Chapitre 44.

Il vient se placer devant moi pour m'empêcher de sortir. Ses mains saisissent mes bras pour m'arrêter. Je me fige. Mon regard noir plonge dans le sien. Il est désolé mais je m'en fiche.

_ Je te conseille de me lâcher.

Mon ton est strict et c'est non-négociable mais il ne semble pas le remarquer. Ou alors il préfère l'ignorer.

_ Ne pars pas. Je t'en supplie.

_ Lâche-moi.

_ Reste.

_ Si c'est pour que tu m'accuses de je ne sais quelle autre connerie, ou que tu me frappes parce que je l'ai mérité, non merci.

_ Je te demande pardon.

_ Je m'en fous de ton pardon !

Je me dégage de son emprise et pars vers la porte.

_ Tu crois que ces mots vont toujours tout arranger ? Tu as tort. C'est pire que si tu ne disais rien. Tu te rends compte que tu m'as accusée de quelque chose d'immonde que je ne ferai jamais ?

Sa mâchoire se crispe légèrement. Il m'attrape fermement le bras et me tire dans le salon.

_ Lâche-moi !

_ Je t'accuse ? J'ai tort ? Est-ce que les images mentent ?

_ Tu me fais mal.

_ Pas plus que d'habitude.

_ Arrête, Aaron, crié-je en m'arrêtant brutalement. Ça suffit maintenant !

_ Ça suffit ?! Ça suffit ? Tu crois que ça me plait de recevoir une photo où ma meuf se fait chauffer par un autre par une putain ?

_ Une putain ? C'est Stella qui t'a envoyé ça ?

_ Oui. Et elle a eu raison.

_ Mais enfin regarde-toi, merde ! Est-ce que tu as l'air dans ton état normal là ?

_ Parce qu'il faut avoir un état normal pour te parler maintenant ?

_ Depuis que tu es violent, je préfère oui.

Il grogne en me lâchant le bras.

_ Est-ce que, un jour, tu vas arrêter de remettre ça sur le tapis ?

_ J'arrêterai le jour où tu ne m'accuseras plus de baiser avec d'autres que toi. Et que tu me croiras quand je te dis quelque chose. C'est-à-dire jamais. À présent, tu vas me laisser rentrer chez moi.

_ Tu es ici, chez toi.

_ Tu sais très bien que c'est faux. Je ne supporte plus cet endroit. Je ne te supporte plus, toi.

_ Ne pars pas.

_ Je vais me gêner.

Je me dirige une seconde fois vers la porte.

_ Tu es en pyjama.

Vu la proximité du son de sa voix, je constate qu'il m'a suivi.

_ Et ?

_ Reste.

_ Pourquoi est-ce que je resterai avec quelqu'un d'aussi insupportable et détestable que toi ?

_ Parce que je te le demande.

Je soupire en posant ma main sur la poignée de la porte.

_ Ce n'est pas assez.

_ Très bien. J'ai voulu être sympa, mais tu es tenace ce soir.

_ Qu'est-ce que tu f...

Avant que je ne finisse ma phrase, il me soulève puis me dépose sur son épaule avant de m'entraîner dans la chambre. Je donne des coups de pieds dans tous les sens mais ça ne sert à rien. Il m'allonge sur le matelas. Je m'apprête à me relever mais il saisit mes avant-bras et me les plaque contre le matelas. Il est à califourchon sur moi.

_ Qu'est-ce que tu vas faire, Aaron ?, m'énervé-je. Me violer ? Me séquestrer ? Parfait, allons-y, ça va être chouette dis donc.

_ Reste. S'il-te-plait.

Son regard me supplie silencieusement. Ne fais pas ça. Je tourne la tête vers la fenêtre.

_ Tais toi.

_ Ne pars pas.

_ La ferme.

_ Pardon.

_ Je m'en fiche, chantonné-je faussement en me tortillant dans le but de le faire partir.

_ Je t'aime.

_ Ta gueule, Aaron.

_ Je me suis emporté trop vite.

_ Tu crois ?

_ Oui.

_ Bravo. Tu n'es pas aussi stupide que je le pensais.

Il expire longuement. Son souffle chaud vient chatouiller mon cou.

_ Qu'est-ce que je dois faire pour que tu m'écoutes ?

_ Qu'est-ce que je suis en train de faire là ?

_ Pour que tu m'écoutes vraiment, se rectifie-t-il.

_ Laisse-moi rentrer chez moi.

Sans que je ne le veuille, des larmes perlent aux coins de mes yeux. Je renifle involontairement. Ce n'est pas vraiment de tristesse mais plutôt de colère contre Aaron. Je sais que c'était une bêtise de lui mentir sur le suçon mais je pensais que c'était la meilleure chose à faire à ce moment-là. Je croyais qu'il avait changé, qu'il essaierait d'être meilleur. Il vient de me montrer que son côté impulsif est toujours enfoui quelque part en lui, prêt à surgir à n'importe quel instant. Même s'il essaie maintenant de se faire pardonner car il s'est rendu compte qu'il a été trop loin dans ses paroles, c'est ce qu'il a toujours fait et il continuera de le faire si je ne pose pas de limites maintenant. Aaron remarque mes larmes et recule légèrement sa tête.

