Chapitre Deux
Un hurlement me tire de mon sommeil agité. Dans les soirées alcoolisées j'ai appris à m'attendre au pire aussi je sors de mon lit confortable pour me ruer sur le palier. Dylan sort aussi de sa chambre, son teint est bien vert mais il réagit tout aussi vite :
« Rentre dans ta chambre Max ! »
Il me pousse à l'intérieur de ma chambre de secours puis il descend les escaliers certainement pour rejoindre Samuel. J'espère qu'il n'y a rien de grave en bas. Je reste attentive au moindre bruit mais je n'entends pas une seule parole échangée entre eux deux.
Tiphaine me rejoint en haut des escaliers tout en nouant la ceinture de sa robe de chambre en satin vert. Je me penche un peu plus comme si cela allait m'aider à entendre quelque chose. Mais seul le tintement de deux verres me parvient aux oreilles.
Et puis je me souviens que ceux-là n'ont jamais eu besoin d'utiliser de mots pour se comprendre. La séparation n'a rien changé visiblement. Tiphaine finit par retourner dans sa chambre alors je m'assois à la première marche tout doucement. Malheureusement le bois craque :
« Va te coucher Max ! râle Dylan ».
S'en suit le claquement d'une porte. Mon frère marmonne quelque chose, la porte claque encore une fois et le silence règne de nouveau dans la propriété. Je me laisse aller contre la rambarde, resserrant mes bras autour de mes jambes repliées.
Je suis encore perturbée par le hurlement de Samuel, j'espère qu'il va bien. Mais si Dylan reste avec lui comme ça c'est qu'il est chamboulé. Sam a vécu une vie bien rude, même si je suis loin de tout savoir, ses nuits ont le droit d'être perturbées.
J'attends toujours aussi patiemment, perchée sur la marche de l'escalier, j'attends que mes deux frères reviennent dans le salon.
On me secoue vivement et je peine à relever la tête. J'ai mal un peu partout, notamment aux fesses :
« Qu'est ce que tu fous ici ? Je t'ai demandé d'aller te coucher.
- J'étais inquiète, marmonné-je tandis qu'il me force à me lever en me tenant par le bras. Comment il va ?
- Tu t'inquiète pour rien, bonne nuit frangine à demain. »
Une bise sur la joue et le voilà entrain de refermer ma porte. Je suis bien tentée de retourner dans mon lit, en revanche la tentation d'aller au rez-de-chaussée est encore plus grande.
J'y succombe.
Je veux juste jeter un œil à Samuel et m'assurer que tout va bien. Alors c'est sur la pointe des pieds que je sors de ma chambre pour ensuite descendre les escaliers. Une marche grince tout de même :
« Tu n'as jamais été discrète Mini-Lan »
Sa voix rocailleuse fait écho dans le grand séjour. Je termine de descendre et vois enfin Samuel, dans la pénombre, assis sur le canapé. Je vois nettement son bras amener un shot de téquila à sa bouche.
« Tu veux boire un coup ?
- Non merci, j'ai assez bu d'alcool pour ce soir... Toi aussi d'ailleurs. »
Son ricanement me parvient jusqu'aux oreilles, même dans la cuisine. Je me sers un grand verre d'eau que je bois.
« Et si pour changer tu te mêlais de ton cul Maxime ! gronde-t-il si bien que j'en sursaute toute seule devant le frigidaire. Ça permettrait de reprendre notre relation sur de bonne base.
- Excuse-moi de m'inquiéter pour toi, répliqué-je en traversant en sens inverse le séjour, sans même lui adresser un regard.
- Tu n'as pas à le faire, tu n'es qu'une gamine. »
Cette fois je ne relève pas. Sympa le retour de Samuel... J'essaye de mettre la dureté de ses mots sur la quantité d'alcool ingurgitée mais il m'a blessée. Ce ne sera pas la première fois de ma vie.
Je bois encore un peu d'eau puis je me glisse sous mes draps. J'empoigne mon téléphone et démarre mon application Netflix, je sélectionne la saison huit de Doctor Who et en attendant que l'épisode charge je me relève du lit. Je fouille les poches de ma veste pour en extirper mes écouteurs et puis je déniche mes lunettes de vue dans leur étui au fin fond de mon sac.
C'est quand je m'apprête à me recoucher qu'on frappe à ma porte. Je ne perds pas grand-chose à penser que c'est Samuel.
« Entre ! »
Sam apparait, un léger sourire contrit sur ses lèvres charnues. S'il n'a pas tant changé que ça il va essayer de se confondre en excuse, il n'a jamais été très doué pour cet exercice et rien que de le voir si gêné donne envie de le pardonner.
« Ce que je t'ai dit n'est vraiment pas sympa... C'était gratuit et tu ne méritais pas ce genre de réflexion. »
Je constate qu'il a fait des progrès en matière d'excuse, je ne sais pas si je dois m'en méfier ou non. Sam perd patience à mesure que je garde mon silence. Il finit par s'approcher de mon lit en passant une main dans ses cheveux :
« Tu n'as jamais été rancunière avec moi, j'aimerais que ça ne change pas.
