huit

Jisung ne savait pas exactement combien de temps s'était écoulé depuis que Minho lui avait souhaité bonne nuit, il avait l'impression que ça faisait depuis une éternité et il n'avait toujours pas réussi à fermer les yeux. Son nez froid touchait la peau chaude du cou de son aîné, et il ne pouvait que trouver ce contraste agréable. Jisung le sentait respirer contre lui, percevait légèrement ses battements de cœur réguliers ─ contrairement aux siens. Ils n'avaient pas bougé, ils étaient toujours dans les bras l'un de l'autre, enlacés. Jisung trouvait cette position rassurante et apaisante, il aurait facilement pu trouver le sommeil...

Seulement voilà, il était dans les bras de celui avec qui son cœur agissait bizarrement et malgré toute la fatigue qui l'asseillait, il ressentait le besoin de rester éveiller. Il voulait profiter du fait de rester dans les bras de Minho, avoir ses mains caressant ses cheveux, sentir ses cordes vocales vibrer contre sa peau alors qu'il aurait la tête nichée dans son cou. Il voulait entendre sa douce voix, il voulait parler, discuter. Jisung avait pleins de choses à dire, il en avait besoin. Des choses qu'il n'aimait pas ressasser, dont il ne voulait pas en parler en général, des choses qu'il gardait pour lui. C'était rare pour lui de vouloir prononcer ces mots qu'il avait en tête, il se forçait à ne pas y penser. Mais il fallait qu'il les dise maintenant, il le savait, sinon il allait encore une fois les repousser dans les tréfonds de ses pensées et il n'arriverait pas à les dire aussi spontanément avant longtemps.

Alors Jisung prit une grande inspiration et laissa glisser ses bras sur la taille de son aîné, venant accrocher ses doigts sur le tissu de son t-shirt au niveau de son torse. Il se racla la gorge et demanda dans un chuchotement :

Hyung ?

Il retint son souffle, sentant les jambes de Minho bouger contre les siennes avant que sa tête n'émette un faible mouvement à son tour, venant caler sa bouche au niveau de son oreille. Le souffle différent qu'il lâcha le fit frissonner et Jisung comprit qu'il l'écoutait.

Tu dors ? Se risqua-t-il à demander bien que la question était en soi stupide.

Mmh, à moitié, finit-il par répondre d'une voix rauque et endormie après une minute de silence.

Je... Non, t'as besoin de dormir. L-Laisse tomber.

Jisung soupira et se résigna. C'était Minho après tout, une occasion comme celle-ci finirait bien par se représenter. Alors il se força à fermer ses yeux et reposa son bras autour de sa taille pour le serrer contre lui. Voyant que Minho n'avait pas de nouveau bougé, le noiraud retint un soupir, se doutant qu'il s'était rendormi. Ah, il était vraiment trop bête pour avoir besoin de dire ces choses à ce moment là ! Il espérait que le lendemain, cette envie n'aurait pas disparu et qu'il pourrait alors se confier aisément à son ami.

Mmh Jisung, dis moi ce qui va pas, entendit-il dans un souffle contre son oreille, le surprenant.

P-Plus tard hyung, t'es fatigué, gronda doucement le plus jeune, ne voulant pas embêter encore plus le grisé.

Toi aussi trésor, pourtant y'a quelque chose qui te dérange. Donc dis moi.

Jisung se figea à l'entente du surnom. Comment pouvait-il réussir à retrouver son calme si Minho trouvait tout le temps le moyen de le torturer ainsi ? Ses mains devinrent moites et il cligna plusieurs fois des yeux dans le noir, ne sachant comment réagir. Il savait qu'il devait parler avant que Minho ne se rendorme mais sa voix s'était comme bloquée. L'entente de ce nouveau surnom lui ayant été attribué lui avait complètement retourné l'esprit, le coeur, et il sentait quelque chose d'agréablement étrange se répandre dans son être.

T'es précieux Jisung, t'es un trésor, continua Minho d'une voix douce, comme s'il avait sentit la perte de moyens de Jisung. Rien qu'à moi, ajouta-t-il dans un rire discret.

