Chapitre 12
Quand je me réveille, la première pensée qui me vient en tête est la phase deux. En quoi va-t-elle consister ? Je m'étire et me lève.
- Bien dormi ? me demande mon père, assis sur son lit.
- Bien et toi ?
- Très bien.
Après cela, nous descendons prendre le petit-déjeuner. Pour aujourd'hui, j'ai prévu de visiter le Centre. Bien sûr, il va falloir que je me fasse discrète. Dès que nous remontons dans notre chambre, je m'habille d'une blouse blanche, celle qu'on m'a fournie hier. Je me brosse les cheveux à l'aide de mes mains. Il faudra que je pense à demander une trousse de toilette et si on peut se laver les cheveux. Mon père est allongé sur son lit et regarde le plafond. Je vais vers lui et m'assois sur le bord du lit.
- J'ai envie de visiter le Centre, lui dis-je pensant déjà connaître sa réponse.
Il se redresse et me regarde en fronçant les sourcils. Comme je le pense, il va m'y en empêcher. Il n'a pas tellement tort.
- Comment ça tu vas visiter le Centre ? On va visiter le centre !
Je cligne plusieurs fois des yeux puis rigole.
- Nous le ferons après le repas du midi.
- Oh... Je voulais le faire maintenant. Nous allons manquer de temps pour tout visiter si nous attendons ce midi.
- Je sais, mais nous n'avons pas le choix. Pour sortir de cette chambre, il faut un motif. Je ne pense pas que si nous donnons "vouloir visiter le Centre" comme motif, la porte s'ouvrira.
J'hoche la tête et souffle. Pour faire passer le temps plus vite, je vais me coucher. Je me sens secouée. J'ouvre doucement les yeux et aperçois mon père qui est penché au dessus de moi. Je me lève, mon père prend ma main dans la sienne et nous sortons de la chambre.
- Es-tu prête à te passer de nourriture ?
- Oui, je réponds.
Nous montons dans l'ascenseur et mon père me demande à quel étage je veux me rendre. Je réfléchis et demande à mon père d'aller à l'étage où il travaillait. Nous arrivons au quarante-septième étage et sortons de l'ascenseur. Mon père avait accès à cet étage, mais pas le dernier. A trois étages près, il aurait pu me dire ce qu'il se trouvait au dernier étage.
- Tu peux encore y accéder ? je demande à mon père qui est en train de taper quelque chose, sûrement un code, sur le clavier situé devant la porte.
- Oui, je me souviens du code.
J'entre dans la salle et ce que je vois me cloue sur place. Des centaines d'ordinateurs remplissent toute la pièce. Nous ne voyons même plus la couleur du mur à cause de tous ces ordinateurs.
- C'est... énorme ! Il n'y a que deux chaises ?
- Oui, nous ne sommes que deux à travailler ici, me réponds mon père.
Je m'assois sur un fauteuil et regarde les écrans. Je vois de tout. Il y a des gens qui sortent de chez eux, d'autres qui sortent de l'Ecole Secondaire... Je regarde tous les écrans, dans l'espoir d'apercevoir ma mère ou ma soeur, mais rien. Je souffle et baisse la tête. Je me rends compte que la pièce est calme pour toutes ces images que l'on voit.
- Il n'y a pas de son ?
- Non, seulement les images. Ce n'est pas plus mal, sinon, nous aurions eu du mal à nous cacher, me réponds mon père. Allons-y, il ne faut pas traîner.
Nous sortons de la salle et, dans l'ascenseur, j'appuie sur un bouton au hasard. Ce bouton nous mène au vingtième étage. A cet étage, rien qui ne sortent de l'ordinaire de ce bâtiment. Cet étage, comme la plupart des étages, est composé de portes seulement. Nous essayons de toutes les ouvrir en vain. Nous remontons dans l'ascenseur et faisons la même chose pour tous les étages. Je suis déçue car j'aurais voulu découvrir plus de choses. Quand nous passons la porte de notre étage, il est quatorze heures.
- Nos entrées et sorties ne sont pas controlées ?Ils ne vérifient pas à quelle heure on entre et on sort ? je demande.
- Non.
Comme quoi la Société n'est pas si parfaite. Mais bon, heureusement qu'elles ne sont pas contrôlées sinon, nous n'aurions pas pu visiter le Centre. Vers quinze heures, c'est un Commandant qui entre dans la pièce. Il nous conduit au vingtième étage et nous ouvre une porte. Cette porte s'ouvre sur une salle avec des chaises et un grand écran en face. Nous prenons place sur deux des chaises et regardons l'écran. Celui-ci s'allume et l'écran devient noir.
- Voici la phase deux. Pour cette phase, nous allons vous diffuser plusieurs photos, vidéos pour étudier vos réactions physiques, nous annonce une voix masculine.
L'écran affiche une première photo. Elle montre un grand arbre, avec des choses scintillantes et des petites balles. Elles ne sont ni noires ni blanches. Qu'est-ce que c'est alors ? Derrière ce sapin, il y a de la neige. J'ai déjà étudié la neige. Notre professeur avait diffusé une vidéo où des enfants se lançaient des boules de cette neige. A la fin, un petit garçon avait pleuré à cause de ces boules. C'est pourquoi notre professeur nous avait expliqué que c'était mauvais et que c'était pour cela que la neige, l'hiver et toutes les autres saisons avaient été supprimées. Je me penche vers mon père et lui demande qu'elles sont ces choses sur l'arbre.
- C'est un sapin. Avant, on le mettait dans une pièce et on le décorait de guirlandes, ce qui clignote ou scintille et de boules, ce que tu vois coloré. Ce sapin signifiait Noël.
