Les chaussettes de la honte

Bonjour,


Aujourd'hui, je vous offre un texte spécial tiré d'un fait vécu.


En 2019-2020, j'ai fait un burnout qui a duré plusieurs moi. Je me suis retrouvée en arrêt de travail très longtemps.


Un matin, j'ai eu une sorte d'épifanie et voici ce que j'ai écrit.


Je ne vous en dis pas plus.


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Les chaussettes de la honte

Les 8 février 2020


C'est surprenant à quel point un si petit vêtement peut avoir un tel poids.


Ce matin, alors que je me préparais pour ma journée, j'ai attrapé une paire de chaussette dans le tiroir. Aussitôt, des souvenirs et des émotions sont remontées en moi.

Noël chez mon père, à Longueuil sur la rue Cartier, je ne me souviens plus de l'année exactement. La scène remonte à l'époque où on se donnait encore des cadeaux de Noël, alors ce doit être autour de 2004-2005.

Tout le monde est super content, sauf moi. Ils ont tous reçu un laisser-passer pour aller à d'Arbres en Arbres ou quelque chose du genre.

tous, sauf moi.

Moi, j'ai reçu cette paire de bas. Parce que c'est trop difficile, ce genre d'activité, je ne pourrai pas y aller, je suis aveugle.

Mais la seule chose qui me frappe, c'est que ma propre famille me rejette à cause de ma différence et que tout le monde semble trouver ça normal.

J'ai mal, très mal, je me sens humiliée et même si j'adore les chaussettes en mérino et que celles-là sont super cools, elles portent en elles et sur elles le rejet et l'humiliation.

Et ces chaussettes ont toujours été porteuses de ces sentiments.

À chaque fois que je les ai prises dans mes mains ou enfilées depuis, il y a systématiquement eu le retour de ce moment horrible.

Évidemment, à chaque fois, j'ai essayé d'être positive, qu'ils n'ont pas fait ça pour mal faire, qu'au contraire, mes parents m'ont toujours encouragée à foncer, à aller plus loin. Mais malgré tout mes efforts, le rejet et l'humiliation s'invitaient toujours dans mes chaussettes, s'étant implanté d'office entre les mailles du tricot.

Et bien, aujourd'hui, c'est fini!

Je me suis débarrassée de ces chaussettes de malheur.

Oh, j'ai bien failli tomber dans leur piège encore une fois. Je les ai sorti du tiroir, j'ai enlevé l'épingle à couche qui les retient ensemble pour le lavage et je les ai mises.

Encore une fois, ces deux parasites se sont mis à remonter le long de mes jambes, faisant ressurgir ce souvenir de Noël gaché.

Mais ce matin, j'ai dit non.

Je me suis arrêtée, je me suis demandé pourquoi je me fais subir ça alors qu'il y a un paquets d'autres chaussettes de mérino dans le tiroir.

La réponse est complexe, évidemment. Il y a quelque chose de rassurant dans le malêtre je suppose. Il devient vite un ennemi réconfortant, une preuve qu'on a raison de se sentir comme une bonne à rien ou qu'on peut se complaire dans l'auto-pitié.

Je me suis donc rendue compte que c'est ce que j'ai fait. Oh, pas consciemment, non! Je ne suis pas du genre à vraiment penser que je ne vaux pas au moins autant que les autres.

Cependant, j'ai peu de foie en l'autre. Je fais confiance à mes amis, à ma famille, mais je me méfie de l'étranger, je suis persuadée qu'ils me jugent et le genre d'émotion que véhiculent ces chaussettes me confortent dans cette idée. Si ma famille est capable de m'exclure, c'est certain que les gens qui ne me connaissent pas ou peu sont capables de me juger et de m'exclure aussi.

Donc, aujourd'hui, j'ai fait un pas vers le détachement et j'ai retiré les chaussettes, je les ai mises en boule et je les ai mises dans le sac de vêtements à donner. Et qu'elles emportent ce souvenir de merde avec elles!

Je me sens mieux, légère et libérée. J'espère que ce mauvais souvenir restera loin de moi pour toujours. Je n'ai plus envi de me sentir rejetée et humiliée, surtout pas en rétroaction de cette façon.

Ça m'aura pris environ 15 ans avant d'être prête à les laisser partir. Heureusement c'est fait maintenant.

J'espères, Chaussettes, que vous aurez une meilleure deuxième vie.

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