Chapitre 52.

Quand on arrive au bowling, je sors de la voiture et me dirige avec Aaron vers l'entrée. Il enlace nos doigts ce qui me fait esquisser un sourire. Il est adorable. Nous allons à l'accueil pour réserver une piste. Le garçon qui s'occupe de nous est très gentil. Il nous conseille sur certaines choses et nous demande si on souhaite changer nos prénoms qui seront affichés sur l'écran à chaque fois que nous jouerons. Aaron sourit en lui disant de me nommer P'tit Cœur et lui... Hé bien... Contre sa volonté, je le surnomme Ronron.

Nous enfilons nos chaussures très moches puis partons ensuite vers la piste 9. La salle est pleine, il y a vraiment beaucoup de personnes. Sur la télé au dessus de nous, il y a nos surnoms et notre score personnel. Je commence la première. Comme je suis nulle au bowling, Aaron m'aide à lancer la première fois. Il saisit ma taille d'une main et de l'autre, il tient la boule avec moi. Son bassin se colle contre mes fesses et je sais qu'il le fait exprès.

_ Aaron arrête.

_ Quoi donc ? Tu ne veux plus que je t'aide maintenant ?

_ La seule chose que tu vas réussir à faire, c'est que je perde.

_ Oh. Alors je continue.

Je me retourne vivement et lui frappe doucement le torse ce qui le fait rire.

_ Tu dis ça parce que tu sais que tu vas perdre.

Il se met à rire à gorge déployée ce qui lui vaut une seconde tape.

_ C'est ça ouais. Avant d'arriver, j'avais déjà gagné.

_ Hum ouais. Fais pas trop le malin.

_ Je suis réaliste, bébé.

_ Hum.

Je lance finalement ma boule qui finit dans la gouttière. Aaron affiche un sourire moqueur sur les lèvres. Je lui lance un regard noir qui ne sert qu'à amplifier ce sourire.

Finalement, à partir de la cinquième fois, je commence à rattraper Aaron. À présent, il ne rigole plus et râle. Cela faisait un bon moment que je n'avais pas vu cette facette de sa personnalité : grognon. Je ris de son comportement. Quand je marque un spare, je saute partout de joie et le charrie comme quoi je vais le battre.

_ Nan mais c'est de la chance ça.

_ Nan je suis juste plus forte que toi.

_ Ouais, crache-t-il.

Okay... Vu son caractère actuel, j'ai intérêt à me taire avant de créer une future dispute. Mon sourire s'efface quelque peu et je me calme.

Aaron joue et je le félicite, contre ma volonté au départ, quand il marque un strike. Il esquisse un sourire alors j'en déduis qu'il n'est plus si énervé que ça. Le tour suivant, je me concentre et lance la coule. Et je fais un strike ! Je crie de joie. Entonnement, Aaron me prend dans ses bras et me soulève en me disant que je suis trop forte. Je suis contente qu'il se soit calmé et qu'il arrête d'être mauvais joueur. À tous les coups, il prend sur lui pour ne pas gâcher la soirée. Il me pose au sol et je saute partout. Un gars à notre droite se met à râler.

_ Une gamine la meuf putain.

Mon visage se décompose. C'est vrai que dans l'euphorie j'en ai fait toute une histoire pour pas grand chose. Je ne pensais pas que je dérangeais les personnes autour de nous. Je me tais alors et m'apprête à aller m'asseoir. Du coin de l'œil, je vois Aaron qui est figé comme une statue. Je me tourne alors vers lui et constate qu'il fixe méchamment le gars et serre les poings. Sentant l'embrouille à plein nez, je me dirige vers lui et me poste devant lui. Il ne daigne même pas à me regarder.

_ Aaron...

Ses pupilles sont dilatées et il fusille le mec. Celui-ci maintient le regard puis il esquisse un sourire en prenant une boule et en la lançant sur la piste. Aaron fait un pas pour me contourner mais je me replace devant lui en posant mes mains sur son torse. Je peux lire dans ses yeux qu'il hésite entre ne rien faire et péter un câble. Connaissant très bien Aaron, j'envisage plutôt la seconde option.

