10. Le coeur qui bat la chamade

Je ferme les yeux pendant que je me tourne lentement vers la personne qui va me faire face dans quelques secondes. Je soulève mes paupières pour voir la femme en haut des escaliers qui me regarde, ses yeux marrons emprunts d'incompréhension sans doute face au fait de voir une personne inconnue qui part en courant après avoir sonné. Mon coeur bat la chamade. Comment va-t-elle réagir? Va t-elle me prendre pour une voleuse et me jeter en prison?
Je regarde cette femme qui m'est tout à fait inconnue comme un enfant venant de faire une bêtise regarde sa maman. Elle est tout ce qu'il y a de plus banal. Elle est plutôt bien en forme et a les cheveux châtains relevés en un chignon lâche d'où quelques mèches rebelles se sont enfui. Elle porte un tablier sur lequel elle s'essuie les mains en laissant des traînées brunâtres de pâte. J'ai dû la déranger en pleine préparation culinaire. Elle me regarde suspicieusement. Je ne veux pas finir en prison! Mon coeur qui bat à toute vitesse n'aide pas à la réflexion et je débale très vite:

-Je ne suis pas une voleuse! Je vous le jure! C'est juste que je cherche Henri donc j'ai un coeur de pierre. Enfin ce n'est pas parce que je cherche Henri que j'ai un coeur de pierre mais l'inverse! Parce que je me venge de mes anciens amoureux et donc je...

Je m'arrête puisque je m'aperçois que l'inconnue a les yeux écarquillés et la bouche ouverte.
Je décide de tout recommencer.

Je monte doucement les marches pour être à sa hauteur. J'inspire pour calmer mon coeur affolé puis je reprends:

-Bonjour madame. Je cherche Henri.

Elle ferme la bouche, cligne des yeux.

-Il n'y a pas d'Henri ici. Je suis désolée. Bonne journée.

Elle s'apprête à refermer la porte mais je la retiens.

-Attendez! (Elle me regarde en soufflant) Je crois qu'il habitait ici avant vous.

-Écoutez mademoiselle, ce soir j'ai des invités. Beaucoup d'invités. Je dois tout préparer et je n'aurai pas le temps si vous voulez me retenir encore. Donc les Narime ont dit qu'il ne quittaient pas Paris mais qu'ils changeaient d'arrondissement. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée.

Et elle me claque la porte au nez. Je prends de grandes inspirations et j'expire lentement pour me détendre. Cette dame était vraiment étrange. Je fais une nouvelle fois demi tour et descends encore les escaliers blancs. Sans doute pour la dernière fois de ma vie. Je quitte l'avenue.
Au moins cette virée n'a pas été inutile puisque la dame a prononcé le nom de famille d'Henri. Narime. Comment ai-je pu oublier?
Je suis fatiguée, je vais rentrer. Je marche jusqu'au métro, me prenant des coups d'épaules dans les rues les plus bondées.

Dans le métro j'entends une sonnerie de téléphone. Personne ne décroche. Mais, je connais cette sonnerie... C'est parce que c'est MA sonnerie. Je fouille dans mon sac pendant que les regards se posent sur moi. Je trouve enfin mon téléphone entre les mouchoirs en papier et la plaquette de médicament, caché par mon portefeuille. Je m'apprête à répondre lorsque je me rappelle Monsieur Moustache, excusez-moi Georges, qui a répondu au téléphone à côté de tout le monde. J'avais trouvé ça extrêmement mal poli. Je me dépêche de décliner l'appel. Gênée de tout le bruit que j'ai produit, je lève les yeux et croise le regard de ceux qui voyagent avec moi. Certains sont rieurs, d'autres, aux sourcils froncés, sont agacés. J'essaye un petit sourire. Je remets mon portable dans son sac à sa place habituelle: n'importe où. Je relève les yeux pour continuer d'observer la masse de personnes entassées dans ce wagon. Le métro prend un tournant et je suis percutée par d'autres voyageurs. Étant debout, je percute à mon tour les personnes derrière moi. Je marche sur le pied de quelqu'un et puis, avec toujours autant de finesse et de gentillesse, je l'écrase contre la porte. Je m'écarte très vite et me retourne pour m'excuser sauf que cette malchanceuse personne prend la parole avant moi.

-Décidément je crois que nous ne pourront jamais nous voir sans nous blesser. Vous êtes violente mademoiselle! se moque-t-il gentiment.

-Oh je suis vraiment désolée! Pierre c'est ça? m'excusé-je à mon beau nouveau voisin qui, bien sûr, ne me faisait aucun effet.

Il me fait un sourire poli en guise de réponse. Positive je suppose? Vraiment, les gens qui répondent aux questions par des mimiques, arrêtez. Vous pensez qu'on vous comprend mais non! Pas du tout! Je lui rends malgré tout son sourire.
On ne parle plus pendant quelques secondes. On se lance des regards gênés sans rien se dire. Je prends la parole pour stopper ce silence pensant.

-Vous habitiez où avant de déménager ici?

-J'habitais en Gironde, près de Bordeaux. Et oui je dis "chocolatine" et pas "pain au chocolat", rigole-t-il.

-Nooon pas ça!

Je mets mes mains sur mon coeur en poussant un cri d'animal à l'agonie avant d'exploser de rire, de concert avec lui.

-Vous vous plaisez ici? Le sud ne vous manque pas trop?

-Non ça va, je me plais bien ici. Surtout que j'ai été extrêmement bien accueilli. N'est ce pas?

Je pars de nouveau d'un petit rire. Et je lui fais un sourire gêné.
-Est-ce que je me suis déjà excusée?

-Vous n'avez pas à vous excuser pour cela ne vous inquiétez pas.

-Mais si, insité-je, je suis désolée de vous être rentré dedans puis de ne pas avoir accepté votre aide pour me relever et enfin d'être partie sans vous dire un mot.

-J'accepte vos excuses même si elles n'étaient pas nécessaire.

Il sourit de nouveau, montrant sa dentition parfaite.
Je remarque une fille aux allures de mannequin aux cheveux ténébreux qui regarde Pierre intensément sûrement dans l'espoir d'attirer son attention.
Je me tourne vers elle et la regarde. Si les yeux pouvaient lancer des éclairs, elle serait déjà électrocutée à l'heure qu'il est.
Elle me voit et détourne les yeux en lançant ses long cheveux en arrière.

Mais qu'est ce qui m'a pris de réagir comme ça? Je ne sais pas. Sûrement pas l'amour. Je déteste l'amour. Et si j'étais réellement en train de tomber amoureuse de lui? Il faut que j'arrête de le voir et de lui parler. Tout de suite.

Je commence donc à essayer de m'éloigner de lui dans le wagon. J'attrape la barre centrale avec ma main gauche puis avec ma main droite, je m'apprête à attraper une des barres qui se trouvent sur le côté lorsque le métro ralentit soudainement pour s'arrêter à mon arrêt et je suis de nouveau projetée en arrière. Je me retrouve une nouvelle fois collée à Pierre. Toute ma crédibilité s'envole.
Je lève ma tête vers lui. Il me lance un regard moqueur. Je lève mon sourcil droit, me remets droite, replace mon sac sur mon épaule et fièrement, je sors du métro sans lui jeter un regard. Je suis déterminée à m'éloigner de lui.

Il ne faut SURTOUT PAS que je tombe amoureuse de lui.

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