- C'est bon Sam, je ne t'en veux pas ! m'exclamé-je hilare. »
Il pousse un long soupire visiblement soulagé. Je ne me rappelle pas que c'était aussi important avant. Peut-être qu'il veut avancer avec précaution. Après tout six ans ça peut être long dans nos courtes vies.
« Qu'est ce que tu fais ? me demande-t-il.
- J'allais regarder Doctor who !
- En VO ou en VF ?
- Version originale sous titrée en français.
- Je peux m'incruster ? »
J'accepte d'un simple hochement de tête. Samuel vient donc s'installer à côté de moi. Je lance l'épisode, je découvre la nouvelle saison et je suis en extase.
« Tennant me manque, soupire Sam.
- Je préfère Matt Smith, c'est comme tout il faut s'habituer au changement. »
A la moitié de l'épisode il me demande si je veux qu'il tienne le téléphone, j'accepte pour me lover contre les oreillers. Nous n'échangeons pas plus durant la suite, c'est très appréciable de pouvoir regarder une série avec quelqu'un qui ne passe son temps à poser de question.
D'un coup d'œil on comprend qu'un seul épisode ne suffit pas. Pour le deuxième, nous nous posons sur le ventre, le téléphone callé contre les oreillers. La connexion internet de mon frère est merdique, il faut croire qu'un coin de paradis se paie par un flux amoindri.
« Tu regarde d'autres séries ? m'interroge Sam, la tête tournée vers moi et posée sur son avant-bras.
- Beaucoup trop de l'avis de mes proches. Je passe mon temps à ça. »
Nous échangeons sur les différentes séries que nous regardons, nous avons des gouts similaires.
« Tu regarde Game of Thrones ? lui demandé-je vu qu'il n'en a pas parlé.
- Non, j'ai du mal à suivre quand j'ai fumé.
- Pareil, gloussé-je amusée.
- Je suis fada d'une série en ce moment c'est Shameless, la version US parce que je n'ai pas aimé la britannique.
- Je regarderais ça. »
L'épisode a assez chargé, nous allons pouvoir le regarder sans interruption. Samuel le met en route avant que je ne le fasse.
Comme pratiquement tous les matins je suis réveillée par mon estomac insatiable, d'autant qu'une délicieuse odeur de croissant dorant au four vient titiller mes narines.
Alors contrairement à tous les matins je me lève rapidement, j'attache mes cheveux rapidement en contournant le lit pour récupérer ma paire de lunette de vue posée sur la table de chevet opposée à ma place habituelle. Et puis je me rappelle que je me suis endormie durant l'épisode de Doctor who alors que je regardais ça avec Samuel.
Au rez-de-chaussée je retrouve tout le monde attablés autour d'un bon petit-déjeuner comme seul Dylan sait les préparer. Ses études hôtelières nous sont grandement profitables. Une bise rapide à tout le monde et je m'installe sur une chaise avant de me jeter sur le café.
Je rattrape mon retard sur le petit-déjeuner, je me sers le jus multi fruits fraichement préparé. Je vais me régaler avec une tartine de pain grillé encore chaude. Le beurre fond dessus, mon estomac gronde encore plus fort.
Un ricanement me sort de ma grande concentration, quand on parle de nourriture c'est sérieux, surtout que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée. Je rencontre le regard d'un Samuel amusé, Dylan et Tiphaine restent imperturbable dans la lecture de leur hebdomadaire respectif :
« Tu te paye ma tête ?
- Non, répond-il sans perdre son sourire rayonnant, tu as cœur à manger c'est plaisant à voir.
- Je me dépense beaucoup tu sais, je dois faire un footing avec Valentine cet après-midi.
- Tu vas courir où ?
- Beh en bas de chez moi, à la marina de Saint Cyp. »
Il ne parait pas surpris d'apprendre que je vis à Saint Cyprien, Dylan le lui a peut-être dit. Ça me fait revenir à ma première préoccupation :
« Et tu es revenu ici depuis longtemps ?
- Depuis quelques jours.
- Combien exactement ?
- Je suis un peu Jet lagé Mini-Lan, peut-être quatre ou cinq jours. »
Cette fois je balance ma cuillère sur la table ce qui surprend tout le monde au point que les trois paires d'yeux me scrutent d'un incompris :
« Qu'est ce qu'il te prend ? aboie Dylan.
- Il me prend que je suis la dernière roue du carrosse ! m'emporté-je. Pourquoi je n'ai pas été mise au courant plus tôt ?
- Arrête tes caprices Max, Sam a dû se réinstaller, fallait lui laisser le temps de se poser.
- Ouais, grommelé-je tout de même vexée. »
Je garde le nez plongé devant mon bol de café mais je sens le regard lourd de Samuel sur moi et jen'ose plus relever les yeux. Je dois me faire rapidement à l'idée, je ne suispas plus importante aujourd'hui que je ne l'étais avant son départ pour l'Australie.Ça me mine vraiment le moral.
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