Chapitre 4 : Deux étoiles translucides dans le pénombre...

Wyatt attendait anxieusement le verdict, adossé contre le mur de la salle d'attente.

Ni lui, ni Tyna n'osait briser le silence religieux de l'endroit, trop préoccupés par l'état de Lucky.

Voilà plus d'une heure et demie qu'ils étaient ainsi et plus le temps passait, plus la patience du jeune homme se faisait rare.

Le vétérinaire lui avait assuré faire son possible mais ce n'était pas suffisant : il devait réussir. Point.

Frisant la crise d'angoisse, Wyatt se contenait de toutes ses forces afin d'éviter de hurler : tout ça était si injuste !

Seule la présence de Tyna l'empêchait d'exploser, elle était son point d'ancrage, son fort pendant la tempête.

Et elle ne le savait même pas.

Lorsque la résignation sortait de ses pores, une tête entrebâilla la porte : le légendaire masque blanc en papier froissé qui caractérisait le vétérinaire, sonnait comme la fin d'un périple.

-Il est vivant. -Fit-il en essuyant la sueur de son front.

Le cœur battant, Wyatt attendait la suite.

-Et ses jours ne sont pas en danger.

Incapable de supporter son poids, le jeune homme s'écroula de soulagement, un remerciement silencieux résonnant en boucle dans son esprit chaotique.

-Cependant...

Cependant quoi ? Songea-t-il en se crispant.

-Cependant, il devrait être sous surveillance jusqu'à ce que son état s'améliore. Je m'assurerai de tout, vous n'avez pas à vous occuper de quoi que ce soit.

Le prix. Le prix devait être exorbitant et il n'avait pas les moyens de ne pas s'en préoccuper.

-Merci infiniment. Nous reviendrons au moment donné, s'enquit la jeune femme en aidant Wyatt à se relever.

Sans se préoccuper de la maigre résistance que le sans-abri essayait d'installer, Tyna tirait Wyatt vers la sortie, son petit gabarit avec le corps gigantesque du jeune homme.

Une fois à l'intérieur de la voiture, Tyna s'autorisa à souffler.

-Tout va bien....vous pouvez vous détendre.

Non. Il ne le pouvait pas.

-Je ne serai jamais en mesure de payer tous ces frais..., commença-t-il en passant une main crispée sur ses cheveux indomptables.

-Je sais. C'est pour cela que je les ai payés pour vous, fit simplement la jeune femme.

Wyatt n'était pas en accord avec elle sur ce point et il tenait à lui faire savoir.

-Je ne veux pas être une charge. Vous ne me connaissez pas. Je ne suis qu'un sans-abri parmi tant d'autres...pourquoi m'aidez-vous ?

-Parce que vous en aviez besoin.

Son raisonnement le désarçonnait.

-Je ne comprends pas.

-J'aide toujours lorsque je le peux. Si je ne vous avais pas aidé, Lucky serait mort et vous aussi. Personne ne mérite de mourir dans l'indifférence, je trouve que c'est la pire des souffrances : se sentir partir et voir que personne ne vous aidera vous tue, bien plus vite que n'importe quelle maladie.

Le jeune homme ne put qu'acquiescer, une boule dans la gorge lui obstruant la parole.

La voiture prit un tournant que le sans-abri ne connaissait pas et pour cause : c'était un des nombreux quartiers qui ne l'acceptaient pas.

- Où allons-nous ? lui demanda-t-il, paniqué à l'idée de ne jamais retrouver le chemin de la petite ruelle.

-À la maison.

Maison ?

-Vous faites erreur, je n'ai pas de chez moi..., murmura-t-il doucement en la dévisageant.

-Jusqu'à ce que le chaton se remettre, si.

Le léger bruit du clignotant enclenché le fit presque sursauter.

-Je ne peux pas.

-Bien sûr que si : vous avez juste à monter sagement trois marches et à poser votre fessier sur un canapé. C'est à la portée de tout le monde...

-Je ne suis pas tout le monde : je suis un sans-abri. On n'invite pas un sans-abri chez soi. Jamais. Je pourrais être un détraqué, un assassin, un violeur, vous n'en sauriez rien. Vous êtes une jeune femme, belle, innocente, imaginez un homme aux pensées violentes vous acculer chez vous : en moins d'une seconde, avant même de pouvoir avaler une nouvelle goulée d'air, vous mourriez, la tête tranchée par un couteau, le corps poignardé par un sadique. C'est dangereux Tyna, imprudent. Ne le faites jamais.

L'idée que l'insouciante Tyna se retrouve dans cette situation lui donnait la nausée et l'envie de traquer l'assassin en question avec une haine farouche.

Il carra les épaules.