Euh... Hum... D-D'accord, o-oui.

─ Tu peux tout me dire tu sais ? J'te forcerais pas si tu le sens pas, il baîlla, prends ton temps, j'te jugerai jamais.

─ Je sais hyung, soupira Jisung.

Il souffla encore une fois, essayant de se donner du courage. Il en avait besoin, puis il avait réveillé Minho et celui-ci se forçait à rester éveillé pour l'écouter sagement, autant continuer ce qu'il avait commencé. Ses doigts s'accrochèrent de nouveau à son t-shirt dans son dos et il se racla la gorge, cherchant ses mots.

Je, hum, en fait, c-c'est quelque chose que je, j'avais besoin de te dire... C'est un peu bête et je, j'comprends pas pourquoi c'est si dur d-d'en parler, bégaya-t-il en fronçant les sourcils, s'insultant mentalement de ne pas réussir à trouver les bons mots pour lui. J'en ai jamais parlé à personne tu vois et je pensais que... Que ça passerait mais j'y arrive pas... Alors je me suis dit q-que je pouvais te le dire à toi.

Jisung retint son souffle, sentant Minho hocher lentement la tête. Il lui caressait tendrement les cheveux, l'écoutait, était là pour lui. Le noiraud se demanda soudainement ce qu'il avait fait pour avoir une personne pareille dans sa vie. Minho méritait tout le bonheur et l'amour du monde, et il s'en voulait de ne pas en faire autant pour lui que lui en faisait, bien qu'il l'ait rassuré plusieurs fois.

Jisung cligna des yeux lorsque la pulpe des doigts de son aîné rencontrait l'épiderme sensible de sa nuque. Il renifla et poursuivit d'une voix légèrement tremblante :

Tu sais, j'ai pas toujours été comme ça. Avant, j'étais pas aussi renfermé, aussi peureux, asocial.

─ Jisung, tu...

─ Je sais mais j'ai pas fini, coupa le noiraud, ne souhaitant pas entendre Minho lui faire une leçon de morale maintenant. Avant, au lycée et même au collège, j'étais une... Une boule d'énergie on va dire, j'étais bruyant, je riais beaucoup et je m'entendais bien avec tout le monde. J'étais pas si populaire que ça mais la plupart des gens me connaissaient parce que je parlais beaucoup... Au lycée, je... Je me suis rendu compte que j'étais gay. Il soupira bruyamment. J'ai pleuré quand je l'ai réalisé, je flippais un peu mais mon meilleur ami m'avait rassuré. J'ai pas attendu avant de le dire à mes parents, je voulais être honnête tu comprends. Ça leur a pas plu et on s'est disputé violemment. J'me suis dit qu'ils étaient restés à leur époque... Au lycée, j'ai assumé et j'pensais que la mentalité des gens de mon âge avait évolué, il soupira de nouveau et lâcha un rire nerveux. Ils me dévisageaient tous, j'étais étrange pour eux, je les dégoûtais.

Minho se détacha de lui, cessant ses caresses pour venir poser une main rassurante sur sa joue rebondie, la touchant délicatement.

Oh Jisung, murmura-t-il simplement entre deux souffles.

Je pouvais pas changer d'école alors je suis resté jusqu'à ma dernière année. Les gens me tournaient le dos et refusaient de me parler, mes amis s'étaient éloignés, y'avait que Sunwoo, mon meilleur ami, qui restait mais il a finit par partir parce qu'il se prenait de la haine lui aussi. Je me faisais insulter et taper des fois. Les profs fermaient les yeux et mes parents pensaient que ça finirait juste par me changer... Personne ne me soutenait. J'étais tout seul. Alors après avoir passé mon exam', j'ai pris mes économies et je suis parti du jour au lendemain. J'ai juste laissé un mot sur la table de la cuisine. Ma mère a essayé de m'appeler une fois mais j'ai pas répondu, et ils ont plus jamais essayé de me contacter, il renifla, essayant de prendre une voix assurée bien qu'elle restait tremblante malgré tout. Quand je suis arrivé ici, j'me suis dit qu'il fallait que je reprenne tout à zéro. Mais j'avais peur que ce qui s'était passé au lycée et à la maison recommence. Alors j'ai pas essayé de me faire beaucoup d'amis, je parlais pas beaucoup, même pas à mes collègues de travail et les gens de la fac. J'ai fini par m'enfermer dans mon monde, à rester à l'écart et dans l'ombre. Je me comportais totalement à l'opposé du moi du lycée, j'ai perdu ma confiance en moi et j'ai finis par m'y habituer...

