Chapitre 23

Les Trônes étaient bien moins nombreux que je l'aurais cru. Je m'attendais à ce qu'ils fourmillent partout, jonglant entre les cas et les informations. Au lieu de ça, j'avais une équipe si petite qu'elle paraissait ridicule. La parité était à peu près égale même s'ils jonglaient entre les pronoms sans s'en préoccuper plus que ça.

Raziel n'était pas présent. C'était un soulagement. Je n'étais pas prêt à lui faire face. Je n'osais imaginer sa rage en découvrant que sa place lui avait été volé par l'ange qu'il détestait le plus. Je ne savais pas ce qu'il se passait pour lui mais je doutais qu'il ait réussi à trouver le traître depuis qu'il était là. Gabriel l'avait fait exprès pour lui faire comprendre qu'il n'était pas le nouvel archange. Quant à savoir s'il avait compris... J'avais des doutes.

C'était étrange de leur faire face ainsi. J'avais l'impression d'être un gamin que son père présentait à ses amis, ces adultes sombres aux mots acérés qui surplombait l'enfant que j'étais. Mon estomac me remonta dans la gorge.

- Nous le savions, énonça lentement un Trône. Raziel peut prétendre autant qu'il le désire mais nous savions qu'il n'était pas notre archange.

Je n'aimais pas sa façon de parler. Il me faisait penser à un robot. Sans émotion, plat, mort. Avait-il le moindre sentiment dans son long corps dégingandé ? Ou avait-il été vidé de tout ce qui pouvait le rendre un tant soit peu humain ?

- Où est-il ? questionna Michael.

- Nous l'ignorons. En mission pour Gabriel, nous supposons. Il est convaincu de pouvoir découvrir l'identité du traître sans avoir accès à la Tour.

- Il cherche à prouver qu'il est bien l'héritier de Cassiel, grogna une femme, manquant autant d'émotions que l'homme à côté d'elle. Il devrait savoir qu'il ne peut pas nous tromper. Rien que cela prouve qu'il n'est pas fait pour ce rôle.

Peut-être avaient-ils des émotions, au final. Des émotions durement réprimées et étouffées, sombres et négatives. De la satisfaction morbide, de la fierté, beaucoup de mépris. Ils n'avaient aucun respect pour Raziel en dépit du fait qu'il ait été l'un des leurs depuis le commencement. Mon idée de les rallier à ma cause n'allait pas être aussi aisée que je l'avais imaginé. Il allait m'en falloir pour obtenir un minimum de respect de leur part.

- Nous avons entendu parler de toi, énonça un homme à la haute stature et aux cheveux d'un gris qui paraissait argenté sous la lumière des bureaux. Rahel.

Je soutins son regard rougeâtre sans rien dire. Je ne savais pas comment faire pour être reconnu par ces anges aux nombreux millénaires. Ils avaient vécu toute leur existence ensemble, en tant que Trônes. Et moi, j'avais à peine plus d'un siècle. En tant qu'ange gardien, le bas de l'échelle. J'avais repoussé Lucifer par deux fois mais je doutais que ça soit le genre d'exploits qui attire leur respect.

- Cassiel a fait de toi son héritier dès qu'il a agi sur son idée de t'utiliser pour son plan d'obtention d'informations sur les affaires de Lucifer. Nous ignorons ce qui l'a poussé à agir de façon aussi indue. Il n'empêche qu'il te faudra nous prouver que tu seras à la hauteur de Cassiel.

- Lorsque la situation se sera apaisée, ajouta la femme qui avait déjà parlé. Pour l'instant, nous devons nous préparer à la destruction de Lucifer. Retrouver les livres d'Hénoch pour qu'il ne puisse pas rouvrir les portes et les détruire, lui et son armée. Nous aurons le temps de juger sa valeur si nous survivons à cette nouvelle guerre.

- Le conseil de guerre va être ouvert, assura Michael, une aura calme et royale autour de lui.

- Nous pourrons remettre Raziel à sa place, se ravit le plus jeune Trône. Il est plus que temps de faire cesser ses prétentions.

