Mia
Salut!
Je pense que j'aime bien séparer mes Hebdocritures, mettre un texte différent qui n'est pas en lien avec les ateliers à chaque mois, au moins.
Donc, aujourd'hui, je vous présente un autre extrait d'un futur projet. J'espère que ça vous plaira.
Avertissement: Il y a quelques vulgarités, quelque peu obscènes, mais rien pour faire pleurer sa grand-mère. Il y a également des sous entendus d'homophobie et de transphobie. Ces personnages vivent dans une société qui est loin d'être juste.
J'ai ajouté la chanson Every Breaking Waves de U2 car je trouve que l'humeur générale de la chanson fonctionne bien avec cette histoire.
Bonne lecture!!!
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Mia
— Je ne suis pas une fleur, bon sang! Ça ne prend pas un doctorat en Lettres pour bien orthographier mon prénom. Zinia! Z-I-N-I-A! c'est pas si compliqué à comprendre, il me semble!
Sa voix résonnait sur tout le cinquième étage de la Résidence Dent-de-lion tandis qu'elle s'acharnait sur la plaque signalétique à côté de sa porte. De petite taille, une chevelure teinte en bleu coiffée en pétard et vêtue d'un pantalon délavé et troué, elle déchargeait sa colère aussi bien avec sa voix qu'avec le canif qu'elle maniait avec l'adresse d'une dépeceuse de carcasses. Avec des gestes précautionneux et silencieux, j'enjambai son énorme valise et son skateboard avant de me faufiler derrière elle à la recherche de la chambre 512. C'est ainsi que je m'aperçus, par-dessus son épaule, que je venais de faire la rencontre de ma co-chambreuse.
— bon, finalement! s'écria-t-elle, satisfaite, maintenant qu'un des n qu'on avait eu le malheur d'ajouter à son prénom s'écrasait sur le sol de bois usé du couloir avec un bruit sourd. Là c'est mieux!
Elle voulu se reculer pour admirer son travail mais je l'arrêtai, passant un bras par-dessus son épaule pour pointer la plaque.
— Et le braille?
— Quoi!?
Interloquée, elle fit volte-face et leva de grands yeux d'un violet hypnotisant qui me rappelait le mauve de ces fameux zinnias dont elle ne portait pas tout à fait le nom vers moi, réalisant enfin qu'elle n'était plus seule. Satisfaite d'avoir évité de me faire transformer en crêpe murale, je souris et pointai à nouveau la plaque.
— T'imagines, toutes les étudiantes aveugles du Dent-de-lion vont croire que tu portes le nom d'une fleur?
Son joli visage prit aussitôt une expression songeuse, confuse. Elle réfléchissait réellement à ma question.
— Mais, je ne connais pas le braille... je pourrais effacer n'importe quoi! Il ne faudrait pas qu'elles pensent que je m'appelle Znnia ou Zinna ou je sais pas trop quoi encore! Oh, et si je me trompe et que j'efface cette personne... Mia Sérenna, ce serait très injuste pour elle!
— Je parie que Mia ne t'en voudra pas, répondis-je, amusée de préserver le mystère de mon identité encore un moment.
Je laissai tomber mon sac au sol et me mis à examiner les petits points, m'amusant à les comparer aux lettres juste au-dessus. Mon nom, Mia Sérenna, était plutôt facile à reconnaître. Peu de prénoms n'avaient que trois lettres. Ma nouvelle camarade s'appelait Zinia Flores. Je n'arrivais pas très bien à comprendre comment quelqu'un portant le nom de "Flores" pouvait s'offusquer de se faire orthographier comme une fleur, mais je n'étais pas là pour juger.
Sachant que trois de nos noms se terminaient par un a, j'en déduisis que ce petit point solitaire devait être un a. De la même manière, je pouvais repérer le e, le i, le r, le s et ce fameux n apparu sans invitation. Les deux petits points placés à la verticale au début de chaque mots m'embêtaient un peu, mais j'en déduisit que c'était certainement un symbole qui signifiait quelque chose de particulier, le début, peut-être? Bref, en quelques secondes, j'étais convaincue que le drôle de petit trapèze inversé composé de quatre points était un n. Je pointai le plus à gauche, question de resté cohérente avec l'imprimé et annonçai:
— Tu peux enlever celui-là.
