Chapitre 55

NdlA : je serais vous, je savourerais ce chapitre parce que... C'EST LE DERNIER ! mouahahahahaha !

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Les couloirs étaient dépeuplés lorsque je les parcourus. C'était choquant la place que nous avions, désormais. C'était triste, aussi, à cause de ce que ça impliquait. Tous ces anges qui étaient morts dans la bataille... Je ressentais la mort de chacun comme un coup personnel.

Sabriel resta avec moi jusqu'à ce que j'aie atteint mes nouveaux quartiers. Je retrouvai mes quelques possessions au milieu d'un enchaînement de pièces avec lequel je ne savais pas quoi faire. J'avais même une bibliothèque personnelle !

Je savais que tout ce qui composait ces quartiers avait appartenu à Michael. C'était lui qui avait tout créé, agencé. Je n'étais pas à l'aise à l'idée de devoir vivre ici. C'était pire encore qu'avec la Tour des Trônes. J'aurais amplement préféré conserver ma petite chambre dans le secteur des Cupidons.

Ces derniers avaient réussi à échapper à toute perte. Ils étaient rapides et malins. Ils avaient réussi à s'en sortir plus ou moins indemnes. Une nouvelle qui me faisait immensément plaisir. Je n'aurais pas bien vécu l'annonce de la mort de l'un d'entre eux.

Je rencontrai les Séraphins le second jour de ma libération de la Serre. Ils me firent un drôle d'effet. Ils avaient l'air abattu et renfermé, écrasé par un poids qu'ils n'auraient jamais dû avoir à porter. Les péchés de Michael leur étaient imputés alors qu'ils n'en étaient pas responsables. C'était une énième chose que j'allais devoir régler.

Je leur demandai de me montrer comment les choses fonctionnaient dans leur secteur. Sans un mot, ils me firent visiter. L'un d'eux se démarqua, plus loquace et prompt à parler. Ce n'était que des murmures mais c'était toujours ça de pris. Sachael était plus jeune que les autres. Il avait vécu moins longtemps sous le règne de Michael. C'était un avantage pour moi.

- Ce n'était pas facile, me dit-il quand je parvins enfin à l'isoler et à le faire parler. Il était très dur avec nous. Il prenait les décisions et nous avons appris à ne pas le contredire. Nous obéissions.

- C'est pour ça que vous semblez tous croire que je vais vous tabasser si vous prononcez le moindre mot ?

- C'est ce que Michael a fait. Personne ici n'était d'accord avec lui, avec sa façon de gérer les choses. Au début, quand je suis arrivé, j'ai essayé de protester. Ça... Ça ne s'est pas bien passé. Alors j'ai fait comme les autres. Je tenais à garder mes plumes et ma santé d'esprit.

- Il vous arrachait des plumes ?

La méthode de torture par excellence. La douleur était horrible. Ma seule comparaison était de se faire arracher les dents sans anesthésie. Ce genre de souffrance ne pouvait être infligée que par quelqu'un de cruel avec le désir de faire du mal. Michael était vraiment tombé bas pour protéger son frère.

Et ils en étaient morts tous les deux.

- Les choses vont changer, promis-je.

Sachael m'offrit un sourire hésitant.

- Je l'espère.

Rassurer les Séraphins n'était pas ma seule tâche à accomplir. Je devais redorer leur blason, récupérer la confiance des anges. S'ils croyaient en moi, ils ne se fiaient plus au Chœur en lui-même. Ça n'allait pas être aisé d'effacer toutes les exactions de Michael des mémoires et de les séparer du Chœur. Pour la majorité, les deux étaient indissociables. J'allais devoir changer ça.

J'étais épuisé rien qu'à imaginer l'amas de travail que j'allais devoir faire.

Gabriel frappa à la porte. Je le laissai entrer. Il regarda autour de lui, étudiant la pièce avec une forme de mélancolie amère. Son frère lui manquait mais il ne l'avouerait pas. Pas avec ce que Michael avait fait. Gabriel avait commis des erreurs. Nous en avions tous commis.

Lorsqu'il tourna la tête vers moi, il enfouit son chagrin loin de la surface dans l'espoir que je ne le remarque pas. Je fis comme si de rien n'était pour qu'il ne soit pas encore plus tendu qu'il ne l'était déjà. Je ne savais pas pourquoi il était là. Toujours était-il que je n'avais pas envie de le braquer. Il était en plein deuil, il n'avait pas besoin que je lui apporte un stress supplémentaire.

- T'es-tu adapté à ton nouvel environnement ?

Sa voix était retenue, assourdie. Il luttait contre ses émotions. Se tenir dans les anciens quartiers de Michael n'était vraiment pas facile pour lui.

