Hebdocriture du 11 septembre | Flammes

Salut!


Voici un texte d'Hebdocriture.


Le thème: Raconter l'histoire d'un chasseur de magie.


Alors, voilà, bonne lecture!


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Flammes


     Lucas, Vince et moi nous étions réfugiés dans mon bureau après avoir quitté la ferme de monsieur Vézina. J'avais sorti une vieille casserole qui traînait dans la cuisine du poste et Lucas y avait déposé la choses récupérée par les gars de la caserne au coeur de la grange en flamme, l'air soucieux.

     Marmonnant dans sa barbe soigneusement taillée, Vince épinglait les photos de la scène sur mon babillard tandis que je caressais Dahlia, la golden que Lucas et moi avions adoptée ensemble. Elle n'arrêtait pas de couiner, jetant des coups d'oeil de travers à la casserole et son mystérieux contenu, gardant la queue entre les jambes et envoyant des signaux d'apaisements. Nous avions bien essayé de la sortir, de l'envoyer faire une balade avec Minh ou de la reconduire à la caserne, mais elle s'était extirpé de son collier et était retournée se réfugier dans le bureau, nous défiant de l'abandonner. Puisqu'il ne servait à rien de s'obstiner, nous avions cédé et la chienne restait avec nous.

     C'était le quatrième incendie mystérieux cette semaine. À chaque fois de vieilles granges ou de vieux bâtiments, une fois un vieux silo qui ne servait plus et attendait sa démolition flambaient sans raisons apparentes. À chaque fois, l'équipe de Lucas s'était vu arriver juste à temps pour contrôler les flammes et empêcher l'incendie de se propager en attendant qu'il s'éteigne.

     Et à chaque fois, quelqu'un de fort peu fiable avait cru percevoir une silhouette dans les flammes.

     La première fois, ça avait été la petite Casgrain, âgée de deux ans et demi qui babillait à propos d'"un monstre dans le feu", la deuxième fois, madame Oliver, âgée de 98 ans et souffrant de démence nous avait dit avoir vu son mari devenu ange qui venait la chercher pour l'emmener au ciel, la troisième fois, c'était l'alcoolique le plus notoire de la région qui disait qu'il avait "fait cramer la salope". Nous avions fini par découvrir qu'il parlait de son ex-femme et j'avais la certitude que Suzanne Cartier n'était pas partie en fumée car elle était assise à la réception du poste de police pendant l'incendie.

     Cette fois, il s'agissait d'une bande d'ados, dont les fils Vézina. Ils avaient légèrement abusé de drogues et prétendaient avoir vu Satan en personne fumer bien tranquillement un bong au milieu des flammes.

     Ça commençait à faire, pardi! Certes nous ne pouvions pas nous fier à aucun des témoignages recueilli, bien que si je devais en choisir un, j'aurais pris celui de la petite Adèle. Les enfants avaient, c'était bien connu, un sixième sens qui parfois, se développait en quelque chose de plus concret en vieillissant.

     Mon regard se porta à nouveau vers l'intrus trônant sur mon bureau dans sa vieille casserole.

On aurait dit un oeuf d'autruche, à condition que les autruches se soient mises à pondre des oeufs capables de dégager de la chaleur tout en étant de la couleur d'une bulle de Crush à l'orange solidifiée. La chose irradiait autant sur le plan physique que psychique. Rien d'étonnant à ce que Dahlia démontre de l'inconfort, moi-même, je pouvais sentir un mal de tête poindre entre mes yeux rien qu'à la regarder.

     — Monsieur Vézina n'était pas chez lui quand l'incendie a débuté, dit Lucas, appelant Dahlia à lui pour la prendre sur ses genoux. Il n'y avait que ses ados et leurs amis qui fumaient du weed dans la maison en écoutant de la musique.

     — S'ils ont dit la vérité à Jacob, continuai-je, ils étaient trois dans le salon, deux dans la chambre à — je fis des guillemets avec mes doigts — "étudier" et trois ou quatre autre à — encore les guillemets — "prendre une collation" dans la cuisine lorsque l'incendie s'est déclaré.

     Devant le babillard, Vince poussa un juron.

     — Bonté divine, ils ont quoi, quatorze ans? Ne sont-ils pas un peu jeune pour se geler la face comme ça en plein jour? Ces jeunes auraient dû être à l'école, non?

     — L'ennuie des régions, répondit Lucas.

     Vince poussa un juron en italien et marmonna quelque chose à propos d'une vie tranquille pour ses enfants. Ni Lucas ni moi ne commentâmes, trop occupés à surveiller l'ostentatoire boule qui trônait entre nous.

     Après avoir terminé d'épingler toutes les photos de la scène, Vince agrippa la troisième chaise et l'approcha du bureau. Il eut un sourire mi-figue mi-raisin et pointa le truc orange.

