trois

Même si je n'arrive pas à croire que je suis bien devant cette vitre, et que je l'observe depuis dix minutes, je ne peux nier le fait que malgré la colère qu'il a éveillée en moi, je ne peux m'empêcher de penser à lui. J'ai cette impression que je n'ai pas droit de le laisser partir loin de moi. Que je dois le retenir, même si c'est un parfait arrogant.

Je frisonne, mon souffle s'échappant de ma bouche dans une couleur blanche. Si je continue à le fixer comme ça, je vais finir par tomber malade. Et je ne peux tomber malade, car j'ai un partiel dans une semaine. Et puis c'est ridicule de rester plantée là, observant un garçon comme une détraquée sexuelle.

Mais en même temps c'est si improbable qu'il puisse exister en vrai! Je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il est bien à quelques mètres de moi, fait de chair et d'os comme moi.

Je me rappelle cette douce musique qu'il me jouait alors que ma tête reposait sur son épaule, regardant ses longs doigts fins voyager le long des touches du piano. Je n'arrivais pas à voir son visage, mais je savais que c'était lui. Il est le seul qui hante mes nuits après tout. Malheureusement, mon réveil m'avait une nouvelle fois arrachée de ce merveilleux rêve. Et maintenant que je sais qu'il existe réellement, je ne ressens plus cette douleur quand je me réveille, car je sais que je peux, sans doute, vivre cela dans la réalité. Il suffit juste que je m'en donne les moyens.

Mais pour l'instant, je dois rentrer pour réviser.

Je m'autorise une dernière minute de contemplation, durant laquelle son regard croise le mien. Je suis tellement chamboulée par le délicieux picotement que cela éveille au creux de mon ventre que je réagis que quelques secondes après ce contact visuel. Je m'écrase contre le sol enneigé, mes mains nues plongeant dans la neige froide, me cachant comme un chaton effrayé.

" Merde. " me dis-je à moi-même.

Je grimace et cherche une échappatoire. J'ai sans doute l'air ridicule à quatre patte ainsi dans la rue, mais je serai plus ridicule si jamais je me relève comme si je n'avais jamais rencontré son regard.

Je décide de rester dans cette position, avançant dans le sens contraire pour fuir sans qu'il ne puisse le voir. Je suis presque arrivé à la fin de la vitre du café quand sa voix masculine m'interpelle.

" C'est une nouvelle technique de camouflage? "

Je lève les yeux au ciel, déjà agacée par ses remarques idiotes. Je me redresse ensuite, frottant mon jean noir pour ôter la neige. Je passe une main dans mes cheveux pour les replacer correctement, cherchant en même temps ma dignité que j'ai laissé tomber par terre.

Après avoir souffler un bon coup, je me retourne et lui fais face. Je suis bouche bée par le charme qu'il dégage et la beauté dont il est doté. Mais rapidement, un poids sur mon crâne se fait sentir, et des morceaux de neiges tombent le long de mes cheveux. Je réalise avec effroi qu'il vient de m'écraser une poignée de neige sur la tête comme ci nous étions deux amis de longues dates. Ce que nous ne sommes pas.

" Là, tu es mieux camouflée. " dit-il, avec un léger sourire.

Je voudrais lui sourire aussi, mais je suis bien trop en colère pour le faire. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est maladroit ou si il est simplement débile, mais il fait tout pour que je le déteste. Il a oublié ses bonnes manières dans sa douche ce matin, ou quoi?

D'un coup de main, je chasse la neige de mes cheveux, lui jetant un regard mauvais qui fait disparaitre son si joli sourire. Et malgré toute la colère que je ressens envers lui, son sourire me manque déjà. Si bien que j'en viens presque à regretter mon geste. Presque.

Je fais volte face et reprends ma marche, sans lui adresser un regard. Le bruit de mes pas s'enfonçant dans la neige résonnent. Et je me mets à prier intérieurement qu'il ne me laisse, lui aussi, pas partir.

Quatre. Cinq. Six.

Quelques pas de plus et je serais trop loin de lui, pour que cette prière se réalise.