Jisung s'arrêta, reprenant son souffle et se tut, fermant les yeux alors qu'il sentait parfaitement le regard peiné et inquiet de Minho sur lui. Le grisé lui caressait doucement la joue, passant de temps en temps ses doigts dans ses cheveux. Il était rassurant, réconfortant et Jisung sut qu'il avait bien fait de lui en parler. Les minutes qui suivirent se firent dans le silence, aucun des deux ne parlaient. Jisung fermait simplement les yeux et se détendait sous les attentions de Minho. Il se sentait plus léger et il aurait presque pu s'endormir maintenant, tant il se sentait apaisé.

Société de merde, cracha soudainement le plus vieux, surprenant son ami. Jisung, je... Putain, j'suis tellement désolé que tu aies vécu ça. Comment est-ce qu'on peut s'en prendre à toi ? A quelqu'un qui... Bordel, j'ai des envies de meurtre.

Le noiraud écarquilla les yeux et ne put s'empêcher d'éclater de rire alors que Minho marmonnait qu'il ne devait pas rire. Pourtant, ces simples mots avaient réussi à relaxer Jisung et à le détendre. Il sentait qu'un lourd poids s'était enlevé de ses épaules, ils se sentaient plus libre, plus ouvert. Il venait de retirer une couche qui le protégeait du monde extérieure seulement pour Minho. Et il sut à ce moment qu'il ne pourrait définitivement pas se séparer de lui.

─ C'était y'a longtemps hyung, le rassura-t-il. Je veux pas en parler plus que ça. J'avais juste besoin de te le dire pour que tu... Hum, je sais pas, que tu comprennes, que je puisse me sentir complètement honnête envers toi. C'est vraiment la première fois que j'en parle à quelqu'un.

Minho soupira et glissa sa main le long de la mâchoire de Jisung, la remontant et venant entremêler ses doigts dans ses mèches. Le noiraud retint son souffle et ouvrit grand les yeux sentant comme une harde de papillon naître dans son bas ventre et se disperser dans son corps, le faisant vibrer, maltraitant son cœur et ses pensées. Une vague de chaleur le submergea, ses mains redevinrent moites, son visage passa assurément au cramoisi alors que son aîné venait de coller son front au sien, frôlant leurs nez et mêlant leurs souffles. Jisung crut qu'il allait mourir d'une crise cardiaque ou peut-être d'insuffisance respiratoire, tant tout se bousculait à l'intérieur de lui. Il ne bougeait plus, n'osait émettre le moindre petit mouvement, le moindre petit bruit.

Jiji, j'suis content que tu me l'aies dit, j'me sens important, il lâcha un petit rire, mais j'suis tellement désolé pour ce que tu as vécu.

─ Euh, je... C-C'était pas t-ta f-faute.

─ Je... J'ai envie de... Je veux te protéger Jisung. J'te promet que ce genre de merde ne se reproduira plus jamais. Tout va bien, maintenant, hein ?

─ Minh...

─ T'es heureux ?

La question le prit de court. Était-il heureux ? Il est vrai que malgré son caractère qui s'était renfermé au fur et à mesure et ses plusieurs angoisses, il se sentait mieux que lors de ses années lycée. Il ne savait pas vraiment ce qu'était le bonheur, il n'était pas sûr de l'avoir vraiment connu un jour : entre ses parents étouffants, la mentalité des gens autour de lui, son harcèlement, Jisung n'avait pas eu le temps d'expérimenter les joies de la vie. Certes, il avait eu beaucoup de notes positives mais il était sûr de ne l'avoir jamais vraiment connu.