     — Ça vient pas de l'espace, dit-il, catégorique. Aucune météorite n'aurait cet aspect aussi sphérique, aussi lisse après être entré dans notre atmosphère.

     — Je connais rien aux météorites, répondit Lucas. Le fan d'astronomie, c'est toi.

     Le retour de Vince dans notre cercle autour de mon bureau me força à lever les yeux. J'osais à peine leur révéler que j'étais habitée d'une compulsion depuis que la chose était entrée dans la pièce. J'avais envie de l'emmener chez moi, de la protéger. Cette pulsion soudaine me faisait beaucoup trop penser à Gollum pour être réconfortante.

     — Qu'est-ce que tu vois, Sara? demanda Vince.

     Je me concentrai, leur faisant signe d'attendre un instant. Je m'étais découvert un drôle de talent, dernièrement. Je pouvais percer les illusions, voir ce qui était invisible. C'était ainsi que j'avais découvert que mon meilleur ami — Lucas, en l'occurence — était un loup-garou et que, respectant les règles du Silence, il ne m'en avait jamais parlé. Depuis ce jour, j'avais arrêter de ressentir ce pincement au coeur à chaque fois que Dahlia lui obéissait au doigt et à l'oeil ou lorsque, comme à cet instant précis, elle était totalement détendue dans ses bras.

     Je fermai les yeux, ralentissant ma respiration, tentant de retrouver un semblant de calme. Je ne ressentais rien de maléfique, seulement une force neutre et écrasante, presque violente dans sa puissance.

     — Raconte-moi encore comment vous l'avez trouvé, soufflai-je, toujours les yeux fermés.

     La voix de Lucas était calme lorsqu'il se mit à parler.

     — Lorsque nous sommes arrivés, les jeunes étaient tous dehors sur la galerie à regarder les restes de la grange qui flambait comme un feu de la Saint-Jean. Ils nous ont laissé travailler, mais franchement, comme les trois autres fois, il ne restait plus qu'à contrôler les flammes et à nous assurer que le feu ne se propage pas dans le champs. Vézina n'a jamais bien entretenu ses bâtiments et c'était une vieille grange à foin alors c'est parti en fumée, sans faire de mauvais jeux de mots.

     — Et la chose, demandai-je.

     — C'est ça le plus étrange, fit Lucas sa voix se faisant subitement hésitante.

     Je pouvais l'imaginer, passer une main dans ses cheveux blonds, l'air soucieux. Il se leva et alla déposer Dahlia dans son panier. Ses pas lents et fatigués résonnaient dans la pièce, témoignants de sa confusion. À ma droite, Vince pianotait sur ses pantalons discrètement, tout aussi perplexe.

     — J'ai entendu appeler, avoua-t-il. Je ne peux pas décrire l'appel. Ce n'était ni un cri, ni une voix, mais ça s'adressait à moi, personnellement.

     — À toi, répéta Vince.

     J'étais prête. Je levai la main pour les faire taire et j'ouvris les yeux.

     Autour de moi, mon bureau avait disparu. Je me trouvais dans une étrange pièce noire et étouffante de chaleur.. Je voyais, aussi scintillant qu'un soleil, la sphère orange qui flamboyait comme si elle contenait un brasier. Doucement, l'objet se fissura, faisant jaillir une forme qui émergeait avec des mouvements saccadés.

     Avant que je puisse voir de quoi il s'agissait, ma double vision s'estompa et je revins à la réalité.

     — Je crois que c'est un oeuf, dis-je.

     — Un oeuf! répétèrent les gars.

     Je hochai la tête.

     — Ça ne nous avance pas vraiment, fit Vince.

     Subitement, Lucas et Dahlia relevèrent la tête et mon ami annonça:

— Quelqu'un vient.

     Rapidement, je glissai la casserole sous mon bureau, entre mes pieds et l'instant d'après, Arnaud Morel entra à la volée, faisant claquer la lourde porte contre le mur.

     — Sar... euh, détective, fit-il. Il vient d'avoir un drôle d'appel. C'est monsieur Asselin, le voisin de Vézina. son ancienne étable est partie en fumée.

     — Partie en fumée? répéta Lucas, sortant son téléphone afin de vérifier les activités de la caserne en face.

     — Oui. Elle était là, et tout de suite après, "pouf". Plus d'étable.

     Vince jura, se relevant. Lucas secoua la tête.

     — Comment sais-tu ça? demanda-t-il à Arnaud. Il n'y a eu aucun appel à la caserne.

