robe de princesse et un serre-tête fleuri faisaient d'elle la petite fille la plus mignonne qui soit.

Souriant, Wyatt l'imagina courir, gambader à travers le jardin en riant.

La deuxième photo était celle d'une Tyna adolescente, adossée contre le flan d'un homme.

La ressemblance frappante avec elle et la jeunesse de son visage lui suggéraient que l'homme en question devait être un frère ou un cousin.

Derrière eux s'étendait le paysage transcendant d'une nature paisible, un immense lac flottant derrière leurs corps insouciants.

Le troisième souvenir était de loin le plus dérangeant pour lui : une Tyna adulte, enlacée par un homme qui, pour le coup, n'avait aucun trait familier avec elle.

L'attitude possessive de l'homme ne lui plut pas, encore moins le regard amoureux et adorateur que lui lançait cette dernière.

Qui était-il ?

L'idée que Tyna soit en couple avec un homme... Wyatt ne pouvait l'imaginer.

Surtout que celui-ci ne faisait pas le poids face à lui : comment rivaliser avec un mannequin aux yeux bleus, au visage d'Apollon et à la situation sûrement meilleure que la sienne ?

La seconde d'après, Wyatt volait à travers la pièce, un couteau sous la gorge.

Une main menaçante pressait la lame contre sa peau délicate, coupant net sa respiration.

-Qui es-tu et que fais-tu là ? -Gronda t-il.

Wyatt leva les yeux vers son agresseur et reconnut l'homme de la deuxième photo.

-Réponds connard !

Déglutissant, Wyatt haleta.

-Tyna s'est proposée de m'héberger quelques jours...Je ne lui ferai aucun mal, je vous le jure.

-Qui me dit que tu ne lui as déjà pas fait de mal ? Hein ?

Son visage, si ressemblant à celui de la jeune femme, était un masque de colère rugissante.

Une promesse de mort lente et douloureuse.

Cette fois-ci, Wyatt ne se laisserait pas faire.

-Elle avait cours ce matin, vous pouvez l'appeler : elle va bien.

Sans détourner le regard ne serait-ce qu'une seule seconde, l'homme sortit son portable et composa le numéro de la jeune femme.

-Tyna chérie ? Tu vas bien ?

La voix sourde et menaçante de l'homme se muait en un ton doucereux et empreint de gentillesse.

Incroyable.

-Tu es sûr de toi ? Aucun problème, vraiment ? Personne ne te force à faire quoi que ce soit ? Bien. Non, je te demandais ça par mesure de précaution...Très bien, je te laisse étudier. Je t'aime Tinette.

Il raccrocha d'un geste délibérément lent tandis que Wyatt attendait sa sentence.

- Explique-toi. Tu as trente secondes pour me dire ce que tu représentes pour ma sœur.

Ainsi, Wyatt ne s'était pas trompé.

-Rien.

-Rien. -Répéta l'homme en accentuant la pression de la lame contre sa peau.

-Je suis un sans-abri. Mon chaton, -Lucky- s'est fait renverser. Votre sœur s'est occupée de lui payer les frais vétérinaires et de m'héberger chez elle le temps qu'il aille mieux. Je vous promets que je ne l'ai forcée en rien.

La lame se retirait, la mine féroce de l'homme...disparut.

-Le chaton va bien ?

Wyatt cligna des yeux.

-Je ne sais pas.

Il fut ensuite décollé du mur, sa main serrée dans une accolade masculine assez brute, mais étrangement dénuée de violence.

-Assieds-toi. Raconte-moi tout : je veux savoir ce qui t'a conduit à vivre dans la rue.

Hochant la tête, Wyatt prit place sur le canapé, entamant son récit dénué d'humanité, ne cachant aucune de ses craintes, aucun de ses sombres secrets.

L'âme mise à nue, Wyatt attendit le moment où l'homme le rejetterait, s'attendant à recevoir des coups et injures comme il avait été témoin de nombreuses fois auparavant.

Une claque amicale fut portée à son épaule et, surpris, Wyatt vit l'homme s'installer en face de lui.

-Quelle histoire...!

-Puis-je au moins récupérer le manteau ? -S'enquit Wyatt d'un ton brusque.

-Quoi ?

-Avant que vous ne me mettiez à la porte. –Précisa-t-il en le regardant calmement.

-Je ne vais pas te mettre à la porte, mon pote. Mon dieu...Tu n'as connu que ça comme réaction, pas vrai ? Si ma sœur décide de t'héberger, même Dieu ne pourra pas se mettre en travers de sa route ! Amen, mon frère, tu l'auras dans les pattes pendant un bon bout de temps.

