Le pari
Vie se retourna et lança à un Elf de la pièce.
- Où est Mort ?
L'Elf ouvrit ses yeux complètement mauve aux pupilles fendues, il avait ses longues oreilles satinés plaquées en arrière sous le coup du stress, et répondit à sa maîtresse.
- Euh.. Elle finit le travail que vous lui avez confié hier soir...
- Je ne t'ai pas demandé ce qu'elle faisait mais où elle était !
Elle s'écria agacée.
- Dans sa chambre !
Vie se dirigea alors d'un bon pas vers la chambre de Mort. Elle y arriva, déjà embêtée de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle frappa à la porte avant de l'ouvrir sans attendre de réponse. Dans la pièce, assise sur un grand lit se tenait accroupis une jeune fille un globe terrestre sur les genoux. Elle portait une longue pelisse à capuche noire qui la recouvrait presque en entier.
- Tu n'as toujours pas finis ? Ce que tu peux être lente ! Enfin ce n'est pas nouveau...
La jeune fille sur le lit releva la tête. La capuche glissa le long de sa tête révélant son visage. Sa peau était livide, exsangue, et ses yeux noirs et impénétrables soulignés de cernes grisâtres, paraissaient immense sur son visage maigre aux joues creuses. Ses cheveux, châtains foncé, terne, étaient ébouriffé dans une frange trop courte sur le côte droit de son visage, et le reste, tout aussi court et emmêlé, était ramené derrière ses oreilles où ils lui chatouillait la nuque. Elle avait l'air sinistre et maladive, et pourtant, elle était clairement jeune, tout juste adulte.
- Pardonnez-moi, quand je vais trop vite je fais des erreurs.
- Ça je le sais ! Il te faut au moins le triple du temps nécessaire pour chaque mort... Ne viens après me reprocher de te donner trop de boulot ! C'est de ta faute si tu es lente.
Vie croisa les bras avant de continuer, à contre coeur.
- J'ai joué et parié avec Temps et il a gagné. Bref, je dois tenir ma promesse et il veut descendre sur Terre avec toi pour assister au feu d'artifice du premier de l'an. Donc je te libère de tes fonctions pour quelques temps, mais tu auras interêt à reprendre ton travail en revenant et un plus vite pour une fois.
Mort resta interdite pendant quelques minutes, avant de poser le globe sur une table et de se lever. Elle demanda à Vie.
- Je dois donc me changer ?
- Évidemment idiote ! Tu ne vas pas y aller avec tes vêtements moyen-âgeux en plein 21ème siècle.
Elle soupira et enleva sa longue robe qui lui servait de manteau.
- Veuillez m'excuser, j'ai beau voir les changements du monde et m'y habituer, la mode est toujours difficile pour moi à saisir. Elle a beaucoup changer depuis mon époque.
Cette fois ce fut Vie qui ne répondit pas. Celle-ci fit un petit geste à l'une des Efles qui attendait patiemment à disposition dans le coin du couloir, lui indiquant d'apporter son aide à Mort. Puis elle se retourna et repartit à ses activités.
L'Elfe aida Mort à s'habiller et celle-ci sortie de sa chambre puis descendit les trois étages qui la séparait de la sortie. Temps l'y attendait déjà, son sourire espiègle habituel au lèvres. Il ne l'avait pas attendu puisqu'il était toujours parfaitement à l'heure.
- Eh bien ! Toujours aussi pâle à ce que je vois, un peu de fond de teint n'aurait pas été de trop.
- J'ai mis du mascara.
Temps lui proposa galamment son bras et il commencèrent à marcher dans les jardins jusqu'au Portail. Elle ne savait ni s'habiller, ni se coiffer, ni se maquiller seule, mais Temps remarqua le bon boulot de l'Efle. Mort était vêtue simplement mais élégamment de vêtements couleur sombre, pas le plus judicieux étant donné que cela la faisait paraître encore plus pâle, mais bon. Et le maquillage sur ces yeux n'accentuait qu'un peu plus son regard sombre et ses cernes. Peut-être un fan de gothique ?
- Oh, je m'en sens honoré, tu as mis du mascara rien que pour moi ! Ça te vas très bien soit disant en passant ! Alors, où allons nous cette fois ? Sydney ? New-York ? Singapour ?
- Paris.
Il soupira, un air un peu amusé sur le visage. Chaque fois qu'il avait réussit à l'amener voir un premier de l'an, elle choisissait le même endroit.
- Tu es désespérante ma chère ! Quel cruel manque d'originalité ! Enfin, on y peut rien je suppose. Voyons le bon côté des choses : Paris, la ville des amoureux !
- Je ne suis pas amoureuse de toi, j'ai choisis Paris parce que j'aime bien c'est tout !
Il éclata de rire. C'était un rire léger et contagieux, charmeur, et il le savait, même si ça n'avait aucun effet sur Mort.
- Je sais, et si ça peut te rassurer, moi non plus, je disais ça simplement pour relativiser.
Ils arrivaient bientôt au bout du jardin. Autour d'eux les haies parfaitement taillées dessinaient des arabesques vertes au milieu du petit gravier blanc qui crissait sous leur pas.
- Pourquoi m'invites-tu si souvent ?
Il eut un nouveau sourire en coin.
- Mais voyons, le temps et la mort vont de pairs ! Il n'y a rien que le temps que ne puisse altérer exempté la mort, et partout où je détruit et abîme les choses que Vie créer, tu passes aussitôt pour la retirer.