     Arnaud ouvrit et referma la bouche, cherchant une réponse. Il était toujours très intimidé lorsque Lucas lui adressait la parole et je ne comprenais pas pourquoi. Certes, Lucas était très grand et costaud et il dégageait de lui, sur le plan méta-physique quelque chose de fort et impressionnant, mais il n'avais jamais fait montre d'agressivité envers qui que ce soit.

     — C'est Minh et Lajoie qui ont vu la colonne de fumée pendant leur patrouille, bafouilla Arnaud.

     Aussitôt, nous entrâmes en action. Lucas se dirigea à la caserne tandis que Vince et moi nous préparâmes à quitter le poste.

     — Morel, va me chercher la trousse qui se trouve sur mon bureau, ordonna Vince.

     Cette fois, Arnaud obéit sans se faire prier. Vince me jeta un regard insistant avant de baisser les yeux en direction de l'oeuf. Rapidement, sans trop réfléchir, j'ouvrit mon coffre de sécurité et enfouis la casserole et son contenu à l'intérieur puis refermai. Finalement, armés et équipés, nous quittâmes le poste, suivant le camion de pompier qui se dirigeait vers le nouveau lieu d'incendie.


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     Lucas bondit le premier du camion, vêtu d'un simple t-shirt et d'un pantalon de sport et je compris qu'il ne venait pas pour combattre un incendie. Après lui sortirent quatre personnes tout aussi peu vêtues qui ne résonnaient pas comme des humains à mes sens longtemps endormis. Sans surprise, Nigel Mayers sorti du camion, m'adressant un clin d'oeil complice. Celui qui m'étonna davantage et qui fit sursauter Vince à mes côtés fut Harry de Lorimier, médecin à l'hôpital de la région et époux de mon ami.

     — Protège Sara, fit Harry, venant embrasser Vince. Et ne t'en fais pas, les enfants sont en sécurité.

     Depuis la découverte de mes talents personnels, j'allais de surprise en surprise.

     Assister à la transformation en directe d'un loup-garou était déstabilisant. Harry recula d'un ou deux pas, nous faisant toujours face tandis que sa peau s'illuminait d'énergies ambrées et vertes rappelant la Terre Mère, celle qu'ils appelaient Gaïa et que nous, les humains avions pour ainsi dire oubliée. Le tout ne prenait que quelques secondes et bientôt, l'énergie laissa derrière elle un loup d'un noir marbré de brun rappelant la chevelure de Harry sous forme humaine.

     Harry se planta en sentinelle devant nous, prêts à nous protéger de ce qui se passerait ensuite.

     Au centre du terrain, l'étable d'Asselin brûlait encore malgré l'absence évidente de combustible. Les pompiers — ceux qui n'étaient pas des loups-garous — branchèrent leurs boyaux à la pompe du puis artésien et commencèrent a asperger les flammes.

     — Ça ne donnera rien, fit une voix provenant d'un pas derrière moi sur ma gauche. Ce n'est pas un feu naturel.

     — T'en as d'autres des comme ça, petit génie, lançai-je un peu froidement.

     Saunders — sans prénom et/ou nom de famille — se tenait là comme s'il était tout à fait normal d'apparaître auprès des gens au beau milieu de ce qui avait tout l'air d'être une catastrophe surnaturelle.

     — Tu peux dégager le cabot, répondit Saunders en jetant à peine un coup d'oeil à Harry. La détective n'aura pas besoin de toi.

     — Harry est avec moi! riposta Vince, défendant vaillamment son époux.

     Saunders ne prit pas la peine de répliquer, croquant dans la pomme qu'il tenait toujours à la main. En général, je me demandais comment les autres membres de son équipe faisaient pour le tolérer. Normalement, j'aurais même passé un commentaire, mais j'étais beaucoup trop occupée pour me soucier du mystérieux "super" qui me servait soudainement de garde du corps.

     Au milieu du brasier surnaturel, trônant comme le célestien qu'iel était se trouvait un séraphin. Grand d'au moins trois mètres, constitué de flamme et de lumière, l'être céleste fouillait le sol, ses ailes de prédateur aérien dressées majestueusement. Autour de lui, une armée de ses subalternes semaient le chaos parmi les loups-garous occupés à les contenir. Près du camion, j'aperçu Augustin, vêtu de son armure de paladin des temps modernes, le chef de la division à laquelle appartenaient Nigel et Saunders occupé à prier, invoquant un dieu qui, visiblement, répondait à ses appels.

     — Attends, il bénit le puis! s'écria Vince.

     À ma gauche, Saunders hocha la tête.

     — Attends de le voir s'attaquer au pyromane du jour. Détective, je crois que c'est le moment de suggérer à notre visiteur de prendre la pose.

     Je me retournai vers lui, horrifiée.

     — Quoi? Tu veux que j'utilise un Mot de Pouvoir sur un séraphin!

