Chapitre 1
De retour à l'appart en début de soirée, je réalise que la porte est fermée à clé et que je n'en ai pas une en ma possession. Je tambourine, mais il n'y a personne. Ils ne sont pas encore rentrés et je n'ai aucune idée de l'heure de leur retour. Super, Lilou, la prochaine fois, tu réfléchiras avant de jouer à l'ado rebelle ! Je tape plusieurs fois mon front contre le battant en bois en signe d'impuissance.
- Salut ? me surprend une voix féminine. Un problème ?
Je dévisage l'inconnue qui semble plus âgée que moi. Une jolie rousse au sourire chaleureux.
- J'ai oublié ma clé. Et je n'ai aucune envie d'appeler mon frère !
- Ton frère ?... C'est Neal ou Matt ? me demande-t-elle d'une intonation enjouée.
- Matt. Tu les connais ?
Elle éclate de rire.
- Quelle fille ne les connaît pas ! Moi, c'est Alice.
- Et moi, Lilou.
- J'habite en face, tu peux les attendre chez moi si tu veux ?
- C'est trop sympa ! Merci, lui réponds-je, tout sourire.
- Tu habites seule ?
- Non. J'ai une copine comme coloc. C'est petit, mais ça nous convient bien mieux que les résidences où les pièces de vie sont en commun.
- Eh bien moi, j'aurais bien aimé en faire l'expérience.
- C'est ta première année ici ?
J'opine de la tête en pénétrant dans le salon.
- Mais t'as une chance incroyable de cohabiter avec les deux mecs les plus sexy de l'université, me déclare-t-elle en claquant la porte derrière moi.
- N'exagérons rien ! pouffé-je.
- Je suis loin d'exagérer, crois-moi ! Je suis sortie avec ton frère le temps d'une soirée. Je suis presque sûre qu'il ne s'en souvient même pas.
Devant ma tête horrifiée, elle éclate de rire.
- Bienvenue à l'université, Lilou ! Aux fantasmes devenus réalité et aux désillusions, surtout !
Les désillusions, j'ai assez donné. Je pense à Jamie et à toutes nos épreuves traversées. Je sais que le quitter pour cette université était la meilleure chose pour moi. Je vais me tenir tranquille face à toutes les tentations et réussir brillamment mes études. Je me suis fait une promesse et je compte bien la respecter.
Invitée à m'asseoir sur le canapé, une canette de Coca à la main, j'écoute religieusement son mode de vie, les endroits branchés à fréquenter hors du campus, ainsi que les fraternités et sororités à éviter. Elle me fait un descriptif de sa bande d'amis qu'elle tient absolument à me présenter. Je la connais depuis moins d'une heure et me sens vraiment à l'aise en sa compagnie. Elle respecte mes silences tout en respirant la joie de vivre. Je ne peux pas m'empêcher de pouffer lorsqu'elle me décrit ses nombreuses expériences désastreuses.
- Tu te marres, mais attends de te faire accoster lors de soirées bien arrosées. Jolie comme tu es, tu finiras à poil avec un ou plusieurs mecs.
- Hors de question ! m'écrié-je en grimaçant. J'ai beau être ouverte d'esprit, j'ai mes limites.
- Je disais la même chose en première année, pouffe-t-elle. Mais les choses changent.
- Nan. Et avec Matt comme chien de garde, aucune chance que ça arrive ! D'ailleurs, s'il t'entendait parler, il pèterait un câble.
- Il est du style protecteur avec toi ? m'interroge-t-elle, la voix charriant l'incrédulité.
- Très protecteur, et je ne peux pas lui en vouloir.
- C'est difficile à croire au vu de sa réputation. Il est si..., déclare-t-elle en cherchant ses mots.
- Enfoiré ?... Ou connard, peut-être ?
- Voilà ! C'est ça, me répond-elle en riant. Mais ça lui arrive aussi d'être super sympa.
- Encore heureux ! m'esclaffé-je.
- Et donc, il y a de grandes chances pour que Matt t'accompagne dans toutes tes sorties ?
Sa voix est pleine d'espoir - un peu trop même.
- Il en est bien capable ! Mais même pas en rêve !
Elle mordille sa lèvre tout en me scrutant en silence.
- Quoi ? Dis-moi ?
