Chapitre 11
Je me souvenais de la première fois que j'avais entendu ces sirènes. C'était lorsque Baskiel s'était échappé de sa cellule dans la prison des Cieux. Il avait tenté d'aller voler un dossier dans le bureau d'Ariel, les chef des gardiens. Ça avait mit Michael dans tous ses états. Je n'osais imaginer comment il allait réagir, cette fois.
- Que se passe-t-il ? questionna Meriel.
- Allons voir.
Je le laissai partir devant. Lui savait comment sortir de cette partie des Cieux. Je gardai le silence car il semblait compter chaque pas. Il s'arrêta si brusquement que je faillis le percuter. Il enfonça son bras dans le mur et actionna quelque chose qui ouvrit une porte dans un soupir pneumatique.
Le couloir dans lequel nous pénétrâmes grouillait d'anges courant partout. Les sirènes étaient encore plus puissantes ici que dans la bulle des Cupidons. Sur le plafond, des éclairs couraient. Michael n'était pas loin.
- Il ne doit pas me voir, soufflai-je à Meriel.
- Ça n'était pas prévu.
Il saisit un ange par le bras. Le pauvre garçon avait les yeux si écarquillés qu'ils allaient sortir de ses orbites.
- Que se passe-t-il ? aboya mon partenaire.
- Je... Je suis pas sûr... Un... U-Un vol, d'après ce... ce que j'ai entendu, bégaya l'angelot.
- Un vol ? De quoi ?
- Je n-ne sais pas...
Dès que Meriel le relâcha, il s'enfonça dans la foule et disparut aussi loin que possible.
- Encore un vol ? De quoi, cette fois ? Par qui ?
- Ça ne peut pas être Baskiel, répondis-je. Il ne pourrait pas remonter aux Cieux. Tout le monde sait qu'il nous a trahi.
- Le traître, dans ce cas.
Ma bouche voulut prononcer le nom ; mon cerveau l'en empêcha de justesse. Samael, le Chérubin qui travaillait sous les ordres de Gabriel mais frayait avec Lucifer dans le dos de tout le monde, s'était assuré que, après notre rencontre, je ne puisse révéler son identité. Si je tentais de dévoiler la moindre chose sur lui, j'oubliais absolument tout ce que je savais. Mon esprit devenait un trou noir et j'aurais bien été incapable de dire mon propre nom.
Je cillai, réalisant combien j'avais été près d'enclencher le sort de Samael.
- Non, continua Meriel, sans attendre de réponse de ma part. Ça serait illogique de sa part. Il est couvert. Tout le monde croit que le seul traître dans les Cieux était Baskiel. Pourquoi prendre le risque d'être découvert ? Il a dû embrigader quelqu'un d'autre.
- À moins que ce qui a été volé soit trop important pour qu'un autre s'en occupe.
Il me jeta un regard perplexe avant de hocher la tête. Je roulai des yeux.
- Je suis étonné que vous ne soyez pas en train de chercher des réponses au lieu de guetter ici.
Meriel et moi sursautâmes et regardâmes le nouveau venu comme des enfants pris en faute. Sabathiel se mit à rire. Il ne paraissait pas furieux de nous voir là.
- Gabriel va sûrement venir te voir, continua-t-il pour moi. Tu devrais retourner dans tes quartiers. Quant à toi, ajouta-t-il pour Meriel, nous allons discuter.
Il avait beau être affable, nous sentîmes qu'il valait mieux éviter de résister. Meriel n'était pas ravi de la tournure des événements mais il me suivit sans un mot.
Ils me laissèrent devant la porte des ma chambre et continuèrent leur route. J'envisageai de les suivre discrètement. Juste au moment où j'allais leur emboîter le pas, une main me saisit l'épaule.
- N'y songe pas.
Comment Gabriel faisait-il pour avoir un tel timing ? Je doutais que la sagesse de Dieu lui permette de toujours apparaître au bon moment. Ou peut-être que si, au final. Je n'en savais rien. Ça pouvait être son talent aussi bien que sa position.
Il me fit entrer dans ma chambre et ferma la porte derrière lui. J'allai m'asseoir sur mon lit, résigné à devoir supporter un long sermon.
- Ne fais pas cette tête. Je ne compte pas blâmer ta curiosité. Elle est légitime.
- Vraiment ?
- Bien sûr. J'aurais été déçu si vous n'aviez pas tenté de savoir ce qu'il se passait. La curiosité est une qualité tant qu'elle ne devient pas incontrôlable. Or, il me semble que vous soyez tous deux très raisonnables.
- Euh... Merci, je crois.
Il eut un bref sourire qui s'effaça aussi vite qu'il était apparu.
