It's too cold outside for angels to fly.

Elle avait tout oublié. Tout. Sa tête était vide, ses souvenirs devenus invisibles. Impossible d'avoir accès à sa mémoire. C'est un sentiment horrible que de se sentir vide. Un jour elle s'était réveillée au milieu de nulle part, et puis plus rien. Imaginez sa peur, quand elle ouvrit les yeux et se retrouva dans un endroit inconnu. Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle aussi était devenue une inconnue. Aucun souvenirs de famille ni de foyer. Elle ne se souvenait même plus des traits de sa personnalité. Timide ou extravertie ? Gentille ou peste ? Quel était son film préféré ? Et la musique qu'elle écoutait ? Elle n'en savait rien. Toute une existence réduite à trois lettres : Cris. C'était tout ce qu'elle avait.

Elle se redressa pour se mettre en position assise. Elle tourna la tête, le réveil affichait 13h08. En même temps, elle n'avait pas beaucoup dormi ses derniers temps. 3 jours a errer dans le froid sans croiser aucune personne ! Rien que d'y penser, un frisson parcouru sa peau. Elle frotta ses mains, toujours aussi gelée. Elle se leva en un soupir et trouva sur le plan de travail de la cuisine un post-it.

Salut Cris ! J'espère que tu vas bien. Je suis parti au lycée, je reviendrais sûrement aux alentours de 17h30. Pour ce midi, il y a une part de pizza dans le frigo, mais si tu es aussi affamée qu'hier, les sachets de thé sont rangés dans le troisième placard en partant de la gauche.

Liam

Elle esquissa un mince sourire. Elle se servit un verre de jus d'orange ( elle a mis 10 minutes pour trouver un verre) et inspecta ses bras. Maigres, très pâle, mouchetée de tâches de rousseur. Visiblement, elle n'était pas une fille qui aimait se balader au soleil, et son appétit de moineau ne datait pas d'hier. Une fois son petit déjeuner finit, elle entreprit de fouiller dans les placard de Liam afin de lui piquer un gros pull, car elle était frigorifiée. Elle trouva un gros sweat ( 2 fois trop grand pour elle) avec un extraterrestre dessus qui faisait un doigt d'honneur. Drôle de garde robe. En cherchant bien, elle trouva une écharpe, un bonnet et une paire de mitaine qu'elle enfila. Elle arriva dans la salle de bain. Une salle de bain de garçon, avec mousse à raser et déodorant 48h. Bien sûr pas de brosse à cheveux. Et qu'une seule brosse à dent. Est-ce qu'elle en avait une qui attendait sagement chez elle ? Il y avait-il des gens qui la cherchaient ? D'autres qui pleuraient sa disparition ? Elle aimerait bien savoir. Elle entortilla autour de son doigt cette étrange mèche blanche, et ne fit pas attention au miroir qui ne renvoyait pas son reflet.

Ensuite elle s'installa devant la télévision. Elle passa la plupart de son temps à zapper, ne connaissant pas ses goûts en matière de programmes. Elle s'arrêta devant une série avec des vampires et s'endormit devant.

Dans le fond, se réveiller avec une amnésie c'est comme mettre sa vie en pause. On ne fait plus rien, on cherche, on réfléchit. Il lui suffirait de retrouver cette putain de télécommande pour sortir de cet état semi-comateux et reprendre le cour de sa vie. Parce que c'est fait pour ça la vie, non ? Continuer coûte que coûte.

Elle ouvrit les yeux et se dirigea lentement vers la cuisine. Ca lui tordait le ventre, cette impression d'avancer dans le brouillard. Sa vie s'était transformée en un brouillon abstrait. Elle sortit la part de pizza du frigo et partit à la recherche du micro-ondes. Heureusement que le fonctionnement de cette machine n'était pas compliqué, parce qu'elle avait oublié comment ça marchait. Imaginons qu'elle ait le même âge que Liam. C'est drôle de découvrir la vie quand on a 16 ans.

Elle se servit un thé. Il n'y avait que ça qui la réchauffait. Elle était gelée en permanence. Elle fit la vaisselle, et en profita pour laver quelques casseroles au passage. Décidant que c'était la moindre des choses étant donné que Liam l'hébergeait, elle décida de se mettre au ménage. Elle fouilla tous les recoins de la maison et finit par trouver du matériel d'entretien. Peut-être que balayer ferait ressortir un aspect de sa personnalité ? Et bien absolument pas.

Le ménage est une activité absolument impersonnelle.

Elle était sortie sur le balcon. Le vent d'automne faisait voler ses cheveux qui barraient son visage. Le ciel de fin d'après-midi avait pris une teinte orangée. Il lui semblait avoir oublier la beauté du monde, et ce depuis plus longtemps que le jour où elle s'était réveillée avec un trou noir à la place des souvenirs. Le balcon, bien que plutôt petit, abritait une petite table d'un blanc métallique qui s'effritait. Il y avait un pot de fleurs dans un coin. La fleur était en train de faner, et des pétales trainaient par terre. Elle en ramassa un, et se rapprocha de la rambarde qui était de la même couleur que la table. D'ici, elle pouvait voir des rangées de maisons s'étendre jusqu'à l'horizon. Mais laquelle était la sienne ? Ce qui était sûr, c'est qu'elle ne vivait pas dans un appartement, elle s'en rappelait. Si elle avait eu le positif de Liam, elle aurait pensé qu'il y avait du progrès. Seulement elle n'était pas lui, alors elle songea que tout cela ne servait strictement à rien. Elle lâcha le pétale qui s'envola et virevolta au rythme du vent, puis elle rentra à l'intérieur.