Les autres lui jetèrent un regard froid mais ne dirent rien. Ils l'ignorèrent. Il était trop vif, trop vivant pour eux. Il n'avait pas encore adopté le froid détachement de ses aînés.

Je croisai son regard orangé et le jaugeai en silence. Il détonnait trop pour que ça soit innocent. Se pouvait-il qu'il soit un nouveau ? Étrangement, ça me paraissait improbable.

- Je croyais qu'il ne serait pas question de tests avant que l'on en ait terminé avec Lucifer, grondai-je.

Ils sourirent et le jeunot se transforma en un ange - non, un archange - qui dépassait tout le monde d'une bonne tête et demie. Ses épaules avaient la taille d'un bureau, ses bras étaient deux troncs massifs de chaque côté d'un torse épais aux muscles durs comme de la roche. Son visage était carré, la mâchoire avancée, avec deux yeux de la même teinte de bronze que sa peau. Dans son dos, ses ailes étaient volumineuses, comme une continuation de sa peau en plus duveteux et plus puissant.

Il s'avança vers moi, un sourire chaleureux sur les lèvres et la main tendue.

- Je suis Chamuel. Enchanté de te rencontrer, Rahel. J'avais trop hâte de rencontrer notre nouvelle recrue pour attendre le conseil de guerre. Ne le dis pas à Gabriel. Il veut faire de ce conseil ta grande entrée dans notre Chœur.

J'ouvris la bouche pour répondre sans trouver quoi dire. Il relâcha ma main et je fronçai les sourcils. Depuis quand les archanges étaient-ils aussi cordiaux et accueillants ?

- Puisque tu es là, grommela Michael, tu sauras veiller sur lui et à le ramener dans ses quartiers ?

- Bien sûr ! Va rassurer Gabriel et lui dire que tout s'est bien passé et qu'il ne sera pas seul pour aller chercher les livres.

Chamuel était l'Archange des Puissances et pourtant, il se comportait comme un Cupidon. C'était franchement perturbant. Je m'étais habitué à ce que les archanges soient difficiles à vivre, autoritaires et distants et je me retrouvais face à une armoire à glace géante qui aurait pu m'écraser d'un coup de poing mais qui préférait s'exciter tout seul de tout et de rien exactement comme un Cupidon.

Les choses seraient-elles un jour simples aux Cieux ?

Michael lui jeta un regard d'avertissement avant de quitter l'espace des Trônes. Je n'aurais cru penser une telle chose mais j'aurais préféré qu'il reste. Je savais gérer Michael. J'avais appris à le connaître. Chamuel était une énigme sur laquelle je n'étais pas certain d'avoir envie de me pencher.

- Nous vous reverrons bientôt, lança un Trône. Faites attention à vous.

Les Trônes inclinèrent la tête en guise de salut et sedispersèrent dans les bureaux, retournant à leurs tâches.

Chamuel posa son bras en travers de mes épaules et m'entraîna avec lui.

- On va passer par chez moi pour descendre chercher les livres que les Cupidons ont trouvé. C'était malin de ta part de demander leur aide. Je doute que quiconque y aurait songé.

- On ne leur donne pas assez de crédit, répondis-je simplement.

Chamuel m'offrit un large sourire, les yeux étincelants. Il me mettait de plus en plus mal à l'aise.

L'espace réservé aux Puissances était agencé en un cercle de plusieurs kilomètres de diamètre dont la limite était un bâtiment uniforme mais aux nombreuses portes. Au centre, plusieurs zones étaient décelables. La plus grande était occupée par des anges aux ailes de bronze luttant les uns contre les autres dans la poussière et la sciure. D'autres, plus restreintes, terminaient de remplir l'espace, moins utilisées, moins définies.

- Bienvenue chez moi ! Nous allons descendre avec trois de mes meilleures recrues. Nous ne devrions pas avoir besoin de plus.

Trois Puissances sortirent du bâtiment et se dirigèrent droit vers nous, comme si leur archange les avait appelés simplement en évoquant leur existence. À moins que tout n'ait été réglé à la seconde près. Toujours était-il que les Puissances me rendaient nerveux et que j'avais hâte d'en finir.

