Chapitre 27 : Une attitude outrageuse
Wyatt avait maintenant reprit assez de muscles pour ne plus se sentir diminuer face aux autres : il avait travaillé dur pour cela.
Sa situation financière quant à elle, s'était améliorée. La cinquantaine de croquis dessinée en l'espace d'un jour seulement, lui permettait de mettre une petite somme de côté, lui permettant de reprendre espoir.
Wyatt reprenait doucement espoir.
Tyna s'installa sur une des chaises du Rubis, tentant d'apercevoir son homme.
Elle le vit, magnifique avec son tablier noir et son petit bloc-notes ; des femmes, une douzaine environ, lui tournaient autour, minaudant en faisant bouger leurs cheveux.
Chassant difficilement une bouffée de jalousie, la jeune femme attendit patiemment que celui-ci la remarque.
Dès qu'il la vit, le visage de Wyatt s'illumina.
Ne se préoccupant pas de la foule, le jeune serveur s'approcha de sa démarche féline, sa peau dorée étincelant sous la lumière du jour.
- Salut... -Souffla-t-il comme si ce simple mot contenait tous les trésors du monde.
- Salut...
- Que fais-tu ici ?
La jeune femme se mit à sourire.
- Je suis venue voir comment tu t'en sortais : comme un chef, apparemment.
Les clientes du Rubis la fusillèrent du regard, l'enviant.
- Joli fan club, en fait. -Lança t-elle d'un ton presque désinvolte.
Penaud, celui-ci se massa la nuque et ouvrit la bouche pour lui répondre lorsqu'une petite voix timide le coupa :
- Bonjour ? Excusez-moi, Monsieur...
Se tournant vers la voix, Wyatt regarda l'adolescente maigrichonne aux lunettes trop grandes avec un appareil dentaire, qui rougissait devant lui.
- Bonjour, je peux t'aider ?
- Hmm... Ça vous dérangerait de me faire un dessin...?
Tyna écarquilla les yeux, surprise.
- Absolument pas. Tu as une feuille sur toi ?
Hochant vigoureusement la tête, la jeune fille lui tendit un morceau de papier et un crayon de papier.
- Je ne veux pas vous déranger... Je veux dire : tout le monde vous le demande alors je comprendrais si cela vous dérange, vraiment. –Balbutia-t-elle en se mordant anxieusement la lèvre.
Wyatt lui sourit et Tyna eut l'impression que la pauvre fille allait défaillir.
L'effet Wyatt... –Pensa-t-elle, amusée.
- Ça ne me dérange pas : au contraire, je me sens flatté. Que voudrais-tu que je te dessine, exactement ?
Le visage écarlate, l'adolescente se cacha presque derrière un rideau de cheveux lisses.
- Tout ce que vous voulez, ça n'a pas d'importance pour moi.
Acquiesçant, le jeune homme se mit au travail ; Tyna l'observa, concentré sur sa tâche, crayonnant avec rapidité.
Une fois le dessin fini, Tyna se pencha et... fut béate d'admiration.
C'était un portrait, celui de l'adolescente : celle-ci souriait et avait attaché ses cheveux en un chignon raffiné. Elle portait une robe et ses yeux pétillaient.
Wyatt lui montrait qu'elle était magnifique telle qu'elle était et qu'elle n'avait pas besoin de se cacher derrière ses vêtements trop amples.
Il a deviné son problème de confiance en soi... C'est vraiment quelqu'un d'adorable. -Pensa t-elle avec amour.
- Qu'en penses-tu ? -Lui demanda t-il en lui rendant la feuille.
Bouleversée, celle-ci le dévisagea avec de grands yeux, cherchant ses mots.
- Je suis jolie dessus...
- Tu es magnifique, même sans ce dessin. Ne cache pas ton beau sourire, tu accompliras de grandes choses avec. -Lui dit-il gentiment.