Sa bouche rose forma un o presque parfait alors que ses yeux s'écarquillaient de surprise.
— Woah! Tu parles la langue des aveugles?
Sa réplique naïve me tira un éclat de rire. Je secouai la tête en signe de dénégation. Je réprimai le réflexe un peu malaisant que j'avais de corriger les autres et ne lui précisai pas que "les aveugles parlent la même langue que nous, ils ne font qu'utiliser un système d'écriture différent." Ce n'était pas tout le monde qui appréciait se faire reprendre et j'espérais démarrer cette cohabitation sur de bonnes bases.
— Non, ce n'est qu'une simple déduction. Mais, disons que je suis assez certaine de mon coup.
Sur ses mots, tandis qu'elle s'acharnait sur les petits points de plastique qui formaient ce n offensant, je reprit mon sac et sorti ma clé. Juste avant de refermer la porte derrière moi, je demandai:
— Zinia?
Sans quitter son travail de vandalisme des yeux, elle poussa un grondement que je choisi d'interpréter comme une invitation à poursuivre.
— As-tu une préférence de côté de chambre?
Elle ne répondit pas tout de suite. Je me fis la réflexion qu'elle était absolument adorable, tellement concentrée que la petite pointe rose de sa langue dépassait entre ses lèvres entrouvertes. Elle mit un moment pour répondre:
— M'en fiche. Ça pourra pas être pire que dans le District.
Bon, comme elle voulait. Je choisirais pour nous deux.
🌊 🌊 🌊
La configuration de cette résidence était plutôt simple. Dès notre entrée dans un vaste hall, nous étions accueillies par des grappes de fauteuils et de tables basses qui se donnaient des allures de salon de thé. D'ailleurs, lorsque j'y suis passée, à la recherche du bureau d'accueil, une vingtaines de filles y étaient installés, papotant joyeusement, une tasse ou un verre à la main. Les murs parsemés de portes donnaient accès à une cafétéria, quelques salles d'études ainsi qu'aux appartements privés de la gardienne du foyer. Un ascenseur et une étroite cage d'escaliers., à chaque extrémité de la vaste pièce donnaient accès aux étages supérieurs, ceux-ci étant tous munis d'une cuisine collective et d'une buanderie payante. Il fallait réserver des horaires pour faire son lavage car il n'y avait pas suffisamment de machines pour satisfaire tout le monde en même temps. La gouvernante m'avait fait signer le règlement avant de me remettre ma clé et de me souhaiter une bonne session à l'Université de la Cité-état.
La chambre était de dimensions tout à fait raisonnable, avec une large fenêtre face à la porte, un lit de chaque côté de celle-ci et deux unités servant à la fois de garde-robe, d'étagère et de table de travail. La seule différence entre les deux côtés était la porte coulissante qui donnait sur une salle de bains partagées qui unissait, tel un passage secret, les chambres 510 et 512. À son opposé se trouvait un placard supplémentaire que je découvris garni de literie, de produits de nettoyage - nous devions faire nous-même l'entretient de nos chambres - et d'un dictionnaire qui datait d'au moins vingt ans.
Tant pis pour Zinia, mais il était hors de question que je choisisse le côté qui jouxtait la salle de bains. Je laissai donc tomber mon sac sur le lit de droite et retirai mes chaussures. J'avais marché depuis chez moi jusqu'au campus de l'université, montant toutes les côtes menant au District Central de la Cité-état. Je me sentait collante de sueur et de poussière et il me tardait de prendre une douche et de passer des vêtements propres. J'étais persuadée de devenir folle si je devais supporter mon soutien-gorge une minute de plus. Glissant les mains sous mon t-shirt, je le dégrafai, prenant une première véritable inspiration depuis mon départ de la maison.
Après avoir extirpé le vêtement honni de sous mon chandail, j'entrepris de défaire l'épaisse tresse d'un noir corbeau qui me coulait sur le dos. J'avais hérité ma coloration métissée de mon père Manuel Sérenna, ainsi que de ses pommettes hautes et saillantes. De l'autre, Antoine, celui qui avait sacrifié sa thérapie hormonale pour me donner naissance, je tenait la haute taille et les yeux en amande.