- Tes colocs sont pourtant connus dans la fraternité des Kappa Sigma. Et je me demandais ce qu'il s'était passé pour qu'ils s'installent ici ?
Je culpabilise à fond. Je suis consciente que c'est un gros sacrifice pour eux. Tout cela à cause d'un odieux chantage de la part de mes parents.
- C'est ma faute, avoué-je dans un soupir, mais je préfère laisser cette histoire derrière moi.
- Le malheur des uns fait le bonheur des autres, me sourit-elle d'un air énamouré.
Mon hilarité jaillit d'entre mes lèvres. Ça fait un bien fou de pouvoir rire de cette situation pourrie. La sonnerie de mon téléphone résonne dans mon sac, je m'en empare.
- Lorsqu'on parle du loup, annoncé-je en décrochant. Oui ?
- T'es où ?
- Avec Alice.
- C'est qui ?... Je la connais ?
Intimement, je dirais...
- Il paraît. Attends, je sors ! Je suis juste en face.
Je le découvre aussitôt. Adossé à la porte de chez nous, il nous scrute et les traits de son visage se détendent. Alice lui fait un signe de la main pour le saluer, mais Matt n'y prête aucune attention et disparaît à l'intérieur de notre appart comme si elle n'avait aucune importance.
- Oh l'enfoiré ! m'indigné-je.
- Ou connard. Au choix ! glousse-t-elle, amusée par sa grossièreté.
- Et pourquoi pas les deux ?
On rit de concert. N'empêche je déteste quand il se comporte aussi mal.
- Encore merci pour le dépannage.
- C'est quand tu veux ! N'hésite pas quand t'as besoin.
- Toi aussi.
Elle hoche la tête, un sourire satisfait aux lèvres. Je la quitte et rentre à mon tour dans l'antre des deux démons.
À peine arrivée, Matt me sermonne.
- Écoute-moi à l'avenir. Et emporte ta clé avec toi !
- Et toi, m'énervé-je, à l'avenir, tu n'oublieras pas les bonnes manières lorsqu'une personne te salue.
- C'était qui cette fille ?
- Une future amie, et accessoirement, une fille que tu t'es tapée lors d'une soirée.
Mon frère éclate de rire.
- Ce n'était pas un bon coup pour que je ne m'en souvienne pas.
J'entends Neal se marrer dans sa chambre.
- Alice se souvient bien de toi, répliqué-je, revancharde. Elle n'avait jamais connu un mec qui bandait aussi mou.
Mon frère me dévisage, puis il esquisse un sourire goguenard.
- Ce n'était vraiment pas un bon coup, alors !
Le rire de son pote redouble d'intensité. Il finit par se joindre à lui.
Mon Dieu !
Dépitée, je lève les yeux au ciel. Et dire que c'est notre premier jour de colocation ! Je les laisse à leur délire et retourne dans ma chambre.
Mes affaires de toilette en main, je constate que j'ai reçu un message de mes parents qui osent me demander si tout se passe bien. Comme si j'allais leur répondre ! Si en plus de vouloir contrôler ma vie, ils veulent tout savoir, ils n'ont qu'à poser la question à Matt. Je le supprime et me rends dans la salle de bains.
Une fois sous le jet d'eau chaude, je prends le temps de digérer cette journée qui marque ma nouvelle vie et mes pensées reviennent sans cesse sur mon nouveau coloc. Je ne m'attendais pas à ce que le pote de mon frère soit si attirant et si horripilant à la fois. Seul bémol, il ne peut pas me blairer. C'est son problème, pas le mien. Ma priorité est de décrocher mon diplôme pour ne plus jamais dépendre de personne. Pour le reste, je saurai composer avec.
Sortie de la douche, j'enfile ma tenue décontractée et ouvre la porte pour me rendre dans ma chambre lorsque le cours de mes pensées est interrompu par une voix féminine.
- Sympa le tee-shirt !
Euh... C'est qui elle ? !
- Pardon ?
- Sexy, si tu préfères.
L'inconnue m'adresse un clin d'œil complice avant de disparaître dans la chambre de Neal. Il ne perd pas de temps celui-là !