Ils se présentèrent comme Machidiel, Yerachmiel et Aphael. Tous trois étaient épais, musclés mais avec de larges sourires et une épée à la ceinture. Il y avait une camaraderie profonde entre eux et ils tentaient de m'inclure. Sauf qu'ils s'y prenaient très mal, si c'était le cas.

Chamuel me prit par l'épaule pour me diriger vers une porte à notre droite. Je me servis d'un mouvement d'aile pour le faire me lâcher sous la brûlure. Il en rit, balayant mes fausses excuses d'un revers de la main. Malgré tout, il maintint un semblant de distance entre nous. Enfin, je pouvais respirer.

Les Puissances descendaient de la même manière que les anges. Ils ne se jetaient pas dans le vide comme les Cupidons mais descendaient une petite partie de l'escalier céleste avant que les marches ne disparaissent et que la chute soit inévitable mais plus contrôlée.

J'aurais préféré utiliser la capacité des archanges à simplement apparaître là où ils voulaient aller. Ça aurait été plus simple. Cette descente n'était que pour le bénéfice des trois anges qui nous suivaient.

L'un des deux livres repérés par les Cupidons était censé se trouver en pleine Amazonie. L'air était chaud, poisseux et me prenait à la gorge. La forêt elle-même semblait vouloir nous avaler. Les arbres avaient des racines traîtresses qui nous faisaient trébucher et des branches qui s'amusaient à nous gifler. Les plantes tentaculaires s'enroulaient autour de nos membres, les épines étaient fourbes et se faisaient un devoir de nous lacérer. Pas étonnant que Lucifer ait choisi cet endroit pour cacher un livre.

Je pouvais sentir la présence du livre partout autour de moi. Elle était puissante mais intangible. Je cherchai ce fil qui m'avait guidé vers le premier mais quelque chose résistait. Un blocage subtil, tissé comme un cocon autour de ma cible.

Si je ne pouvais pas utiliser la méthode directe, je pouvais toujours la contourner. Michael m'avait appris assez pour que je parvienne à transformer mon énergie à volonté. Ma fatigue variait selon ce que je faisais. Toujours était-il que j'étais bien plus résistant qu'avant et que, quand bien même viendrais-je à être affaibli, j'avais quatre Puissances en renforts.

Je m'arrêtai, attirant l'attention de Chamuel et de ses anges. Je fermai les yeux et laissai mon esprit créer une image mentale de la magie qui imprégnait le lieu. Ce fut celle d'un œuf qui apparut derrière mes paupières. Un œuf inégal, à la coquille plus robuste par endroits que par d'autres. Le plus étrange était qu'il était ancré dans le sol sur plusieurs points. Je pouvais les déceler clairement sans savoir ce qui créait cet ancrage.

Je rouvris les yeux, luttant pour garder l'image de l'œuf en superposition pour ne pas me tromper d'endroit. Je m'agenouillai et fouillai le sol. Je faillis le louper. C'était ridiculement discret. Quelques gouttes de sang sur une feuille morte. J'étais prêt à parier que chaque point était marqué par du sang. La signature de Crowley. La magie du sang. Au moins n'avait-il pas utilisé son art ultime et utilisé le sexe pour renforcer son sort. D'après les commentaires de Michael, la seconde pouvait être brisée mais la seconde était un tissage complexe d'émotions, de visualisation et de volontés de tous les participants qui rendait la destruction du sort pratiquement impossible. Heureusement, Lucifer n'avait pas été assez idiot pour l'autoriser à fermer ce cocon à tout le monde sauf à lui.

- Il va me falloir du temps, dis-je. Le livre est là mais je dois briser des barrières tissées dans le sang de Crowley.

- Laisse-nous faire, assura Chamuel. C'est notre travail.

Je fronçai les sourcils mais reculai et leur fis signe d'y aller. Pour une fois, je n'aurais pas à faire tout le travail donc je n'allais pas me plaindre. Et puis, mon comparse n'avait pas tort. Ils étaient des Puissances. Lutter contre les mauvais esprits et les démons était leur travail, leur destinée dictée par les Cieux, par Dieu ou l'Univers ou quoi que ce soit qui ait décidé la hiérarchie angélique.

