3.

Le cœur de Kyo manqua un battement. Il ferma les yeux l'espace d'un instant dans l'espoir de voir disparaître tout ce qu'il refusait d'admettre. Un son strident résonnait toujours à ses oreilles et il pouvait déjà entendre les bruits de pas précipités tout proche de lui. L'urgence déployait son affreuse silhouette dans le creux de son esprit.

Faut que je me tire d'ici !

Il reprit sa course, le danger omniprésent occultant la douleur aiguë de ses membres. Le couloir demeurait désert pour le moment, mais il savait plus que quiconque que les gardes ne tarderaient pas à l'investir. L'adrénaline lui octroya un nouveau souffle et remplaça habilement la conviction là où l'instinct prenait le relais sur les actes raisonnés.

L'échappé ouvrit une porte qui se dressait devant lui puis une deuxième. Il tâcha de se rappeler, même dans la précipitation, du plan de la forteresse qu'il avait minutieusement mémorisé. La respiration irrégulière, une douleur vint lui vriller les poumons ainsi que toutes les parties de son corps que l'effort torturait. Chaque pas éveillait une nouvelle souffrance et pourtant, pour rien au monde il n'aurait ralenti. Il jouait son dernier espoir, son ultime chance de survie.

Allez, allez, allez ! Tu peux le faire !

Des sons s'élevèrent et Kyo reconnut notamment des ordres lancés à la hâte. Malgré tout, il s'agissait bel et bien des battements déchaînés de son cœur qui vrillaient ses oreilles. Son objectif de sortir en un seul morceau de cet enfer ne l'avait pas quitté, il se faisait seulement moins réel, moins certain. Un simple rêve que des êtres sans pitié entraveraient sans le moindre état d'âme.

Tu peux encore y arriver !

Soudain, les cauchemars que la nuit faisait et défaisait lui revinrent. Ces images créées par les émotions qui le rendaient prisonnier. Il se souvint de l'agresseur anonyme qui le poursuivait, mais aussi de la finalité de cette fuite : sa propre défaite.

Les couloirs se multiplièrent presque vierges de toute issue. Si bien que le jeune homme crut un instant avoir perdu son chemin dans l'urgence de son évasion. Un véritable labyrinthe se peignait à son regard. Les murs grisâtres collaient à la peau de cet être en quête de liberté et qui, pour cela, n'hésitait pas à donner un coup de pouce au destin.

Un destin, ça nous tombe pas dessus, ça se provoque et se mérite.

Des escaliers se matérialisèrent devant lui, comme par miracle. La sortie de secours de la prison de Madélor. Peu de détenus connaissaient son existence et encore moins étaient capables de s'y rendre. Kyo put remercier sa mémoire hors pair et son sens de l'observation aiguisé. Ces qualités venaient de lui sauver la vie et de lui servir un nouvel espoir de quitter les lieux sans dommages.

Il descendit les marches en acier si vite qu'il manqua plusieurs fois de les dévaler.

N'empêche que ça aurait été plus efficace.

Arrivé au sol, il s'accorda un bref moment pour observer les alentours. Juste à côté de l'établissement, un vaste bois s'étendait sur des centaines de kilomètres. La forêt de Farétal qui bordait la prison en faisait aussi sa spécialité en rendant l'évasion toujours plus ardue. Les chasseurs de prime et les gardes se réservaient le privilège de retrouver la trace des rares fugitifs. La réputation de Madélor ne pouvait être salie, ce qui expliquait pourquoi cette tâche en plus de se révéler efficace, ne tardait jamais à être remplie. Un travail propre qui ne laissait aucune chance aux plus téméraires.

Cet instant d'inattention coûta cher à Kyo puisqu'une voix étonnamment puissante le tira de sa rêverie :

— Le prisonnier sort par l'issue de secours ! Prévenez les gardes à l'avant !

Le malheureux pivota sur lui-même, rencontra le regard acéré de son interlocuteur avant de comprendre son erreur.

Putain, c'est vraiment pas ma veine !

— Prisonnier K., arrêtez-vous immédiatement ou je vous abats sur-le-champ !

Le dénommé haussa un sourcil, provocateur sans même en avoir conscience. Son expression neutre se voyait à peine perturbée par cette volonté étrange. Encore un acte qu'il regretterait sûrement.

— Arrêtez-vous, vous savez que je n'hésiterai pas un instant.

— Ça changera quoi ? Allez, vous pourrez toujours dire aux autres que je suis mort si vous n'arrivez pas à m'arrêter. Faudrait pas que votre réputation en prenne un coup à cause de moi, ça serait trop dommage.