Pourtant, il n'avait jamais autant sourit de sa vie que ces dernières semaines. Et seulement grâce à une seule chose, une seule personne. Jisung ne savait toujours pas si c'était du bonheur qu'il ressentait avec lui, mais il était sûr qu'il était la source de ses sourires et rires les plus sincères, de son bien-être et de sa confiance revenant petit à petit.

Oui, finit-il par souffler et il aurait aimé lui fournir une explication en plus, lui faire comprendre.

Si t'es heureux alors moi aussi j'le suis, répondit Minho aussitôt. Reste-le trésor, tu le mérites. Et je ferais tout pour que tu le sois.

Tu veux veiller à mon bonheur ? Rit-il légèrement d'un air chaleureux, venant poser une main timide sur le poignet de son aîné dont la main était restée dans ses cheveux.

Oui. Je vais veiller à ton bonheur, je vais te protéger Han Jisung. Tu peux compter sur moi.

Je suis heureux avec toi, Lee Minho.

Il l'avait dit d'une traite, c'était sortit tout seul, il n'y avait même pas réfléchis. Cette phrase qui pouvait paraître si simple de loin venait de loin, bien loin au fond de lui, il l'avait dit avec son coeur, avec son âme. Elle était si particulière, si importante, si vraie. Jisung ne sût pas d'où lui était venu le courage nécessaire pour réussir à lui dire. Peut-être parce qu'il avait pleinement confiance en lui ?

Minho retint son souffle, Jisung le sentit. Le grisé n'était pas habitué à entendre ce genre de mots sortir de la bouche de son cadet. Il sentait qu'il reprenait son assurance peu à peu avec lui et il sentait son cœur se gonfler de fierté, s'envelopper d'une chaleur inconnue. Minho s'était fait à l'idée que Jisung était plus qu'un simple ami pour lui, depuis un moment, il avait l'impression de redécouvrir pleins de choses. Et lui qui semblait si sûr de lui depuis le début, se retrouvait déstabilisé au fur et à mesure qu'ils passaient du temps ensemble. Minho se demandait ce qu'il attendait pour se lancer à l'eau et le serrer dans ses bras pour lui dire ce qu'il ressentait exactement. C'était tellement évident pour lui. Jisung était si précieux, il voulait le chérir et le protéger, remplacer chacune de ses blessures par de nouvelles marques qui feraient sourire.

Les lèvres de Minho s'étirèrent alors qu'il frottait le bout de son nez contre celui de son cadet avant de se redresser légèrement pour venir embrasser tendrement son front. La main dans ses cheveux vint attraper celle posée sur son poignet et entrelaça timidement leurs doigts.

Tu me rends heureux Han Jisung, répondit-il simplement tout bas, faisant vibrer le corps du noiraud qui ne pouvait se détacher de la sensation de ses lèvres contre sa peau.

On peut rester heureux comme ça ?

─ C'est même pas une option, c'est une obligation.

Jisung rit légèrement. Il ne voulait se séparer de ce moment pour rien au monde, il l'appréciait beaucoup trop. Ça faisait du bien d'être ainsi soi-même en proie à une déferlante de joie qu'il n'avait pas connu depuis longtemps.

Alors restons heureux hyung, finit-il par dire, retenant un bâillement.

Minho lâcha sa main ébouriffa ses cheveux avant de repasser son bras autour de sa taille, embrassant une dernière fois son front avant que Jisung ne repose sa tête dans le creux chaud du cou de son aîné. Tout était parfait, rien ne viendrait les déranger. Et cette fois, il sut qu'il allait pouvoir s'endormir tranquillement.

Dors bien trésor.

─ Bonne nuit Minho.

Jisung ferma les yeux, ramena un peu de couette sur eux et passa son bras encore une fois autour de sa taille, le serrant le plus fort possible contre lui. Il sentait les caresses de Minho dans son dos, sa respiration régulière dans ses cheveux, leurs cœurs battant à l'unisson et l'océan qu'était son esprit à lui calme et apaisé.

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