Je les observai pendant qu'ils s'acharnaient sur les barrières, la sueur collant leurs vêtements à leur peau, les faisant luire dans la faible lueur qui filtrait à travers les branchages. Ils étaient concentrés mais ils s'épuisaient. Quoi que Crowley ait fait, il ne l'avait pas fait à moitié. En fermant les yeux, je vis qu'ils avaient à peine entaillé l'un des points faibles de la structure.

L'énergie de Chamuel percuta l'œuf avec la puissance d'un boulet de canon et ouvrit une minuscule brèche d'où sortit une brume noire qui dissimula presque entièrement le fil lumineux qui était apparu. Je rouvris les yeux, cherchant autour de moi la manifestation de cette magie noire. Je pouvais la voir tout autour de nous.

- Arrêtez ! criai-je. Vous avez libéré quelque chose.

- Il n'y a rien, objecta un ange dont les tâches de rousseur occupaient presque entièrement son visage, laissant peu de peau pâle.

- Il y a quelque chose, murmura son camarade. Ça pue et ça se cache.

- Occupez-vous de ce qui est sorti, je m'occupe du livre, ordonnai-je.

Chamuel hésita. Il céda à cause de la hiérarchie et de la logique de mon raisonnement. J'avais beau être un archange depuis quelques mois, j'étais bien plus haut que lui dans la hiérarchie. Sans compter que ma logique était infaillible et qu'il s'en rendait compte.

Les Puissances s'organisèrent autour de moi pendant que je rassemblais mon énergie pour frapper juste assez fort pour ouvrir un passage grâce à la brèche créée par Chamuel. Je ne devais pas m'épuiser mais je ne devais pas perdre de temps non plus. C'était un quitte ou double. Quoi que l'on ait relâché dans la forêt, ce n'était pas bon et ça allait défendre ce que ça gardait.

Je faillis perdre toute ma concentration lorsqu'un Puissance hurla derrière moi. Ne pas m'en préoccuper fut une épreuve. Ils étaient en train de se faire massacrer. Je devais récupérer le livre au plus tôt pour qu'on puisse fuir. C'était lâche mais nous n'étions pas suffisamment nombreux pour faire face à ce que Crowley avait laissé derrière lui pour garder le livre.

Je relâchai mon énergie comme on libère une flèche d'un arc et elle alla s'écraser contre les barrières de sang. La faille s'ouvrit, craquelant tout autour d'elle jusqu'à ce que toutes les parties affaiblies se soient effondrées. Derrière, un coffret de bois qui brillait de lumière céleste. Je récupérai le carnet qu'il y avait à l'intérieur et ressortis en deux secondes.

Un Puissance avait été réduit en miettes et je pouvais sentir qu'il ne restait plus rien à l'intérieur de ce corps. Les deux autres anges étaient mal en point mais ce n'était rien à côté de leur archange. S'il n'avait pas ses ailes bien accrochées à son dos, il serait impossible pour lui de survivre.

Son regard accrocha le mien une fraction de seconde et ce fut suffisant. Il attrapa l'ange le plus près de lui et se volatilisa. Je me jetai sur l'autre, le plaquant au sol, lui évitant de se faire percuter par la brume noire qui, à la place, me déchira l'épaule.

Je réapparus sur le sol de mes appartements, le Puissance étalé sous moi. Je roulai sur le côté et laissai échapper un sifflement de douleur lorsque mon épaule blessée toucha le sol. La brume noire me l'avait totalement détruite. Je pouvais voir tous les os à travers la longue plaie. Je faillis tourner de l'œil.

- Où sommes-nous ? demanda le Puissance.

La porte s'ouvrit sur Meriel qui haussa un sourcil en voyant l'ange avec moi. Il blêmit lorsque ses yeux s'arrêtèrent sur mon épaule.

- Mais que s'est-il passé ?

Je sortis le carnet de ma ceinture et le brandis.

- J'ai été cherché l'un des livres avec Chamuel. Bordel, ça fait mal.

Il me prit le livre des mains et le jeta sur mon lit avant de m'aider à me relever.

- Allons dans la Serre. Ça va aller ? jeta-t-il au Puissance.

- Je peux me débrouiller.