- Vous n'allez pas hurler alors que Meriel est là ?
- Non. Tu as besoin de soutien. Or, il t'est loyal. J'ai confiance que tu lui as dit de ne parler de cet endroit à personne et qu'il t'écoutera. Peu de choses pourraient l'amener à te décevoir.
- Comment ça ?
- C'est à toi de réaliser ce qui vous lie. Lui le sait déjà. Il attend que tu ouvres les yeux.
- Qu... ?
Gabriel leva une main pour me couper.
- Comme je te l'ai dit, c'est à toi d'ouvrir les yeux et de regarder ce qu'il se passe autour de toi. Ce n'est pas mon rôle de te le révéler.
Bon. Il ne me dirait rien. Et ce n'était pas une question que je pourrais poser à Meriel. Il détournerait le sujet ou tournerait autour du pot jusqu'à ce que j'abandonne. C'était un artiste lorsqu'il voulait éviter une conversation.
- Passons au sujet qui nous préoccupe, poursuivit l'archange. Le vol. Nous n'avons pas beaucoup d'éléments. Évidemment, nous savions qu'il y avait un traître dans nos rangs mais nous n'avons rien pour l'identifier.
- Je suis...
- Tu n'as pas à être désolé. Il aurait été étonnant qu'un traître t'autorise à connaître son identité sans avoir un plan pour t'empêcher de la divulguer. Tu n'as pas à te blâmer. Pour en revenir à ce que je disais...
Il allait finir par me vexer à rejeter chacune de mes interventions avec un degré d'indifférence qui frôlait le plafond.
- La seule chose que nous savons, c'est ce qui a été volé. Cette information doit rester secrète. C'est très important que personne que ne sache ce qui a disparu. Le seul ange à qui je t'autorise à en parler, c'est ce Meriel car je sais qu'il ne te trahira pas.
Je renonçai à poser une question inutile. Que je la pose ou non, il comptait me dire ce qui avait été volé. Je n'étais pas certain de son raisonnement. J'étais passé peut-être par la transformation en archange mais je n'en étais pas vraiment un. Je n'avais pas pris la position. Je ne pouvais même pas atteindre mon énergie !
Ou alors, c'était parce que j'avais rencontré Samael et qu'il se demandait si je n'avais pas connaissance d'un élément, d'un détail, qui pourrait l'aider.
- Ce qui a été volé est très précieux aux Cieux et très dangereux dans les mains de nos ennemis. As-tu déjà entendu parler des Livres d'Hénoch ?
Le nom évoquait quelque chose de lointain dans ma mémoire. Nanael, l'instructrice des anges gardiens, devait en avoir parlé. Cependant, j'avais passé trop de temps à somnoler pour être réellement attentif.
- J'en ai entendu parler, répondis-je finalement avec prudence.
Gabriel roula des yeux et marmonna quelque chose que je ne compris pas. Sûrement rien d'aimable à mon encontre.
- Les Livres d'Hénoch contiennent des informations inestimables sur nous, sur les Cieux. La partie la plus dangereuse parle de l'Apocalypse. Chaque livre est une mine d'informations et de secrets que les démons ne doivent pas avoir. Ils étaient dissimulés dans plusieurs parties des Cieux pour assurer un maximum de sécurité. Ils fonctionnent indépendamment les uns des autres, cependant, des informations sont dissimulés dans toutes les pages de chaque livre.
- Et ils ont tous disparus ?
- Tous les cinq. Nous ne nous en sommes rendu compte tout à l'heure lorsque nous avons réalisé que celui qui était dissimulé dans le Jardin d'Éden n'était plus là. Nous avons fouillé tous les autres endroits où des livres avaient été cachés et nous les avons trouvés vides. Tous les livres ont été volés.
- Il n'a pas dû les prendre tous en même temps. Il a pris son temps. Il les a sortis les uns après les autres.
- C'est, en effet, ce que nous pensons. J'ai déjà dépêché des équipes sur Terre pour tenter de les localiser. Nous n'avons pas de temps à perdre. Il faut les retrouver au plus vite. J'ai dans l'espoir que tu puisses m'aider.
Je me figeai. Le puissant archange des Chérubins venait-il sérieusement de me demander de l'aider ? Malgré l'armée d'anges qu'il avait à sa disposition, il pensait que moi jepouvais l'aider ? Ça n'avait pas de sens. Aucune logique. Il devait bien savoir que j'étais hautement inutile, non ?
- Mes Chérubins sont doués pour protéger les Cieux et leurs secrets mais ils ne connaissent rien à la Terre. Je n'ai aucun doute qu'ils vont très rapidement être repérés. C'est pour ça que j'aurais besoin de toi.