_ Cami', regarde-moi.

_ Non, gémis-je.

Ses mains lâchent mes avant-bras pour prendre mon visage en coupe et le tourner vers lui. J'évite son regard. Il m'énerve. Tout chez lui m'énerve.

_ J'ai tiré des jugements trop vite. Je ne croyais pas que tu m'avais trompé. J'espérais plus que tout que ce soit faux. Mais cette photo m'a...

_ Je m'en fiche.

_ Je t'ai blessée ?

_ À ton avis ?, reniflé-je une énième fois en posant mon regard sur lui.

_ Oui.

_ Si tu sais la réponse, pourquoi est-ce que tu demandes alors ?

_ Parce que je veux que tu continues de me parler.

_ Je ne veux pas te parler.

_ Très bien, alors ne parle pas.

_ Je ne veux pas te voir non plus.

_ Alors ne me regarde pas.

_ Je ne veux pas rester avec toi.

_ Ah. Ça, c'est pas possible, sourit-il. Je ne te quitterai pas. Plus jamais.

_ Arrête de sourire. J'ai envie de te faire bouffer ton sourire de merde.

_ D'accord Madame.

Il reprend un air sérieux. Je me force à ne pas rire. Il est amusé par mon comportement alors que j'essaie de le rendre mal. Je ne sais plus quoi faire... Ce garçon est un mystère à lui tout seul. Aucune équipe de recherche ne serait capable de trouver ce qui ne va pas chez lui. Il y a tellement de choses.

_ Tu peux me lâcher maintenant ?

_ Et si je n'en ai pas envie ?

_ Je te donne un coup de pied dans les couilles ?, le préviens-je.

_ Tu n'oserais pas.

Je hausse un sourcil.

_ Serait-ce un défi ?

Voyant que je suis complètement sérieuse, il se rétracte.

_ Ouais euh... Je vais quand même ne pas jouer avec le feu.

Il se lève et je fais de même.

_ Brave gosse.

Je m'apprête à sortir de la chambre mais il plaque la paume de sa main sur le côté de la porte, m'empêchant de passer en même temps.

_ Qu'est-ce que tu fous, là ?

_ En fait... Je préfère que tu restes ici. Pour ne pas que tu te sauves, tu vois...?

Merde... Grillée.

_ Je ne dormirai pas avec toi.

_ Si.

_ Non.

_ Si.

_ J'ai. Dit. Non.

_ J'ai. Dit. Oui.

Un enfant...

_ Sérieux, Aaron..., grogné-je en plaçant mes mains sur mes hanches. On est où, là ?

_ Dans notre chambre, rétorque-t-il le plus posément du monde.

_ T'es lourd.

_ Je sais.

_ Tu me saoules.

_ Je sais aussi.

Je claque ma langue sur mon palais avant de lui tourner le dos pour m'affaler sur le lit. De toute façon, il ne me laissera pas partir. Il referme la porte, à clef, puis vient s'allonger à côté de moi. Je me glisse sous la couette en même temps que lui. Ses bras m'attirent contre son torse.

_ Juste au cas où, se justifie-t-il.

Je saisis ses mains et les dégage.

_ Ne t'en fais pas. La fausse vierge ne partira pas.

Il soupire en m'attirant une seconde fois contre lui. J'abandonne. Ça ne sert à rien de résister, il ne lâchera pas l'affaire. Il me tient comme si j'allais disparaître. Et ça risque d'être bientôt le cas s'il continue de se comporter ainsi.

_ Je sais que je suis ton premier, murmure-t-il contre mon cou.

_ Ce n'est pas ce que tu disais tout à l'heure, rétorqué-je.

_ Je fais partie de ce genre de personnes qui se font vite des films pour pas grand chose.

_ J'avais cru comprendre, oui.

_ Bonne nuit, p'tit cœur, chuchote-t-il en m'embrassant sous le lobe.

_ C'est ça, oui. Bonne nuit.

Mon esprit se met à tergiverser vers cette longue journée. Tant de choses se sont produites... À cet instant précis, j'en veux à Aaron. Il a encore été vulgaire et blessant ce soir. Je pensais qu'il s'était repris en main mais apparemment ce n'est toujours pas le cas. Même s'il s'est vite calmé et qu'il a voulu se rattraper en essayant de me faire rire il n'y a pas plus d'un quart d'heure...

_ Cami' ?

Je ne réponds pas et garde les yeux fermés. Je n'ai pas envie de lui parler.

_ Tu dors ?

Je ne bouge pas. Peut-être qu'il va croire à mon faux sommeil et s'endormir.

_ Je...

Il soupire longuement. Délicatement, il retire ses mains de ma taille. Je me surprends à regretter ce geste. J'aurais voulu qu'il reste contre moi. Le matelas bouge légèrement alors qu'il doit sûrement s'allonger sur le dos.

_ Je suis désolé d'être celui que ton cœur a choisi d'aimer.

Puis, le vaste et profond silence de la nuit emplit la pièce.

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