Un accident de la route. J'ai énormément de peine pour ces deux parents. Ils doivent être morts d'inquiétude. Le père parle avec le médecin. L'homme au sarrau blanc lui explique relativement ce qui s'est passé : la jeune fille conduisait et s'est fait happer par un chauffeur qui dormait au volant. Celui-ci ne s'en est apparemment pas sorti, mais pour ce qui en est de la fille, elle pourrait survivre sans trop de séquelles. J'ai aussi entendu qu'elle avait été placée dans un coma, et qu'elle était maintenant la seule à pouvoir se réveiller. Tout ce qui pouvait être fait de la part des proches, c'était d'être là, et d'essayer de lui parler, parce qu'il était possible pour une personne dans le coma d'entendre ce que disaient les gens autour, apparemment. Le père remerciait le docteur qui quittait la chambre. Une fois que les deux parents étaient seuls, le père allait poser une main sur l'épaule de la mère avant de la presser.

— Et si elle ne se réveillait pas?

— Écoute, tu connais Alina, elle est forte...

— Elle a eu un accident de voiture. Tu as idée des chances qu'elle a d'y passer? 

J'avais arrêté d'écouter. Alina. Alina. Alina. Ce prénom me disait quelque chose. Je l'avais sur le bout de la langue. Qu'est-ce c'était, encore?

Peut-être que c'était le mien, en fin de compte. Peut-être que je m'appelais Alina. Peut-être que cette fille inconsciente que je voyais, c'était moi. Comment en être sûre? Je ne peux même pas me voir!

— Il faut être optimiste...

— Et comment je peux faire ça? Y'a que moi que ça tue de la voir comme ça?

— Tu penses peut-être que c'est plus facile pour moi, ma petite fille est dans le coma, bordel!

— Alors pourquoi tu fais comme si ça ne t'affectait pas?

— Parce que je n'ai pas envie de craquer! 

Je me bouche les oreilles, ne voulant pas écouter leur argumentation. Pourtant, le son passe au travers de mes doigts. Peu importe l'effort que je mets, je les entends très bien.

— Stop. Il faut se reprendre.

— C'est toujours pareil, aucune trace d'émotion! Il faut être des putains de robots!

— Ce n'est pas pour ça que je dis ça! T'as bien entendu le docteur : elle nous entend peut-être!

La mère s'apprêtait à répliquer, mais se ravise. Elle referme la bouche, baisse les yeux avant de hocher la tête.

— Dans le cas où elle nous entend réellement, il serait peut-être bien de ne pas s'emporter et de nous concentrer que sur elle. C'est à elle qu'il faut parler, elle pourra peut-être se réveiller plus vite si nous l'encourageons.

— Tu as raison... Je suis désolée.

— C'est bon, je peux comprendre pourquoi tu es frustrée. La situation est difficile. 

Les deux parents soufflent à l'unisson avant de tourner leurs têtes vers le corps inerte. Les deux lui attrapent une main et je sens mes propres mains se réchauffer. Je les relève avant de les fixer. Je décide de me rapprocher un peu plus des deux parents. Je lève ma main droite et l'approche du visage de la femme. Au moment même où j'allais toucher sa joue, je me sens repoussée vers l'arrière. Je pousse un cri et me retrouve de l'autre côté de la pièce. J'écarquille les yeux. Je me souviens.