_ Ce n'est pas grave, Aaron. C'est de ma faute.

Sa mâchoire se crispe.

_ Ce. N'est. Pas. De. Ta. Faute. Tu as le droit de faire ce que tu veux et si ça lui pose un problème, je vais lui refaire le portrait.

Le connard le provoque en affichant un air arrogant et supérieur sur la face. Même moi, j'ai envie de le frapper. Mais je me retiens.

_ Ne fais pas ça. S'il-te-plait.

Pour le faire poser les yeux sur moi, je saisis ses poings dans mes mains et les apporte à mes lèvres. J'embrasse ses phalanges doucement.

_ Bébé... Calme-toi, le supplié-je. Pour moi.

Il se détend lentement puis baisse les yeux vers moi. Comme je l'espérais, son regard s'adoucit.

_ On se fout de ce con. Je veux juste finir la partie et rentrer à la maison. D'accord ?

Il hoche lentement la tête. Je me mets sur la pointe des pieds pour déposer mes lèvres sur les siennes tendrement.

_ Merci.

Je me recule et nous reprenons le jeu en évitant de regarder à notre droite.

Après une demi-heure de combat, ou pas, c'est Aaron qui a gagné à cette fichue partie de bowling. Il a arrêté de penser à l'autre connard qui est parti depuis dix minutes et sourit grâce à sa victoire à la con. Je boude alors il m'attire contre lui et encercle ma taille de ses bras musclés.

_ Arrête de faire la tête, P'tit cœur, chuchote-t-il contre mon oreille.

_ T'es méchant, gémis-je. Tu m'as même pas laissé gagner.

_ Bébé... J'ai essayé. Vraiment. J'ai essayé mais sérieux...

Il laisse sa phrase en suspens.

_ Dis que je suis nulle tant que tu y es !

_ Tu es nulle.

_ Hé !

Je me dégage de ses bras tandis qu'il ricane. Je me dirige vers la sortie sans vérifier s'il me suit ou non. Evidemment, je fais semblant de lui en vouloir mais dans le fond, je sais très bien que je suis une vraie quiche au bowling. J'entends ses pas derrière moi. Une fois à la sortie, il m'appelle pour que je m'arrête. Je me tourne alors tout en continuant de marcher à reculons.

_ Je ne te parlerai pas tant que tu ne te seras pas excusé.

Je m'apprête à faire volte face mais je percute quelqu'un. Je m'empresse alors de reculer. C'est le même garçon que tout à l'heure dans le bowling.

_ Mince...!

_ Putain ! Tu ne sais pas regarder où tu vas ?!

_ Excusez-moi. Je...

_ Je m'en bats les couilles de tes excuses.

Il fait demi-tour et part vers le parking. Je préfère me taire pour ne pas que la situation dégénère. J'espère qu'Aaron ne dira rien.

_ Pouffiasse, crache-t-il.

Instantanément, je jette un regard à Aaron. À en juger par son expression, je sais déjà qu'il ne se taira pas. Quand le gars passe à côté de lui, il lui saisit fermement le bras pour l'arrêter.

_ Pardon, tu as dit quoi là ?

Le mec l'assassine du regard puis, comme tout à l'heure, un rictus prend forme au coin de ses lèvres.

_ J'ai dit pouffiasse. Mais j'parlais pas à toi, j'parlais à ton imbécile de meuf.

Violemment, Aaron l'attrape par le col et le plaque au mur. Je sursaute de surprise, même si dans le fond ce n'est pas si étonnant. Le gars ne bronche même pas et c'est bien ce qui me fait le plus peur là tout de suite.

_ Excuse-toi ou je te fracasse le crâne, ordonne Aaron, furieux.

_ Houla..., rit le menacé, le copain s'énerve.

Putain, tais-toi connard.

Je fais un pas vers eux.

_ Aaron, calme-toi.

Ma voix est blanche. Je prie pour qu'il m'écoute même si je sais qu'il n'est déjà plus lui-même. Je tremble de peur. S'il fait une connerie...