- Pourquoi les boules sont comme ça ?
- Ce sont des couleurs qu'on ne nous apprend pas.
- Tu pourras me les apprendre ?
- Bien sûr, me répond mon père avec un petit sourire.
Je suis contente de le voir sourire. Et puis, tout ça, les boules, guirlandes et sapin me font sourire. J'aurais aimé voir ça de mes propres yeux, ça devait être magnifique. Maintenant que je ressens des sentiments, j'ai un regard différent sur le monde. Je n'ai plus celui que la Sociéte nous imposait, celui qui nous disait que tout était dangereux, ne serait-ce que de lever le petit doigt. L'image disparaît et laisse place à une vidéo. Sur cette vidéo, ce sont des enfants qui jouent. Ils rigolent, puis un des enfants tombe et se met à pleurer. Je ressens de l'inquiétude. Va-t-il bien ? Finalement, il se relève et se remet à courir avec les autres. Je souffle, je suis soulagée. Une autre image s'affiche et sur celle-ci, nous apercevons des gens couchés par terre, du sang autour d'eux. Je me cache les yeux ressentant une sensation bizarre. Ma bouche s'ouvre et mon ventre se contracte. J'essaie de me calmer et supplie les Commandants pour qu'il change l'image.
- C'est bon, me souffle mon père.
J'ouvre les yeux et ma respiration redevient peu à peu régulière. J'ai vu des gens...morts. Je n'avais jamais vu la mort et aurais préféré ne jamais la voir. C'était affreux ! Je me concentre sur la nouvelle image et essaye d'oublier la précédente. Sur cette photo, on voit un bébé debout et ses parents qui applaudissent en tendant leurs bras au bébé. Je souris. Les premiers pas du bébé. C'est mignon. L'image disparaît et une vidéo apparaît à l'écran. C'est une fille qui regarde l'écran en souriant. Un garçon apparaît derrière la fille. Le garçon lui fait un calin et lui fait un bisou sur la bouche. Que font-il ? Ils peuvent attraper des maladies.
- Il s'embrasse, me dit mon père, répondant à ma question muette. Il partage leur amour.
L'amour... Voilà ce qui est représenté dans cette vidéo. Je me demande ce qu'ils ressentent. L'image d'une fille et d'un petit garçon s'affiche. Ils ont le même visage. Ce sont des frères et soeurs. Il se prennent dans les bras et sourient.
- L'amour fraternel. L'amour que se partage des frères et soeurs. Un autre amour.
Il y beaucoup d'amour alors. En fait, il y a beaucoup de sentiments. Comme m'a dit mon père, j'ai encore énormément de chose à apprendre. Une vidéo s'afiche sur l'écran. On voit un petit garçon dans les bras de son père et sa mère au loin, des sacs dans les mains, qui lui fait un signe de la main. Le petit garçon pleure, ce qui provoque également des larmes chez moi. L'écran s'éteint et le Commandants qui nous a conduit ici entre dans la pièce.
- La phase deux est terminée. Veuillez rejoindre votre chambre.
Nous faisons ce qu'il dit et remontons dans notre chambre. Plus qu'une phase et c'est terminé. Finalement, la sanction a-t-elle commencée ou pas ? Car, nous n'avons pas été enfermé. Nous pouvons sortir et nous avons seulement passé des phases. Je me suis peut-être inquiétée pour rien au sujet de la sanction.
Je suis réveillée par un bruit. J'ouvre à demi les yeux et vois des silhouettes noires devant le lit de mon père. Une des silhouettes, je suppose, chuchote quelque chose.
- Veuillez nous suivre.
Une troisième silhouette apparaît que je suppose être celle de mon père.
- Oui, laissez-moi juste dire au revoir à ma fille.
Les silhouettes ont dû accepter car je sens mon père se pencher au dessus de moi et me faire un bisous sur les cheveux.
- Je t'aime Amber. Ne l'oublie jamais, chuchote-t-il.
C'est quand il m'a dit cela que j'ai commencé à paniquer. La dernière fois qu'il m'avait dit ça, il était triste. Je sens que ce n'est pas mon bon signe et me met à pleurer silencieusement sans raison. Mon père s'éloigne et j'entends des pas se diriger vers la porte. J'attends de ne plus les entendre pour me lever et me diriger à mon tour vers la porte. La porte se referme devant moi.
- Non, non, non, non, non. Non ! J'hurle. Ouvre-toi, s'il te plaît !
Je cogne sur la porte, quand je me rappelle du petit bouton. Sur le coup de la panique, je l'avais oublié. J'appuie dessus, mais rien. Je n'entends pas la voix me demandant ce que je souhaite. Je réappuie dessus.
- Les services sont indisponibles pour le moment.
Quoi ? Comment ça ?! Ces services disponibles pour nous surveiller, nous faire passer des tests, mais pas pour ouvrir une simple porte ?! Mes larmes redoublent de plus belles. Ce n'est pas possible ! Mes lèvres s'étirent et je commence à rigoler. Je ne sais même pas pourquoi je rigole. Mes larmes coulent toujours et je rigole. Je ne ressens plus de tristesse. Du moins, si, mais la colère a pris le dessus sur la tristesse. Ce n'est pas possible, c'est une blague. Je rigole, parce que je n'y crois pas, parce que ma colère est arrivée à son maximum. Je suis en colère contre ce bouton, contre cette porte, contre les Commandants, contre tout. Les Commandants avaient raison sur un point, la colère peut-être dangereuse et destructrice. Je me remets à cogner contre la porte. Finalement, une heure après avoir crié, tapé, essayé de trouver n'importe quoi qui me permettrait de sortir de cette pièce, je m'écroule sur le sol et mes yeux se ferment.
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