Chapitre 10 : Une caresse d'enfant perdu...

Cette fois-ci, ce fut Wyatt qui sortit d'un sommeil paisible en premier, soupirant d'aise.

Immobile, le jeune homme tâcha de ne pas réveiller son amie endormie, la couvant d'un regard calme et empreint de tendresse.

Le jeune sans-abri dut refréner l'idée d'embrasser ses lèvres douces et pulpeuses comme son esprit lui en hurlait le besoin depuis qu'il l'avait rencontrée.

Patient, il attendit que les yeux de la jeune femme papillonnent pour doucement se reculer.

-Bonjour...-Souffla t-il d'une voix doucereuse.

-Salut. -Marmonna-t-elle, encore embrumée par le sommeil.

-Bien dormi ?

-J'ai eu le meilleur oreiller qui puisse exister...et toi ?

-Je suis tombée sur une adorable épaule moelleuse.

Ses joues se mirent à rosir, pour le plus grand plaisir de Wyatt.

-Je suis heureuse pour toi. Tu avais besoin de repos. -Lui dit-elle en se levant.

Wyatt la suivit, les muscles raidis d'avoir dormi trop longtemps dans la même position.

-J'ai oublié de te demander comment s'étaient passés tes cours. -S'enquit-il, penaud.

Un sourire illuminait le visage de la jeune femme.

-C'était génial, merci ! Je devrais pouvoir faire un stage d'ici peu...qui sait? Peut-être que les centres psychologiques pour enfants m'accepteront ?

-Je suis sûr qu'ils le feront. Ce serait une honte de te refuser : ils perdraient une perle rare.

Avec sa jovialité et sa gentillesse, nul doute que Tyna saura aider ses très jeunes patients avec efficacité.

-Tu es adorable, Wyatt.

Adorable ? Ce n'était pas l'adjectif qui lui correspondait.

Mais venant de Tyna, Wyatt pouvait tout accepter.
Wyatt buvant son énième tasse de chocolat chaud, rattrapant son absence de cacao depuis toutes ces années de privations drastiques.

Tyna s'était réfugiée dans le salon, en pleine conversation téléphonique.

De là où il était, le jeune homme n'entendait que des bribes de phrases, incompréhensibles pour ses oreilles.

Dix minutes plus tard, Tyna revint en sautillant sur place, trépignant d'impatience.

-Le vétérinaire vient d'appeler ! Lucky est en pleine forme ! Prépare-toi, nous allons le chercher !

Aussitôt, le soulagement s'abattit sur Wyatt, aussi puissant qu'un ouragan.

Son petit gars allait bien.

Il l'attendait.

Peu après ce calme plat vint une inquiétude qui troubla l'eau paisible.

Tyna avait désormais toutes les raisons de le jeter dehors désormais.

Comment pouvait-il espérer survivre, lui qui avait redécouvert la sensation d'être apaisé ?

Pouvait-on vraiment faire comme si rien n'était arrivé ?

Wyatt se précipita vers son chaton, les larmes aux yeux.

-Hey, petit gars ! -Fit-il en le soulevant avec délicatesse.

Lucky miaulait, ronronnant si fort que le bruit résonna dans le couloir, ricochant à travers les murs.

-Moi aussi, je suis content de te voir.

-C'est un joli garnement. -Commenta le vétérinaire d'une voix amusée.

Ignorant les personnes présentes dans la pièce, le chaton frottait sa petite tête soyeuse contre le bras de Wyatt.

-Chanceux. Tu portes bien ton nom, fils. -Fit Wyatt en lui grattouillant l'arrière des oreilles.

Il entendit Tyna partir payer les soins, le cœur lourd : il n'était même pas capable de soigner son propre animal.

-On va s'en sortir, bonhomme. Je ne nous laisserai pas sombrer cette fois-ci. –Chuchota-t-il d'une voix sûre.

Wyatt fera tout pour que cette promesse soit tenue.

Absolument tout.

Quitte à y laisser une partie de lui-même.

Confortablement installé sur le siège avant, Wyatt regardait la voiture progresser avec lenteur, Lucky sur ses genoux.

Le paysage semblait mort au delà des vitres épaisses du véhicule, les foules devenues quasi absentes sous le caprice d'une nature froide et sauvage.

Quelque chose attira soudain le regard de Wyatt : une petite forme humaine sur le rebord de la route.

Plissant ses yeux afin de mieux voir, le jeune homme faillit avoir un mouvement de recul : c'était un enfant, chétif et recroquevillé sur lui-même, les vêtements en lambeaux, qui grelottait violemment.

Se servant d'un sac poubelle vide comme rempart face aux gelées de l'hiver.

Comment pouvait-on en arriver à de telles extrémités ?

Comment un enfant pouvait-il se retrouver dehors, abandonné, par un temps pareil ?

La voiture le dépassa sans que Tyna ne puisse le voir : Wyatt n'oubliera jamais son regard hanté de désespoir, si craintif et résigné qu'il se retint de pleurer.