Mes pères étaient tellement fiers de moi ce matin-là. Papa-A s'était levé à ce qui équivalait aux aurores pour lui afin de déjeuner avec Papa-M et moi. Il avait préparé ce qu'il appelait son "omelette des marins", le regard dans le vague, cachant de son mieux son manque de sommeil. Danseur-étoile dans le plus illustres cabarets de toute la Cité, situé dans le District du Port, il était certainement rentré aux aurores mais avait néanmoins tenu à assister à mon départ. Attablés devant notre bol de café respectif, Papa-M et moi l'avions admiré en silence, ses mains agiles maniant les ustensiles avec la même finesse que lorsqu'il manipulait ses voiles ou ses partenaires de danse sur scène. Je me pris à songer que d'ici quelques années, il aurait l'air plus jeune que moi tellement la thérapie génétique que subissaient tous les employés du Céleste lui réussissait. Ce matin-là, pour la première fois, je me demandai ce que ça pouvait bien faire à Manu de voir son époux figé dans le temps de la sorte, lui que l'air du large et le travail physique en mer n'épargnaient pas.
— Ne nous appelle pas pour rien, Mia, avait dit Papa-M en touillant son café. Garde ton argent pour t'offrir une récompense. Achète-toi du chocolat ou des bonbons à l'anis, quelque chose qui te fera plaisir. Nous savons que tu te rendras dans le District Central, ce n'est pas si loin.
— Et si ma récompense est de vous entendre? avais-je demandé.
D'un geste discret, il avait essuyé une larme avant de serrer mon bras affectueusement.
— Allons donc, Mia! Tu t'en vas dans le District d'à côté, s'était écrié Antoine en déposant l'omelette au centre de la table. Tu pourras revenir quand tu veux en une petite heure de marche. Soies pas cruelle au point de faire pleurnicher Manu avec ta sentimentalité. Et toi, mon chéri, ne pleure pas pour ça. Le pire qui lui arrivera sera de s'ennuyer à mort lorsqu'elle réalisera qu'elle est dix fois plus brillante que tous ces culs-coincés et qu'elle perd son temps dans ce nid de vipères gonflées de suffisance.
Les iris azurés d'Antoine brillaient de fierté, ce qui jurait avec ses mots cruels à l'égard de la "faune académique" tandis qu'il se versait un café et que Manu remplissait les assiettes en grommelant.
— Je ne prendrai qu'une petite portion, dit Antoine, je retourne me coucher dès que notre brillante gamine est partie! J'ai besoin de mon repos si je veux continuer de charmer les foules. Les rides, ça fait terriblement sexy sur les marins, mais sur les danseurs étoile, beaucoup moins.
— Fais surtout pas comme ton père, Mia, renchéri Manu. Va pas t'attraper un diplôme universitaire pour finir dans un cabaret.
— Antoine Sérenna n'a pas de diplôme, Manu. C'est un poseur frimeur qui en sait plus long qu'à peu près tout le monde sur la psychologie humaine, rien de plus. Certes, il est très intelligent et pourrait en boucher un coin à la plupart des imbéciles que fréquentera Mia dans les années à venir, mais c'est sans importance. Personne ne s'intéresse à lui pour ce qu'il dit, mais plutôt pour ce qu'il projette. On aime ses grands yeux de biche, ses mouvements gracieux et sa bouche en coeur, certainement pas ce qui en sort.
C'était le seul point de friction entre mes pères. Manuel, nés au milieu de l'océan dans un endroit qu'on appelait les Îles Orages avait obtenu une maîtrise en génie naval qui n'avait plus la moindre signification maintenant qu'il était résident de la Cité. Il avait espéré toute sa vie que son expertise soit reconnue, ce qui lui aurait permis d'améliorer sa condition et celle de sa famille. Manu n'avait jamais compris qu'Antoine refuse de se battre pour que les diplômes qu'il avait acquis sous son nom de naissance lui soient reconnus. Évidemment, le fait que Manu soit encore soumis à la volonté de bureaucrates véreux qui se permettaient d'exploiter son expertise en ne le payant que comme un simple marin était l'évidence même de la futilité de ce combat. Mais Manuel Sérenna se battrait jusqu'à la mort, persuadé qu'un jour, la justice triompherait.