- Pas vraiment, avouai-je. Je ne suis pas trop à l'aise à l'idée de vivre ici.

- Tu peux transformer cet endroit comme bon te semble. Il t'appartient désormais.

- Je suppose que je n'aurais pas le choix. Mais je doute que ça soit pour cela que tu es venu ici.

- Non, en effet. Puisqu'il semble que notre Père ait décidé que tu étais un digne remplaçant de... de Michael... Tu dois connaître tous les secrets des Cieux. Je ne suis pas sans savoir comment mon frère traitait ses anges. Donc, ils ne doivent pas connaître la moitié de leur travail. Il m'incombe donc de te l'apprendre.

Ça ne s'arrêterait donc jamais ? Allais-je donc être trinqueballé dans toutes les Sphères et tous les Chœurs pour apprendre juste ce qu'il fallait pour m'adapter avant d'être envoyé ailleurs ? À chaque fois que je finissais par saisir les tenants et les aboutissements de mon nouveau rôle, j'étais éjecté dans une situation totalement différente et je me retrouvais à devoir tout réapprendre. J'en avais plus qu'assez.

- Tu n'as pas à t'inquiéter. Ça sera rapide. Tu devrais apprendre très rapidement de notre Père.

- Tu veux dire que je vais rencontrer Dieu ?

Le doute devait s'entendre dans ma voix parce qu'il secoua la tête.

- Bien sûr que non. Personne ne peut rencontrer notre Père. C'est totalement impossible. Si ça l'était, la diversité religieuse ne serait pas ce qu'elle est. Tu n'aurais pas d'autre choix que de croire en son existence.

- Alors comment puis-je apprendre de lui ?

- Dans tes rêves, majoritairement. Tu pourras aussi avoir ce que l'on appelle des acheminements. Cela signifie tout simplement que tu sauras ce que tu dois faire alors que tu n'aurais pas dû le savoir ou que la réponse te viendra naturellement alors que tu ne comprends rien qui se pose. Ce genre de situations.

- D'accord...

Je n'étais pas du tout enthousiaste à l'idée de télécharger des connaissances du néant. De l'Univers, de l'Aether, de Dieu ou peu importe. Non, vraiment. La science infuse ne me tentait pas le moins du monde. J'aurais préféré ne rien savoir.

- Il y a néanmoins des choses que tu dois savoir au plus tôt donc...

Il sortit de mes nouveaux quartiers et je n'eus pas d'autre option que de le suivre.


Ce que Gabriel avait dit était réel. À chaque fois que je dormais, je me réveillais avec de nouvelles connaissances. Ça me mettait extrêmement mal à l'aise mais je devais admettre que ça avait son utilité. J'étais devenu bien meilleur en résolution de problème et encore meilleur en gestion de crise.

Par contre, ça ne m'avait pas préparé à la rencontre que je fis avec Meriel.

Depuis que j'étais sorti de la Serre, je m'étais attendu à le voir à chaque coin. Je m'étais habitué à ne pas l'y trouver. En vérité, je m'étais habitué à son absence, à la cicatrice laissée par sa couardise. J'étais toujours blessé de constater que les sentiments qu'il avait eus pour moi n'avaient pas été assez forts pour vaincre son instinct de conservation. Il avait préféré m'abandonner derrière lui plutôt que de prendre le risque de continuer avec moi jusqu'à la fin.

J'avais eu le temps de lui pardonner. Plus pour moi que pour lui. J'avais mieux à faire que de dépenser mon énergie à lui en vouloir. Alors je lui avais pardonné.

Lui, par contre, ne semblait pas s'être pardonné.

- Rahel, souffla-t-il.

- Meriel.

J'aurais cru que la malédiction de Lucifer ou que ce soit qui ait provoqué cette réaction dans la Serre ferait encore effet. Cependant, rien ne se produisit. Je pus rester face à lui sans ressentir de douleur ou de terreur ou prendre feu.

- Tu vas... bien. C'est... bien.

- Je suppose.

Je croisai les bras et sentis mes ailes réagir dans mon dos. Elles se mirent osciller comme sous le coup d'une brise qu'elles seules pouvaient sentir. C'était devenu la seule preuve de mon agitation intérieure. Par chance, Meriel ne parut pas s'en rendre compte. Son talent pour lire les gens s'était émoussé.

Il ouvrit plusieurs fois la bouche pour parler sans qu'aucun son ne sorte. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Il devait vraiment regretter et avoir honte. En tout cas, je l'espérais pour lui. Sa conscience le ferait peut-être réagir sur sa lâcheté.

- N'as-tu pas un protégé à surveiller ? questionnai-je.