Sept. Huit.

" Attends! " sa voix crie.

J'ai à peine le temps de me retourner, que sa main agrippe déjà la mienne. Je fournis un effort surhumain pour ne pas sourire de joie en le voyant devant moi, les joues rosies par le froid.

Sa main est chaude malgré la température hivernale. Elle est à la fois douce et rugueuse. Je peux distinguer quelques cicatrices sur ses phalanges, ce qui attise ma curiosité.

" Ta main est gelée. "

Je fronce les sourcils, prenant ses paroles comme un autre reproche. Je tente de retirer ma main, mais il la retient dans la sienne.

" Non, attend. Ce n'était pas un reproche, mais une simple constatation. " s'explique-t-il.

Quand il remarque que ses paroles me rassurent, il esquisse un autre sourire que je suis heureuse de retrouver. Je manque de rougir, et tourne la tête légèrement mal à l'aise.

" Vas-tu me tenir la main longtemps comme ça? " demande-je.

Son sourire s'intensifie alors qu'il lâche ma main.

" Oh, ouais. Excuse-moi. "

Je plonge ma main dans la poche de mon manteau, sentant encore la pression de ses doigts autour de celle-ci, malgré qu'il ne la tienne plus.

" Je voulais, avant que tu partes comme une voleuse, te proposer de rentrer dans le café pour boire..., eh bien, un café? " dit-il en se grattant nerveusement l'arrière de sa nuque.

J'analyse ses gestes, cherchant le piège caché, mais tout me semble sincère et bienveillant.

" Tu comptes me jeter de la neige encore dessus? "

Il esquisse un sourire. " Non. Sauf si tu me le demandes. "

" Ce qui n'arrivera pas. " complête-je.

Ses yeux m'interrogent du regard, mais j'aime le fait de le faire attendre ma réponse.

" Je veux un chocolat chaud avec quatre guimauves blanches sur le dessus. " dis-je en faisant exprès d'être exigeante.

" Pas de problème! " Il se retourne pour avancer, mais repivote vers moi. Il se penche en avant, tendant son bras vers le café. " Après vous mademoiselle. "

Je ne peux m'empêcher de sourire comme une idiote face à sa réaction, que je trouve tellement adorable. Il veut sans doute se rattraper de la dernière fois. Et cette idée me réchauffe le coeur, car cela veux dire qu'il n'est pas aussi mauvais qu'il essayait de me faire croire.

Nous entrons dans le café, et il m'indique une table où m'installer. Celle-ci se trouve près de la fenêtre et dispose d'une banquette et de deux chaises. Je m'assis sur la banquette en cuir marron, près de la fenêtre pour regarder les passant marcher dans la rue.

Après quelques minutes, il revient avec mon chocolat chaud. Il le place devant moi avec précaution, et je vois que mes guimauves ne sont pas présentent à la surface.

" On n'avait pas de guimauve alors je t'ai mis un peu de ses choses colorées, car je trouvais ça joli. " se justifie-t-il.

J'esquisse un sourire, amusé par l'attention qu'il a envers moi. J'encercle la tasse de mes deux mains, profitant de la chaleur que ma boisson dégage pour les réchauffer. Puis, je soulève la tasse et souffle sur le chocolat chaud, avant d'en prendre une gorgée.

Ses grands yeux ne me quittent pas, et pendant une seconde, j'ai l'impression qu'il me regarde avec amour, mais cette petite étincelle s'évapore dès qu'il détourne son regard pour prendre une serviette et me l'a donner.

" Merci. " dis-je en prenant la serviette blanche.

Il ne bouge pas, restant assis devant moi, comme si nous étions venus boire un café ensemble. Cette optique fait chavirer mon coeur, espérant qu'un jour on puisse le faire.

" Tu ne dois pas aller travailler? "

" Je suis en pause. "

" Oh. "

Je prends une autre gorgée de ma boisson chaude.

