Abandon /2

Et aujourd'hui je vous présente...

Ange ! Version revient du sport 😂.

Encore un chapitre aujourd'hui et demain. Après, malheureusement, les cours reprennent... et ce sera à nouveau un chapitre par semaine. Merci de m'avoir accompagnée pendant ces vacances. Je vous souhaite à nouveau une très bonne lecture !

☽☼☾

Glaëlle tire la toile du boxe derrière elle. Elle serait bien restée plus longtemps, mais Vrane et ses amis commencent à fatiguer. Elle préfère se sauver avant qu'ils ne soient obligés de le lui demander.

Résignée, elle baisse la tête vers le sol. Elle ne fait pas attention aux médecins qui la frôlent, ni aux malades allongés derrière les voiles de tous les côtés. Sa visite est terminée, elle veut regagner sa chambre sans croiser le regard de personne qui puisse la reconnaître. Malheureusement quand on l'appelle, elle est bien obligée de se retourner.

— Ange ? détecte-t-elle entre les toiles blanches.

Le jeune homme se tient debout à quelques mètres d'elles, arrêté dans son mouvement. Il n'attend pas plus longtemps pour venir à sa rencontre.

— Viens, commande-t-il en la dépassant.

Contrainte d'accepter, la jeune fille s'engage à sa suite.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? s'inquiète-t-elle.

— Je suis venu voir Gunther. Je devais lui transmettre des informations sur ses soldats, se justifie-t-il.

Tête baissée, Glaëlle ne peut réprimer un soupir. Il n'a pas besoin de se donner ce genre d'excuses. Qu'il dise seulement qu'il venait rendre visite à son ami, elle comprendrait.

Ange les fait sortir de l'infirmerie. Ils passent tous deux par les douches, c'est une étape obligée après avoir côtoyé les malades. Certaine de ne pas pouvoir distancer son supérieur en se lavant rapidement, Gaëlle prend donc tout son temps. Après des remerciements rapides aux médecins, ils sortent par la première porte qu'ils trouvent.

Dehors, sur une terrasse, la jeune fille s'arrête. Elle lève la tête vers le ciel orangé, respire le vent frais du début de la nuit qui vient lui chatouiller les narines. Respirer, c'est un luxe dont il faut profiter.

D'où ils sont, les deux Briseurs ont une vue dégagée sur le quartier qui entoure l'université. Curieusement, le spectacle de ces maisons tombées en ruine, dorées de lumière, qui s'étalent derrière le muret servant de balustrade se révèle apaisant pour Glaëlle. Elle aime bien cette ambiance, tout est si calme.

— C'est donc bien que tu te cachais, fait finalement remarquer Ange.

Sortie de sa rêverie, Glaëlle se tourne vers lui. Elle rencontre son regard sévère. D'abord insensible, elle est ensuite prise d'embarras quand leur échange se prolonge. Oui, c'est vrai, reconnaît-elle. Elle se cachait. Et elle se doutait bien qu'elle tomberait sur l'un d'entre eux en allant à l'infirmerie, sa première sortie de sa chambre depuis la veille.

Elle a choisi sa voix, elle va devoir le leur avouer. Sauf que, prise sur le fait, elle se retrouve incapable de revendiquer sa décision. Surtout qu'elle est tombée face à Ange, c'est le pire de tous.

Mais le jeune homme ne se montre pas aussi sévère que prévu. Il se contente de la dévisager sans rien dire, puis il détourne le regard vers le soleil couchant, se rapprochant du muret et s'y asseyant. Jambes dans le vide, profil tourné vers la ville en ruine, il déclare alors :

— Tu n'avais pas à fuir. Quoique tu fasses, ils ne vont jamais rien te reprocher.

Glaëlle ravale sa salive. Pourquoi Ange doit-il toujours parler des autres comme s'il savait ce qu'ils pensaient ? se demande-t-elle.