Pour sa part, c'était comme si, le jour où Papa-A était devenu Antoine, Louise était morte pour de bon. Je n'ai d'ailleurs appris que très récemment le prénom que lui avaient octroyé ses parents à sa naissance. Parents dont il ne parlait jamais et que je n'avais pas rencontré non plus. En fait, j'étais même plutôt certaine qu'ils ignoraient mon existence.
Louise n'était plus et c'était mieux comme ça.
En voyant le jour, Antoine avait adopté le nom de son amoureux, abandonnant tout ce qu'il avait été, diplôme en psychologie inclus. Il cultivait une rancoeur amère au sujet de la "faune académique", comme il les appelait et aurait préféré que je concentre mon énergie sur les compétitions de surf plutôt que sur les études, mais j'étais comme Manu, je ne voulais pas abandonner.
Mes pères avaient choisi de s'établir dans le District du Port, conscients qu'une union comme la leur attirerait les commérages n'importe où ailleurs. C'était le meilleur moyen pour Manu de rester près de la mer qu'il aimait tant et pour Antoine de vivre comme il l'entendait.
🌊 🌊 🌊
J'avais défait et brossé mes cheveux et les avaient remontés sur ma tête afin de ne pas les mouiller dans la douche. Je n'avais pas encore décidé si je choisirais l'appel de cinq minutes au téléphone payant du bout du couloir ou les friandises, je comptais y réfléchir en faisant ma toilette. J'allais me diriger dans la salle de bains lorsque Zinia ouvrit la porte toute grande, le sourire fendu jusqu'aux oreilles.
— Voilà, c'est fait! Il ne sera pas dit que les étudiantes aveugles croiront que je suis une fleur.
— Quel soulagement! souris-je avant de faire coulisser doucement la porte derrière moi.
Il s'agissait de la plus étrange salle de bains que j'avais vu de toute ma vie. Constituée d'une longue pièce en enfilade où s'alignaient une baignoire, un comptoir garni de deux lavabos, une cuvette de toilette et une cabine de douche où perçait une fenêtre au verre givré. Les barres à serviettes étaient déjà toutes occupées et le comptoir ainsi que la bordure du bain étaient couverts de produits cosmétiques, de shampoing et de gel-douche. Le message était limpide, les filles de la 510 avaient déjà investi les lieux et Zinia et moi n'étions pas les bienvenues.
D'ailleurs, deux minutes après que je me soies glissée sous l'eau chaude, on commença à frapper dans la porte et dans le mur comme si je les empêchait de dormir. Je me hâtai de me doucher, hésitante à revenir dans la chambre seulement couverte de ma serviette. Je n'avais pris le temps d'établir aucune règle avec Zinia, peut-être serait-elle mal à l'aise que je me change devant elle. Pour ma part, j'avais fait assez de sport pour me sentir à l'aise avec mon corps et celui des autres. Les vestiaires de la piscine où j'allais m'entraîner étaient des vestiaires mixtes et il y avait longtemps que je faisais la part entre la nudité utilitaire et celle à caractère sexuel. Cela dit, si je n'en étais pas venue aux bonnes conclusions moi-même, j'étais prête à parier que ma famille du Céleste m'aurait instruite.
— Mia, tout va bien, demanda Zinia à travers la porte coulissante.
— Je ne fais rien, dis-je. Ce sont les filles d'à côté qui frappent.
De l'autre côté de la porte, il y eut un instant de silence, puis Zinia demanda:
— Je peux entrer?
Très curieuse de découvrir ce qu'elle comptait faire, j'acceptai. Je n'avais même pas pensé à verrouiller la porte de notre côté. Sans m'expliquer pourquoi, je faisais confiance à Zinia.
— Oh, Mia, si vite! s'extasia Zinia, me tirant la langue, moqueuse. On se connaît à peine, ma beauté!
À mon grand étonnement, elle recula contre la porte coulissante de nos voisines en embrassant bruyamment son bras tatoué. J'étais stupéfiée, tétanisée.
— Oh oui, t'es chaude, viens là, ma tigresse, mange-moi la chatte, oui, ouiiiiii!!!
Je ne pouvais pas croire que les filles de la 510 croyaient à cette caricature d'ébats torrides. Et pourtant, on avait cessé de marteler la porte. L'expression rieuse, Zinia continuait de se démener et de faire semblant de gémir en m'encourageant de la main à l'imiter.