" Pourquoi? Tu veux que je te laisse seule? "

" Non! " m'exclame-je bien plus fort que je ne le veux. " Je veux dire, si tu veux rester, je ne te l'empêche pas. "

Je bois une autre gorgée nerveusement. Ses yeux me fixent toujours, avec ce petit sourire au coin des lèvres.

" Pourquoi me regardes-tu comme ça? " demande-je déstabilisée.

" C'est perturbant n'est-ce pas? D'être regardé fixement. "

Je comprends qu'il tentait d'imiter ce que je faisais avec lui. Et cela me rend triste, car j'aurais aimé qu'il le fasse parce qu'il en avait envie, et non pour me donner une leçon.

" Tu ne faisais que ça pour me montrer l'effet que cela fait? "

" Oui et non. "

Je fronce les sourcils.

" Je dois prendre ça comment? "

Ses lèvres s'étirent en un sourire, qui me fait fondre aussi vite que les petits bâtonnets colorés présent dans mon chocolat chaud.

" Es-tu amoureuse de moi? "

J'entends mon coeur chuter à la fin de sa question. Je suis au bord de la panique. Je ne sais pas quoi répondre. Enfin si, mais je ne peux le dire maintenant. Je ne suis même pas sûre que cette réponse s'avérerait réellement vraie.

" Non. " réussi-je à dire entre deux souffles, ne sachant pas si c'est un mensonge ou non.

" Bien, parce que je ne suis définitivement pas un garçon pour toi. "

" Pourquoi dis-tu ça? "

" Parce que c'est la vérité. "

Je fronce les sourcils, surprise par ses paroles. Comment peut-il savoir cela alors qu'on vient juste de se rencontrer?

" Tu ne me connais pas assez pour savoir cela. " rétorque-je.

" Je te connais assez pour le savoir. "

Ces réponses me frustrent, car j'ai envie qu'il puisse croire en une future histoire que l'on partagerait.

" Je n'aime pas comment cette conversation tourne. " avoue-je.

" Pourquoi? Parce que je détruis tes petites illusions d'une romance? " Il me dit avec un sourire espiègle, fier de sa répartie.

" Non. Simplement parce que tu me contredis déjà. "

Son rire retenti et m'enveloppe dans une bulle de bonheur musical. Ce son est légèrement aigu mais tout de même profond. J'aime cette jolie mélodie. Tellement que j'aimerais qu'elle ne s'arrête jamais.

" Tu es drôle, je te l'accorde." rajoute-t-il, une fois calmé.

Au moins une chose qu'il apprécie chez moi. Je suppose que c'est un bon commencement.

Un long soupir s'échappe de mes lèvres, alors que mes doigts se resserrent autour de ma tasse de chocolat chaud. La chaleur n'est plus aussi intense qu'au premier contact. Mais elle reste suffisante pour réchauffer mes paumes, et ainsi m'apaiser.

Mes yeux sont rivés sur la vitre qui est sur ma droite et qui donne sur la rue. Je ressens une grande tristesse inonder mon corps peu à peu. Je n'ai pas envie de m'avouer vaincu. Je ne veux pas croire que lui et moi ça ne se fera jamais. Qu'on n'essayera même pas.

Je serre les dents et fronce les yeux avec détermination. Je ne le laisserais pas me dire ce qu'on ne peut pas faire ensemble si nous n'avons même pas tenter de le faire. C'est idiot, d'affirmer quelque chose qui nous est inconnu. Je vais lui prouver, moi, que c'est possible. Et qu'on peut être heureux ensemble. Je sais que mes rêves ne sont pas anodins. Je sais au plus profond de moi qu'il est le bon.

Je porte mon attention sur le beau châtain assis en face de moi, et je remarque qu'il me fixe aussi. Il esquisse un sourire quand nos yeux se rencontrent. Je manque de rougir encore une fois, mais j'arrive à me contenir.

" Tu vas réellement continuer à me regarder boire mon chocolat chaud jusqu'à ce que je le finisse? " demande-je, en toussotant légèrement due à ma gêne d'être fixé par son regard océan.