-Promettez-moi de ne plus jamais le faire : jamais.

Tyna ne répondit pas, son silence flottant dans l'air comme une pluie virevoltant sur le sol.

-Tyna..., insista t-il.

-Non, je ne le ferai pas. Je ne vous promettrai pas une telle chose alors que je ne le pense pas réellement. Je vous aiderai, sadique ou non. Je ne laisse personne vivre comme ça alors que je peux faire quelque chose.

Sa voix était déterminée.

-C'est dangereux...

-Sortir dehors est dangereux. Prendre le volant est dangereux. Vivre seule est dangereux.

-Des personnes comme vous sont mortes dupées.

-Des personnes comme moi sont mortes en faisant leurs courses. N'essayez pas de me faire changer d'avis, je suis plutôt têtue comme fille.

Wyatt secoua la tête, essayant vainement de lui faire changer d'avis.

-Je ne peux pas.

-Bien sûr que si. Ne vous inquiétez pas pour l'argent : je n'en ai pas besoin. Savoir que je peux vous aider est amplement suffisant. La seule chose que vous pourriez faire, c'est d'accepter sans rechigner.

Les épaules devenues basses, le sans-abri hocha la tête, acceptant l'idée sans y adhérer.

-Voyez ça comme une petite colocation : je suis seule, j'ai de la place et j'aime la compagnie. Vous êtes seul, à la rue et avez besoin de compagnie. Tout le monde est gagnant dans cette histoire !

-Je ne vois pas ça comme ça...

Pas du tout même, pensa-t-il avec résignation.

-Bien, puisque c'est réglé, passons aux choses sérieuses : vous avez besoin de voir un médecin.

Le fait d'être dépendant de la jeune femme ne lui plaisait pas : savoir qu'elle allait lui payer des frais médicaux le rendait cinglé.

-Pardon ? C'est absolument hors de question !

-Parfait ! Nous sommes donc d'accord ! Je l'appelle en rentrant.

-Vous ne m'écoutez pas, n'est ce pas ?

-Pourquoi faire ? Il est évident que j'ai raison.

Entêtée Tyna..., songea-t-il en la regardant avec adoration.

La voiture pila soudainement, et il dut se cramponner aux accoudoirs afin d'éviter d'être expulsé à l'avant.

-Mince ! Saloperie de pigeons sournois et diaboliques !

- Diaboliques ?

-Ils le font exprès ! À chaque fois que je veux me garer, ils viennent faire leurs petites promenades sur ma place de parking !

Wyatt s'autorisa un petit rire.

-Ah...

-Je les ai nourris une fois, une seule fois et ils reviennent tous les jours ! Pas à n'importe quelle heure : quand je reviens du travail ! C'est un comble !

Le jeune homme ne put s'empêcher d'exploser de rire, ne se contenant plus.

Tyna regarda dans sa direction et ses yeux s'adoucirent : elle avait volontairement accentué son malheur dans l'espoir de dissiper le malaise qui semblait l'envahir.

Lorsqu'il riait, ses yeux pétillaient d'innocence, son regard chatoyant lui rendant la beauté transcendante ; son visage n'était pas clair puisque la rue était sombre, mais on pouvait deviner qu'il était sublime.

-Nous y voilà !

Une fois le moteur éteint, Tyna se dépêcha de sortir, ayant peur que Wyatt ne prenne la fuite.

Il ne le fit pas : au contraire, posté derrière elle, le jeune homme la suivit docilement, son regard scrutant chaque parcelle du paysage urbain.

La jeune femme ne s'arrêta qu'au numéro cinquante-huit, une des petites maisons modestes qui composaient la rue silencieuse.

Tyna ouvrit la porte et le laissa entrer, jugeant sa réaction.

-Vous avez une très belle maison, constata-t-il avec prudence.

-Merci.

Elle vit dans ses yeux une douleur réelle : le fait de ne pas en avoir le troublait bien plus qu'il ne le montrait.

C'était cette souffrance que la jeune femme voulait abréger au plus vite.

Il n'osa plus s'aventurer plus loin, restant droitement immobile, incertain de ce qu'il devait faire.

Tyna en fut profondément touchée.

-Vous voulez boire quelque chose ? S'enquit-elle en allant dans la cuisine avec l'espoir qu'il la suive.

Ce qu'il fit.

Elle ouvrit la porte du frigo et sortit différentes bouteilles, ne connaissant pas les goûts de son hôte.

-Lait ? Jus de fruit ?

Qu'est ce qu'il serait le mieux pour lui ? Il avait surement besoin de vitamines. Du calcium pour ses os fragiles.

Oui, c'était une excellente idée.