- Non. J'ai été... j'ai été rétrogradé. Je ne suis plus un gardien.

Personne ne m'avait mis au courant de ça. Je n'étais pas aussi étonné que j'aurais dû l'être.

- Peu importe le poste que tu occupes désormais, tu dois avoir du travail. Comme moi. Sur ce.

Je rejoignis Sachael qui arrivait vers moi avec ce que je lui avais demandé. Je savais que Meriel continuait de nous fixer. J'étendis mes ailes sur toute leur longueur, bloquant la vue de tout le couloir.

- Que vous voulait-il ? questionna Sachael.

- Rien d'important, répondis-je.

Je pris les dossiers de ses mains et le laissai repartir. Je pris la direction du secteur des Trônes en feuilletant ce que le Séraphin m'avait apporté. Raziel m'avait demandé de venir au plus tôt. Apparemment, il aurait besoin de mon avis.

- Rahel ! Rahel, attends !

Je pivotai lentement. Mes ailes se remirent à s'agiter dans mon dos. Meriel s'arrêta devant moi, ses yeux turquoises m'évitant clairement. Je serrai les dossiers contre ma poitrine et patientai. Quoi qu'il ait à me dire, ça avait l'air important.

Il ouvrit la bouche et leva enfin les yeux vers moi.

Un carnet heurta Meriel en pleine face. Il tituba sur le côté.

- Fiche-lui la paix, cracha un ange aux ailes aussi turquoises que celles de Meriel. Souviens-toi de ta place, saisonnier.

Meriel avait donc été rétrogradé à la position d'ange des saisons. Pas très glorieux puisque, suivant la saison et leur territoire, ils passaient leur temps à ne rien faire et à attendre. Ils n'avaient jamais été bien vus.

J'observai l'ange – probablement un gardien – pendant qu'il patientait pour s'assurer que Meriel partait.

- Qui est-ce ?

- Le nouveau responsable, marmonna Meriel. Chayliel. Il a été nommé lors de la Remontée. Il gère les saisonniers, les journaliers et les mensuels.

Ce nom se me disait rien. Toutefois, il devait avoir fait partie de ceux qui avaient continué à lutter jusqu'à la fin s'il avait été promu. Gabriel m'avait expliqué les grandes lignes des changements qui s'étaient opérés. Chayliel faisait donc partie de la minorité qui avait trouvé en elle le courage de se battre plutôt que de fuir.

- Il a l'air strict. Tant mieux.

Je ne le laissai pas réagir et m'éloignai. Je m'arrêtai devant Chayliel qui me jaugea prudemment. Je ne prononçai pas un seul mot mais je sus qu'il comprenait mon silence. Il baissa légèrement la tête.

- Je ferais attention.

Je tapotai son épaule et repris ma route vers la Tour des Trônes. Je devais régler ce problème avec Raziel et continuer ma tournée pour m'assurer que les Cieux reprenaient leur fonctionnement.

Toutefois, mon esprit était ailleurs. Cette confrontation m'avait fait réaliser plusieurs choses. Depuis mon réveil, j'avais travaillé sans cesse pour graisser tous les rouages et assurer à tous les anges que c'était bel et bien la fin de la guerre. J'avais dû m'expliquer sur la façon dont je devrais gérer mes accords avec les démons et, plus précisément Abaddon, mais ce n'était qu'une petite tache dans l'océan de lumière qui renaissait.

En y regardant, je me sentais bien. J'avais obtenu tout ce dont j'avais rêvé depuis mon enfance. J'avais gagné le respect de mes pairs. J'avais un poste qui comptait, qui pouvait aider des gens, changer des vies. Je pouvais agir pour que ce qui m'était arrivé ne se répète pas. Je pouvais œuvrer pour faire de la Terre un endroit meilleur.

J'avais un toit. Des amis. Une tranquillité d'esprit. J'avais encore des cauchemars où je brûlais vivant, où résonnait le rire de Lucifer. Au dehors de ça, tout allait si bien que je redoutais chaque réveil de découvrir que j'avais rêvé.

Et chaque jour, j'avais droit à la même douce réalité. Il ne me manquait qu'une chose. J'avais appris à vivre sans pendant que j'étais emprisonné avec les Cupidons. Je m'étais habitué au manque. Il faisait partie de moi.

Sauf qu'il n'avait plus à exister. J'avais toute la latitude de faire ce que je voulais.

Aussi, dès que mon entrevue avec Raziel fut terminée, je descendis sur Terre. Je n'étais pas certain de la réception que j'allais avoir mais je franchis le seuil malgré tout.

- Je savais bien que mes protections avaient été franchies, chantonna la voix amusée de ma sorcière préférée.