_ Ouais. Aaron. Calme-toi. Et va baiser ta putain de meuf.

Aaron lève vivement le poing vers lui mais je l'arrête à temps. J'expire tout l'air que j'avais retenu dans ma poitrine inconsciemment.

_ Aaron, stop. Arrête. S'il-te-plaît.

Ma vue est brouillée par les larmes. Je ne veux pas qu'il recommence à être violent. Je savais que son agressivité nous reviendrait en pleine figure mais je n'étais pas prête à ce que cela se produise ce soir. Lorsque son regard se pose sur moi, il est voilé de rage.

_ Laisse-le... Je t'en prie.

Lentement, il ferme les paupières tout en desserrant sa prise sur l'homme. Puis, il le lâche et celui-ci s'éloigne d'un pas.

_ Casse-toi avant que je ne le laisse t'envoyer à l'hôpital, tranché-je.

Le gars ne répond rien et s'en va.

Des larmes perlent au coin de mes yeux. Aaron s'approche de moi mais je recule. Une peur familière me glace le sang. Cette peur, celle du soir où il m'a frappée. Et s'il me tapait pour m'être interposée ?

_ Tu as peur de moi, Cami' ?

Sa voix est calme et pourtant, aiguë. Il est blessé.

_ Je... Non. Oui. Enfin, j'ai cru que tu allais t'énerver contre moi.

Mon aveu lui fait probablement l'effet d'un coup de poignard dans le dos. Mais c'est la vérité. Son visage se décompose.

_ Quoi ? Mais non, bébé.

Je vois bien que je l'ai offensé. Ses doigts s'enfouissent nerveusement dans ses cheveux.

_ J'ai cru que tu allais lever la main sur lui..., ma voix se brise. Que tu allais être violent de nouveau.

_ Tu as vu comment il t'a traitée ? Je ne pouvais pas simplement le laisser s'en tirer comme ça. Mais jamais, Camille, je ne m'en prendrai à toi. Cela n'arrivera plus jamais. C'était une putain de connerie que je regrette tous les jours. Je t'en prie, ne pleure pas.

Il franchit le mètre qui nous séparait pour recueillir une de mes larmes de son pouce. Son regard est tendre. Et amoureux. Je me perds dans ses yeux. C'est comme si le temps tournait au ralenti. Je savoure ce geste doux à travers cette scène qui ne fait que se répéter encore et encore.

_ Je suis tellement désolé.

Ses yeux sont humides. J'y vois de la pure sincérité.

_ Je sais, Aaron, je sais.

Délicatement, comme si j'étais une poupée fragile, il me sert dans ses bras. Je réponds à son étreinte en posant mes mains dans le bas de son dos.

_ Je te demande pardon. Je n'ai pas réfléchi. Je voyais rouge et tu étais là, à me provoquer... Et... Et...

Je peux discerner des sanglots dans le ton de sa voix. Ressasser ce fragment de notre passé me serre le cœur douloureusement. J'aurais aimé ne plus jamais avoir à l'évoquer. L'une de mes mains frotte son dos dans le but de le calmer.

_ Chut... C'est fini maintenant.

_ Je t'ai frappée. Je ne te mérite pas.

Il desserre ses bras de mon corps et tente de se dégager mais je le retiens.

_ Arrête. Ce que tu dis est faux.

_ C'est vrai. Tu devrais partir.

_ Tu dis n'importe quoi.

_ Je gâche toujours tout et tu es la personne la mieux placée pour le savoir. Qui te dit que je ne referai pas de conneries ? Je t'ai fait souffrir au-delà du mot. Et toi, tu n'es jamais réellement partie. Après tout ce qu'on a vécu, tu es toujours là. Et je suis trop égoïste pour te laisser t'en aller. Pourtant, je veux que tu aies tout ce dont tu rêves. Du bonheur surtout. Et ce n'est pas avec moi que tu auras ça. Alors, je renonce à toi. Je t'aime trop pour te faire du mal à nouveau. Pars loin, s'il-te-plaît. Loin de ton enfer personnel, c'est-à-dire moi.

