Chapitre 3 : Un temps aux milles nuances...

─ Monsieur ? Monsieur ? fit une voix haut perchée.

Wyatt ouvrit difficilement les yeux, ses paupières violacées l'empêchant de voir clairement.

─ Monsieur ?

La forme floue qui dansait devant lui se fit plus nette.

─ Vous ne devez pas rester là...Vous voulez que j'appelle une ambulance ?

Une ambulance ? Pourquoi aurait-il besoin d'une ambu...

─ Lucky !

─ Qu'est ce que vous avez dit ?

─ Mon chat...avez-vous mon chat ?

─ Un chat ? Non, il n'y en a pas...Vous avez besoin d'aide ?

Oui. Non. Lucky. Il avait besoin de Lucky. Tout irait mieux après...ce n'était rien que le temps n'arrangerait.

─ Mon chat..., croassa-t-il d'une voix étouffée.

Une nouvelle quinte de toux le saisit, plus violente que les précédentes.
Il ne put résister à l'envie de se recroqueviller, espérant ainsi la faire taire.

La voix inquiète de la femme se brouilla, faiblissant jusqu'à ne plus paraître.
Son agresseur lui avait-il aussi prit Lucky ?

Wyatt priait pour que ce ne soit pas le cas : cependant, jamais son chaton ne s'était enfui. Sa disparition n'en n'était que plus inquiétante.

- Je vais bien, répondit-il en tentant de se relever.

Une tentative qui se fit inutile mais qu'importe : il devait partir. Tout de suite. Longer les rues, se confondre avec le paysage et se taire.

Deux essais plus tard, le jeune se tint debout, chancelant : ses yeux parcouraient l'espace en une troublante attention.
C'était une maigre victoire.

Sans se préoccuper de la personne qui remuait silencieusement les lèvres en face de lui, Wyatt tituba en direction de ce qui lui sembla être celle où serait Lucky, sûr de son choix.

Sa marche fut laborieuse, ses pieds butant contre les pavés irréguliers avec une gaucherie qui ne passait pas inaperçu : un homme au visage ensanglanté, à la démarche raide et au regard éteint...
Qu'importe : ses regards ne percèrent pas l'obscur sentiment étanche dont il était épris, au contraire, elle semblait nourrir sa froideur, accentuer l'amère satisfaction des méandres inassouvis.

La recherche fut si ardue que le jeune sans-abri se persuada de ne jamais réussir.
Il entendit alors un miaulement aigu droit devant lui : rêvait-il ?
Lucky courut dans sa direction, son petit corps bondissant presque à chacun de ses pas.

Le soulagement de Wyatt fut si intense qu'il sentit des larmes de bonheur couler sur ses joues creuses.

L'animal accéléra l'allure, un miaulement de reconnaissance sortant de sa gorge : tout ira mieux maintenant.

Un crissement de pneus sur la chaussée perça néanmoins cette sensation et le fit tout de suite réagir.

─ LUCKY ! hurla-t-il en voulant se précipiter vers lui.

Son corps ne lui permit pas, inutile. Il l'empêcha de secourir la chose qui comptait le plus à ses yeux.

Il ne put que regarder, spectateur d'un destin funeste, son chaton traverser le passage, et la voiture freiner...trop tard.

Trop tard pour l'éviter.

Lucky fut éjecté de la petite route, atterrissant mollement sur le côté, inerte.

Un cri bestial sortit de sa gorge.

Le jeune homme s'écroula devant le corps rougeâtre de son compagnon, incapable de faire preuve de sang froid ou de retenir ses larmes.

Les mains tremblotantes, il caressa le poil taché de sang du chaton avant de chercher un pouls, se rattachant à l'idée qu'il puisse vivre.

Les bruits se brouillèrent jusqu'à devenir silencieux à ses oreilles : tout lui sembla secondaire, seul le léger souffle qu'il vit sortir de Lucky était sa priorité.

Abattu, le sans-abri ne savait que faire : il n'avait pas assez d'argent pour le soigner et doutait que le temps guérisse ses blessures...

Il ne pouvait pas prendre le risque de le déplacer et n'avait pas le courage nécessaire pour l'achever...

Que devait-il faire ?

─ Oh mon dieu ! hurla une voix féminine qu'il reconnaissait.

C'était Tyna qui accourrait vers eux, des larmes brouillant son regard d'ordinaire si lumineux.

Elle s'agenouilla à côté de lui, le corps aussi tremblotant que le sien.