Le garde, un homme immense, toisa froidement le prisonnier, pris d'une envie de lui faire ravaler ses paroles. De le détruire comme un être tel que lui le méritait. Les mots restèrent bloqués dans sa gorge devant la répartie du célèbre meurtrier, redouté et redoutable.

— Allez, dites au revoir à Madélor de ma part. Moi, j'ai eu ma dose !

— P'tit merdeux !

L'insulte glissa littéralement sur Kyo qui reprenait sa course. Devant lui se dressait la forêt d'une magnifique couleur verdoyante et il pouvait sentir le soleil réchauffer sa peau. Il ne laisserait personne lui retirer cette joie simple, mais salvatrice.

Saluez une dernière fois Viktor de ma part.

La rage consuma le garde qui dégaina la seule arme qui lui permettrait d'abattre le fugitif à une pareille distance : un arc. Il banda la corde et pointa la flèche sur la silhouette en mouvement du prisonnier. Il visa longuement, les pas de ses collègues s'approchant déjà de lui. Il devait faire vite ou il serait trop tard. Il ne devait plus hésiter et accomplir son devoir sans égard pour cette vie qui criait encore son indépendance. La corde se détendit brusquement et la flèche fendit l'air dans un sifflement muet.

La pointe cueillit Kyo dans sa course et il vit la douleur sourde enfler prodigieusement avant même de comprendre ce qu'il venait de se produire. Une décharge électrique se rependit alors vers l'ensemble de son organisme, prenant comme point de départ son épaule. Un faible gémissement s'écoula d'entre ses lèvres, une plainte sincère dans le silence irréel. Il trébucha et prit conscience de ce qu'il venait tout juste de perdre.

C'est un cauchemar. Non, c'est le cauchemar.

Les soldats virent tout clairement le corps de l'homme rencontrer le sol et la tâche vermeille s'étendre sur le tissu rayé de bagnard. Un sourire étira même les lèvres fines du tout premier garde, fier d'avoir atteint son illustre victime. Cette dernière se situait à plusieurs dizaines de mètres, à l'orée de la forêt et tout proche de son objectif. Un bu vacillant qui venait de s'éteindre.

Merde, ça fait un mal de chien !

Péniblement, il se redressa. Il ne pouvait ignorer la douleur intolérable qui le clouait à terre. Son regard humide accrocha les arbres centenaires qui se dressaient majestueusement devant lui. Allait-il réellement perdre si près du but ?

Il m'a vraiment eu, cette fois.

D'une main incertaine, il se contorsionna et tâta précautionneusement la blessure. Le liquide visqueux enduit ses doigts en un instant et lui arracha une grimace. Il n'aurait pas pu imaginer pire scénario que celui qui se jouait de lui et qui anéantissait les possibilités avant même qu'elles ne l'atteignent. Les désillusions heurtaient sans pitié son corps malmené et meurtri.

Les soldats observaient la scène sans éprouver la moindre once de culpabilité. Les émotions avaient déserté ces individus qui ne songeaient qu'à servir leur cause et à récolter la somme à la hauteur de leur exploit. L'un d'eux, probablement le plus jeune, se tourna vers les autres et s'enquit, visiblement incertain :

— Est-ce que l'on ne devrait pas y aller ?

L'aîné, celui qui avait tiré et dont le rictus identique à tantôt ornait les lèvres, épousait la scène du regard. Ses traits hurlaient l'indifférence tandis que ses yeux transmettaient une incompréhensible fierté. Il répondit, dans le plus grand calme :

— Non, ce n'est pas la peine. Les autres s'en occuperont, ils arrivent de l'entrée principale.

Devant le manque de coopération de ses semblables, il ne put s'empêcher d'ajouter, exaltant de vive voix sa jubilation :

— Le prisonnier n'est plus un problème. Il n'ira pas loin. 


Les choses ne se passent jamais comme prévues.

La situation de Kyo est pas très enviable à ce stade et il est mal parti. Son évasion s'était plutôt bien passée jusque là, mais il fallait bien que ça dérape. 

Le prochain chapitre verra l'apparition d'un nouveau personnage. Je vous laisse à vous pronostics : fille ou garçon ? Gentil(le) ou méchant(e) ? Qu'imaginez-vous pour ce personnage ? 

N'hésitez pas à votez, commenter et vous manifester de toutes les manières possibles. Ça me fait extrêmement plaisir sachant qu'il est toujours difficile de poster une nouvelle histoire. Je compte donc sur votre soutien :3

Kiss ~ 

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