     Il était fou, ma parole. Je venais à peine de découvrir mes talents spéciaux et lui estimait que je pouvais m'en prendre à une bête enflammée de trois mètres!

     Imperturbable, Saunders termina sa pomme et jeta le coeur par-dessus son épaule.

     — C'est ce qu'il y a de merveilleux avec les mots, bella, du moment qu'ils sont entendus, ils sont presque impossibles à résister.

     Je regardai longuement au fond de ses yeux gris, tentant de déceler la moquerie, la fourberie, mais je devais me souvenir à qui je m'adressais. Impatient, Saunders m'empoigna par les épaules et me fit faire demi-tour. À notre droite, Harry émit un grognement que Saunders ignora, serrant mes épaules pour me ressaisir.

     — Détective, j'en ai rien à cirer si ton ami le louloup crève dans les deux prochaines minutes, souffla-t-il à mon oreille. Par contre, si cette chose te blesse, toi, je serai très mécontent.

     Aux limites de ma vision périphérique, je percevais l'aura d'ombre de Saunders qui enveloppait doucement la mienne. Je portai mon attention sur la scène de combat et remarquai que le Séraphin s'était redressé. Lucas, maintenant dans sa forme de combat était aussi grand que son adversaire, sa fourrure immaculée scintillant presque sous l'éclairage des flammes surnaturelles.

     L'horreur me serra la poitrine lorsque la créature enflammée se retourna vers mon meilleur ami et leva une longue lance droit vers lui.

     Saunders avait, semble-t-il, encore une fois vu juste à mon égard car je ne put résister et hurlai:

     — STOP!

     À ma grande surprise, la scène se figea. Je n'avais pas crier très fort, mais l'écho de mon pouvoir, amplifié par Saunders résonna à travers la distance et atteignit le Séraphin en pleine poitrine.

     L'effet ne dura pas longtemps, mais ce fut suffisant pour permettre à Augustin de lancer un filet sur la tête de notre incendiaire du jour.

     J'imagine que la meute locale et le chevalier Féerique réussirent à gérer le Séraphin mais je n'en su rien. Les ombres de Saunders m'enveloppèrent et j'eus la sensation qu'on me passait dans un tordeur, qu'on m'étirait dans toutes les directions et qu'on m'écrasait tout à la fois.

     Lorsque je recouvris mes esprits, je pointai mon arme de service sur l'insolent qui m'avait extrait, sans mon autorisation, de la ferme des Asselin.

     Sans s'alarmer outre mesure — ce n'était pas la première fois que je le menaçais et ce ne serait certainement pas la dernière —, Saunders attrapa ma main et abaissa mon arme.

     — Arrête avec ça, Vaughan, on sait très bien toi et moi que tu ne me tireras pas dessus.

     — Ne me fais plus jamais ça, grondai-je entre mes dents.

     Il soupira et ne répondit pas, reculant dans l'ombre.

     Ce fut alors que je me rendit compte de mon environnement. Nous étions de retour dans mon bureau et les lumières ainsi que l'ordinateur étaient éteints.

     Je pouvais entendre un chant étrange, à mi chemin entre les sifflements d'un oiseaux et une voix céleste. Mon coffre de sécurité était déformé et avait fondu, et je percevait les lueurs orangées de flammes me rappelant un feu de camp aperçu entre les arbres.

     — Qu'est-ce que c'est, demandai-je.

     — Je suis à peu près certain que c'est ce que le séraphin cherchait, répondit Saunders d'un ton quasi-révérencieux que je ne lui avais jamais entendu.

     Je m'approchai du coffre et utilisant le canon de mon arme de service comme levier — aussi bien m'en servir pour quelque chose puisque je l'avais sorti —, je soulevai les morceaux fondus et découvrit un horrible petit volatile d'environ vingt centimètres de haut, tout chamarré d'orange, de rouge et de jaune, qui me regardait de ses grands yeux noirs. C'était lui qui produisait ses sons mélodieux et harmonieux qui apaisait les coeurs et l'âme.

     Je ne pus résister et tendit la main. L'oiseau trébucha vers moi et grimpa sur ma paume, s'agrippant à mes doigts de ses serres délicates.

     Saunders s'était approché à nouveau, l'air ébahi. Il tendit un doigt pour toucher la tête duveteuse de l'oisillon mais celui-ci ouvrit son bec et tenta de le mordre.

     — Ok... j'ai compris, fit Saunders, ramenant sa main près de lui.

     — Je fais quoi avec ça! m'affolai-je pendant que l'oisillon escaladait mon bras pour venir se lover au creux de mon cou, délogeant par la même occasion la main que Saunders avait posée sur mon épaule.

     — Tu l'adoptes, on dirait. Car lui, il t'a adoptée.

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