— Tu leur a causé du soucis, poursuit le jeune homme, se mettant aux reproches sans vraiment prendre la peine de changer de ton. Isaac pensait que tes blessures étaient plus graves que prévu, j'ai dû l'empêcher d'aller déranger les infirmières. Il m'en a voulu de le tenir à l'écart.

La rouquine s'attarde sur le profil d'Ange, étonnée. Le jeune homme a raison, elle aurait dû donner de ses nouvelles au lieu de s'isoler. Elle a failli mourir et ils se sont tous beaucoup inquiétés pour elle. Sauf qu'elle ne voulait pas leur parler. Elle avait besoin de rester seule. En revanche...

— Tu l'as empêché de venir me voir ?

Ange se retourne vers elle, la gratifiant d'un de ces regards vides d'émotion dont lui seul a le secret.

— Tu ne voulais pas être dérangée, je me trompe ?

Glaëlle baisse les yeux, reconnaissant qu'il a tout à fait raison. Finalement, peut-être est-ce une bonne chose d'être tombé sur lui en premier ? Il est sans doute le plus apte à la comprendre.

— C'est lâche, de fuir, assène-t-il alors.

La rouquine se mord la lèvre, elle a parlé trop vite.

— Mais tout le monde a déjà été lâche un jour ou l'autre, poursuit le jeune homme en haussant les épaules. On n'a pas à t'en vouloir pour ça. Seulement, ça ne doit pas durer trop longtemps.

Les paupières de Glaëlle se closent. Elle ne sait pas comment prendre ses paroles, si ce sont des reproches ou des encouragements. Ce qu'elle réalise, en revanche, c'est que derrière son sérieux maladif et ses mauvaises manières, Ange dégage une aura de calme et de bienveillance qu'elle n'avait jamais remarquée auparavant. Il a côtoyé la mort, il connaît la faiblesse dont elle est victime. Il comprend sa détresse parce qu'il l'a déjà éprouvée, cela ne fait aucun doute. Pourtant, malgré ce qu'il a dû vivre, il reste d'une robustesse sans égal. Aussi Glaëlle doit-elle se faire violence pour reconnaître :

— Je n'ose pas retourner les voir. J'ai compris des choses...

Elle soupire avant d'avouer :

— Le combat, ce n'est pas fait pour moi.

— Donc tu comptes déserter ? devine le lieutenant. Et tu t'en veux pour ça ?

Glaëlle se déçoit elle-même mais oui, c'est bien ça l'idée.

— J'ai pris ma décision, confirme-t-elle en hochant la tête. Je sais que c'est lâche... mais la suite, ce sera sans moi.

Ange soupire longuement. Glaëlle se mord la lèvre, elle doit lui paraître bien pathétique.

— Et tu crois que tu peux partir comme ça ?

La jeune fille frissonne, elle se prend la réplique du jeune homme comme une baffe.
Il a raison, les Briseurs lui ont donné beaucoup sans qu'elle n'ait rien remboursé. Elle n'a pas le droit de les abandonner. Mais sa vie est plus importante que tout ! se convainc-t-elle.

— Je refuse de retourner sur le champ de bataille, affirme-t-elle. Vous ne pouvez pas m'obliger à me battre.

— Tu penses ? menace le jeune homme. Tu crois que les soldats veulent toujours faire la guerre ? Tu sais, ce ne sont pas les fantassins qui décident dans une armée.

Glaëlle sent la panique la gagner.

— Je fuirai, promet-elle, le cœur battant. J'inventerai ce qu'il faut, tout pour ne pas revivre ce carnage. Je ferai tout pour qu'on me laisse tranquille !

Elle ferme les yeux, effrayée de la réaction que pourrait avoir le Briseur. Elle est lâche, elle ne mérite pas sa pitié, a-t-elle conscience. Ange éclate pourtant d'un rire moqueur, c'est si soudain que cela fait sursauter la jeune fille.

— Enfin quelqu'un qui parle avec un peu de bon sens ! loue-t-il en levant les mains en l'air.