- Je ne vois pas ce que je pourrais faire.
- N'est-ce pas à toi que l'on a assigné une simple mission de surveillance d'un humain et qui a fini par fermer la dernière porte de l'Enfer sous le nez de tout le monde ? Parce qu'il me semblait que c'était toi qui avais réussi à réunir une petite armée sans que nous ne remarquions quoi que ce soit avant qu'il ne soit trop tard.
- Euh...
Je n'étais pas certain de la réponse à donner. Après tout, ça m'avait causé bien des problèmes. Ce n'était pas par plaisir ou par choix que j'avais passé autant de mois avec les Cupidons.
- Michael et moi allons être très occupés dans les jours à venir donc ça serait un bon entraînement pour toi. Il me semble que ça n'a pas été un succès avec Michael. Peut-être que retrouver un environnement familier, les montées d'adrénaline auxquelles tu es habitué t'aideront à trouver ton pouvoir.
Je dus devenir aussi rouge qu'une tomate tant j'étais embarrassé.
- Vous êtes sérieux ? Vous voulez que je parte à la recherche des Livres d'Hénoch ?
- Oui. Il me semble que c'est ce dont je parle depuis très exactement sept minutes.
- Pourquoi ne pas demander aux Puissances ? Ils sont mieux taillés pour ce travail, non ?
- Non. Ils sont entraînés pour repousser les forces négatives qui peuvent parcourir la Terre mais ils ne connaissent rien à la Terre. Ils ne descendent que s'ils sont certains d'avoir repéré un démon. Ils ne sauront pas traquer les livres.
- Qu'est-ce qui vous fait croire que je le pourrais ? Ce n'est pas comme s'ils émettaient un signal. J'ai beau connaître la Terre, je ne peux rien pour vous.
- Penses-tu réellement que quelque chose comme les Livres d'Hénoch, qui sont si importants pour nous, ne possèdent pas des protections supplémentaires ? Je suis heureusement assez sage pour avoir réalisé que, aussi bien protégés fussent-ils, il y avait toujours un risque. La chute de Lucifer m'a permis d'y voir clair. Nous avons bon être des anges, nous pouvons devenir pêcheurs. Ce qui signifiait qu'il fallait une plus grande protection sur ces livres.
Visiblement, la chute de Lucifer avait enclenché un engrenage inimaginable de conséquences. Ce n'était pas juste un enfant qui avait claqué la porte derrière lui, c'était l'effondrement de la confiance parmi les archanges et les anges, des renforcements de sécurité qui n'avaient pas été nécessaires auparavant, d'une guerre interminable au sein d'une même famille.
Je n'étais pas idiot : il n'y avait aucun moyen de les réconcilier. Jamais Lucifer n'obtiendrait le pardon de ses frères.
De même, jamais Michael ne serait capable de le détruire. Il l'avait envoyé en Enfer alors qu'il aurait pu enrayer la création des démons et de toutes les créatures de cauchemar qui pullulaient en bas. Pourtant, il ne l'avait pas fait. Je n'avais aucun mal à croire qu'il n'en serait toujours pas capable lorsque nous retrouverions Lucifer. Quelqu'un d'autre devrait le faire. Je priais de tout cœur que je n'aurais pas à monter au créneau.
Gabriel ne se préoccupa pas de mon absence de réaction et continua son monologue comme si je l'écoutais attentivement.
- Dans le plus grand secret, j'ai apposé une marque magique sur ces livres. Elle est assez puissante pour que rien ni personne ne puisse la dissimuler. Malheureusement, il faut être sur Terre pour pouvoir la sentir. De même, je ne pensais pas que les cinq livre seraient volés en même temps. S'ils sont tous au même endroit, ça sera aisé de les retrouver. S'ils ont été séparés, j'ai peur que leurs marques respectives ne se superposent et les rendent plus difficiles à localiser.
Mon cerveau fourmillait. Je ne pouvais pas parcourir la Terre. Pas alors que je ne parvenais pas à atteindre mon énergie. Je ne pourrais pas me protéger si je tombais sur un démon. Je n'aurais aucune chance. Et je ne pouvais pas envoyer Meriel. Il protégeait Declan et Ava.
- Je compte sur toi pour retrouver les livres.
- Hé ! Je n'ai rien accepté !
Sauf que la porte s'était déjà refermée derrière lui.
- Fais chier !
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NdlA : Et voilà ! J'ai encore fourré Rahel dans les ennuis ! Je suis horrible avec lui, pas vrai ? :p
Sinon, n'hésitez pas à me donner votre avis ou vos théories ! J'adore les lire !
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