— Viens... viens ma tigresse, viens pour moi, m'ordonnait-elle d'une voix terriblement audible avant de chuchoter. Allez, aide-moi un peu, on va les traumatiser un bon coup.
Je ne sais pas ce qui m'a prise. Était-ce le sourire ravageur de Zinia, son évidente hilarité ou la lueur farouche que je décelait au fond de ses prunelles? Ou encore le fait qu'une ancienne faune universitaire avait fait en sorte que mon père déteste tellement cet endroit qu'il refuse de se battre pour que tout le travail de son ancienne vie soit reconnu? Je ne savais pas et je m'en foutais bien. Toujours est-il qu'en deux enjambées, j'étais auprès de ma nouvelle complice et que je participais à nos ébats fictifs en y allant de mes propres gémissements et soupire. C'était vulgaire, brutal, et certainement beaucoup plus féroce que je ne le serais jamais en vrai, mais ce fut jouissif. En particulier le bout où nous entendîmes les mystérieuses 510 quitter leur chambre en claquant la porte.
Ce n'est qu'une fois que Zinia et moi cessâmes d'entendre les plaintes outrées des 510 résonner dans le couloir que nous arrêtâmes notre mascarade et éclatâmes de rire à nous en péter les côtes.
— Oh, seigneur! s'exclama Zinia, à bout de souffle. Je crois que je n'ai jamais autant rit de toute ma vie! J'ai même un peu fait pipi dans ma culotte.
Cette fille était incroyable, elle ne semblait avoir aucun filtre. Pour ma part, j'avais tellement rit que j'en avais perdu ma serviette. Avec un sans gène auquel j'allais devoir m'habituer, Zinia envoya balader ses chaussures de skate d'un coup de pied et se défit de ses jeans et de sa petite culotte. D'un geste habile, elle l'envoya s'accrocher à un des luminaires en me faisant un clin d'oeil espiègle.
— Ça complète bien la mise en scène, je trouve.
Je ne savais pas trop quoi dire alors je me contentai de ramasser ma camisole et de passer mes vêtements propres. De toute évidence, Zinia n'avait aucun complexe vis-à-vis de la nudité entre co-chambreuse.
— En tout cas, j'espère que tu tenais pas trop à ta réputation. Tout le campus ne tardera pas à savoir que les filles de la 512 se broutent la touffe 5 minutes après être arrivées.
— Mon père danse au Céleste et ce n'est pas une drag, dis-je sans trop comprendre pourquoi. Il y a longtemps que ma réputation n'a plus d'importance pour moi.
Le visage expressif de Zinia démontra un instant de la surprise avant qu'elle ne se ressaisisse. Le Céleste était connu de tous. Personne dans la Cité ne pouvait ignorer que si mon père dansait sur ses scènes magnifiques et qu'il n'était pas une dragqueen, il était un homme trans et/ou un homosexuel. Le Céleste glorifiait le burlesque, l'absurde et le fantasque, se gaussant, comme disait si bien Antoine, "de ses ploucs qui viennent s'exciter le poil des jambes devant leurs fantasmes inavoués".
C'était là, parmi ces gens libres de corps comme d'esprit que j'avais grandit. Mon père Manu étant régulièrement parti en mer, Antoine n'avait d'autre choix que de m'emmener avec lui lorsqu'il travaillait. Le Céleste était donc devenu mon deuxième foyer, l'endroit où se trouvait ma vraie famille. C'était avec Diego, meilleur ami de Manu, que j'avais appris le surf, avec Leila que j'avais découvert ma féminité, avec Rose, puis Étienne que j'avais découvert la sexualité. Tous ces artistes étaient devenu mes oncles et mes tantes, leurs enfants mes cousins et mes cousines. Même si le District du Port était surnommé la Cour des vices, je n'avais jamais manqué de rien. J'avais même été plutôt choyée par cette famille bigarrée composée d'excentriques.
En bout de ligne, après m'être autant amusée avec Zinia, je choisi non pas d'appeler mes pères, mais plutôt d'appeler au Céleste. Je savais que là-bas, quelqu'un s'inquiétait pour moi et serait ravi d'avoir de mes nouvelles.
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