Elle lui servit deux verres et les lui posa sur la table.

Le regard de Wyatt se porta sur les verres et elle le vit se contenir pour éviter de se jeter dessus.

-Merci, fit-il poliment en les acceptant.

-Je vous en prie.

Ses doigts tremblants s'enroulèrent autour du verre, leurs bouts blanchis se miroitant sur l'objet translucide.

Les yeux du jeune homme se fermèrent alors, appréciant le liquide sucré qui se déversait dans sa gorge.

Souhaitant ne pas le mettre mal à l'aise, Tyna se retourna, décidée : un vrai repas ne lui ferait pas de mal.

Son frigo ne contenait pas grand chose (après tout, ce n'était que le milieu de la semaine) mais c'était amplement suffisant pour ce soir-là : il lui restait de la viande rouge, du poulet, des courgettes, des yaourts et une part de tarte aux poires.

Elle sélectionna le blanc du poulet, ses plus grandes courgettes, deux yaourts et la tarte avant de dresser la table, laissant la viande se réchauffer.

-J'espère que vous aimez le poulet ! -Lui dit-elle d'un ton léger.

-Bien sûr.

Tyna laissa le silence s'installer entre eux, une sensation réconfortante naissant dans son corps : elle était satisfaite d'avoir pu aider quelqu'un.

Seule, la jeune femme, pleine d'enthousiasme se sentait démunie, un manque lui broyant le cœur. Personne ne comprenait son besoin de compagnie permanente. Petite, Tyna aurait dû avoir une jumelle avec laquelle jouer....celle-ci mourut à la naissance.

Bien sûr, personne ne lui reprochait quoi que ce soit mais qu'importe : Odile aurait du être à ses cotés, là où était sa place, or la jeune femme se murait à un silence, un gouffre qui ne serait jamais comblé.

-Vous vous sentez mal ? demanda une voix dans son dos.

Sursautant, celle-ci se retourna...sa tête presque collée au torse de Wyatt.

-Non, non tout va bien ! Vraiment !

Ses souvenirs d'enfance lui empoissonnaient l'âme, la rendant souvent silencieuse, parfois même pendant une conversation.

-Vous êtes sûre ? Fit-il en baissant la tête afin de sonder son regard.

-Parfaitement !

Sa proximité la rendait nerveuse...dans le bon sens du terme.

-Oh ! Je suis terriblement impolie ! Si vous souhaitez prendre un bon bain chaud, la salle de bain est à l'étage, première porte à droite.

Il hocha la tête, hésitant à partir.

-Vous êtes sûre que tout va bien ? Je comprendrais très bien que ma présence vous fasse peur...Je peux partir si vous voulez.

-Non, bien sûr que non ! Mon dieu je suis désolée de vous avoir fait penser une chose pareille ! Mon passé me rattrape parfois.

Ses yeux s'adoucirent, la brûlant de leur intensité attendrissante.

-Je comprends. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... je ne suis pas riche mais je sais écouter. Je serai là en cas de problème, vous avez ma parole. C'est tout ce que je possède : mon écoute et ma parole.

Il se retourna et partit à l'étage avant qu'elle ne put lui répondre.

Vingt-huit minutes plus tard, Tyna monta, voulant vérifier si tout allait bien.

Elle trouva Wyatt endormi sur son lit, voulant certainement refaire les draps : sa poitrine montait et descendait à une vitesse paisible et, paupières fermées, il ressemblait à un enfant que l'on aurait arraché à sa famille...

Un Apollon perdu qui ne serait pas conscient de ses atouts : le jeune sans-abri aurait très bien pu se servir de ce charme pour s'en sortir...sauf que sa parfaite éducation et son comportement altruiste le lui empêchaient.

Gentil. Adorable et malchanceux Wyatt qui luttait pour une vie meilleure.

Vie que Tyna espérait lui offrir.

Le repas et la visite chez le médecin attendraient donc : le sommeil réparateur qui guérirait ses blessures invisibles était plus important.

Demain serait un autre jour.


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Me revoici avec ce (long) chapitre ! Un moment de répit et de tendresse dans la vie de ce pauvre Wyatt (croyez-moi, il en aura besoin pour la suite ! Je dis ça, je ne dis rien....) sa fait toujours plaisir !

Je viens de voir qu'il y a pas mal de lecteur(trices) fantômes parmi vous : je vous fait peur ;) ?

Un simple commentaire peut tout changer, soyez en sur ^^ J'aime les votes, les petites commentaires et les vues de vos différents pays ! (Quand je pense que des américains me lisent...My God que ça fait plaisir !)

Je pense me consacrer au chapitre 19 d'Entre deux Danses avant de revenir...Patience !

XOXO









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