Jour 1

J'ai fait des recherches sur internet. Ils disent qu'une perte de mémoire peut être causé par deux choses :

* Une gros choc physique

* Ou un énorme choc émotionnel.

Etant donné que les seuls blessures que j'ai sont des égratignures, qui je pense ont été provoqué par un passage pas très doux dans les ronces, je penche pour la seconde option. Bon, c'est déjà ça de fait. Ils ont dit que tenir un journal et s'entourer de choses de notre quotidien aiderait à faire remonter les souvenirs à la surface. Quelle bonne blague, on voit bien qu'ils ne se sont jamais réveillés au beau milieu d'un champ. Bref, je me retrouve donc a gribouillé sur le dos d'un menu de sushis mes pensées.

Bilan de la journée :

*Je vivais dans une maison.

*Je n'aime visiblement pas les séries avec des vampires

*Mon actuel meilleur ami est un quasi inconnu que j'ai rencontré hier.

Super.

Quand il était petit, Liam recueillait toujours des animaux abandonnés. Il ne pouvait pas voir un chat errant sans la ramener chez lui. Il aimait donner à manger aux souris et construisait des cabanes pour lui oiseaux. Il avait même un élevage d'escargots dans sa chambre. Il se voyait dans l'obligations tous les animaux seuls qu'il croisait. Maintenant il était passé aux humains.

- Je suis de retour ! s'écria-t-il en ouvrant la porte.

Il fit le tour de l'appart des yeux. « Mais où est-elle passé ? » Il regarda le sol. « Tiens, c'est vachement propre ! » Il sourit, comme quoi la magie existait.

- Hey ! Cris !

Aucune réponse. Il sentit l'inquiétude pointer le bout de son nez. Pourvu qu'elle ne soit pas sortie. Il ne voudrait pas qu'elle se rappelle des ruelles sombres et du vilain monsieur aux couteaux une fois qu'il serait trop tard. Elle était tellement naïve et sans défense, tout pouvait lui arriver. Des scénarios tous plus horribles les uns que les autres germèrent dans son esprit. En ouvrant la porte de la cuisine, il soupira de soulagement.

- Je me demandais où tu étais.

Elle releva les yeux vers lui, ne lui accorda même pas un bonjour puis retourna à ce qu'elle était en train de faire. Elle était assise par terre dans un coin de la cuisine, penchée sur une feuille, des crayons de couleurs gisant autours d'elle.

- Qu'est-ce que tu dessines ? demanda-t-il en se rapprochant.

Il s'agenouilla pour voir ce qu'elle était en train de faire. Il y avait une dizaine de dessins, et tous représentaient la même chose. Il y avait tout d'abord une fille. Elle avait des cheveux rouges, une tonne de piercing et des vêtements déchirés. Elle était toujours dessinée avec une larme sur la joue. A côté d'elle se tenait un homme, brun avec une barbe naissante, les sourcils froncés. Puis il y avait une femme aux joues roses et au grand sourire, des cheveux bruns et bouclés. Elle termina son dessin, mit la feuille de côté et en attrapa une autre, s'apprêtant à recommencer l'opération.

- Ca fait 3 nuits que je rêve d'eux. expliqua-t-elle. Je pense qu'ils sont ma famille.

- Mais c'est génial ! s'enthousiasma-t-il. Ca avance on dirait !

- On ne retrouve pas quelqu'un avec un dessin. répliqua-t-elle.

- Cris, tu es le péssimisme incarné.

Il se releva, toujours le sourire aux lèvres.

- Désolée de t'avoir abandonnée ici toute seule. Je vais faire des courses, tu veux venir avec moi histoire de prendre l'air ?

Elle hocha négativement la tête.

- Non. Merci.

Il dû faire une moue dubitative car elle ajouta :

- Il fait froid dehors, et puis, ça me fait un peu peur.

Il prit un air rassurant.

- Je comprends. On ira dehors quand tu te sentiras prête.

Il posa une main sur son épaule puis quitta la pièce.

Il revint, les bras chargés de sac plastique mais aussi de DVD. Il les étala tous sur le plan de travail.

- Comme tu ne te souviens de rien, je me suis dit qu'on pouvait faire une tour de film pour voir quel genre tu préfères. Tu as de tout, romance, horreur, comédie... Tout.

L'ombre d'un sourire passa sur les lèvres pâles de la jeune fille. Il pointa son visage du doigt.

- Je t'ai fait sourire ! Je t'ai fait sourire ! Je t'ai fait sourire ! répéta-t-il comme un enfant.

Il accompagna ses paroles d'une danse, ce qui la fit rire.

- Ca fait plaisir de te voir rire un peu. déclara-t-il.

Il tapa dans ses mains.

- Bon, je vais faire chauffer de l'eau pour les pâtes et on se regarde tout ça !

Elle s'endormit au bout du deuxième film, un film d'action. La bouche ouverte en plus. Il sourit, se pencha pour attraper la télécommande et éteignit la télévision. Il se leva et se tourna vers elle. En la voyant comme ça, bien qu'elle n'était pas du tout dans une pose sexy, dans le genre yeux pas complètement fermés qui laissent apparaître un peu de blanc, il n'eut pas le coeur à la réveiller. Il alla chercher un couverture sur la pointe des pieds qu'il déposa sur elle et cala sous sa tête un oreiller pour qu'elle ne se réveille pas avec un torticolis. « Je devrais peut-être monter le chauffage, elle est frigorifiée. »

- Fais de beaux rêves. murmura-t-il.

Et il éteignit la lumière.