Mes ailes avaient brûlé l'herbe sous elles lorsque je m'étais allongé. Je n'avais pas compté le nombre d'heures que j'avais passées debout mais était arrivé un temps où je n'eus plus d'autre choix que de m'asseoir. Mes jambes ne me tenaient plus. Michael n'avait rien dit. Il s'était contenté d'attendre. Je ne lui aurais pas cru une telle patience.

Le soleil était déjà couché lorsqu'il me relâcha. Je n'avais pas trouvé le centre de mon énergie, cet endroit que j'avais trouvé si facilement lorsque j'étais un ange. J'étais frustré mais Michael ne paraissait pas perturbé. Il me laissa devant mes appartementsavec un avertissement sur l'interdiction d'avoir des visiteurs, rien de plus. Comment un être avec un tel problème de gestion de la colère pouvait-il être aussi patient ?

Je poussai la porte de mes quartiers et me figeai. Meriel était étendu sur mon lit, les chevilles croisées et les mains sous la tête. Il ouvrit les yeux en entendant la porte s'ouvrir. Je refermai rapidement derrière moi pour que personne n'ait la chance de le voir.

Il se redressa, les yeux écarquillés. Il s'approcha lentement, u nair admiratif sur le visage, le regard rivé sur mes ailes.

- Tes ailes...

- Je sais. Je ne voulais pas des ailes des Trônes alors j'ai eu ça. Un peu voyant...

- Elles sont magnifiques !

Je rougis. Pourquoi ? Aucune idée. En tout cas, si j'en avais une, mon cerveau préférait que je la connaisse pas. Meriel s'arrêta devant moi et tendit la main. Je m'en saisis avant qu'il ne puisse effleurer mes ailes.

- Elles brûlent réellement.

- Oh.

Ses yeux descendirent le long de mon bras jusqu'à ma main qui tenait encore la sienne à hauteur d'épaule. Je le relâchai brusquement, surpris de réaliser que je ne l'avais pas lâché.

- Tu es le même sans vraiment l'être. C'est bizarre.

- Comment ça ?

- Tes ailes, tes yeux, ta peau... Beaucoup de choses ont changé depuis que j'ai été chercher Michael en catastrophe.

- Je peux comprendre pour mes ailes et mes yeux mais ma peau ?

- Elle est chaude. De nous deux, tu as toujours été celui qui était frais. Maintenant, ta peau est brûlante. C'est étrange.

- Ce n'est pas la seule chose qui a changé, soufflai-je.

Il inclina la tête, sa question silencieuse résonnant autour de moi. Je crispai mes mains l'une contre l'autre et fermai les yeux.

- Je ne trouve plus mon énergie. J'ai beau chercher, je ne la trouve plus. Je suis vide.

- Que dit Michael ?

- Qu'elle est ailleurs. Que je ne suis plus un ange donc que je ne peux pas m'attendre à être resté le même. Sauf que j'ai passé des heures à sonder chaque fibre de mon être sans rien trouver. Il m'a dit de continuer à chercher.

Les yeux de mon ami se perdirent dans le vide tandis qu'il réfléchissait. Je patientai en silence. Si quelqu'un pouvait avoir la réponses à mon problème, c'était lui. Son cerveau était capable de résoudre les obstacles les plus complexes.

- Je ne vois que deux possibilités, finit-il par dire. Soit ton énergie est dans un recoin que tu n'as pas pensé à explorer – ne me regarde pas comme ça, nous savons tous les deux que tu oublies souvent un détail – ou alors, ça a un rapport avec Raziel.

- Raziel ? Pourquoi ?

- Il tient ton rôle parmi les Trônes. J'ignore exactement comment cela fonctionne mais il est possible qu'il utilise une énergie qui devrait être la tienne. Je suppose que si c'était le cas, tu le sentirais.

- Je ne sens rien de particulier.

- Pas même un vide ?

- Non.

- Donc tu as de l'énergie. Il faut juste trouver où elle situe.

- J'ai cherché partout et je peux t'assurer qu'elle n'est nulle part.

- Je pense que tu refuses de la voir.

Il plaqua une main sur ma bouche pour m'empêcher de l'interrompre. Je le fusillai du regard ; il m'ignora.

- Tu as plus peur de devenir un archange que tu as eu de combattre le Diable. Il est possible que, inconsciemment, tu refuses de voir ta nouvelle puissance. Que tu la bloques, la dissimules.

