Chapitre 10


People should fall in love with their eyes closed


Lorsqu'elle redonnait la vie, une partie d'elle mourrait. Cela se manifestait par le blanchissement d'une mèche de cheveux. Voilà pourquoi elle s'était réveillée un beau matin au milieu d'un champ avec une mèche blanche dans ses cheveux. Une partie d'elle était morte pour que le reste vive. Mais la question était pourquoi ? Pourquoi être revenue ? Quelqu'un toqua à la porte. La voix de sa mère retentit derrière la porte.

- Ma chérie, ça fait des heures que tu es enfermée ici, tu ne veux pas redescendre ?

Elle ne répondit rien.

- Il y a un problème ?

- Non. Tout va bien. répondit-elle d'un ton inexpressif.

- Appelle-moi quand tu veux.

Elle entendit les pas de sa mère s'éloigner. Non, rien n'allait. Elle était morte, mais apparemment pas vraiment. Pourquoi son coeur continuait-il de battre quand le sang ne circulait plus dans ses veines ? Qu'est-ce qui avait fait qu'elle méritait cette chance ? Et surtout, comment l'annoncer à Liam ? « Salut. En fait je suis morte. On boit un thé ? »

- Oh mon dieu... soupira-t-elle.

Etait-elle immortelle ? Etaient-ce les dieux qui avaient eu la grâce de l'épargner ? Peut-être que son don devait servir à ressusciter les gens afin que les familles ne soient pas tristes. Crystal se sentait aussi perdue que ce matin d'automne où elle s'était réveillée avec une amnésie. Amnésie dû à un énorme choc émotionnel, effectivement : la mort.

«  Bon. » se raisonna-t-elle. « Tu es morte, tu es revenue à la vie. Ce qui est fait est fait. Maintenant il faut aller de l'avant. Tu ne peux pas gâcher cette seconde chance. » Elle sortit pour la première fois de la journée de son lit ( il était 15h30) et descendit voir sa famille. Elle ne leur dirait rien à ce sujet, les pauvres, ça doit être horrible d'apprendre que sa fille est un zombie. Pour eux, c'est une belle histoire avec un happy end. Ils ont retrouvé leur fille disparue et en plus elle a des poumons en bon état. Pas besoin de savoir que c'est parce qu'ils ne fonctionnent plus.


- Liam, arrête toi 5 minutes, tu me donnes le tournis.

Il tournait en rond dans le salon, en poussant un soupir de temps en temps et en passant nerveusement ses mains dans ses cheveux.

- Elle ne m'a toujours pas appelé. Si ça se trouve il lui ai arrivé malheur. J'ai peut-être oublié de lui donner mon numéro ? Oh mon dieu c'est ça !

Il grogna. Sa mère, installée dans un fauteuil, posa le livre qu'elle tenait à la main sur ses genoux et leva les yeux au ciel.

- J'étais là quand tu lui as dicté ton numéro. Tu l'as répété 5 fois pour t'assurer qu'elle l'avait bien.

Il se stoppa.

- Tu as raison.

Il se remit à faire les 100 pas.

- Alors il lui est arrivé quelque chose !

- Liam, elle vient juste de retrouver sa famille, laisse-lui un peu de temps.

Il marcha jusqu'au fauteuil et se laissa tomber à côté d'elle.

- Si ça se trouve elle ne me recontactera plus jamais. Après tout, elle n'a plus besoin de moi.

Sa mère lui fit un doux sourire et la regarda avec un regard... et bien un regard de mère en fait. Bienveillant et confiant.

- Cette fille est belle et froide comme un diamant. Mais derrière tout ça, elle t'aime vraiment bien, je te l'assure.

- Je n'en suis pas si sûr.

- Bien sûr que si. Vous feriez un très beau couple.

- Maman ! se plaint-il. C'est juste une amie.

Le téléphone sonna à cet instant.

- C'est elle ! s'écria-t-il avant de se jeter sur le téléphone.

- Allo ? Liam ?

Il se détendit immédiatement au contact de sa voix.

- Oui c'est moi. Tu vas bien ?

Il y eut un instant de silence.

- J'ai retrouvé ma famille. Je sais ce qui a causé ma perte de mémoire. Quand est-ce qu'on peut se voir ?

- Tu peux passer à la maison quand tu veux.

Le ton de sa voix était assez inquiétant. Elle avait l'air pressée et anxieuse.

- Non, pas chez toi. On pourrait se retrouver au café où j'ai vu Camille ?

- Bien sûr. Quand ?