Elle lui répondit sur son ton a la fois timide et assez morne.
- Tu te trompes sur un point.
Il leva un sourcil interrogateur.
- Ah bon ? Et quoi donc ?
- La mort n'est pas la seule chose que le temps ne peux pas altérer. Il y a aussi l'espace.
Il claqua de la langue.
- Ma soeur ne compte pas.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est ma soeur c'est tout. Et puis d'abord je peux altérer l'espace.
En fait, il ne pouvait pas vraiment, mais il espérait qu'elle ne commenterait pas et accepterait son mensonge sans protester. Mais elle tourna la tête lui pour le regarder et fronça très légèrement ses sourcils
- Non tu ne peux pas. Tu peux altérer les choses, mais pas l'espace. Un mètre carré reste un mètre peut importe combien de milliers d'années passent, comme pour la mort, une chose morte ne revit plus jamais, peu importe combien de temps tu attends.
Elle avait raison. Après tout, elle le connaissait plutôt bien, avec tout ces moments qu'ils passaient ensemble quand il voulait embêter Vie...Ils étaient désormais devant le portail. Temps se rapprocha d'un tableau de commande juste à côté de celui-ci et fit quelques réglages à fin qu'il se retrouve au bon endroit.
- Paris donc...
Puis quand il eut terminé, ils s'engagèrent tous les deux à travers la porte. Il arrivèrent directement aux champs élysée. C'était la nuit et une foule incroyable s'y était déjà amassée. Temps grommela dépité.
- Il y a vraiment trop monde, tu vas finir par tuer quelqu'un... Trouvons un meilleur endroit.
Puis il claqua des doigts, et ils se retrouvèrent tous les deux immédiatement flottant au dessus de la foule. Ils étaient désormais invisible aux yeux humains. Mort tuait parfois involontairement les gens qu'elle touchait de sa peau nue.
- Tant pis pour tes efforts vestimentaire, je serais le seul à en profiter ce soir.
Elle interrogea Temps.
- Tu peux me dire la vraie raison pour laquelle tu m'invites tout le temps comme ça ?
Il la regarda un peu surpris. Elle était tout de même futée.
- Oh. Je vois que tu ne crois pas ce que je t'ai dis tout à l'heure...
- Non.
-Eh bien... C'est parce que cela embête Vie. Tu sais qu'elle me considère comme son pire ennemis, mais qu'elle ne peut rien contre moi, alors ça m'amuse énormément de lui poser le plus de problèmes possible. Or, rien de l'agace plus que lorsque je te libère de tes fonctions. Tu sais à quel point Vie est stressée à l'idée que tu fasses mal ton travail.
Elle tira un peu sur ses manches, et frissonna. Temps savait que Mort, enfin plutôt cette Mort-là, était déjà très âgée malgré son apparence. Cela faisait plusieurs siècles que Vie n'avait pas changé. Cette dernière nommait des Morts parmi les humains, et ces derniers la servait jusqu'à ce qu'il dépérisse. Il se passa la main dans les cheveux. Pour lui c'était facile, il n'avait rien à faire puisque tant qu'il était là, le temps s'écoulait par sa simple présence. Mais pour Vie et Mort, il fallait qu'elle prévoie chaque naissance et et chaque décès. Sauf que Mort n'existait pas naturellement. Vie donnait la vie mais ne la reprenait pas et si personne ne le faisait, on se retrouvait avec des cadavres vivants, des zombies. Alors Vie donnait ce pouvoir de reprendre la vie à un humain, qui se retrouvait alors dans un état différent de la vie et de la mort, un état d'"existence", qu'elle gardait soigneusement sous contrôle. Or ce pouvoir faisait dépérir les humains choisit, et elle se retrouvait contrainte de changer régulièrement. Mais cette Mort-là, dépérissait lentement, s'accrochait et continuait d'exister depuis longtemps déjà. C'était bientôt sa fin. On le voyait à son teint cadravique, maigreur inquiétante et sa faiblesse constante. Au fond, Temps avait un peu pitié d'elle.
Un sifflement trancha l'air et une explosion rouge écarlate déchira le ciel sombre. D'autres suivirent immédiatement et le feu d'artifice commença. C'était trop bruyant pour se parler, mais cela n'empêcha pas Temps d'observer Mort. De ce qu'il avait compris des vagues explications de Vie. Mort était atteinte de la tuberculose et était au porte de la mort au moment où Vie l'avait nommé à son rôle actuel.
Le bouquet final commença et il regarda lui aussi. Il devait reconnaître que c'était un beau feu d'artifice, mais il était un peu blasé. Il en avait déjà vu tellement. Quand enfin, la dernière explosion de couleur retentit et se dispersa dans le ciel, il se retourna vers Vie, prêt à lui demander ce qu'elle en avait pensé, mais il se figea immédiatement. Son expression avait complètement changé. Elle avait les yeux grand ouvert, brillants d'émotion, elle se tourna vers lui et lui prit une main et serra fort. À un moment il crut qu'elle allait lui faire une déclaration, mais il identifia le sentiment qui donnait cet éclat à son regard sombre. C'était de l'espoir. Elle ouvrit la bouche.
- Temps, si tu aimes tellement causer du tord à Vie, pourquoi ne pas me laisser partir ? Pourquoi pas ne pas ramener chez elle ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top