Nous nous traînâmes jusqu'à la Serre. Sabriel vint reconstituer mon épaule et me conseilla de rester un peu pour me donner le temps de me remettre totalement. Les deux Puissances qui avaient survécu étaient allongés sur des lits et inconscients. Chamuel était encore en train de se faire traiter par Uzziel en personne. L'état de l'archange devait être plus grave encore que je l'avais cru.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? questionnai-je Meriel. Je croyais que tu mettrais plus longtemps avant de remonter.

- C'était prévu ainsi. Les Chœurs Célestes ont demandé à tous les anges de remonter. Ava et Declan vont bien et ils sont sur le qui-vive. Il ne leur arrivera rien.

- Je l'espère de tout cœur.

- Sais-tu pourquoi nous avons tous dû remonter ?

- Je n'en suis pas sûr mais je pense que ça doit avoir un rapport avec le conseil de guerre.

Meriel se redressa. La main que j'avais dans ses cheveux tomba sur l'oreiller.

- Un conseil de guerre ?

- Oui. Lorsque Michael m'a emmené voir les Trônes, ils en ont parlé. Pourquoi ?

- Ne te souviens-tu pas du cours de Nanael sur la première guerre contre Lucifer ?

- Tu veux la réponse honnête ou celle un peu plus embellie ?

Il roula des yeux mais il avait ce léger sourire en coin indulgent et amusé que j'adorais. Il posa un doigt sur ma bouche et me força à me rallonger avec un haussement de sourcil qui me donna encore plus envie de le distraire.

- Le conseil de guerre n'existait pas avant que les archanges soient obligés de discuter ensemble de la situation. C'est le seul qui ait jamais eu lieu et ils étaient absolument désespérés. Ils avaient verrouillé les Cieux pour que personne ne puisse entrer ou sortir. Ils avaient discuté de la façon d'agir pendant des jours jusqu'à ce qu'ils décident d'une solution.

- Tu crois qu'ils ont rappelé tout le monde parce que nous allons entrer en fermeture totale. N'est-ce pas un peu prématuré ? Les choses ne vont pas si mal, si ?

- Ça ne va pas tarder. Une guerre mondiale couve. Plusieurs petites guerres ont déjà éclaté sur Terre. La Russie va peut-être prendre parti et si elle le fait, les USA vont suivre. Si les deux géants s'en mêlent, les autres pays encore neutres n'auront plus de choix. Ils devront choisir un camp. Et dès lors... Ils pourront durer pendant des années et détruire la Terre avec leurs armes nucléaires.

- Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt ?

- Parce que tu n'avais pas besoin de le savoir. Dans ta recherche des livres, pour ton entraînement... Ça n'aurait fait que te distraire et on ne peut pas se le permettre. Maintenant, c'est différent. S'il y a un conseil de guerre, tu vas devoir y participer et tu dois en savoir un maximum. Tous les Cieux seront présents. Les Trônes et les Séraphins seront les plus regardés. Donc toi et Michael. La Justice et la Connaissance. Si quelqu'un doit prendre une décision, se sera vous deux. Les autres ne feront que toucher aux détails.

- C'est pour ça que tu es venu directement me voir en remontant. Pour me préparer.

- Évidemment. Je ne pensais pas à un conseil de guerre mais j'ai pensé à la fermeture des Cieux.

- Ce n'est pas une bonne idée de tenir un conseil de guerre en sachant qu'il y a un traître dans nos rangs.

- Je ne pense pas qu'ils vont le faire tout de suite. Ils ne le feront pas tant qu'ils n'auront pas le traître. Fermer les Cieux est la façon la plus simple de le piéger à l'intérieur ou de le faire se dénoncer s'il reste à l'extérieur.

Je hochai la tête. Dit comme ça, c'était logique et tellement simple. Si seulement c'était réellement aussi facile. Meriel se replaça contre le mur et je mis ma tête sur ses jambes. Je pouvais deviner son sourire lorsque ses doigts vinrent plonger dans mes cheveux.

- Je dois continuer à descendre pour aller chercher les livres. Comme les Cupidons.

- Lucifer ne peut pas les ouvrir.

