23

Mon coéquipier aux cheveux noirs corbeau s'assoit et me prend dans ses bras. Je me fige un instant, mais finis par poser mon front sur son épaule et laisse le stress s'évacuer. J'ai échappé de peu à la mort...


"652, je te promets de découvrir la vérité avec toi", me murmure Jay à l'oreille.


Je lève doucement le visage vers lui, étonnée par cette phrase sonnant comme un déjà vu. J'essuie piteusement mes larmes et esquisse un sourire. Je suis à la fois soulagée et honteuse de ne pas avoir découvert son secret bien plus tôt.


"Joshua, tu radotes...

— En même temps, pour une Cerveau, tu es plutôt longue à la détente et très naïve, sourit-il à son tour.

— Que s'est-il passé ? ajouté-je après avoir expirer profondément. Qui sont-ils ?

— J'ai ma petite idée, mais j'ai besoin d'interroger certaines personnes, me répond-il en fronçant ses sourcils, soucieux. En tout cas, reprend-il en se tournant vers la dépouille du chien mécanique, on l'a échappé belle..."


J'acquiesce, à la fois triste pour l'animal et effrayée d'être la potentielle cible de cette attaque. Nous nous relevons, je balaie la poussière qui recouvre ma tenue et nous rejoignons la statue du chasseur. Les autres sont déjà présents, avec l'autre chien. Un sentiment d'échec s'empare de moi et je baisse le visage, incapable de soutenir le regard de mes compagnons. Je ne veux pas les décevoir... Jay leur raconte succinctement notre "petit problème" et la main de Jules vient se poser sur mon épaule.


"T'inquiète p'tite sœur, t'en verras d'autres. C'est pas en réussissant toujours que l'on apprend, des fois une bonne défaite est bien plus utile, me dit-il en entourant mes épaules pour me soutenir. T'imagine même pas le nombre de fois où Léonie m'a passé un savon !"


Les anciens de la guilde Rash rient de bon cœur à l'évocation de ce souvenir.


"Quand je pense qu'on n'avait jamais réussi la première épreuve à cause de toi..., soupire Noa. Pour une fois, tu nous sors des paroles dignes d'un sage ! Althéa, ne baisse pas les bras au premier obstacle.

— On est une guilde blondinette, ajoute la capitaine. Peu importe ce qu'il nous arrive, on gagne ensemble, on perd ensemble et on se relève ensemble.

— Comme diraient les trois petits cochons : un pour tous et tous pour un !

— Charles... c'est les trois mousquetaires, soupire Alice tout en camouflant un sourire en coin.

— Mouais, j'y étais presque", ronchonne le roux.


La quête ayant échoué, nous repartons bredouilles vers New York City, mais sans avoir le moindre regret. Assis dans l'avion, nous discutons plutôt du futur de la guilde et de la seconde épreuve à Paris. Nous n'aurons pas le temps d'augmenter beaucoup plus nos statistiques, mais selon le maître du jeu, Joshua, cela sera suffisant. Cette annonce semble diminuer la pression qui pesait sur les joueurs, les épaules se détendent et les langues se délient.


Après une bonne heure, Léonie annonce une décision majeure pour l'avenir de Rash. Suite à de nombreux messages privés avec les membres importants de la première guilde du jeu, la Coalition a accepté de nous aider à passer les épreuves de Vulcain. Nos visages s'illuminent, et après un court silence, nous étalons notre joie. La brune tente de nous calmer, mais il nous faut plusieurs minutes pour revenir sur nos sièges respectifs et se remettre en position d'écoute.


"La Coalition accepte donc de nous aider, mais ils ont plusieurs conditions, reprend-elle tandis que nous échangeons des regards. Tout d'abord, il va falloir leur prouver notre valeur en réussissant l'épreuve de Paris. Comme l'a dit Jay, c'est possible mais on ne vend pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué ! On y va avec l'objectif de se donner à fond, en aucun cas ce ne sera une partie de plaisir."


Elle parcourt notre assemblée d'un regard perçant. Machinalement, j'attrape ma tresse pour ne pas me laisser submerger par le stress.


"La seconde condition donc, et pas des moindres, est de réussir toutes les épreuves suivantes pour les rattraper et pouvoir les aider à notre tour. Bien sûr, les préparations se feront avec leur soutien. Mais vous voyez l'idée.

— Pas le droit à l'erreur, complète Alice.

— Exactement."


Cette fois, c'est le silence qui répond à cette déclaration. Le doute s'installe. Personne ne veut être le poids qui fera échouer le groupe. Je regarde les autres, analyse leur regard, leur position, leur tic... Jules ouvre alors son interface et se mord la langue, signe qu'il recherche quelque chose d'important. Après quelques instants, il lance un "eurêka" retentissant et nous partage sa trouvaille.


"Selon les informations rendues publiques par la Coalition, la seconde épreuve aurait comme but de nous apprendre que, et je cite, la confiance se gagne par les actions dans les épreuves difficiles.

