Coma
"Love starts as a feeling, but to continue is a choice. And I find myself choosing you, more and more every day." – Justin Wetch
***
« Sentiments. Fichtre sentiments. Sentiments qui nous épanouissent, qui nous détruisent, qui nous envoûtent, nous brisent, nous accomplissent, nous dévastent. Sentiments qui nous aident à atteindre le sommet, et à toucher le fond. Sentiments qu'on nous a appris à reconnaitre, mais il n'y a personne qui nous a appris à les ressentir.
Et j'étais là, prise avec mes sentiments que je n'arrivais pas à contrôler, parce qu'ils étaient plus forts que moi. Que je n'arrivais pas à comprendre, parce qu'ils étaient si complexes.
Trop puissants et trop compliqués, qu'au final, je ne parvenais pas à les ressentir.
Pourtant je ressentais bel et bien ma gorge se serrer, mes mains trembler et ma tête tourner. Il y avait ces espèces de papillons qui me chatouillaient l'intestin et ces larves qui me bloquaient l'œsophage.
Et pour cela, je t'en voulais. Je t'en voulais parce que je savais bien que c'était toi qui nourrissais ces lépidoptères et qui me donnais ces frissons dans tout le corps.
Bon sang, je t'aimais, et cela, je le savais. Je savais que je t'aimais depuis le premier jour. Je t'aimais à en mourir depuis que mes pauvres yeux avaient croisé tes iris émeraude. Je t'aimais à en souffrir depuis que tes belles lèvres rosées m'avaient saluée. »
La femme s'arrêta un instant. Du revers de la main, elle essuya une larme qui coulait le long de sa joue arrondie.
Toute tremblante, elle inspira un bon coup, admira le joli visage de son mari, attrapa la main de ce dernier et continua son récit :
« C'était un vendredi soir, la fatigue me submergeait, mais je décidai tout de même d'aller faire un tour au bar à la demande de mes amies. J'entrai donc dans le piteux établissement, aperçus mes deux copines dansant sur la piste, me dirigeai vers le comptoir, car l'idée d'aller danser ne m'avait même pas effleuré l'esprit, et commandai un verre.
C'est à ce moment que je relevai la tête et te vis, pour la première fois, me fixant de tes beaux grands yeux verts.
Je crus que mon cœur avait manqué un battement et que le temps s'était arrêté un instant.
Pour mon plus grand bonheur, tu bus ce qui restait de ta bière d'un seul coup, te levas, marchas les quelques mètres qui nous distançaient, t'assis à côté de moi et me dis, de ta belle voix suave : "Bien le bonsoir mademoiselle".
Je ne peux dire combien de temps nous restâmes là, à parler, comme si nous nous connaissions depuis des lunes. Tes yeux rieurs, ton sourire charmeur, ta façon de t'exprimer, ton sens de l'humour et, il faut le dire, tes compliments à mon égard réussirent à me faire sentir toute croche.
Toute croche, parce que jamais auparavant je ne m'étais sentie de cette façon. J'avais le cœur viré de bord, la tête en compote, la mâchoire douloureuse tellement j'avais ri, les pupilles dilatées, les cheveux décoiffés, les mains moites et les jambes flageolantes.
Pour être honnête, je détestais cela au départ. Et c'est pour cela que je t'en voulais.
Mais peu à peu, grâce à nos appels nocturnes et à nos sortis au parc, j'appris à aimer ces insectes qui envahissaient mon corps.
Lentement mais sûrement, grâce à tes mains qui me touchaient affectueusement et à tes lèvres qui m'électrifiaient, je finis par adorer les frissons qui me parcouraient les nerfs.
Toutefois, après, que se passe-t-il? Qu'est-ce qui arrive quand les papillons s'envolent et que les larves quittent le convoi? On fait quoi lorsque le "main dans la main" devient un réflexe et que les marques d'affection sont plus récurrentes que les bonjours? Dis-moi, après, que se passe-t-il?
Tu sais, je ne te le dis pas, mais j'eus peur, terriblement peur. Peur que tu te lasses de moi, de nous, que tu cherches quelque chose de nouveaux. Peur que tu te tannes de mes amiraux fatigués et partes à la recherche de monarques enflammés.
J'eus peur que, moi aussi, je me lasse de nous. J'eus peur de vouloir trop. J'eus peur de ne plus te désirer. Ô, mon amour, j'eus si peur que l'amour parte. »
À ces mots, la femme sentit une légère pression provenant du court abducteur de son mari. Ça lui arrivait, de temps à autre, d'avoir ce type de réflexe.
La dame, un maigre sourire sur les lèvres, porta leurs mains à sa bouche et embrassa tendrement les doigts froids de l'homme.
