Chapitre 3
Le lendemain matin, Julie avait repris ses esprits. Le nouveau était certes mignon, mais elle en avait fait tout un plat et il ne le méritait pas. A peine eut-elle fini son petit déjeuner que ses deux petits frères, ces terreurs, se précipitèrent dans la cuisine en hurlant. Ils avaient neuf et dix ans et se ressemblaient tellement qu'on aurait dit des jumeaux. On ne pouvait presque pas les séparer et ils renouvelaient sans cesse leur stock de bêtise. Leur activité favorite consistait à embêter leur grande sœur. Alors que Julie voulut partir vers sa chambre, le premier se jeta dans ses bras, mimant une vive envie de lui faire un câlin, tandis que le deuxième s'amusait à tenter de la chatouiller. Elle hurla, d'abord de rire, puis après les maitrisa comme elle put pour qu'ils la laissent tranquille. Avec des frères pareils, elle avait développé des techniques dignes d'un ninja pour s'en débarrasser. Mais ils grandissaient et ils étaient deux. Il faudrait qu'elle pense à demander à Emeric si elle pouvait venir avec lui s'entrainer. Et puis, c'était quand même bien badass de savoir se battre.
Julie arriva au collège avec cette idée. Mais avant même qu'elle puisse dire quoi que ce soit, ses amis se mirent à la charrier.
— La princesse est arrivée, où se trouve le beau prince Thibault ? s'exclama Célia.
Ses joues rosirent légèrement puis elle donna un coup de hanche à sa meilleure amie, la faisant chanceler. Célia était petite et très fine, alors que Julie avait vu ses hanches et son buste se développer depuis un an. Elle ne les acceptait pas encore tout à fait, mais ses formes étaient bien utiles pour mettre Célia en difficulté quand il s'agissait de combat physique. Par contre, se battre contre Emeric était une toute autre affaire. Elle lui jeta un coup d'œil alors qu'il faisait le pitre pour dérider Aurore.
Grand, il arborait fièrement des cheveux roux flamboyant qu'il ne coiffait jamais. En outre, il commençait à gagner en masse musculaire et il paraissait bien plus vieux que ses quinze ans. Unique garçon dans le groupe de fille, on aurait pu croire qu'il n'était pas à sa place. Mais Emeric adorait ses amies : loin des langues de vipères des filles et garçons populaires, elles l'acceptaient tel qu'il était. Et il adorait les taquiner, en particulier Aurore, avec qui il était ami depuis sa plus tendre enfance.
— Bonjour à tous, couina une petite voix.
Julie sourit et claqua la bise à Inés. La nouvelle venue salua tout le monde puis resta un peu en retrait, observant la scène de ses yeux verts pétillant. Elle parlait peu, mais observait beaucoup. Parfois, Julie se demandait ce qu'Inés pouvait bien penser.
— Ça va Inés ? s'enquit-elle.
— Oui, oui, et toi ?
— Très bien. Tu as fait quoi hier soir ?
— Pizza et film. Papa et maman sont encore rentrés tard de leur boulot.
— La chance ! s'exclama Célia. J'aimerais bien qu'ils me foutent la paix, mes parents.
— Oh arrête, les tiens au moins acceptent que tu te maquilles, répliqua Julie en pensant à son mascara tout sec.
— C'est vrai, mais ça c'est parce que moi, au moins, je sais me maquiller.
Un éclat de rire secoua Célia et Inés, tandis que Julie faisait mine de vouloir, encore, se battre. Elle brandit son poing dans les airs et prit un air mélodramatique.
— Tu me le payeras un jour, espèce de réplique ratée de Kim Kardashian !
— Heureusement que j'en suis une ratée, elle est vraiment moche cette meuf.
— Bah tu l'es encore plus, surenchérit Julie.
— Et toi, tu es la reine des réparties nulles, s'esclaffa Aurore qui avait fini par fuir Emeric.
— Le monde est contre moi, fit mine de pleurer la blonde.
— Mais non, moi je te soutiens, dit Emeric en posant sa main sur son épaule.
Julie tira alors la langue à Célia, qui continuait à ricaner. Ce fut ce moment-là que choisit la cloche pour sonner. Julie voulut continuer à bouder son amie, mais Emeric s'était déjà installé près de Thibault, l'ignorant totalement. La jeune fille le foudroya des yeux. Non seulement il la laissait aux mains impitoyables de sa meilleure amie, mais en plus il s'installait sciemment à côté de son crush ! Cela ne lui disait rien qui vaille. Mais elle n'avait pas le temps d'y réfléchir plus, car le cours de mathématiques avait débuté. Et les mathématiques, ce n'était pas son fort.
