Comme à mes habitudes, je rentre à l'intérieur du wagon bondé. Je resserre plus fermement mon téléphone dans ma main. J'augmente la musique dans mes oreilles. J'essaie de ne pas avoir de contact avec les autres. Je tente de me concentrer sur la mélodie du piano. Le rythme est lent pour le moment. Ma respiration ne s'emballe pas encore avec le stress autour de moi.

Au bout d'une dizaine de minutes, je sors du wagon. Je me dépêche pour sortir du métro bien trop rempli à mon goût. La rue, ce matin, a une odeur étrangère à celle de d'habitude. Je m'approche rapidement du café dans lequel je travaille. Les volets encore fermés, la lumière pénètre faiblement donnant un air paisible ici.

Je pose mes affaires dans les vestiaires. Heureusement qu'on est que deux baristas. Je retire ma veste et la dépose dans le coin du banc pliée en deux. Je retire mes écouteurs et met la musique sur les haut-parleurs de mon téléphone. La porte s'ouvre tandis que j'enfile mon badge de travail.

— Bonjour Chan, comment vas-tu aujourd'hui ? me questionne Jungkook comme à l'accoutumée

— Je suis perplexe, l'odeur de la rue diffère par rapport à d'habitude. Ils font des travaux ?

— Je ne sais pas, je vais demander ce midi. Aujourd'hui, c'est La Lettre à Elise que tu écoutes ?

— Oui

— Quoi de mieux pour commencer le lundi, tu ne crois pas ? Écouter sa musique tout en allant travailler, tu as fait quoi ce weekend ?

— J'ai écouté mon vinyle de Vivaldi

— Les 4 Saisons que tu écoutes habituellement ? Ou un autre

— Celui de d'habitude

— Moi, je suis sorti avec mon ami Namjoon, on est allés dans un musée. Tu as déjà été dans un musée ?

— Non cependant j'aimerais bien y aller un jour. Je n'aime pas les personnes, déjà que prendre le train est un calvaire quotidien et que travailler est difficile par moment. Je ne peux pas me permettre d'aller visiter un musée

— Je comprends Chan, cela ne doit pas être facile tous les jours. Je vais ouvrir, tu peux aller mettre la musique sur les haut-parleurs du café pour l'instant. Que dis-tu de mettre La Flûte Enchantée aujourd'hui ? Pas trop fort mais assez pour qu'on entende un minimum

— D'accord

Je sors de la pièce et me dirige vers le bureau se situant plus loin dans l'arrière boutique. J'allume l'ordinateur et je télécharge rapidement l'opéra de Mozart avant de le mettre en boucle, d'un volume faible, sur les haut-parleurs du café.

Jungkook est probablement la seule personne, à l'exception de ma famille, à me traiter normalement malgré ma différence. C'est une personne loquace et agréable à côtoyer. Je le considère de la même manière que si c'était mon ami. Ou peut-être l'est-il réellement ? Je ne le sais point étant donné que je n'ai jamais eu la bonne fortune d'avoir une quelconque amitié avec les autres.

L'air de l'ouverture de l'opéra envahit délicatement mon lieu de travail. Je ressors de la pièce et rejoins Jungkook. Aujourd'hui, il porte des lunettes. Je ne savais pas qu'il avait des problèmes de vue. Ou alors c'est récent et je ne m'en suis pas rendu compte même si cela m'étonnerait.

— Tu portes des lunettes depuis quand Jungkook ?

— Toujours mais usuellement, je mets des lentilles au travail. Sauf que j'ai perdu une des deux lentilles vendredi soir. Donc je mets mes lunettes à présent. Je l'ai porté déjà samedi mais tu ne travailles pas ce jour

— Je comprends alors, tes lunettes te vont bien. Tu parais encore plus jeune que d'habitude

— Merci Chan, tu veux un café ? me propose-t-il

— Non merci, je vais me servir de l'eau

— Laisse, je vais le faire

— Ne t'inquiètes pas Jungkook, pour le moment tout va bien

Je prend un verre et le remplit d'eau tandis que mon compagnon se fait un expresso.

— Je te laisse faire alors. Cet après-midi, il y a le patron et son fils qui viennent. Tu ne l'as pas encore rencontré dans mes souvenirs. Je ne sais plus comment tu as été embauché ici

— C'est la première fois que je vais le voir. C'était Park Jinho dans mes souvenirs. Il avait presque 60 ans. Il doit être à la retraite à présent

— Cela fait longtemps qu'il ne nous a pas donné de nouvelles. Je vais appeler sa maison de retraite pendant ma pose

La porte s'ouvre sur une jeune femme ayant probablement la vingtaine depuis peu et un petit garçon qui doit avoir cinq ou six ans tout au plus. On les salue. Ils s'installent dans le coin du café où se situent des grands classiques du monde littéraires de manières mondiales tout comme des œuvres purement coréennes.