Je détaille mon vieux tee-shirt usé - mon préféré, et constate que le tissu est de plus en plus fin avec l'usure et que mes seins sont bien trop apparents. Je n'ai pas une poitrine très généreuse, mais j'ai de belles formes et j'ai l'impression que l'on ne voit que ça. Mal à l'aise, je rabats tous mes effets personnels contre moi et trottine jusqu'à mon antre. Une fois la porte fermée, je me blottis dans mon lit et démarre ma série sur Netflix.
23 h s'affichent sur le réveil. La gorge sèche, je me lève et me dirige vers la cuisine. Connaissant mal l'endroit, j'ouvre plusieurs portes à la recherche d'un verre.
- Tu peux faire plus de bruit ! grogne une voix masculine.
Je sursaute en poussant un cri de peur avant de réaliser que c'est Neal. Génial !
- Tu cherches quoi ?
- Rien en ce qui te concerne, grommelé-je.
Je perçois un bref ricanement dans mon dos que j'ignore. Je continue mon inspection en prenant soin de ne plus claquer les portes cette fois-ci. Un sourire triomphant se dessine sur mes lèvres quand je trouve le Saint Graal. Je m'en empare et le remplis d'eau au robinet et l'engloutis d'une seule traite. Mon coloc ouvre le frigo pour prendre une bouteille de jus d'orange afin d'en boire plusieurs gorgées à même le goulot.
- Tu ne peux pas te servir dans un verre comme tout le monde ? râlé-je.
Il reluquer mes jambes nues, affublées d'un shorty de sport. Il zieute sa montre et me balance :
- Tu ne devrais pas être déjà au dodo ?
Les hostilités commencent ! Je ravale mon grognement, mais pas l'envie de lui effacer son petit sourire suffisant.
- J'ai eu la permission de minuit.
Connard !
- Tu fous quoi, bordel ! s'écrie Matt en me faisant sursauter au passage. On nous attend !
Neal lève la bouteille en l'air.
- J'ai soif ! Tu permets ?
- Ça fait une plombe que je t'attends dehors, râle-t-il avant de me remarquer enfin. Lilou ! Tout va bien ?
L'inquiétude qui transperce sa voix provoque mon exaspération. Il faut qu'il me lâche !
- Pas vraiment. Mais ça ira mieux quand tu m'auras bordée !
Il se marre face à mon ton dégoulinant de sarcasme, puis jette une œillade sur son téléphone qui sonne dans sa main.
- Rendall, magne-toi !
Lorsque mon frère disparaît, je surprends Neal les yeux rivés sur ma poitrine. Merde, fichu tee-shirt ! Son regard appuyé fait pointer mes tétons. Je n'assume pas du tout et croise les bras d'embarras. Il s'avance vers moi en posant la bouteille sur la table, puis me coince entre le plan de travail et son corps, me provoquant de drôles d'ondes qui me perturbent.
- Tu joues à quoi ? m'interroge-t-il de son souffle qui me chatouille la bouche.
Par réflexe, j'y plante ma canine pour en atténuer le picotement. Un geste qui n'échappe pas à ses iris qui s'obscurcissent.
- À rien. J'avais soif. Je ne vois pas où est le problème ?
- Dans cette tenue ?
Je fais fi de l'éclat de colère dans son regard malgré tout consciente que mon haut est peut-être super confortable à porter, mais carrément indécent pour une colocation majoritairement masculine.
- Est-ce que t'es le genre de nana qui écarte les cuisses le premier soir ?
Mes yeux s'écarquillent d'horreur tandis que mon sang ne fait qu'un tour. Comment ose-t-il ?! Prise d'une colère sourde, je lève ma main pour lui administrer une claque bien sentie qui lui fera ravaler ses mots d'enfoiré. Il attrape mon poignet en plein vol et l'immobilise sans aucune douceur. Malgré l'onde de chaleur qui picore ma peau à son contact, les lèvres pincées, je crache entre mes dents :
- Comment oses-tu ? Tu ne me connais même pas !
- J'en sais déjà bien assez.
- Espèce de connard ! éructé-je en me dégageant de sa poigne.
- J'en ai autant à ton service. Et quand je t'ai conseillé de te faire oublier, ce n'était pas des paroles en l'air.
Le temps d'essayer d'articuler un mot cohérent, il disparaît en claquant la porte d'entrée.
- Première journée de colocation de merde ! râlé-je, frustrée, une montée de larmes aux yeux.
Je retourne furibonde dans ma chambre que je n'aurais jamais dû quitter.
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