Nouveau silence.

- J'arrive tout de suite. déclara-t-il.


Quand il arriva, elle était adossée contre le mur du café, la tête baisée. Lorsqu'elle releva la tête vers lui, il vit toute la peine du monde dans ses yeux. Elle essaya le fantôme d'un sourire, mais ne trouvant pas ça convaincant, le ravala.

- Alors ? Dis-moi tout ? demanda-t-il avec un enthousiasme feint.

- Liam...

La phrase resta en suspens au bout de ses lèvres violacées. L'inquiétude monta en lui. Cette révélation qu'elle allait lui faire, c'était comme un sparadrap sur son coeur blessé, il fallait l'arracher d'un coup pour ne plus souffrir ensuite. Elle se mordit la lèvre inférieure.

- On ne rentre pas ? proposa-t-il en pointant la porte du café du menton.

- Non. Il ne vaut mieux pas.

Elle lui attrapa la main. Oh, charmant contact glacé.

- Il faut que tu me crois, absolument. Ce que je m'apprêtes à te dire est vraiment dur à avaler. Prépare-toi.

Il le fit s'asseoir sur un banc pas très loin. Elle planta son regard émeraude dans le sien.

- Liam...

Elle soupira.

- Je sais pourquoi je n'ai pas de reflet. Je sais pourquoi je sais redonner la vie aux choses mortes. C'est parce que je suis comme elles.

Il avait du mal à la suivre, et ne voyait pas où elle voulait en venir. En même temps, comment arriver à une conclusion aussi incroyable ?

- Qu'est-ce que tu veux dire par comme elles ?

- Je suis morte.

Ca faisait bizarre de l'entendre tout haut. Elle eut envie de pleurer, mais fit tout pour se contenir et garder un air le plus indifférent possible.

La première envie de Liam fut de rire, puis il comprit à quel point c'était sérieux, et il n'eut plus du tout, mais plus du tout envie de rire. Même plus jamais de la vie.

- Impossible. finit-il par dire.

Elle hocha la tête.

- Si Liam, c'est possible. Je me suis échappée de l'hôpital, mes poumons m'ont lâché, et je suis morte, là, dans ce champ.

Non, il ne voulait pas y croire. Comment une fille telle que Crystal pouvait mourir ? Les dieux ne pouvaient pas permettre ça, c'était impossible. Il sentit sa gorge se serrer, son coeur aussi. Non, c'était beaucoup trop horrible, trop triste. Ce n'était pas une option envisageable. Crystal était bien vivante, vu qu'elle se tenait là, à ses côtés, face à lui. Ses doigts glacés étaient entrelacés avec les siens, donc non, il refusait, elle n'était pas morte.

- Non Crystal, tu te trompes. Ce n'est pas ça, c'est impossible.

- Tu as bien vu, à chaque fois que je fais revivre quelque chose, une mèche de mes cheveux blanchit. Tu te souviens de notre rencontre ?

Il pâlit parce qu'il savait très bien où elle voulait en venir maintenant.

- Comment aurais-je pu l'oublier ?

- J'avais une mèche blanche. Une mèche blanche Liam ! Tu comprends ça ?!

Il fit non avec la tête.

- C'est peut-être autre chose.

- J'ai vu ma mort. De mes propre yeux. fit-elle d'un ton faible et éteint.

Elle retira sa main de la sienne.

- Il n'y a plus de sang qui coule dans mes veines. Je ne suis plus rien. Juste une enveloppe corporelle.

- Non, bien sûr que non ! Tu es bien plus que ça ! Cette semaine passée avec toi c'était... c'était magique ! Est-ce que c'est rien ? Je ne pense pas non. Peut-être que tu es une revenante, mais tu es encore vivante. Parce que t'en que tu es là et que tu te bats pour comprendre, pour avancer, alors tu es vivante !

Il avait fini par l'avouer. Elle était belle et bien une sorte de fantôme.

- Mais pourquoi ? Pourquoi être revenue ? Pourquoi moi et pas une autre ?

- Peut-être que ta mort était une chance pour toi de recommencer une nouvelle vie.

Ses yeux verts semblaient perdus. Lorsqu'un miroir la trouvait invisible, lui la trouvait belle. Lui voyait la vie dans ses yeux, ses expressions, sa manière d'être. Quand il la regardait, il voyait un début et non un fin.

- Peut-être que tu es revenue pour qu'on se rencontre. ajouta-t-il.

Et il se pencha et embrassa ses lèvres glacées. 

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