Je demeurai silencieux, cherchant désespérément comment répondre ça. Il touchait un point sensible. Quant à savoir s'il avait raison... J'espérais que ça ne soit pas le cas. Il lui était arrivé de se tromper. D'accord, c'était parce qu'il n'avait pas eu toutes les informations. Il n'en demeurait pas moins que ça lui était arrivé.

- Il me semble que Hasdiel m'a parlé d'une technique de Vertu qui aide à sentir les énergies circuler dans un ange pour pouvoir les manipuler et le soigner. Elle ma déjà fait essayer. Je ne sais plus exactement comment il faut faire. Il faudrait que je lui demande.

- Si elle sait que c'est pour moi, elle ne t'aidera pas. Encore plus après ce qu'il s'est passé quand Michael est venu me chercher.

- Que s'est-il passé ?

Je lui relatai l'apparition de Hasdiel dans ma chambre, l'arrivée de Michael et sa réaction. Son regard s'assombrit.

- Avec de la chance, elle ne reviendra plus. Mais il est certain que ça me complique la tâche.

- Je doute qu'elle puisse te résister si tu lui demandes quelque chose. Elle est dingue de toi. Tu lui fais les yeux doux et elle te dira tout ce que tu veux.

Il roula des yeux.

- Merci de ne pas me rappeler ce détail. Et je n'irais pas lui faire les yeux doux, comme tu dis. Je fais de mon mieux pour lui faire comprendre que je ne l'aime pas et que je la supporte de moins en moins, je ne vais pas revenir sur mes pas. C'est mon amie. Aussi insupportable qu'elle soit devenue, je ne peux pas la manipuler en utilisant ses sentiments.

- Très bien. C'est toi qui vois. Mais si elle refuse de t'aider, comment tu vas faire ?

- J'aviserais. Je suis un espion. Je trouve toujours un moyen d'obtenir les informations dont j'ai besoin.

Je me sentis acquiescer d'un vague mouvement de tête. Le silence s'installa entre nous. Il semblait parfaitement à l'aise avec ce manque de conversation. Je l'étais un peu moins. J'avais besoin de remplir le vide.

- Comment ça se passe, avec Declan et Ava ?

- Plutôt bien. Declan a bouclé une nouvelle affaire et son site fonctionne encore mieux après l'affaire A Season In Hell. Il s'est trouvé quelqu'un, aussi. Raquel. J'ai vu l'un de tes petits Cupidons en action lorsqu'ils ont eu leur premier rencard.

La nouvelle me fit un drôle d'effet. J'étais content pour lui, c'était une bonne chose qu'il ait trouvé une femme avec qui partager sa vie. À part Ava, il n'avait personne. Avec l'affaire A Season In Hell, il avait perdu ses autres amis. Deux d'entre eux étaient morts, possédés par des démons. Les trois autres, avaient préféré prendre leurs distances avec lui. Ça n'avait pas aidé la solitude de Declan.

Toutefois, une sensation désagréable s'était logée au fond de mon estomac. Je refusai de me pencher dessus.

- Il demande après toi. Il a beau ne pas me voir, il sait que je ne suis pas toi. Sa sensibilité est incroyable. De même que son obstination. Il ne m'a pas laissé tranquille avant que je ne lui dise pourquoi je te remplace.

- Tu lui as dit que j'ai été rétrogradé ?

- Non. Je lui ai dit que tu as évolué. Que tu es monté en grade. Il m'a donné l'impression d'être fier de toi si ce n'est un peu déçu. Il a compris que tu ne reviendrais pas t'occuper de lui.

- Il fallait que ça arrive. Je ne redescendrais probablement jamais sur Terre. Je suppose que je dois me faire à cette idée aussi.

- Je te connais. Si vraiment tu veux descendre sur Terre, tu trouveras une excuse pour le faire.

Sa main vint se poser sur mon épaule. Je n'avais pas réalisé qu'il s'était rapproché. Je resserrai mes ailes dans mon dos pour être certain de ne pas le brûler par inadvertance.

- Cesse de voir ta nouvelle qualité d'archange comme une malédiction. Ça n'en est pas une. Elle t'ouvre plus de portes que tu ne l'imagines. Les Cieux ne feraient rien pour te rendre malheureux. Tu le sais. Ils ne font que ce qui est bon pour les anges. Si tu es devenu un archange, c'est que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi.

