Seokjin avait passé de nombreuses années derrière la bande de plastique jaune avec laquelle on délimitait les scènes de crimes -- pas dans l'uniforme sombre des investigateurs mais plutôt dans la blouse immaculée des médecins légistes, à faire les cent pas dans son bureau en attendant des résultats en compagnie de cadavres.

Quand il était plus jeune, il rêvait de devenir un super héros ou un pilote de formule un comme tous les autres petits garçons de son âge; et pourtant après s'être maintes fois perdu sur le chemin de sa vie, il avait fini en face d'une table d'opération, un scalpel en main.
Cependant, contrairement aux chirurgiens, il n'avait pas d'oscilloscope pour lui indiquer la vitesse des battements du cœur de ses patients, tout simplement parce que ceux-ci n'en avaient pas-- plus. Son métier était résumable en quelques mots: il faisait parler les morts.

Ses amis lui demandaient souvent comment il parvenait à rester sain d'esprit, ce à quoi Seokjin riait amèrement avant de reprendre un verre d'alcool. Il ne détestait pas son travail -- il payait bien, puis on ne s'ennuyait jamais; mais il était loin de ses rêves enfantins.

Après toutes ces années d'expérience, il n'avait jamais envisagé qu'il se retrouverait un jour de l'autre côté de la bande jaune frappée de mots peu rassurants, n'entendant que les murmures confus des policiers autour de lui, parmi les lesquels il reconnut même quelques visages familiers.
Il ne put s'empêcher de trouver la situation ironique ; les bureaux où l'on d'ordinaire étudiait crimes en toutes sortes avaient fini par devenir eux-mêmes le théâtre d'un meurtre sordide. Les techniciens n'avaient même pas eu à envoyer les suspects dont il faisait partie bien loin, le bâtiment disposant déjà de cellules temporaires.
Il ne savait même pas qui était mort et on l'avait enfermé. Quel comble.
Il ferma les yeux et posa sa tête contre le mur glacé de béton.

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Quand il arriva sur les lieux, Namjoon sentit des frissons d'adrénaline parcourir son corps et l'excitation le prendre, une sensation qu'il n'avait ressentie qu'à de très rares occasions et qui lui manquait bien trop souvent.
Il avait garé sa moto non loin de là, après avoir fait tout le chemin depuis son département jusqu'à Seodaemun-gu, là où un autre des départements de la Force avait été implanté ; il se tenait à présent devant un bâtiment haut et imposant, fort de ses murs grisâtres et rares fenêtres.
Sa façade était sobre, seulement ornée du drapeau coréen et du sigle de la police. La seule chose qui pouvait s'apparenter à de la décoration se présentait sous la forme d'une statue de pierre taille nature immortalisant la pose d'un soldat armé, poing triomphant dressé vers les cieux.

Namjoon prit une grande inspiration, puis monta les marches du perron, jetant un vague regard à l'ambulance et aux voitures garées sur la place.

Il ouvrit la porte ; l'intérieur n'était pas bien différent de l'extérieur niveau sobriété. L'entrée débouchait sur un couloir aux murs d'un vert qui aurait presque pu être apaisant si un crime sanglant ne venait pas de prendre place dans le bâtiment. L'inspecteur récemment promu arriva dans la salle principale après avoir parcouru le couloir à la fin duquel se trouvait un secrétariat. À sa gauche, plusieurs postes de travails étaient groupés ensemble; il remarqua que certains des ordinateurs n'avaient pas été éteints, comme si leurs propriétaires avaient quitté les yeux dans une certaine précipitation.

Un flash lumineux le tira hors de ses pensées et il remarqua quelques-uns de ses collègues qui photographiaient déjà les quartiers - seulement deux ou trois d'entre eux avaient été mobilisés, le crime ayant été de petite envergure. D'après le rapport que le jeune homme avait rapidement survolé, c'était bien un homicide dont il s'agissait ici, mais comparé aux autres horreurs contre lesquelles les forces de l'ordre se battaient tous les jours, ce n'était qu'une broutille. Une broutille fatale, certes.

- Sunbae, vous êtes là ! s'exclama un jeune homme qui sortait de l'une des pièces au fond du hall, visiblement la cage de l'escalier menant au sous-sol, une plaquette rassemblant plusieurs liasses de feuilles ensemble dans ses mains et un appareil photo pendu à son cou.
- Bonjour Joonhwi, sourit le plus vieux des deux en sortant de sa sacoche un vieux cahier aux bouts racornis, rempli de ses pensées et de ses réflexions. J'ai besoin que tu me briefes sur la situation et ce que vous avez déja rassemblé, il me faut une base.

L'assistant se passa une main sur le front et soupira.

- Accrochez-vous alors, parce que cette enquête va être particulièrement tordue.