Chapitre 14

Il est quatorze heures. Depuis que je me suis réveillée, je n'ai pas quitté cette chambre. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Les Commandants ont essayé par tous les moyens de me faire sortir, ne serait-ce que pour prendre mon petit-déjeuner. Mais, je refuse de sortir de cette chambre. Je suis assise sur le lit de mon père. J'ai envie d'être proche de lui. Je ne détourne pas une seule fois le regard de la porte, espérant qu'il la passe. Que tout ça soit faux, que ce n'était qu'une épreuve pour étudier mes sentiments. Je vois la porte s'ouvrir, je me relève un peu plus, un sourire naissant sur mes lèvres. Je perds vite espoir quand je vois qu'il ne s'agit que d'un Commandant.

- Mademoiselle, tout ceci a assez duré, vous devez sortir pour manger. Et, nous avons besoin de vous pour la dernière phase.

- Je ne sortirais pas ! Ne croyez pas qu'en changeant de personne à chaque fois je vais sortir d'ici. La réponse ne changera pas. C'est non et ça restera non ! Si vous n'arrivez pas à comprendre, ce n'est pas ma faute !

En effet, ça fait une bonne vingtaine de fois que cette porte s'ouvre et à chaque fois, c'est un Commandant différent qui la franchi. Je m'allonge sur le lit, face au mur. J'espère qu'il va comprendrre que je ne veux plus lui parler.

- Mademoiselle, sortez. Vous faîtes tout ceci, juste pour votre père. Il ne reviendra pas, même si vous refusez de sortir de cette chambre. Au contraire, c'est vous qui allez le rejoindre. Vous allez mourir de faim.

- Juste ? Juste pour mon père ?! Mais qui êtes vous pour parler ainsi ? Taisez-vous ! Ne parlez surtout pas de mon père ! Je sais qu'il ne reviendra pas, mais je resterais quand même dans cette chambre, dis-je en me relevant et en m'approchant du Commandant. Et bien, que je meure ! Je m'en moque. Si ça peut me permettre de rejoindre mon père ! Et puis, je préfère mourir seule que tuée par vous ! Maintenant, partez !

Je le pousse, le tape, pour qu'il sorte de la chambre. Je veux être seule.

- Nous allons être obligé d'agir. Ces derniers jours, vous êtes devenue très violente et nous ne pouvons tolérer cela.

- Disent ceux qui tuent des gens ! Sortez !

Il finit par sortir. La porte se ferme, me laissant dans ma solitude. Je vais de nouveau m'asseoir sur le lit. Si seulement j'avais quelque chose qui appartenait à mon père... Quelque chose qu'il m'aurait laissé. La lettre ! Il m'a laissé une lettre ! Je me dirige vers le lit et prends la lettre qui était sous mon oreiller. Je retourne sur le lit de mon père et l'ouvre.

"Amber,

Je t'écris cette lettre pour te dire, qu'il faut que tu te repiques. Les sentiments ne sont pas bons pour nous. Ils nous détruisent. C'est pourquoi, je te demande d'obéir aux Commandants. Ils ne veulent qu'éviter le chaos qui régnait quelques années avant. Ils veulent notre sécurité. Fais ce que je te dis, s'il-te-plaît. Rend moi un dernier service.

Ton père."

Je relis la lettre plusieurs fois. Pourquoi mon père me demanderait une telle chose ? Lui qui disait que les sentiments n'étaient pas mauvais. Lui qui était pour que nous puissions de nouveau les ressentir. Lui qui m'a appris à les contrôler. Lui, qui me demande aujourd'hui de me repiquer. Je m'apprête à ranger cette lettre dans l'enveloppe quand je vois qu'il y a un autre papier dedans. Je le sors et le déplie.