- Je suis devenu un archange parce que Cassiel était un enfoiré, rien d'autre. Les Cieux s'en moquent de ce que j'en pense. Que ce soit Dieu ou Bouddha ou je ne sais qui qui gère ce qu'il se passe ici, il s'en fout totalement. Il ne fait que ce qu'il veut. Il n'est pas mieux que Cassiel qui m'a fait tuer pour obtenir de moi que je fasse ce qu'il voulait.

- Tu ne devrais pas dire de telles choses. Que tu ne croies pas en Dieu est une chose mais blasphémer en est une autre.

- Parce que tu crois en Dieu ?

- Oui.

Il n'extrapola pas. Il ne me donna que cette réponse ferme et sans appel. Il n'était question de donner ses raisons pour croire. Il croyait, point barre. Venant de lui, ça ne m'étonnait pas. Il n'aimait pas parler de lui. Il ne m'avait admis être gay qu'à cause de Hasdiel et de son attitude insupportable. Ça n'avait pas été facile pour lui de gérer son secret, son amie et l'affrontement qui se rapprochait de jour en jour.

Je n'étais pas certain de ce qui l'avait fait parler. Nous étions sur un sujet totalement différent et, d'un coup, il m'avait avoué être gay. Il l'avait dit comme on énonce une menace, effrayé à l'idée que je sois contre. Sans compter que j'étais la première personne devant qui il avait prononcé les mots. Ça n'avait pas dû être aisé pour lui de me l'avouer. Toutefois, ça m'avait prouvé qu'il avait confiance en moi.

- J'ai toujours cru en Lui, reprit-il soudain. Ma foi est ce qui m'a gardé en vie aussi longtemps. Dieu m'a protégé jusqu'à ce qu'Il sente qu'il était temps pour moi de rejoindre les Cieux. Au début, je Le priais pour qu'Il efface ce péché de moi. Il ne l'a pas libéré de mon homosexualité mais Il m'a protégé des gens autour de moi, Il m'a aidé à garder ce secret. Plus que tout, Il m'a aidé à m'accepter. Contrairement à ce que certains croient, Dieu accepte tout le monde tel qu'il est, sans faire de différence. Il est miséricordieux. Beaucoup de croyants ont tendance à l'oublier.

Je ne sus que répondre à une telle déclaration. Je pouvais sentir sa ferveur dans chaque mot. Sa foi était profonde. Il ne m'était jamais apparu comme un croyant et pourtant, c'était ancré en lui.

Je ne pouvais pas partager son sentiment mais sa foi me fascinait. J'aurais aimé pouvoir croire aussi fort en quelque chose. Savoir qu'un être omniscient et tout-puissant était derrière moi, croyait en moi, était avec moi à chaque seconde.

Sauf que je ne le pourrais jamais. À part si je le voyais de mes yeux, je ne pourrais jamais croire en lui.

- Ça te dérange ?

- Non. Je ne sais pas quoi dire, c'est tout. Que tu sois ci ou ça... Je m'en moque. Ça ne change rien. Je me demande juste ce que ça fait. D'avoir la foi. Je crois en l'Univers, en un lien entre toutes les choses mais de là à dire que j'ai foi en l'Univers... Il y a un gouffre. C'est plus comme croire à un concept abstrait. Rien de transcendant.

- Chacun ses croyances personnelles. Si les choses te conviennent telles qu'elles sont, c'est que c'est ce qui fonctionne pour toi. Pour moi, vivre sans croire en Dieu serait un calvaire.

Il se leva et dégourdit ses ailes. Il ouvrit la bouche pour parler mais il ne put sortir le moindre son. Des sirènes se mirent à hurler à travers tous les Cieux, assourdissant. Les Chœurs Célestes. Nous avions un problème.

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NdlA : Et encore un nouveau chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu ! D'après vous, que se passe-t-il ?

Votre confinement se passe bien ? Vous ne vous ennuyez pas trop ? Personnellement, j'ai hâte de reprendre le travail, même si je pourrais moins écrire. J'en ai marre des quatre murs de ma maison ! En plus, mon chien ne coopère pas quand vient le moment de ses balades. Monsieur n'est pas ravi qu'on ne puisse pas faire ses grandes balades de d'habitude !

Niveau écriture, vous serez ravies d'apprendre qu'il me reste un chapitre ou deux à écrire avant d'avoir terminé COLD DAYS IN HEAVEN ! J'en vois enfin le bout ! Après presque un an de travail ! J'ai commencé à l'écrire le 31 mai 2019 ! Vous imaginez ?

Allez, on se voit au prochain chapitre !