— Monsieur ? nous interpelle la cliente

— J'y vais Jungkook, profite de ton expresso

— Merci bien

Je me dirige vers ma cliente.

— Bonjour, j'aimerais bien un petit chocolat chaud et un moka glacé s'il vous plaît

— Bien, ça sera tout ?

— Est-ce que vous avez des biscuits s'il vous plaît

— Oui, je vous en ramène

— Merci bien, si vous avez au citron, cela sera parfait

— Bien madame, on s'occupe de vous

Je retourne vers Jungkook et commence à préparer le moka.

— Tu peux faire du chocolat chaud Jungkook ? C'est un petit chocolat

— Bien sûr

— Dit, on a des biscuits au citron ?

— Toujours, quand j'aurais terminé, je vais les chercher

— Merci Jungkook

Au bout de cinq minutes, je me dirige vers ma cliente avec le chocolat, le moka et les biscuits au citron.

— Merci beaucoup monsieur, est-ce que je peux vous demander un service

— Bien sûr

— J'ai un rendez-vous bientôt et je ne peux pas prendre mon frère avec moi. Est-ce que vous pourrez le surveiller s'il vous plaît

— Je vais voir avec mon collègue tout de suite

— Merci

Je me dirige vers Jungkook qui lave sa tasse.

— La dame nous demande de surveiller son frère pendant son rendez-vous. C'est possible ou non ?

— Je vais lui demander des détails, normalement on peut

Il pose la tasse encore humide. Je l'observe s'essuyer la main sur son tablier, remonter ses manches et partir voir notre cliente. Il revient au bout de quelques minutes.

— On devra le surveiller environ une heure. Il s'appelle Chinhae, il n'aime pas être déranger et si il a besoin de quelque chose, on peut lui donner. Elle nous payera après

J'acquiesce. Jungkook repart avec notre cliente. La porte s'ouvre sur deux étudiants. Celui de gauche rentre nonchalant tandis que son ami, plus petit, pénètre joyeusement dans le café. Ils s'installent à la table du fond, à côté de la fenêtre. Je me dirige vers eux.

— Bonjour, que voulez-vous prendre ?

— Un iced chocolate pour moi s'il vous plaît, commande l'enjoué

— Pour moi, ça sera un iced americano, continue son ami

— Je note ça, je reviens

Je pars préparer les deux boissons glacées. Au bout de dix minutes, je repars vers eux avec leurs boissons.

— Je me suis inscrit dans une salle de sport comme je te l'avais promis, prononce d'une manière enthousiaste le joyeux alors que j'arrive à leur table

Je dépose les deux boissons et repars aussitôt. Je déteste interrompre une discussion. Cela me gène énormément. Je ne sais jamais comment bien réagir. La première cliente part. Je m'installe sur un tabouret tout en observant le café quasiment vide. Jungkook revient au bout de deux minutes, tout en gardant un œil sur le petit.

— Heureusement qu'il n'y a pas beaucoup de monde ce matin, souffle Jungkook tout en s'asseyant à mes côtés

Je ne dis rien, je ne sais pas quoi répondre. On ne se parle pas mais cela ne nous dérange pas, du moins cela ne me dérange pas particulièrement. Chinhae s'approche de nous, timidement.

— Toilettes, prononce-t-il tout simplement

— Je m'en occupe. Tu viens Chinhae ? dit Jungkook en tendant sa main à l'enfant

Etrangement, il ne la prend pas. Jungkook ne fait pas de remarque et se dirige avec le petit garçon jusqu'aux toilettes. Les deux autres clients arrivent vers moi.

— C'est pour payer, dit le nonchalant

— Tu devrais être plus poli Seungmin, si Jisung était là, tu serais déjà bien plus aimable ! s'exclame presque son ami

Le dénommé Seungmin se mit à rougir.

— Cela fera 9933.96₩ (7,01€)

Le rouge sort un billet de dix mille won et me le donne.

— Vous pouvez garder la monnaie. Jeongin, tu paies la prochaine fois

— Au revoir, salue simplement le dénommé Jeongin

Jungkook revient avec le petit.

— Ils sont déjà partis ? me questionne-t-il

— Tout juste, je vais débarrasser