Elle m'offrit un large sourire et posa sa tasse de thé sur la surface la plus proche. Ses bras fins vinrent s'enrouler autour de moi. Je lui rendis son étreinte avec joie.

- Le rouge te va vraiment bien, tu sais, dit-elle. Et toutes ces plumes ! Très royal.

- Moque-toi, rétorquai-je, appréciant énormément notre échange. Je n'ai rien demandé.

- J'ai toujours su que tu ferais de grandes choses. Tu es enfin arrivé au bout de ton voyage. Tu as atteint le Monde.

- Le Monde ?

- J'ai tiré les cartes pour toi, quand je t'ai rencontré. Ta dernière carte était celle du Monde. J'ai trouvé ça très approprié.

- Pourquoi ?

- Le Monde représente la fin du chemin. Tu es passé par toutes les épreuves et tu as vaincu. Il représente le succès, la victoire. L'anéantissement des obstacles, le franchissement de la ligne d'arrivée... Ce genre de choses. Je savais que ça ne serait pas aisé pour toi de l'atteindre, surtout qu'elle était à l'envers, mais tu y es enfin arrivé.

- Pourquoi ai-je l'impression que tout a commencé la première fois que je t'ai vue tirer les cartes ?

- Peut-être est-ce là que tu t'es rendu compte que ça commençait. Parce que ce n'était pas le commencement de cette guerre. C'était simplement le début de ton histoire.

Elle posa sa main sur mon bras et sourit avec tendresse.

- Je suis vraiment heureuse de te voir, Rahel. Tu as l'air heureux. Ça fait du bien à voir.

Une porte claqua à l'autre bout de la maison.

- Celui que tu es venu voir est rentré, chantonna-t-elle.

- Je suis venu vous voir tous les deux. Vous me manquiez. Tous les deux.

Declan pénétra dans le parloir, les cheveux ébouriffés par le vent qui soufflait à l'extérieur.

- Tu parles à qui ?

Pour seule réponse, Ava posa ses mains de chaque côté de son visage et prononça quelques mots si bas et si vite que je ne parvins pas à les déchiffrer. Declan cilla et se frotta les yeux.

- Bon sang, je déteste quand tu fais ça ! pesta-t-il.

Elle se contenta de tourner sa tête vers moi.

- Rahel ! s'exclama-t-il, abasourdi.

Et puis, un sourire fleurit sur ses lèvres.

- On dirait que tu as pris du galon depuis la dernière fois !

- En effet. Je suis monté en grade. Bien plus que prévu.

- Ça te va bien.

Il leva une main.

- Rassure-moi. Tu n'es pas venu parce qu'il y a encore un problème, pas vrai ? C'est bien fini ?

- C'est fini, assurai-je.

- Oui. Il est venu parce qu'on lui manquait, lança Ava, plus amusée qu'elle n'aurait dû.

Je lui fis une grimace qui la fit éclater de rire.

Les voir tous les deux aussi légers, heureux... Ça m'emplit d'un sentiment profond de paix et de satisfaction. J'avais aidé à créer ça pour eux. Aussi égoïste que ça soit, je le voyais comme l'un de mes plus grands accomplissements.

- Ça veut dire que tu nous rendras plus souvent visite ?

- Il semblerait bien. À part si elle continue de se moquer de moi.

- Elle se tiendra bien, assura-t-il. Elle ne le dira jamais mais tu lui manquais aussi !

- Hé !

Nous nous mîmes à rire, comme avant le début de toute cette histoire.

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NdlA : Et voilà ! C'est la fin !

J'espère que ça vous aura plu et que cette fin vous convient ! Pas trop tristes de vous séparer de mes petits angelots ?

Pour la prochaine histoire, elle n'apparaîtra pas sur ce compte. Elle sera sur celui que je lui ai dédié (dans l'espoir qu'elle soit un peu plus remarquée...) : WhenSettlesTheDust. Je pense commencer à poster début octobre ou peut-être un peu plus tard. Moi aussi, je dois me sevrer de mes petits anges ! En tout cas, si vous voulez découvrir ma nouvelle histoire, je vous donne rendez-vous sur ce compte ! Et si vous voulez une petite idée de ce dont elle va parler, allez jeter un oeil au Projet #9 dans le livre Mes Futurs Projets (pour ceux qui ne l'ont pas déjà fait !)

En tout cas, j'espère que cette duologie vous aura plu ! Je suis contente de l'avoir partagée avec vous ! C'est encore une histoire (la 8ème ? 9ème ? Je ne sais plus !) qu'on partage ensemble et je vous remercie de continuer à me lire et à me suivre ! Ca me fait vraiment plaisir !

Alors on se retrouve sur WhenSettlesTheDust ? ;)

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