« Néanmoins, l'amour, ça ne part pas. L'amour, il en reste toujours un peu, quoi qu'on essaie. Certes, le désir s'affaiblit. Seulement, les plus courageux trouveront bien un moyen, lorsque ça leur chante, de rallumer la flamme qui autrefois brûlait en permanence.
Notre amour, mon chéri, il était là, et il y serait toujours. Parfois bien caché et parfois pleinement exposé.
Il suffisait de le chercher. Il fallait choisir d'aimer. Il fallait choisir de désirer à nouveau.
Le jour où je réalisai et compris cela, la vie m'apparut plus belle.»
Elle disait vrai la bonne femme. Lorsqu'elle choisit d'aimer son homme pour le restants de ses jours, la vie fut plus simple.
« C'était un dimanche. Nous célébrions nos deux ans de rencontre et, pour l'occasion, nous passâmes la soirée ensemble, rien que toi et moi. Je me souviens, tu étais adorable dans ta chemise rouge vin et tes pantalons beiges.
Mon amour, cette nuit-là, je t'aimai comme jamais auparavant. La raison en est toute simple. Cette nuit-là, l'amour ne vint pas à moi, ce fut moi qui le choisis.
La lune scintillait et les étoiles dansaient. Nos souffles se mêlèrent et nos langues se lièrent. Nos âmes connectèrent et nos cœurs battirent à l'unisson.
L'obscurité nous enveloppait et le silence nous bénissait. Il y avait de la conduction entre nos corps et de l'induction entre nos esprits. C'était l'oxydation de deux êtres et l'érosion d'un passé trouble.
Je t'aimais, tu m'aimais, nous nous aimions. Ô, c'était de l'amour à l'état pure. »
La sincérité des paroles de la femme se reflétait dans ses yeux humides. Elle se rappelait de cette nuit comme si c'était hier. Elle aurait pu en citer les moindres détails.
« Le lendemain, je me réveillai et sentis ton corps tout près du mien. Je ne pus faire autrement que de sourire, car j'étais heureuse. Heureuse d'être avec toi, jusqu'à la fin.
Deux semaines plus tard, par un beau matin ensoleillé, je me retrouvai penchée sur le rebord de la toilette à vomir mes tripes.
La nausée, la fatigue, la fièvre, je pensais avoir attrapé un sérieux virus. »
La femme rit puisque, en y repensant, peut-être avait-elle attrapé un virus. Le plus beau des virus.
« Je portais en moi le fruit de notre amour.
Trente-huit autres semaines passèrent, puis vint le jour où je mis au monde ma nouvelle raison de vivre.
Je me souviens avoir tenu ce petit être dans mes bras. Il était tout fragile et tout rose, pesait quasiment sept livres et pleurait à n'en plus finir.
Je me rappelle t'avoir vu le tenir dans tes bras. La joie qui illuminait ton visage réchauffait mon cœur. »
La femme regarda de l'autre côté de la vitre et aperçut son fils courant dans les corridors. Ce qu'il y en avait de l'énergie dans son petit homme.
« Les années passaient, le petit grandissait et je maintenais mon choix de t'aimer jusqu'à la fin.
Mais, par un malheureux lundi pluvieux, tout bascula, et à présent, je peine à ressentir cet amour. Parce que l'Amour avec un grand A ça se bâtit à deux. L'Amour ça se découvre ensemble, ça se vit ensemble. Toi et moi jusqu'à la fin, c'est ce qu'on avait dit. T'en souviens-tu?
Ciel, je te voudrais à mes côtés pour l'éternité.
Alors, pour cela, par espoir, je te choisis, chaque jour. Chaque jour qui passe, je choisis d'espérer.
J'espère, parce que fut un temps où j'aimais, et ce temps me manque. Il me manque cruellement. Tu me manques cruellement.
Je t'aime mon amour, et chaque matin que je le pourrai je choisirai une fois de plus de t'attendre. »
Les larmes coulèrent à flots sur le visage de la femme alors que celle-ci tentait de réprimer un sanglot. Elle scruta le visage pâle et paisible de son mari qui semblait endormi.
Son fils, âgé d'à peine cinq ans, entra en trombe dans la chambre. Il courut se réfugier dans les bras de sa mère qui décoiffa gentiment ses cheveux bouclés. Le petit blondinet regarda sa génitrice, qui se remit à pleurer.
Sa progéniture avait les belles iris émeraude de son père et, chaque fois que la dame fixait son fils dans les yeux, elle repensait à ce fameux soir, où ce bel homme l'observait de l'autre côté du comptoir.
Il y a plus d'un an, ce même homme entra d'urgence à l'hôpital suite à un accident de travail.
Cela faisait plus d'un an qu'il avait sombré dans le coma.
Cela faisait plus d'un an que sa tendre et magnifique épouse ainsi que son jeune et adorable fils attendaient son réveil.
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