Chapitre 3
La vie est un long rêve et c'est le réveil qui nous tue.
Elle ouvre les yeux et sa main tâte l'autre côté du lit. Là où elle crut rencontrer de la chaleur elle ne toucha que du froid. Vide. Elle se redresse péniblement. Plus aucune trace de vêtements masculin dans la chambre. Il est parti. Un goût amer dans la bouche. Elle sait au fond d'elle qu'il est parti sans même laissé de mot. On l'a abandonné, encore une fois. Elle a l'horrible sensation de connaître ce scénario sur le bout des doigts. Combien de fois faudra-t-il qu'elle donne son coeur à quelqu'un pour qu'il le lui rende ? Un goût salé dans la bouche. Celui de ses larmes.
Et elle pleure, encore et encore, jusqu'à...
Cris se releva et prit une grande inspiration. « Tout va bien. C'est terminé, ce n'était qu'un rêve. » Un rêve issu de son passé. Elle essuya vivement les larmes au coin de ses yeux. Elle inspira et souffla pour se calmer. Durant son rêve, elle avait été submergée par une vague de tristesse. Alors c'était ça, sa vie d'avant ? Elle était encore sous le choc. Elle regarda autour d'elle. Elle avait sûrement dû s'endormir devant le film hier soir. La lumière du soleil passait à travers les trous du volet et éclairait son visage endormi.
- La belle au bois dormant se réveille enfin !
Elle sursauta puis se retourna vers la voix. Liam se tenait derrière elle, un cartable sur le dos.
- Oh. Salut.
Il sourit et se frotta la nuque.
- J'ai posé quelques affaires sur mon lit, j'imagine que tu veux te changer.
Il éclate d'un rire nerveux.
- Il faudrait peut-être qu'on investisse dans le shopping, si tu ne retrouves pas tout de suite la mémoire.
Elle baissa les yeux.
- Ouais, désolée.
- Bah, t'inquiète pas ! Allez je file, je vais encore raté mon bus ! Bonne journée ! Je t'ai laissé mon numéro de téléphone si tu as un problème.
Il garda son immense sourire et partit en claquant la porte. Elle soupira. A l'entendre, on aurait dit qu'il s'occupait d'une gamine de 2 ans. Ne plus avoir de mémoire peu vraiment être handicapant. Elle prit un petit déjeuner et se dirigea vers sa chambre. Il avait déposé un pull gris, beaucoup plus sobre que son sweat avec un alien. Elle sourit, prit ses affaires et se dirigea vers la salle de bain. Elle ouvrit une porte mais c'était les toilettes. Elle retenta sa chance mais elle tomba sur le placard à balai. Le troisième essai fut le bon et elle s'infiltra dans la salle de bain. Elle laissa longtemps couler l'eau chaude sur sa peau pâle. Elle avait besoin de cette impression de chaleur. Quelle vie bizarre elle était en train de mener ! Si ça se trouve, elle avait été kidnappée et elle avait été tellement traumatisée qu'elle en avait perdu la mémoire. Elle ne ressentait aux manque. Comment des personnes dont on ne se rappelle pas pourraient nous manquer ? Tout ce qu'elle ressentait c'était du vide. Elle se pencha pour attraper le gel douche. On devinait ses côtes sous sa peau. En se savonnant, elle sentit quelque chose d'étrange dans son dos. Elle se dit que ce n'était rien et ferma le robinet de la douche.
Elle passa sa journée à regarder les films que Liam avait loué. Son préféré fut la comédie, mais elle aima aussi la romance. Une fois tout ça terminé, elle entreprit un second test : la musique. Le jazz lui plu. Elle trouva le rock trop agressif, la pop pas interessante. Mais quand un morceau de classique passa, son pied se mit à bouger au rythme de la musique sans même qu'elle s'en rende compte. Elle ferma les yeux et se laissa bercer. Elle eut une impression de confort, comme si cette chanson était une vieille amie. Il n'y avait beau ne pas avoir de parole, elle se retrouva dans cet air de musique. C'était comme si les instruments racontaient sa propre histoire. Alors elle se sentit bien. Comme si elle allait enfin retrouver cette bonne vieille Cris, celle d'avant. Elle ferma les yeux. Elle se vit, s'avançant vers un autre elle-même. L'ancienne Cris portait un tutu rose. C'est vrai, si elle aimait la musique classique, elle devait être danseuse. Elle se sourirent toutes les deux.
- Je passe te voir bientôt. fit l'ancienne Cris.
Puis elle disparut. Cris, l'amnésique, ouvrit les yeux. Elle pouvait s'amuser à s'inventer une personnalité, si elle en avait envie. Etre une danseuse étoile, ça lui plaisait bien.