Rougissante jusqu'aux oreilles, la jeune fille lui demanda un autographe, qu'il accepta avec un grand sourire.
Cet homme à un coeur en or...
Attendant sa commande en jouant avec les touches de son téléphone, Tyna leva distraitement la tête et son regard se posa sur un vieil homme aux épaules basses, qui se battait contre le froid avec sa couverture bleue, son bonnet gris et son morceau de carton multicolore.
S'agissait-il de Rémy ?
Le pauvre homme semblait épuisé, si silencieux que personne ne lui prêtait attention.
Un enfant et son père passèrent devant lui, le petit faisant tournoyer sa toupie dans le creux de ses mains, lorsque celle-ci tomba, roulant au pied du sans-abri.
Tendant la main, le vieil homme s'en empara et releva sa paume pour que l'enfant puisse reprendre son jouet.
- Merci, Monsieur.
Le père qui, jusque-là, regardait droit devant lui, jeta un coup d'œil sur le côté et vit son fils à côté du vieillard.
Visiblement furieux, celui-ci se posta devant le SDF et se mit à l'insulter.
- Pour qui vous prenez vous ! Voler un jouet à un enfant ! Vous êtes tellement désespéré que vous raquettez les gosses, maintenant ? –Hurla-t-il, le visage cramoisi.
Tous les visages se tournèrent vers eux mais personne ne fit mine d'intervenir.
- Regardez-vous ! Vous devriez avoir honte ! J'espère qu'on vous expulsera de France, sale immigré ! Les noirs comme vous nous volent notre travail et souille nos terres ! Bande d'animaux ! Pédophiles !
Le vieil homme resta calme et ne répondit pas.
Le père de l'enfant hurla donc plus fort et fit un geste qui ne passa pas inaperçu : il cracha sur le visage terne et exténué du SDF. Comme celui-ci ne relevait pas la tête, l'homme passa à la vitesse supérieure et le gifla violemment.
La jeune femme entendit le bruit écœurant d'une peau maltraitée, et ce qu'elle devinait être Rémy, releva la tête, le regard si triste qu'elle faillit pleurer.
Choquée, Tyna se leva avec l'intention de remettre l'abruti à sa place lorsqu'on la devança.
Wyatt.
Les yeux noirs et les poings fermés, le serveur quitta son poste et se dirigea droit vers le père et son enfant.
Oh mon dieu, il va le démolir...
Ce n'était pas comme si l'homme ne le méritait pas : mais il y a avait un enfant à côté et il n'était pas question qu'il soit témoin d'actes de violences.
- Je peux vous aider peut-être ? -Dit Wyatt d'une voix si chargée de fureur qu'elle en était méconnaissable.
- Je ne vois pas ce que...
- Fermez-la, pauvre con.
Cela eut le mérite d'être clair.
- Je ne sais pas ce qui me retient de vous en coller une. -Fit Wyatt en s'approchant encore et encore, jusqu'à ce que l'homme recule.
- Ecoutez, j'ai un gosse et...
- Justement, parlons-en de votre gosse : ça ne vous dérange pas de cracher et gifler un homme qui ne vous a rien fait ? Quel genre de père êtes-vous pour vous autoriser à prendre de telles libertés ?
En voyant que le jeune irlandais était manifestement plus grand et plus fort que lui, l'homme perdit de sa superbe.
- Il volait la toupie de mon fils ! Que pourrais-je faire d'autre ? Si vous étiez à ma place...
- Ne faites pas de supposition. –Lança-t-il d'un ton mordant, presque cinglant. J'aurais essayé de comprendre la situation, moi. Vous connaissez cet homme ?
L'homme cligna des yeux, surpris par la question.
- Non.