─ Que lui est-il arrivé ? fit-elle la voix éraillée par la peur.

─ Un accident de voiture...

Le chauffard avait d'ailleurs prit la fuite, ses traces de pneus ensanglantés maquillant la froideur du paysage.

─ Il faut l'emmener chez le vétérinaire...Maintenant, lui dit-elle d'une voix décidée.

─ Je n'ai pas les moyens de le sauver, rétorqua-t-il en secouant la tête.

─ Ce n'est pas la question : nous allons chez le vétérinaire et...

Elle s'arrêta dans son monologue, le regardant attentivement.

Wyatt savait ce qu'elle voyait.

─ Nom de...

─ Ce n'est rien, je vais bien. Ne vous inquiétez pas : je vous remercie de votre sollicitude mais vous devez rentrer chez vous, il va bientôt faire nuit.

Elle le toisa d'un regard empreint de fureur à peine contenue, ses yeux lui lançant des éclairs.

─ Je vais mettre vos paroles sur le compte de l'angoisse qui semble vous tétaniser, et ne reprenez pas le ton sexiste que vous avez employé...

Le jeune homme leva les yeux vers elle, surpris.

─ Je ne voulais pas passer pour un misogyne, j'essayais seulement de...les ruelles sombres ne sont pas sûres pour une femme seule.

Un léger sourire flotta sur ses lèvres.

─ Bien sûr.

Elle entreprit alors d'enlever son châle et le déposa sur le corps inanimé de Lucky, l'enveloppant avec douceur le frêle animal.

─ Soulevez-le. Ma voiture est garée à deux rues d'ici...Je m'occuperai de votre cas après.

Résigné, Wyatt s'exécuta docilement, incapable de baisser le regard sur son compagnon blessé.

Tyna le regarda l'air si concentré qu'il se sentit aussitôt mal à l'aise.

─ Ca va aller ?
─ Oui.

Une moue désapprobatrice se forma sur son joli minois, lui prouvant clairement qu'elle ne l'avait pas cru.

Toutefois, elle n'objecta pas, lui tournant le dos.

─ Allons-y.

Ils marchèrent alors avec une lenteur calculée, sous le regard méprisant des passants : le dos droit, Wyatt s'efforçait de ne pas les apercevoir.

Comme la jeune femme l'avait prédit, la petite Clio verte n'était qu'à quelques rues de la pauvre ruelle insensible, coincée entre deux voitures noire et blanche.

La portière ouverte, Tyna attendait que le jeune sans-abri parvienne à monter avant de s'installer elle-même à l'avant.

Perturbé, le jeune homme avait installé Lucky sur ses genoux, surveillant sa respiration.

─ J'espère que vous n'avez aucune appréhension sur la conduite des femmes, Wyatt, demanda-elle en plissant ses yeux, l'air menaçante.

─ Aucune, je vous le promets, la rassura-t-il sans la regarder.

─ Bien.


─ Ralentissez bon sang ! Vous allez nous tuer ! hurla Wyatt en se cramponnant à la banquette arrière.

─ Hors de question ! Je me suis promise de sauver ce pauvre animal et je vais le faire ! répliqua-t-elle la mine concentrée.

─ Ca ne servira à rien si nous atterrissons dans le fossé !

─ Serait-ce une remarque sexiste ? Je conduis très bien !

─ Je ne dis pas le contraire...mais les voitures en face de nous n'ont pas l'air convaincues !

Elle ne releva pas et accéléra davantage, faisant friser au jeune homme une crise cardiaque.

─ Nous y serons dans moins de trois minutes, comment-va-t-il ?

Wyatt déglutit.

─ Son état reste le même.

─ Hey...il est stable, c'est une bonne chose ! Fit-elle dans l'espoir de le réconforter.

─ J'espère...j'espère vraiment Tyna.

Wyatt n'était rien sans lui, comment pouvait-il songer, ne serait-ce qu'une seconde, de retourner à la rue sans son compagnon de fortune ?

Perdu, exténué, le jeune homme ferma les yeux.

Il ne lui restait qu'à prier.

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Et voilà pour ce chapitre !

Je suis vraiment désolée, mais je n'avais pas le cœur à écrire : "#PrayforParis" :/

Jusqu'au où ira la bêtise humaine ?

Rappelez-vous d'une chose : dans aucune religion ne meurtre n'est autorisé. Aucune.

Ne condamnez pas les innocents s'il vous plait...

Mes pensées dérivent aux familles des victimes...R.I.P

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