Il se força à déglutir, écœuré de voir où menaient certaines situations.

On pouvait l'insulter, le battre, cela n'avait aucune espèce d'importance, mais le gosse ?

Que diraient les passants cette fois-ci ?

Quelles excuses trouveraient-ils ?

L'enfant était innocent, vierge de tout péché...

C'était un petit garçon bon sang !

La portière claqua dans un bruissement sourd, le faisant sursauter.

Plongé dans ses pensées, le jeune homme ne s'était pas rendu compte qu'ils étaient arrivés.

-Wyatt ? Tout va bien ?

-Je viens de voir à quel point ce monde haïssait les plus faibles. À quel point on bannissait l'innocence.

Elle le regarda sans comprendre, hochant la tête avec gravité.

Ils rentrèrent en silence, les pensées chaotiques du jeune homme se déversant comme des vagues en furie.

Désarmé, incapable d'avoir le moindre raisonnement plausible, Wyatt resta figé devant la porte d'entrée, ne pouvant esquisser le moindre mouvement.

Il ne pensait qu'au petit garçon gelé qui ne mangerait pas ce soir.

Personne ne sortait indemne de cet enfer : seul quelques uns (les plus forts et les plus téméraires d'entre eux) s'en sortaient vivant.

Les autres mourraient de faim, de soif, sous les coups d'une violence acharnée, seuls, sans que personne n'intervienne pour les aider à survivre...

C'était le pire des châtiments.

Touchant avec précaution son manteau à la fourrure soyeuse, Wyatt songeait qu'il devait intervenir.

Faire quelque chose pour sauver ce pauvre gosse des rues qui ne vivrait pas une semaine dans ce froid hivernal.

Il se retourna, courant en sens inverse, retrouvant les pas de cet enfant solitaire sans tenir compte des appels désespérés de Tyna.

Hors d'haleine, le jeune sans-abri accéléra l'allure, foulant le sol aussi vite qu'il le put : enfin, il vit l'enfant à la même place que tout à l'heure.

En piteux état.

Réfléchissant à toute allure, Wyatt s'arrêta.

Que pouvait-il bien faire ?

Marchant doucement vers lui pour ne pas l'effrayer plus qu'il ne l'était déjà, le jeune homme se baissa à sa hauteur et souffla doucement.

-Hey, petit...

Le gamin sursauta violemment, ses grands yeux horrifiés le dévisageant avec angoisse.

-Tout va bien, je ne vais te faire aucun mal...Tout va bien, d'accord ? Respire.

Une brise glaciale soufflait en direction du môme dont les lèvres bleuissaient dangereusement.

Ce fut sans hésiter que Wyatt enleva son manteau, lui tendant d'un geste bienveillant.

-Tiens, petit.

Le petit garçon le regarda sans bouger, clignant les yeux.

-C'est pour toi.

L'incrédulité qui brillait dans les yeux de l'enfant le fit trembloter.

Doucement, avec des gestes lents et calculés, Wyatt tendit ses mains, enlevant le sac poubelle qui recouvrait ses membres engourdis par le froid.

Le petit eu un mouvement de recul, comme si le jeune irlandais tentait de lui donner un coup.

Ravalant un haut le cœur, le jeune homme plaça le manteau sur ses épaules chétives avant de se reculer.

-Comment tu t'appelles ?

L'air de ne pas en revenir, il ne répondit pas, n'osant toucher ce qu'il avait sur lui.

-Je m'appelle Wyatt...Comment t'appelles-tu ? -S'enquit-il d'une voix douce et préoccupée.

L'enfant ne réagit pas.

Parlait-il une autre langue ?

Tyna saurait quoi faire.

-Ecoute, je vais chercher quelqu'un...Ne bouge pas, d'accord ? Je reviens tout de suite.

Il ne lui donna aucun signe lui permettant de savoir s'il avait réellement compris.

Prenant une brusque inspiration, Wyatt se releva, revenant vers Tyna en slalomant dans les ruelles avec une farouche détermination.

Tyna l'attendait, inquiète et tremblante de fureur.

Lorsqu'elle le vit, sa colère explosa.

-Bon sang, Wyatt ! Je peux savoir ce qu'il t'a pris exactement ? Tu as complètement disjoncté ma parole !

-Il y a un gamin complètement terrifié à quelques rues d'ici. J'ai besoin de ton aide.

Cela la calmait instantanément.

-Un gamin ?

-Un enfant dans la même situation que la mienne avec les vêtements en lambeaux et le corps trop maigre.

Ce souvenir lui donnait la nausée.

-Où ça ? –Aboya-t-elle en le suivant.

Arrivé devant le bord de la route, Wyatt se figea.

L'enfant n'était plus là.

Où était-il ?

Inquiet, Tyna et lui scrutèrent les rues environnantes...

En vain.

Le petit garçon terrifié semblait s'être volatilisé.


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