- Bien, je vais vous expliquer une chose : de un, l'inconnu que vous avez devant vous, tentait de redonner à votre gamin sa toupie, de deux, cet homme est un ancien militaire. Un militaire de France. Un homme qui a servit sa patrie ! Vous pouvez garder vos discours racistes pour vous, connard ! Comment peut-on juger un être humain par sa couleur de peau ? C'est une honte ! Vous ne valez pas mieux que les colons qui ont envahi son pays ! (Il se tourna alors vers les spectateurs qui avaient la bouche ouverte, béats de surprise. ) Et vous ? La situation vous parait normale peut être ? Si c'était un homme blanc, vous auriez réagi n'est-ce pas ? Mais c'est un noir, alors il n'a pas besoin de considération. Vous vous dites tolérants mais vous êtes exactement comme lui.
Le père et son petit partirent et Wyatt s'abaissa à la hauteur de l'homme.
- Ça va, vieille branche ? -Lui demanda-t-il d'un ton affectueux.
La "vieille branche" acquiesça.
- Tu n'étais pas obligé, fils.
- Je n'allais pas laisser ce connard t'humilier, Rémy.
Ainsi, c'était lui. -Songea Tyna en les observant.
Rémy posa une main ridée sur la joue de Wyatt et la tapota doucement.
- Merci.
- Je ne laisserai jamais plus de telles choses se produisent. Jamais.
La conversation qui s'en suivit fut presque chuchotée, rendant les mots incompréhensibles.
Un léger sourire orna le visage de Rémy et, après une petite tape sur le dos, Wyatt revient vers le Rubis et s'engouffra à l'intérieur, lançant un regard furieux aux spectateurs silencieux.
Tyna se leva alors, rejoignant le sans-abri.
- Bonjour, Rémy. -Le salua-t-elle d'une voix douce.
Regardant autour de lui comme si la jeune femme se trompait de personne, le vieux clochard ne s'attendait visiblement pas à ce qu'elle l'aborde.
Incertain, celui-ci lui répondit sans deviner la raison de sa venue.
- Bonjour, Mademoiselle.
Sortant son porte-monnaie avec empressement, Tyna déposa un billet de vingt à ses pieds, devant l'expression sidérée de l'homme.
- C'est pour moi ? -Lui demanda-t-il en regardant l'argent comme s' il s' agissait d'un extraterrestre.
- Oui, Rémy. C'est pour vous.
- Vraiment ?
- Vraiment.
La jeune femme marqua une pause, puis se lança :
- Je suis désolée pour ce qu'il s'est passé... Vous ne méritez pas cette haine. Les gens sont cons.
Rémy battit des paupières avant de lui retourner son sourire.
- Si j'étais un petit blanc avec une bonne situation financière... rien de tout cela ne serait arrivé : mais je suis ce que je suis et je ne le regrette pas même une seconde.
- Vivre dans la rue n'enlève aucun de vos droits : vous restez un homme. C'est une vérité que j'ai apprise à Wyatt il y a peu.
Il eut l'air surpris.
- Vous connaissez cette canaille ? C'est un charmant jeune homme.
Tyna fut aussitôt prise de sympathie pour cet homme.
- Oui, je le connais. -Intervient-elle d'une voix douce.
- Vous êtes la femme exceptionnelle dont il est tombé sous le charme ?
Ce fut au tour de Tyna d'être surprise.
- Il vous a parlé de moi ? -S'étonna-t-elle, le cœur battant à toute allure.
- Et comment ! C'est même la première chose qu'il m'ait dite : que vous l'aviez sauvé. Il semblait un autre homme et son regard pétillait.
Cet homme est important pour Wyatt...- Se rappela-t-elle avant de lui lancer un sourire éblouissant.
- J'aimerais que vous passiez manger chez nous, aujourd'hui.
Ses yeux se mirent à briller.
- Vous êtes sûre, Mademoiselle ?
Un espoir fou était contenu dans sa voix.
- Tyna. Appelez-moi, Tyna. Oui, j'en suis certaine.
_________
Tadaaaam !
Un petit commentaire pour la suite ? ;) ♥
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