- Il peut trouver un moyen de le faire. Je ne lui donnerais pas l'occasion de le faire. C'est trop risqué.

- J'ai ramené celui que j'avais caché. J'ai préféré ne pas le laisser sur Terre si les Cieux venaient à fermer.

- Ça nous en fait deux sur cinq. Les Cupidons en ont localisé un autre. Je dois aller le chercher au plus tôt, avant la fermeture des Cieux. Je dois voir Michael pour qu'il me donne le temps de le faire.

Meriel m'attrapa par l'épaule et appuya son pouce dans le muscle à peine reconstitué et la douleur me fit retomber contre lui.

- Je crois que ça peut attendre un peu, non ?

Je le fusillai du regard.

- Non, ça ne peut pas s'ils comptent fermer les Cieux. Il faut récupérer les livres. On ne peut pas donner à Lucifer le temps de trouver un moyen de les ouvrir. Crowley est puissant, Meriel. Très, très puissant. S'ils s'y mettent à trois avec le traître, ils finiront par y arriver.

- C'est une très fine possibilité qui ne vaut pas que tu ailles te faire tuer. Tu ne t'es pas encore remis. Quel bien cela ferait-il si tu te faisais tuer ?

Je soupirai et cédai. De toute façon, quitte à m'assommer, il ne me laisserait pas descendre. Que je le veuille ou non, j'allais devoir attendre d'être entièrement rétabli pour pouvoir me faufiler sur Terre et récupérer le livre.

De l'autre côté de la Serre, Uzziel en avait terminé avec Chamuel qui semblait aussi vif et gaillard que lorsque je l'avais rencontré. Sabriel allait devoir faire une remise à niveau dans ses soins. J'aurais dû pouvoir sortir intact une fois qu'il en avait fini avec moi.

L'Archange des Puissances s'approcha de mon lit et jeta un regard à Meriel. Je ne parvins pas à saisir ce qu'il pensait. Il le dissimula rapidement sous un sourire.

- Tu vas bien ?

- Ça va, assurai-je. Je dois récupérer un peu, rien de grave. Je suis désolé pour Machidiel.

Son sourire faiblit légèrement.

- C'est le risque du métier. Jamais je n'avais rencontré un tel démon. Nous n'étions pas prêts à combattre une chose pareille.

Il y eut un silence gêné. Les yeux de Chamuel revinrent sur Meriel lorsqu'il rajusta sa position dans le lit.

- J'ignorais que tu... avais quelqu'un.

- Ce n'est pas comme si nous avions eu le temps de parler vie privée depuis notre rencontre. Entre votre petite supercherie chez les Trônes et notre descente.

Chamuel s'appuya sur l'encadrement du lit en souriant. Je me forçai à me redresser, formant un front contre lui avec Meriel. Il me mettait très mal à l'aise et je n'avais qu'une envie : qu'il s'en aille.

- Est-ce que Michael le sait ? souffla-t-il.

- Évidemment. Pourquoi ? Vous pensiez qu'il tenterait de nous séparer ? Dommage pour vous. Il m'a seulement fait une courte leçon sur le sexe.

Meriel rougit et Chamuel se redressa.

- Tu es chanceux. Il n'est pas aussi tolérant avec tout le monde.

Il tourna les talons et quitta la Serre. Meriel se tourna vers moi, le regard noir.

- Tu n'as pas intérêt à te retrouver seul avec lui.

- Crois-moi, si je peux l'éviter, je le ferais. Quand bien même, tu devrais savoir que je ne compte pas te lâcher de si tôt. Il semblerait que je tienne à toi. Beaucoup. Vraiment beaucoup.

Il devint encore plus rouge, ce que je n'aurais pas cru possible.

- Tu as intérêt, se contenta-t-il de marmonner.

- Normalement, tu es censé répondre par « moi aussi », tu sais.

- Les normes sont surannées.

Il gesticula sur place, commençant à reprendre une couleur normale. Avant de rougir à nouveau en murmurant :

- Mais... moi aussi. Moi aussi.

_______________________________

NdlA : j'espère que ça vous aura plu, les amis ! Dites-moi ce que vous avez pensé de toutes ces avancées en commentaire !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top