Un dernier voyage

— Blanche ! Attends-moi ! s'écria le jeune homme avant de s'élancer à sa suite.

    Mais l'adolescente traçait sans se préoccuper de lui. Elle sauta au-dessus d'un fossé, franchit un tronc au sol et contourna un arbre avec la vélocité d'une gazelle. Il la suivait du mieux qu'il pouvait, trébuchant, haletant. Il faillit tout de même lui rentrer dedans quand elle se stoppa brusquement.

      Ils se trouvaient en haut d'une pente douce qui offrait à leur vue un paysage incroyable. La forêt vierge qui s'étendait devant eux paraissait ne jamais avoir de fin, et la mer d'arbres bordait l'horizon. Un bruyant silence les entourait comme un duvet, étouffant et éloignant le stress quotidien. Il avança encore d'un pas, la prit par la taille et la serra contre lui. Elle tourna légèrement son buste pour ensuite poser ses lèvres sur les siennes avec douceur.

— Aslan, c'est si beau…

— C'est éblouissant, oui… murmura le jeune homme, pensif.

    Ils se prirent par la main et descendirent lentement dans la pente, avec prudence, pour ne pas tomber.

   Une fois en bas, ils se trouvaient dans un tout autre décor. La mer emplit immédiatement leurs oreilles et ils attendirent quelques instants que leurs yeux s'habituent à la pénombre ambiante. L'océan était empli d'étoiles qui se reflétaient dans l'eau. Le son des vagues heurtant le sable blanc formait une mélodie apaisante. Ils s'assirent tous les deux au sol en se prenant dans les bras, tendres et amoureux.

— Tu sais où on est mon amour ?

— Je… Non, je ne sais pas, bredouilla l'adolescent, troublé. Et toi ?

— Aucune idée non plus, mais je crois que ce n'est pas si grave. Avec la guerre qui règne en ce moment, je veux profiter de chaque beau moment qui arrive.

— Tu as raison, petit ange, lui répondit-il en passant sa main dans ses cheveux.

    Un léger sourire avait regagné son visage, et ses traits étaient à nouveau détendus et attendris. Il inspira profondément l'odeur des embruns, de la mer et de la nuit. Une senteur sucrée planait dans l'air, comme un reste de tous les loisirs et gourmandises dont profitaient les touristes, qui régnaient sûrement en rois sur cette plage en journée. 

     Blanche attrapa le bras de son compagnon pour l'inciter à se mettre debout. Une fois tous deux sur leurs pieds, ils s'avancèrent dans la mer, jusqu'à avoir de l'eau à la taille. Elle était tiède malgré l'heure tardive, et ils se jetèrent dedans.

     Aslan secoua la tête pour se débarrasser des flocons qui pendaient le long de ses mèches sombres. Le froid brûlait violemment l'extrémité de son nez, mais par chance, il était vêtu d'une veste en peau qui offrait une barrière exceptionnelle. L'air glacé et pur était bien rare aussi haut, mais il continua tout de même à avancer, à monter. Blanche, non loin devant lui, grimpait avec ardeur malgré les conditions extrêmes, sans se préoccuper du froid. Ses yeux brillaient autant que les sommets où ils se trouvaient, sans cesse émerveillés. Elle était comme une enfant, toujours aussi extatique devant la beauté des choses, même après avoir vécu des horreurs et traversé de nombreux endroits.

   Elle le héla pour le pousser à accélérer. La jeune femme s'était stoppée, car elle ne pouvait aller plus haut ou plus loin : elle était au sommet. Il poussa l'allure pour la rejoindre, et, quand il y parvint, ouvrit de grands yeux étonnés. Ils dominaient le monde entier. 

    Même parmi les autres monts qui l'entouraient, aucun ne culminait plus haut que le sommet où ils se trouvaient. Le vent soufflait avec une rage inouïe, arrachant férocement la neige pour jouer avec, puis la laisser retomber. Blanche dit quelque chose à son intention, mais le blizzard engluait toutes les communications, les empêchant de s'entendre. Alors elle se blottit simplement contre lui, et il l'enveloppa de ses bras et d'un châle d'amour, tandis que la neige tourbillonnait avec toujours plus d'ardeur.

   Quand la tempête de neige qui couvrait auparavant leur vue se dissipa, ce qui la remplaça immédiatement fut le vent. Une bourrasque humide ébouriffa les cheveux de Blanche, qui laissa échapper un sifflement. Ce paysage-ci était sans conteste son préféré. La falaise plongeait dans la mer telle une cascade de roche, escarpée et verticale. Au pied de celle-ci se fracassaient avec violence des vagues, une montagne d'eau qui semblait partir à l'assaut du rocher. Les cris stridents des oiseaux marins perçaient l'air comme des flèches pour venir percuter et résonner contre la paroi. Tout ce fracas formait une ambiance glaçante et merveilleuse à la fois. 

    L'herbe se courbait devant les bourrasques, créant des formes mouvantes. Une onde plus spectaculaire que les autres manqua de faire tomber les jeunes amants. La plaine qui s'étendait derrière eux était d'un vert éclatant, comme une Île Émeraude. En longeant du regard la côte, Aslan put apercevoir un petit groupe de chevaux blancs ou gris qui galopaient, la crinière au vent et la queue en panache. 

   Blanche se dégagea avec douceur, et un dernier baiser, des bras de son aimé pour se poster au bord de la falaise. Là, penchée en avant, sur la pointe des pieds, les bras légèrement écartés de son corps, elle ressemblait à un oiseau sur le point de prendre son envol.

  Alors elle sauta.

  Il ferma les yeux, refusant de voir la suite. Il les rouvrit immédiatement après, honteux de sa couardise et de sa lâcheté. Mais il était déjà seul au milieu de ce paysage de violence et de douceur, qui avait perdu toute sa beauté depuis le départ de l'ange. Les larmes brouillèrent sa vue.

   Il rouvrit les yeux aux milieux des murs blancs, face à son corps, soutenu par les deux médecins qui lui enlevèrent sa visière de réalité virtuelle : elle était partie, mais heureuse.

***

Hello ! Voilà un nouveau texte que j'ai écrit pour La dernière flamme ! C'était pour la première épreuve et on devait décrire un voyage tout en ayant une chute à la dernière phrase. J'espère que ça vous plaira !

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