— Tu sais que ça ne nous avance pas à grand chose ? réplique Léonie en levant un sourcil.

— Ça dépend de l'interprétation, intervient 315. On peut supposer que l'épreuve a comme objectif de nous aider à reconnaître nos amis et nos ennemis."


Cette hypothèse lance les rouages de mon cerveau. Après quelques minutes, je reprends conscience et coupe la conversation.


"A supposer que la conjecture de Luka soit vraie, on peut pousser la réflexion plus loin, dis-je sous les regards de ma guilde et le sourire en coin de Joshua. Si on doit distinguer des catégories de groupes, il faudra qu'on les affronte.

— D'où le fait que la confiance se gagne dans l'action, réfléchit Noa portant une main sous son menton.

— Exactement. Selon ce principe, ce sera probablement une sorte de battle royale. Le dernier groupe debout gagne.

— Pas exactement Althéa, reprend Léonie. Que fais-tu de la partie sur la reconnaissance de ses amis ?

— On a deux solutions, lui répondis-je en levant deux doigts. La première, nos amis sont les membres de notre propre équipe. La seconde est la plus intéressante. Les amis seraient, cette fois, des membres de d'autres équipes.

— Des alliances ? interroge Alice.

— Oui, et si c'est le cas, cette épreuve ne se gagnera pas sur la force brute..."


***


Je rouvre les paupières, les lunettes digitales disparaissent et je retire les électrodes. Toujours allongée, mon esprit encore plongé dans le jeu, je me remémore les événements. Je soupire, laisse retomber ma tresse sur l'oreiller, me tourne sur le côté et attrape la tablette pour éteindre l'application. Des coups retentissent contre la porte et 315 entre dans la chambre, puis vient s'asseoir sur le matelas. Je me relève péniblement à mon tour.


Nous restons quelques minutes en silence, ne sachant comment entamer cette conversation. Finalement, je suis la première à prendre la parole et quelques instants plus tard, nous échangeons impressions, hypothèses et probabilités. L'ambiance est détendue, Vanessa et Peeter nous rejoignent et nous leur racontons nos aventures. Les exclamations de surprise et les rires emplissent ma chambre; pour mon plus grand bonheur, j'ai l'impression d'avoir enfin trouvé ma place.


Après près de deux heures, nous descendons dans le salon. Alors que je me laisse tomber dans le canapé, je suis surprise par la sonnerie de ma montre. Je regarde la famille autour de moi, jette un œil à l'identité s'affichant sur l'écran, glisse le curseur pour prendre l'appel et l'hologramme de Joshua apparaît. Ce dernier est soucieux, ses lèvres pincées en attestent, et les nouvelles qu'il nous révèle ne sont guère plus joyeuses...


"Je suis désolé de vous déranger. Bonjour Vanessa et Peeter.

— Bonjour Joshua, répond le père. Tu souhaites que l'on vous laisse discuter entre vous ?

— Non, restez. Malheureusement ça nous concerne tous..."


Il détourne le regard. Ce qu'il s'apprête à nous dire semble très grave et ne présage rien de bon. Tout le monde s'installe sur les fauteuils, prêts à entendre la mauvaise nouvelle.


"Autant commencer par le départ, soupire le brun. Ma famille est à la tête des évolutionnistes. Mes parents forment un couple mixte et étaient motivés par la création d'un meilleur futur où chacun serait libre de ses choix... jusqu'à présent.

— Ce point de vue est compréhensible, bien que la violence ne soit pas la meilleure solution à mon avis, ajoute Vanessa.

— Vulcain est ton ancêtre, la révolution c'est une histoire de famille, sourit 315.

— Ouais, j'ai grandi avec cette idée, reprend le Non-Conformiste en se passant une main dans les cheveux. Sauf que le mouvement a pris une trop grande ampleur, des gens avec des idées bien trop extrêmes se sont mêlés à nous et commencent à s'affirmer.

— Une scission... murmuré-je. Ca expliquerait l'attaque d'aujourd'hui alors que tu es le maître du jeu.

— Tu veux dire qu'ils ne souhaitent pas que vous atteignez la vérité ?" s'étonne Peeter.


Nous acquiesçons tous les trois. Joshua regarde vers sa droite, en dehors de notre champ de vision.


"Mes parents me surveillent plus étroitement, reprend-il en parlant moins fort. Diffuser la vérité ne leur suffit plus, ils souhaitent désormais que ceux qui sont pour les Grands se réveillent et payent pour leurs fautes. Le sang appelle le sang... On nous a pris nos enfants, nous allons prendre votre futur."


L'épée de Damoclès s'est abattue sur nous, faisant peser un poids immense sur nos épaules. Les Grands ne sont plus notre unique problème. Déjà que la liberté semblait inaccessible, voilà que les évolutionnistes deviennent aussi un ennemi potentiel. Quel est le plus dangereux des deux ? Un dénouement pacifique est-il encore plausible ? Nous souhaitons tous devenir maître de notre destin, mais sommes-nous prêts à en payer le prix ?

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