-Je ne reste que quelques jours...

-Je connais ma sœur et son petit cœur d'artichaut : tu resteras aussi longtemps qu'elle le souhaite. A condition, bien sûr, que tu ne lui fasses aucun mal. Cela va de soi.

-Bien sûr...

-Ça va ? Tu as l'air d'avoir vu un fantôme.

-Oui, oui.

Le frère de Tyna se mit à soupirer, le regardant sans animosité.

-Ecoute, ce que tu as fait...Je ne te jetterai pas la pierre puisque j'aurais fait la même chose. Exactement la même chose. Je n'ai aucun problème avec les SDF, alors tant que tu te tiens bien...Je te tolère. Deal ? -Lui demanda t-il en offrant sa main tendue.

Acquiesçant, Wyatt la serra : un pacte venait d'être scellé.

-Foot ou handball ?

Se redressant sur le canapé de cuir noir, Wyatt se demanda quelle importance avait cette question.

-Handball.

Un sourire illuminait le visage de l'homme.

-Bienvenue dans la famille, alors.

La porte d'entrée s'ouvrit la seconde d'après, Tyna, une lettre en main jaillissant au bon moment.

-Wyatt ! Je suis rentrée ! Où est-ce que tu...Lucas ?

Lucas se leva, l'embrassant affectueusement sur la joue.

-Coucou ma puce ! Je viens justement de faire connaissance avec Wyatt. C'est bon, il est clean. Sur ce, je te laisse, Claire m'attend depuis plus d'une demi-heure.

L'homme se tourna ensuite vers Wyatt, l'air grave.

-Je te fais confiance pour prendre soin d'elle.

Wyatt se mit à hocher la tête, aussitôt imité par son adversaire.

Une confiance typiquement masculine d'homme à homme.

Tyna leva les yeux au ciel.

-C'est ça, allez, va s'y.

-A plus, Tinette !

Tyna rejoignit Wyatt, soucieuse.

-Il ne t'a pas embêté j'espère ?

-Tout s'est bien passé (enfin la fin surtout).

-Je voudrais te parler de quelque chose...

Surpris par le ton sérieux qu'elle employait, Wyatt garda le silence.

Des secondes passèrent avant que Tyna ne se mette à soupirer.

-Non. Rien. Oublie.

Elle partit dans la cuisine en se mordant la lèvre, laissant un Wyatt indécis.

Tyna fut étrangement silencieuse ce soir-là, la tête baissée et le regard fuyant : exactement comme si elle n'osait pas s'exprimer librement avec lui.

Cette réaction l'agaçait mais il ne lui dit pas, la laissant avoir l'intimité dont elle semblait avoir besoin.

Tendu contre la mollesse du cuir, Wyatt priait pour que son petit compagnon s'en sorte.

La vie pouvait se montrer bien cruelle à l'égard des plus faibles.

-Je peux m'asseoir ?

Wyatt acquiesçait à la demande de Tyna, la regardant prendre un plaid supplémentaire pour se couvrir.

-Tu risques de t'ennuyer avec moi. -Prévient-il d'une voix douce.

-Absolument pas. Je te trouve fascinant, au contraire.

Comment un animal de foire que l'on regarderait avec étrangeté...

Il l'observa enclencher Dirty Dancing avant de s'installer confortablement, à l'aise dans son pyjama en coton aux teintes violettes.

Le film en lui-même n'avait aucune importance : c'étaient les étoiles brillant dans les yeux de Tyna qui le fascinaient.

Wyatt passa des heures à la regarder jusqu'à ce que celle-ci commence à montrer des signes de fatigue.

Sa tête partit doucement sur le côté, tombant sur l'épaule du jeune homme.

Craignant qu'elle ne prenne froid, Wyatt la recouvrit du plaid jusqu'aux épaules, la gardant collée contre lui.

Depuis combien de temps n'avait-il pas eu un tel contact humain ?

Endormie, Tyna ressemblait à un petit elfe, frêle et magnifique.

Osant écarter certaines mèches collées à son front, le jeune homme pinça ses lèvres, avant de décider de lâcher prise, embrassant son front avec tendresse.

-Bonne nuit, Tyna.

Il la regarda, encore et encore, jusqu'à ce qu'à sontour le sommeil l'emporte et que son corps s'affaisse contre celui de la jeunefemme.    

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Un peu de tendresse dans ce monde de brute ! 

Je suis heureuse d'avoir écrit ce chapitre tel qu'il est : j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire.

J'espère que vous prendrez au temps de plaisir à le lire :)