Avant qu'il ne continue sa tirade et surtout de dire des absurdités pareilles, j'enroule mes bras autour de sa nuque et l'embrasse passionnément avec autant de d'énergie et de volonté que je ne l'ai sûrement jamais fait. Il résiste d'abord et essaie de me repousser mais je n'abandonne pas. Je ne l'abandonnerai pas. C'est la première fois qu'il m'avoue ce qu'il ressent réellement à propos de nous depuis notre rupture. Ce qu'il pense est faux. Jamais je ne l'ai vu comme mon enfer personnel. Il est tout le contraire. C'est lui qui m'a fait réaliser qui j'étais réellement. C'est lui qui a donné un sens à ma vie. Et il ose me dire qu'il est mauvais pour moi ? Ce serait tellement plus simple s'il pouvait lire dans mes pensées. Il n'aurait pas à douter de nous.

Parce que même quand on ne va pas bien, je serai toujours là pour nous deux. S'il se sent tomber, je le rattraperais. Je ferai tout pour le sauver, parce que même si cela peut paraître fou et totalement impensable, malgré toutes les choses qu'on a traversées tous les deux, je l'aime et je suis certaine que ce sentiment que j'éprouve pour lui, si puissant soit-il, ne s'arrêtera jamais. Il est la flamme et Aaron est le brasier qui incendie tout mon être. J'aimerais tellement qu'il le comprenne. Et pour cela, je dois lui prouver qu'il est la meilleure chose qui puisse m'arriver.

À bout de souffle, je romps notre baiser. Nos lèvres se frôlent et quand j'ouvre les yeux, je croise son regard hypnotisant.

_ Je ne partirai jamais sans toi, murmuré-je calmement. Tu m'entends ? Jamais. Je t'aime, Aaron, et rien de ce que tu pourras dire ou faire ne me fera changer d'avis.

_ Tu ne sais pas. Je peux redevenir violent.

Je secoue négativement la tête.

_ Tu ne le feras pas. Ce n'est pas ce que tu veux. Et ce n'est pas non plus ce que je souhaite. Ce que nous désirons, c'est vivre ensemble paisiblement. Fini les disputes, les cris ou les pleurs. Et on va y arriver. Parce que nous sommes Aaron et Camille et que nous avons traversé plus de choses que n'importe quel couple. Je sais que tu y crois autant que moi. Alors laisse-nous une chance.

Il recule précautionneusement et je regrette la seconde d'après de l'avoir laissé m'échapper. Il me tourne le dos et enfouit sa main nerveusement dans ses cheveux. J'attends patiemment qu'il me dise oui, qu'il est prêt à se battre pour notre amour. Les minutes défilent et j'ai l'impression que ça fait des heures que je l'observe.

Quand il se tourne vers moi, je sais son choix. Non pas grâce au sourire enfantin qu'il affiche mais parce que nous n'avons qu'un seul destin : notre avenir ensemble. J'explose de joie et lui saute dans les bras, euphorique. Il me soulève et me fait virevolter dans les airs. Il plaque ses lèvres sur les miennes intensément.

_ Je t'aime.

_ Je t'aime aussi, m'empressé-je de répondre en l'embrassant furtivement.

Ça y est. Nous l'avons. Notre chance. Ma réaction peut paraître complètement puérile et immature mais je sais au plus profond de mon cœur que nous avons réussi. L'avenir nous appartient et rien ne pourra venir gâcher cela. À travers ces deux années, Aaron a su être mon pire cauchemar comme il a pu être mon meilleur rêve. Même si je ne l'avais jamais réalisé auparavant, il a toujours été mon étoile dans ce chemin qui m'approchait peu à peu du but ultime. Celui de pouvoir passer le reste de mes jours avec lui. Cette histoire n'est peut-être que de courte durée, je sais que même si elle se finit dans quelques années, elle restera à jamais la meilleure partie de ma vie. Parce que c'est ainsi que se résume ma vie et que c'est avec l'homme qui me complète le mieux que je l'aurai vécue.

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