En fin d'après-midi, elle sortit sur le balcon. La fleur n'était plus fanée du tout. De jolis pétales colorés avaient repoussé et elle était plus belle que jamais.
- Hey ! Ne te penche pas comme ça ! s'écria Liam.
A peine rentrait-il à la maison qu'il voyait une silhouette au bord du vide.
Cris se retourna doucement vers lui, et sourit.
- On a une joli vu d'ici. déclara-t-elle.
- Descends de là s'il te plait.
- Tu as le vertige ?
- Descends.
Elle lâcha la rambarde sur laquelle elle était appuyée et ses pieds touchèrent le sol du balcon.
- Je n'allais pas tomber tu sais.
Elle se dirigea vers lui et planta son regard émeraude dans le sien.
- Je m'en fiche. Ne refais plus ça s'il te plait.
Il posa son cartable au sol et alla dans la cuisine. Il ouvrit le frigo et en sortit une bouteille de jus d'orange. Il fronça les sourcils.
- C'est quoi cette musique ?
- Ma chanson préférée. répondit-elle.
Elle l'écoutait en boucle depuis ce matin. Elle lui dit aussi qu'elle avait vu tous les films mais n'osa pas lui raconter son rêve.
- Je crois qu'on peut passer à l'étape supérieure. annonça-t-il.
- Quoi donc ?
- Les boutiques. Savoir quel est ton style.
Elle jeta un regard apeuré vers la porte d'entrée et se racla la gorge.
- Hum, je ne suis pas sûre de vouloir sortir.
- Pourquoi ? Tu ne crains rien. Tu as passé 3 jours seule dans la nature, ce n'est pas les magasins qui vont te faire peur !
Il rit et fit un sourire rassurant. Elle ne répondit rien.
- Ca va ? fit-il.
Elle tripota nerveusement ses mains.
- Je ne sais pas si je peux sortir...
- Tu ne vas pas rester cloitrée ici pendant une éternité ! En plus je serais là, ne t'inquiète pas. Tu te rappelles des voitures, n'est-ce pas ?
Elle leva rageusement les yeux au ciel et croisa les bras.
- Oui je m'en souviens ! Je ne suis pas atteinte à ce point !
- Alors pourquoi tu ne veux pas sortir ?
Elle haussa les épaules.
- Je peux te donner mon avis ? demanda-t-il.
- Non.
Il n'écouta pas sa réponse.
- Je pense que tu as peur de faire face à la vérité. Je pense que tu as peur de découvrir que ton passé n'était pas celui dont tu as rêvé.
- Comment tu peux dire une chose pareille ! explosa-t-elle.
Son poing claqua contre le plan de travail.
- Tu crois que ça me plait de ne même pas savoir qui je suis ? Tu crois que c'est drôle pour moi ? Que ça me fait plaisir ? cria-t-elle.
- Non, je n'ai jamais dit ça mais...
- Si tu l'as dit ! Je souhaiterais de tout mon coeur retrouver la mémoire, crois-moi ! Mais c'est effrayant comme expérience ! Je ne peux faire confiance à personne !
Les larmes roulaient sur ses joues.
- Ils ont dit sur internet que ça devait se faire progressivement... dit-elle d'une petite voix.
Elle sembla se tasser sur elle-même. Elle baissa la tête et sanglota silencieusement. Il se mit à culpabiliser.
- Je suis désolé...
Il voulut poser sa main sur son épaule mais elle le rejetta. Elle préférait être seule. Elle s'enferma dans sa chambre et refusa de lui parler.
Le diner se passa en silence.
- Tu n'es pas très bavarde n'est-ce pas ? fit Liam d'un ton léger.
Elle lui jeta un regard noir. « Ok... C'est mort. » Il avala le reste du repas sans dire un mot. La fourchette de Cris tomba sur le sol avec un bruit métallique.
- Merde. marmonna-t-elle en se penchant pour la ramasser.
Il plissa les yeux.
- Attends Cris, ne bouge pas.
Elle se figea tandis qu'il s'approchait d'elle. Il passa un doigt sur la nuque de la jeune fille et descendit jusqu'à la moitié de son dos.
- La vache ! s'exclama-t-il.
Elle se releva vivement et se cogna la tête contre lui.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle paniquée en se frottant la tête à l'endroit où elle s'était cognée.
- Tu as une sacré cicatrice dans le dos.
Jour 2
* Apparemment, j'étais une fille qui se faisait souvent larguer
* Je n'aime pas les films de science-fiction, ni d'horreur, ni d'actions.
* J'aime la musique classique.
* Je suis sûre que j'étais une danseuse étoile, je le sens bien.
* Je me suis disputée avec mon meilleur ami.
* J'ai une cicatrice loin d'être glamour dans le dos. Un truc digne de Frankenstein.
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