"Amber,

Ne prends pas en compte l'autre lettre. Les Commandants m'ont demandé de t'écrire une lettre où je te demanderais de te repiquer, en pensant que tu accepterais de la part de ton père. Cette lettre est la vraie. Si tu lis cette lettre, cela veut dire que tu l'as trouvée et que je suis parti. Je préfère dire cela plutôt que mort. Car, quoi qu'il advienne, je serais toujours là pour toi. Même si physiquement je ne suis plus là. Amber, je sais que quand tu as appris ma mort tu as été dévastée, mais, ne te laisse pas abattre. Montre leur, que cela ne t'atteint pas. Sois forte. Je sais que ça va te paraître dur, mais je sais que tu en est capable. Après tout, tu es ma fille ! Sâche, que j'aurais voulu te dire au revoir de vive voix avant de partir. Je voulais que tu sâches que je t'aime et que je t'aimerais toujours. J'ai aimé passer du temps avec la vraie Amber, celle qui est sentimentale. Même si je n'ai pas pû beaucoup profiter de toi. J'aurais voulu avoir plus de temps. Plus de temps avec toi, plus de temps pour t'apprendre d'autres choses, plus de temps pour pleins de choses. Malheureusement, je n'ai plus de temps, il est écoulé. Je voudrais que tu me rendes un service. Tu n'es pas obligée de l'accepter, je ne te force pas. C'est un peu une dernière volonté. Amber, j'aimerais, si tu ne meurs pas dans le Centre, que tu détruises tout cela. Que tu supprimes les Commandants, le remède. Que tu rétablisses les sentiments et émotions. Voilà ma dernière volonté. Libre à toi de choisir si tu l'acceptes ou non.

Ton papa qui t'aime."

J'essuie les larmes qui ont coulé pendant ma lecture. Ce sont les dernières larmes que je verse. C'est terminé. Je ne suis plus la gentille petite Amber qui obéit aux Commandants, qui suit les règles et ne ressent rien. Je suis maintenant l'Amber forte, qui ne pleurera plus, qui ne se pliera plus à des règles construites dans le mensonge, qui se bat. Car, je n'ai pas besoin de réfléchir, ma décision est déjà prise. Je vais rétablir les sentiments et émotion, et supprimer toutes ces règles et les Commandants. Je le ferais pour mon père, parce que c'est ce qu'il veut. Je range la fausse lettre dans l'enveloppe et met la vraie sous le drap de mon lit. Je sors ensuite de la chambre et descends pour manger. Je débarrasse mon plateau et glisse le couteau dans mon habit. Je remonte ensuite dans la chambre et vais m'asseoir sur le lit de mon père. Je sors le couteau et le fait tourner entre mes mains. Je le prends ensuite fortement dans ma main droite et commence à entailler mon poignet gauche. J'arrête et me lève pour prendre la taie d'oreiller de mon oreiller. Je la roule en boule, vais me réinstaller sur le lit de mon père, mets le boudin dans ma bouche en le serrant avec mes dents et recommence à m'entailler le poignet gauche. Quand j'ai fini, mon poignet est en sang. Je regarde et remarque que j'ai fait des plaies assez profondes. Elles mettront du temps à cicatriser. CAS. Voilà ce que j'ai gravé sur mon poignet. Ce sont les initiales des membres de ma famille. C, pour mon père Charles. A, pour ma mère Adélaïde. Et S, pour ma soeur Stayley. Ces trois initiales sont ma force et mon point faible. Je prends le boudin et l'enroule autour de mon poignet afin d'éviter de perdre beaucoup de sang.

Vers seize heures, une Commandante entre dans la chambre.

- J'ai appris que vous étiez descendue.

- Oui, j'affirme. J'ai lu la lettre de mon père et elle m'a faite réfléchir.

Elle hoche la tête. Si tu savais, me dis-je. Elle m'explique que suite à mon malaise d'hier, la phase trois à été reportée à aujourd'hui.

- Comme mon collègue a dû vous le dire, cette dernière phase est différente des autres. Elle ne se passera pas dans les même salles que pour les autres phases. Celle-ci se déroulera dans une autre pièce que vous découvrirez après. En plus de cela, cette phase durera plus longtemps.

- C'est à dire ?

- Elle durera entre une semaine et deux mois, me répond-elle. Si nous trouvons ce que nous cherchons rapidement, elle ne durera pas longtemps. Si, en revanche, nous ne trouvons pas tout de suite, elle mettra plus de temps à se finir. Et, dernièrement, elle marque la fin des phases, ce qui veut dire qu'après, vous recevrez votre sanction.

J'hoche la tête. J'ai peur de la saction. Maintenant que j'ai une tâche à accomplir, je la redoute. S'ils me tuaient comme mon père, je ne pourrais pas accomplir ma tâche. Elle me dit ensuite qu'elle viendra me chercher plus tard.

