Comme tout les jeudis


    C'était jeudi.
Comme tout les jeudis, et tout les jours de la semaine, la petite fille marchait, sa main d'enfant caché dans celle de sa mère. Elle enjambait soigneusement les lignes des pavés et sautaient dans les flaques. Elle rentrait de l'école.
La rue tournait à l'angle. Le même angle tout les jours, avec le même vieux monsieur par terre, accompagné de son beau chien noir  caramel, au foulard rouge et sale. Il avait beau avoir la cinquantaine, il semblait usé et vieilli par le temps et l'hiver.

Et, comme tout les jours, la petite fille sentit la pression de la main de sa mère sur la sienne, pour marcher un peu plus vite, pour la serrer contre elle un peu plus fort.

Une fois, la petite fille avait fait coucou de la main au vieil homme, qui avait sourit de sa bouche à moitié édenté, plissant tout les plis de son visage. Mais sa mère lui avait lancé un regard noir, avant de détourner les yeux pour les fixer sur l'horizon, en accélérant le pas.
Et, rentrée à la maison, la petite fille s'était fait gronder. Sur les dangers, et les règles à suivre.
Ne pas suivre les Inconnus.
Ne pas parler aux inconnus.
Ne pas sourire aux inconnus....
Le monde est dangereux, rempli de malades mal intentionnés.
Faire attention. Se méfier.
Et le soir, comme tout les soirs, la mère vérifia  le verrou tourné à double tour,  tira les rideaux, et alluma la veilleuse de sa fille avant de la border.

Alors, les jours qui suivirent  la petite fille aussi accéléra le pas en suivant sa mère.
Puis toute seule, quand elle fut en âge de rentrer chez elle sans surveillance.
Elle baissait les yeux sur les pavés. Les mêmes que ceux entre lesquels elle sautait petite.
Parfois, elle voulait mouiller ses chaussures dans les flaques, mais elle ne le faisait pas. Ça tâcherait son pantalon. Elle continuait de marcher, sans regarder autour.

Mais un jour, la petite fille leva brièvement les yeux. Pas longtemps, pas vraiment intentionnellement.
Mais suffisamment longtemps pour voir le vieil homme essayer de faire une attelle à un oiseau blessé. Il la vit aussi.
Elle ne sut pas quoi faire. Elle baissa de nouveau son regard, mais en souriant discrètement. Puis, les jours qui suivirent, elle lui fit un sourire plus franc. Et il lui rendit son sourire.
Et elle arrêta d'accélérer le pas pour rien. 

Un jeudi, comme tout les jeudis, elle rentra du collège. Et ce jeudi là, elle passa au marché acheter des pommes pour sa mère.
Et comme tout les jeudis, elle passa à l'angle de la rue. Avec le vieux mandiant, de plus en plus vieux.

Qui lui sourit.
Sauf que ce jour là, elle s'arrêta. Elle ne sut pas pourquoi, mais elle s'arrêta.
Et, sans un mot, elle s'assit à côté de l'homme.
Et elle lui tendit une pomme.
Elle lui sourit, caressant doucement la tête du vieux chien au foulard rouge, qui essayait paresseusement de chasser le beau moineau qui piaillait sur son arrière train.

"-Comment s'appelle- t-il ?"

"-Ahh, mon vieux compagnon de vie s'appelle vaillant. Et ce p'tit gars, là, il n'a pas encore de nom."

"-Je peux lui en donner un ? "

Le vieux acquiesça.

Il devrait s'appeler..... Espoir.
Ou Billy boy.

Le vieux rigola, avant de croquer dans la pomme. Ce fut la meilleure pomme de toute sa vie.
























On ne gagne rien à avoir peur sans cesse des autres. Bien sûr, il y a des dangers, des tueurs, des violeurs. Comme il y a des personnes merveilleuses. La peur et la méfiance ne génèrent que la peur et la méfiance. Et l'hostilité qui vient foutre son grain de sel. Effacez ces putains de murs. Être bon avec les autres les rends bons, et vous rends heureux. Alors pourquoi s'enfermer dans des cases ? Le monde n'est pas tout rose, on fait pas nos courses avec des Bisounours. Non, on n'est pas au pays des licornes. Mais c'est pas pour ça qu'on doit avoir une peur panique de tout.

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