Après deux heures interminables d'opérations, mais surtout de gribouillages dans les marges de son cahier, la pause fut bienvenue. Pas un seul instant Julie n'avait décoché un regard vers Emeric et Thibault. Elle ne voulait plus avoir l'air ridicule devant ses amis, et redoutait ce qu'avait pu raconter Emeric au nouveau. Quelle ne fut pas sa surprise quand Célia et elles rejoignirent leur groupe : Thibault était là et discutait avec Inés !
— Ah vous voilà enfin ! s'exclama Emeric, tout sourire. Vous aimez à ce point les maths ?
— La ferme, marmonna Julie, définitivement mal à l'aise.
— Je vous présente Thibault, il est nouveau et dans notre classe, continua le roux comme si de rien n'était. Vous avez sans doute dû le remarquer !
Célia mit sa main devant sa bouche pour retenir le furieux fou rire qui la secouait. Aurore souriait de toutes ses dents et Inés remettait ses lunettes rondes en place et tentait, vainement, de se cacher derrière ses longs cheveux bruns pour éviter le regard de Thibault. Julie, elle, hésita un instant entre bouder, se mettre en colère, ou tenter de se décontracter un peu.
— Oui, finit-elle par admettre. Tu es le nouveau qui aime les BDs, c'est ça ? tenta-t-elle de dire, mais sa voix avait pris une intonation curieusement aigüe.
— Tout à fait, j'adore les Légendaires, et sinon je lis des mangas. L'attaque des Titans, tu connais ?
— Je connais, et j'adore les deux ! Je rêve de faire partie du bataillon d'exploration !
Oubliant toute sa timidité, Julie parla avec Thibault durant toute la pause des Titans, disputant son opinion sur qui de Eren, Mikasa et Livaï était le plus puissant. Le garçon était un fan inconditionné de Mikasa, mais Julie préférait de loin Livaï. Tout le monde savait qu'il était le meilleur ! Ce ne fut que lorsque la cloche indiqua la fin de la récréation que Julie remarqua que ses amis l'avaient lâchement abandonnée à son sort. Elle ne leur en voulait pas. Le tête à tête avec Thibault lui avait donné des frissons, et rien que le souvenir de sa voix grave et douce, ses cheveux en bataille et ses yeux pétillants derrière ses lunettes la faisait rougir.
De retour en cours, de français cette fois, Célia lui secoua le bras.
— Vous étiez très mignons tous les deux, dis donc ! murmura-t-elle en pouffant, le brouhaha ambiant voilant sa voix aux oreilles du professeur.
— Roooh, ça va hein ! T'étais pire avec Ed'.
— Oh m'en parle pas ! C'était d'un ridicule ! Mais là, on parle de toi. C'est quoi la prochaine étape du plan ?
— Il n'y en a pas, imagine qu'il me trouve envahissante avec mes BDs et mes mangas ! Je l'ignore, on en reste là.
— Quoi ? Tu te fous de moi ?
La mine catastrophée de son amie la fit sourire, mais elle ne démordrait pas. Il n'y avait guère que ses amis pour la supporter au quotidien ! Et Julie ne voulait pas effrayer la première personne qui lui plaisait. Avant qu'elle ne puisse l'expliquer à sa meilleure amie, la main de leur professeur s'abattit avec violence sur son bureau.
— Taisez-vous ! ordonna M.Atlade.
Aussitôt, un bruit de mort s'installa dans la salle de classe. Julie regarda en direction d'Emeric, qui semblait d'un coup trouver le plafond passionnant. A la place, elle rencontra le regard brun et chaud de Thibault, qui lui adressa un sourire rassurant. Aussitôt, elle se détourna pour cacher le rouge qui montait à ses joues.
— Toi, continua le professeur en désignant la dénommée Eugénie. Tu changes de place avec Emeric. J'en ai marre d'entendre vos deux voix !
Eugénie se leva, l'allure haute et fière. Elle récupéra ses affaires, puis aperçut sa nouvelle place, abandonnée par un Emeric agacé. Aussitôt, un sourire éblouissant, adressé à Thibault, s'épanouit sur ses lèvres rosées. Un sentiment de haine incontrôlable s'empara de Julie, tandis qu'Eugénie ramenait sa chevelure châtain parfaitement coiffée en arrière. De ses cils réhaussés d'un trait d'eye-liner noir à ses ongles manucurés avec grand soin, elle était indéniablement jolie. Et ça, ce n'était pas bon. Pas bon du tout.
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