CHAPITRE 8
- Viens, je vais te montrer quelque chose, déclara Léa en pédalant.
Je la suivis. Nous quittons les beaux quartiers pour traverser le centre-ville. Nous passons devant une école, des enfants couraient dans tous les sens en poussant des cris. Cette image me fit sourire malgré mon amnésie. Enfin, nous arrivons dans un quartier bien moins aisé que celui où vivait Léa.
La façade des bâtiments indiquaient leur manque d'entretien mais surtout le manque de moyens financiers. La plupart des allées n'étaient pas goudronnées, les briques des murs semblaient se détacher peu à peu. Les quelques arbres présents paraissaient au bout de leur vie et s'affaissaient sur eux-mêmes.
Après une dizaine de maisons, nous nous arrêtons. Les lieux sont vides. Seul règne le silence. Froid et oppressant. Léa dépose son vélo à côté de la porte d'entrée, je fais de même. Contrairement aux autres maisons, un ruban de balisage avec la mention « Police – Franchissement interdit » interdisait l'accès à l'intérieur.
Léa me jeta un regard inquiet avant d'ouvrir la porte qui n'était pas verrouillée. C'était étrange que la police laisse ce lieu balisé sans le sécuriser. J'avais un mauvais pressentiment.
En entrant, je vis un logis sens dessus dessous. Les meubles avaient été renversés, les cadres décrochés, les rideaux arrachés. Il ne restait plus rien du foyer d'auparavant. Un miroir cassé me montra une partie de mon visage apeuré. Où étais-je ?
Je suivis ma partenaire de fuite jusqu'aux escaliers. Elle s'arrêta et se retourna vers moi. Cherchant mon approbation pour continuer, je hochai la tête. L'étage était dans le même état que le rez-de-chaussée. Soudain, le couloir tournoya sous mes yeux. Il s'allongeait pour ne plus en finir. Tout tournait, même en ayant les paupières closes. Mes jambes se dérobèrent. Je perdis connaissance.
Le bruit de l'eau m'éveilla. Des gouttes tombaient petit à petit pour s'échouer dans un léger son sur un rebord très proche. J'ouvris les yeux et aperçus une vague silhouette au-dessus de moi. Des mains me secouaient légèrement les épaules.
- Julien, réveille-toi, me murmura une voix douce et inquiète.
Ma vue se fit plus nette et je vis Léa penchée sur moi. Ses yeux étaient remplis d'appréhension. Je balayai du regard le lieu où je me trouvais pour me rendre compte que j'étais allongé à même le sol, à côté d'une salle de bain.
- Comment te sens-tu ?
- Assommé et perdu, glissai-je entre les dents.
Je me redressai avec peine. Les murs n'avaient pas bougé, le couloir ne s'était pas allongé. Une fois debout, je compris que le bruit de l'eau provenait de l'évier de la salle de bain. Je forçai sur le mécanisme pour que l'eau cesse de s'écouler, en vain. Énervé, je donnai un coup de pied contre le placard adjacent. Surprise par mon geste, Léa recula dans un sursaut. Elle avait peur. Peur de moi.
- Le lavabo est cassé, prétextai-je.
Elle répondit par un petit hochement de tête. Puis elle s'éclipsa dans une autre pièce. En la suivant, je me rendis compte que c'était une chambre. En désordre certes, mais surtout bien vide. J'observai pendant quelques secondes jusqu'à ce que cela devienne évident. Je connaissais cet endroit. Il avait eu une certaine importance dans le passé. Le lit, le bureau, les étagères. Tout cela ne m'était pas inconnu, bien au contraire.
C'était chez moi.
Ma respiration se coupa. Je fermai les yeux un instant, les rouvris comme pour m'assurer que ce n'était pas un rêve. Non, c'était bel et bien réel. Une main se logea dans la mienne. Je tournai la tête vers Léa. Ses iris affichaient à la fois compassion et tristesse. Elle pressa légèrement mes doigts.
Tout à coup, je devinai un message caché sous les lattes de mon matelas. Son ombre sous mon lit dépourvu de drap m'a mis sur le chemin. Je lâchai la main de Léa pour soulever le matelas et le déposer contre le mur. En effet, il se trouvait bien un morceau de papier déchiré coincé dans le bois. Je le pris et Léa s'approcha pour mieux voir. Quelques mots y étaient inscrits.
« Écoute le silence de mes mots et tu y entendras le cris de mes maux. »
Aucun nom n'indiquait qui en était l'auteur mais au coin de la feuille se trouvait un minuscule dessin. C'était des vagues.
Léa fouilla dans la paperasse sur mon bureau puis revint vers moi avec un cahier de cours.
- Regarde, ce n'est pas la même écriture. Celle-ci, montra-t-elle sur le cahier, c'est la tienne. Mais celle-là, dit-elle en montrant le papier, est différente. Donc ce n'est pas toi qui as écrit ce mot.
- Oui, tu as raison. Je pense que c'est un garçon qui l'a écrit car l'écriture d'une fille est plus raffinée, plus soignée en général, ajoutai-je.
- Sûrement. Mais qui cela peut-il bien être ?
- Je ne sais pas mais j'ai très envie de le savoir. Ce message est intrigant... Ces mots sont...
- Magnifiques et tragiques, acheva-t-elle.
Nous nous regardâmes plusieurs secondes puis je repris :
- Mais pourquoi des vagues ?
- Il s'agit peut-être d'une forme de signature. La personne qui a écrit ce mot ne voulait probablement pas que l'on sache de qui il s'agit mais souhaitait tout de même laisser une marque, un indice...
J'inspectai la chambre du regard. La police avait dû fouiller à coup sûr les moindres recoins. Pourtant, il semblerait qu'elle n'ait rien trouvé d'après les journaux. Cela signifie que, soit la police a mal cherché (ce qui est assez improbable à mon humble avis) ; soit ce mot a été introduit ici après que la police soit passée. Ce serait plus évident car, étrangement, la porte d'entrée n'était pas verrouillée.
Apercevant l'incompréhension de mon amie face au regard que je lui portais, je lui expliquai mes hypothèses. Léa réfléchit quelques secondes puis approuva.
- Au fait, lui demandai-je, comment as-tu su où est-ce que je vivais avant de perdre mes souvenirs ?
Soudain, elle ouvrit de grands yeux, surprise.
- Eh bien, un peu par hasard. Je suis passée en voiture ici une fois et je t'ai vu.
Pourquoi avais-je l'impression qu'elle me cachait quelque chose ? Peut-être son visage qui rougissait d'embarras, ses mains qui ne cessaient de triturer sa veste ou même son regard qui fuyait le mien ? Pourtant, je n'insistai pas sur ce sujet, sachant qu'elle ne dirait rien de plus.
- Pourquoi m'as-tu amené là ?continuai-je.
- Tu voulais obtenir des réponses à tes questions. En voici.
Je lui lançai un regard reconnaissant, ne savant pas trop comment m'y prendre. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais quand je la regarde, un nœud se forme au creux de mon estomac. Lorsqu'elle pose ses sublimes yeux bleus sur moi, je me sens vulnérable. Quand elle me prend la main, j'ai des frissons dans tout le corps. Qu'est-ce que cela signifiait ?
Cela paraissait sûrement évident mais je n'arrivais pas à l'admettre. C'était beaucoup trop tôt pour en tirer une conclusion. Pourtant, je sentais au fond de moi que j'avais déjà la réponse depuis bien longtemps...
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