Des bruits au silence.

Jeudi 4 août 2015: 

3 heures 04: 

Cette fois-ci il n'y avait pas d'image, seulement les bruits. J'entendais leurs pas. Leurs chaussures frapper le sol. Les cris frapper mon âme. J'entendais les pleures. J'entendais les larmes. Je savais que tout le monde courait autour de moi. Je pouvais sentir l'air toucher violemment mon corps. Ce même corps qui était incapable de se décoller du sol. Je ne pouvais pas ouvrir les yeux, j'étais incapable de les bouger. 

Puis il y a eu le fameux bruit. Celui qui a tout déclenché. A cet instant je savais qu'une balle traversait les airs à toute allure. Pour aller par la suite abattre sèchement un enfant. Léo, le petit Léo. Qui une dizaine de minutes avant courait encore partout. Puis il y avait sa maman, qui fut la seconde tuée. Elle, elle était assise, réprimandant gentillement son petit Léo. Lui demandant calmement de venir s'asseoir. Je ne sais pas vraiment si elle était pleinement heureuse, mais je sais qu'elle aimait son enfant plus que tout au monde. 

Et ensuite, un troisième choc retentit. Et des dizaines, voir des centaines, ou des milliers que sais-je, d'autres coups ont retentis. Je sais juste que j'étais paralysée par la peur. 

Et là le silence. Je n'ai jamais entendu un silence aussi bruyant. J'en étais incapable de respirer. La Mort était arrivée. Je la savais là, tout près de moi. Je la savais qui s'asseyait à côté des victimes. Je la savais là, les prenant dans ses bras. 

Puis d'un coup tout recommença. Le bruit s'était à nouveau installé. J'entendais à nouveau ces enfants hurler. J'entendais à nouveau ces personnes prier. Et tout s'accélérait, tout allait de plus en plus vite. Ne me laissant même plus le temps de comprendre. Je les entendais courir, crier des mots que j'étais incapable de comprendre. 

Puis je me suis perdue. Je savais plus où j'étais. J'avais perdue mes repères. Je ne sentais plus sa douce main dans la mienne. Je ne sentais plus son souffle dans mon cou. Et là trois heures quatre je me réveil. Dans un silence absolu. 




4 heures 41: 

Et cette fois-ci, comme toutes les nuits, j'ai rêvé d'eux. Il y avait les autres, puis il y avait Eux. Je devais encore me contenter des sons. Et j'ai pu une dernière foi entendre Leur voix. 

Elle, Elle pleurait. Elle ne faisait que répéter qu'Elle ne voulait que nous rendre heureux. Elle nous disait qu'Elle nous aimait. Elle me disait qu'Elle était fière de moi. Elle me susurrait qu'Elle avait toujours rêvé d'avoir une fille comme moi. Puis pendant de longues minutes je l'entendais dire sans relâche qu'Elle nous aimait. Et Elle sombrait au fur et à mesure  dans la folie que crée la peur. Que crée l'attente. Je me souviens, qu'à la fin Elle était incapable de dire qu'Elle nous aimait correctement. Elle ne savait plus prononcer les mots. Elle ne savait plus quoi faire. Puis, lorsqu'Elle a à nouveau réussi à nous le dire, sa voix s'est éteinte. Elle s'est éteinte dans un dernier soupir. Je me souviens que je lui hurlais de rester en vie. Je me souviens que je pleurais. 

Puis il y a eu mon cher père qui a suivit. Je crois que lui est mort en même temps qu'Elle. Il n'avait pas versé une larme depuis le début de ce cauchemar. Il avait su rester fort. En fait lui, je ne l'ai pas entendu. Il s'était terré dans une prison de silence. Il n'avait même pas essayé de lutter. Non, lui savait que tout était déjà perdu d'avance. Par conséquent, juste avant que son heure ne vienne, j'ai senti qu'il m'a embrassé sur le front. C'était comme un a dieu. Comme un au revoir précipité. Et là, la balle qui l'a achevé, est sortie à toute allure, mettant fin à des souffrances inutiles. J'ai aussi entendu son dernier souffle. 

Il ne me restait plus qu'une personne. Plus qu'un être auquel je pouvais me retenir. Alors je serrais un peu plus fort la main du garçon que j'aimais. Nous nous rapprochions un peu plus l'un de l'autre. Nous ne voulions pas être séparé par quoi que ce soit. Et j'entendais sa douce voix, me dire que c'était bientôt fini. Il me disait que ce n'était rien. Il me répétait que l'on allait s'en sortir. Et je l'écoutais consciencieusement. Je pouvais déceler la peur dans sa voix. Et pourtant il ne lâchait pas ce foutu espoir. Il voulait y croire. Il me disait, qu'il refusait de me dire qu'il m'aimait, car ce serait admettre la défaite. Il voulait pas mourir. Je l'entendais dans ses mots. Mais il avait terriblement peur. Je le sentais dans sa poigne. Puis là, l'espoir s'est en allé dans un coup sec. Cette balle l'avait coupé en plein milieu d'une phrase. 

Les mots s'embrouillaient. Les actions se floutaient. Et je revenais un peu plus dans la dur réalité. Quatre heures quarante et une. Voilà l'heure d'un nouveau calvaire. 

Je m'apprête encore une fois à vivre une journée ici bas. 

Mais pour le moment je me trouve enfermée avec mon pire ennemi: le silence. 

Et je venais de passer des bruits au silence. 

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