" Je n'ai rien de mieux à faire. " me répond-t-il aussitôt, avec un ton neutre, comme si c'était tout à fait normal qu'il fasse cela.

Je bois doucement mon chocolat, savourant la saveur de ma boisson. Je l'ai presque terminé. Et cette constatation m'effraie, car j'ai peur que ce délicieux moment que je partage avec lui prenne fin quand la dernière goutte du chocolat se sera posée sur ma langue.

" Vraiment? " m'interroge, dessinant un cercle invisible sur la table avec mon index. " Je pensais que tu passais toutes tes pauses dans les toilettes à jouer à un jeu sur ton portable. "

Je ne peux m'empêcher de sourire à la fin de ma phrase, sachant que celle-ci se veut accusatrice et légèrement taquine.

" C'est plus amusant de faire ça quand je ne suis pas en pause, justement. Tu sais, ce goût d'interdit, cette peur d'être surprit, c'est l'âme de ce moment. C'est ça qui le rend excitant. " m'informe-t-il.

" Tu aimes le danger. " constate-je.

" Les petits dangers. " me rectifie-t-il. " Les vrais dangers, sont beaucoup trop effrayants. "

Il rigole légèrement à ses paroles, ce qui me fait sourire à mon tour.

" Je vois que tu as fini ton chocolat chaud. "

À ses mots, je jette un regard à ma tasse vide. Je n'avais même pas fait attention à ce que je faisais pendant que je l'écoutais.

" Ça tombe bien, ma pause se fini dans cinq minutes. "

Je perds mon sourire et plonge ma main dans mon sac à la recherche de mon porte-monnaie.

" Je te dois combien? " demande-je d'une petite voix.

" Rien du tout. "

Je le regarde avec surprise.

" Ne me l'offre pas pour te donner bonne conscience. Je peux très bien me payer mon chocolat chaud. "

" Je le sais. Je veux juste te le payer parce que j'en ai envie. Je pense que c'est une raison suffisante non? "

Ses jolis yeux me toisent avec gaieté. Je fonds littéralement devant l'expression que son visage arbore. Il dégage une si bonne humeur, qu'il ensoleille la grande pièce à lui tout seul.

" Je suppose. " dis-je, tout de même méfiante.

" Cool. C'était sympas de parler un peu avec toi. " dit-il en se redressant.

Je le fixe quelque seconde avant de l'imiter à contre coeur. Il est évident qu'il veut se débarrasser de moi.

J'enfile mon manteau et noue mon écharpe autour de mon cou.

" Merci pour le chocolat chaud. "

J'espère silencieusement qu'il me propose une sortie à faire avec lui, ou bien qu'il me donne son numéro, quelque chose qui me permettrait de croire aux espoirs que mon coeur nourrit.

Il s'approche lentement de moi. Je bloque ma respiration dans ma bouche, mes sens se faisant en alerte. Ses mains glissent le long de mes épaules et se nouent dans le haut de mon dos. Mon coeur s'affole, si bien que je suis persuadée qu'il peut le sentir battre à travers ma chair et la couche de tissu qui le protège du froid. Sa joue se compresse contre la mienne et son parfum m'enivre. Je suis si surprise par cet élan de tendresse que je reste stoïque. Une parfaite statue rouge écarlate.

" De rien. " me souffle-t-il, d'une voix douce.

Et c'est quand je me décide enfin à bouger et le serrer à mon tour dans mes bras, qu'il se détache de moi, m'empêchant de renforcer son étreinte.

" Maintenant, je voudrais que tu ne reviennes plus jamais Laura. "

Hey ! Voici le troisième chapitre de CD. J'espère que l'attente n'a pas été trop longue malgré tout. Je vous précise que la dernière phrase de ce chapitre est très importante pour la suite de l'histoire. En effet,   Louis n'est pas "étrange" pour rien. Bref. Ce mot de fin devient trop vague...

Merci pour votre patience et votre soutient. Vous êtes parfait ❤️

Vous pouvez réagir sur twitter avec #CoeursDamnés, j'irai faire ma petit curieuse. :)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top