Puis il se retourne vers Glaëlle.

— Sauf que c'est la guerre maintenant. C'est impossible d'être "tranquille".

— Lâchez-moi dans la nature et je vous assure que j'y arriverai, le défie-t-elle. Je resterai seule, je me cacherai, je ferai tout ce qu'il faudra et je vivrai. J'ai la chance d'être immunisée, je veux profiter de ma vie. Quoiqu'il se passe, je ne veux plus retourner me battre !

Sa panique se révèle au grand jour : elle est réellement prête à fuir. Elle n'a rien à perdre. Enfin, mis à part Vrane. Vrane !

Une bouffée de frayeur la prend à la gorge. Ange pourrait tout à fait menacer d'arrêter les soins qu'ils lui portent, ce serait logique si elle les quittait. Entre son frère et sa promesse, la jeune fille serait bien en mal de savoir quoi choisir.

Glaëlle serre les poings, elle a une faiblesse que son adversaire serait bien en mesure d'exploiter. Mais peut-être qu'Ange l'a oubliée. Ou peut-être estime-t-il que Vrane est important pour sa cause, qui sait ? Toujours est-il qu'il ne songe pas à l'utiliser, préférant user d'autres arguments pour parvenir à ses fins :

— Sauf qu'on a besoin de toi, répond-il à la place. Nous sommes si peu nombreux face à Navinn que tout soldat immunisé compte. Tu es utile à vouloir aller te battre, à ne pas avoir peur, et puis tu es douée avec un pistolet. Mais d'un autre côté, c'est vrai que ce serait improductif de te forcer à continuer si tu ne veux plus...

Le jeune homme baisse le menton pour réfléchir, puis il se tourne vers elle en proposant :

— Et si on faisait un marché ?

Glaëlle le dévisage, sceptique.

— Je te propose de te laisser rester parmi nous sans te demander de participer aux prochains raids, formule-t-il. En échange, tu gardes le rôle de seconde d'Isaac en nous aidant du mieux que tu peux dans cette guerre. Tu nous devra aussi une dernière bataille. Je continuerai de t'entraîner pour t'y préparer au mieux. Qu'en dis-tu ?

La jeune fille se dit qu'elle a de la chance d'en être arrivée à ce marché. Ange, proposer un accord au lieu d'imposer sa décision ? C'est un événement ! s'émerveille-t-elle d'un premier abord. Ou peut-être ne l'est-ce pas tant que cela ? reconnaît-elle en y réfléchissant. Glaëlle soupire, songeant que le lieutenant a bien caché son jeu.

Il l'a comprise et il veut l'aider. Ange garde la tête froide malgré les combats, il a choisi de tuer sans oublier le prix d'une vie humaine. Il doit être le Briseur qui sait le mieux comment fonctionne un être humain face à la guerre.

Son marché est honnête, même si Glaëlle répugne à devoir retourner au combat encore une fois. Mais il fait des efforts notables. Une bataille pour être tranquille le restant de ses jours, c'est un moindre mal. Surtout quand on lui accorde gît, couvert, entraînement et protection en retour.

Et puis si elle reste, elle pourra entendre Vrane rire à nouveau...

— J'accepte, finit-elle par répondre.

Ange attrape alors sa main et la serre solennellement dans la sienne pour sceller leur accord.

— Et maintenant, si on allait manger ? propose-t-il.

Glaëlle le regarde avec de gros yeux, prise de court. Elle n'a rien avalé depuis la veille au soir et elle meurt de faim, mais comment le sait-il ? Il a un don pour lire dans les pensées, il n'y a pas d'autre explication.

Sa surprise doit être trop visible, ou bien peut-être Ange est-il satisfait d'avoir fait passer son marché ? Toujours est-il que le jeune homme lui décoche un sourire, un tout premier sourire. Et Glaëlle se rend compte d'à quel point c'est beau, un sourire.

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