- Et, comme vous avez lu la lettre, vous recommencerez à vous repiquer après la phase trois. Tout dépend de la sanction.

Tout dépend de si je vais mourir ou pas. Mais, s'ils ont demandé à mon père de me demander de me repiquer, je pense que j'ai une chance de ne pas mourir. Et puis, ils ne savent pas que je suis l'Immunisée de cette génération. Nous continuons de parler, puis elle se lève et sort de la chambre. Je ne sais pas à quelle heure elle revient me chercher, puisqu'il n'y a pas d'horloge. Elle m'emmène au dixième étage. La salle est différente de toutes les autres. Il y a un siège en position allongé au centre de la pièce. A gauche de ce siège, il y a une table avec des seringues, des gants et autres. Devant cette table roulante, il y a un petit tabouret.

- Mettez-vous en sous-vêtements, m'ordonne-t-elle.

Quoi ? Je ne peux pas faire ça. En plus devant elle. Voyant que je ne bouge pas, elle répète l'ordre. Je ferme les yeux et enlève ma blouse. Ma blouse tombe par terre, je garde les yeux fermés. Je sens des frissons me parcourir le corps. Elle me demande ensuite de m'allonger sur le siège. J'ouvre les yeux pour voir ce que je fais et une fois allongée, je referme les yeux. Je n'arrive pas à les ouvrir, je les laisse fermés, pensant que ça va changer quelque chose au fait que je sois en sous-vêtements devant une Commandante. Elle me tourne le bras droit, de façon à ce que la paume de ma main soit vers le mur. Je l'entends chercher quelque chose sur la table, puis je sens quelque chose de froid et liquide dans le creux de mon bras. J'ose ouvir les yeux pour voir ce que c'est. Elle est en train de passer un coton dans le creux de mon bras.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Un produit, pour que vous ne sentiez pas la seringue, me répond-elle.

- En quoi consiste cette phase ?

- Nous allons vous endormir et grâce à des capteurs, nous observerons votre cerveau. Nous observerons les sentiments.

Je commence à m'inquiéter. Si elle me mentait ? Si c'était une façon de se débarrasser de moi ? Peut-être que c'est ça la sanction. Peut-être que mon père est mort de la même façon. Mais, je me ressaisis. Les Commandants sont des menteurs, mais pas en ce qui concerne leurs expériences. Je ne pense pas. Elle jette le coton dans une petite poubelle sur la table puis prend des fils dans sa main. Elle s'approche de moi et commence à les placer sur mon corps. Ce sont des ronds, reliés à des fils qui sont eux-mêmes reliés à une machine. Elle en place deux sur mes hanches, un de chaque côté. Elle en place d'autres sur ma tête, mon coeur, mes jambes et mon bras gauche.

- Qu'est-ce que c'est ? demande-elle en montrant mon bandage.

- Rien. Je me suis coupée en voulant couper du pain ce matin.

La Commandante ne dit plus rien et acquiesce. Tant mieux. Elle retourne ensuite s'asseoir et allume la machine, ce qui fait vibrer les ronds, qui je suppose sont les capteurs. La femme prend ensuite une seringue et la place dans le creux de mon bras.

- Une fois que ce produit sera injecté dans votre coeur, vous allez vous sentir légère. Ensuite, vous sombrerez dans le noir. A dans une semaine ou plus mademoiselle, dit-elle en appuyant sur la seringue.

Comme elle l'a dit, je me sens légère, comme je si flottais. Je me sens soulevée dans les airs, ma vue se brouille et devient noire. Je n'entends et ne vois plus rien. C'est le noir total. Je me demande ce que la Commandante est en train de faire. Je ne sais pas combien de temps dure ce noir, mais à un moment, j'aperçois des couleurs. Elles se rapprochent et j'aperçois une image. C'est moi avec ma famille. Nous sommes en train de dîner. Ensuite, j'aperçois une photo de ma mère, de ma soeur, puis de mon père. J'aperçois maintenant mon père et moi. Nous sommes dans le centre. Que sont ces images ? Suis-je de nouveau dans la salle où j'ai passé la phase deux ? Je reste comme ça un certain temps, puis les images sont absorbées et disparaissent. C'est de nouveau noir.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top