Chapitre 7 : Le roi colérique


Se lever aux aurores veut bien dire ce que cela veut dire. Alors que je peine à avancer, le soleil étant levé bien haut, je me rend compte que les camarades de Red Riot sont dans le même état de fatigue que moi. Certain baillent à gorge déployée tandis que d'autre tanguent en marchant. Je suis presque à deux doigts de rire tellement la scène est comique à regarder.

En repensant au réveil de ce matin, je ne peux m'empêcher de rougir fortement. Ce fut un réveil unique, il n'y a pas à dire.

Je me suis réveillé car j'avais un manque dans mes bras. Je ne ressentais plus la chaleur caractéristique du corps de Red Riot. Ayant passé la nuit dans un cocon bouillonnant, quand j'ai sentie la brise matinale caresser mes bras, j'ai compris qu'il n'était plus à mes côtés. Mais en me réveillant, moi qui pensais être seul, je me suis rendus compte que ce n'était pas le cas. Il était bel et bien là, torse nu, lavant sa peau avec l'eau près de nous. C'était un magnifique spectacle à regarder.

J'avais une vue prenante sur la musculature de son dos ainsi que ses grandes ailes rouges. Sa queue reposait sur le sol, sans effectuer un seul mouvement. À chaque mouvement de bras, ses muscles ressortaient pour laisser place à une démonstration inédite. L'eau ruisselait sur lui, et j'aurais donné ma main à manger aux lions pour devenir cette minuscule goutte qui coulait dans son dos pour venir se nicher dans la courbe de ses reins et s'échouer dans son pantalon. J'eus un énorme coup de chaud malgré l'air particulièrement frais.

Par la suite, il m'a aidé à faire ma toilette, malgré une gêne grandissante, juste avant que ses compagnons ne nous rejoignent comme il l'avait prévu. Bien évidemment, je n'ai fait que me laver le visage et rien de plus, ne voulant pas me dénuder devant lui, au risque de me laisser aller malgré moi.

- Tu sembles distrait, que se passe-t-il ?

Une main vient se poser sur mes épaules, comme si c'était naturel. J'affronte son regard, il est si doux. J'aime ce regard, ses yeux sont d'un rouge tellement tendre que je me sens fondre tel neige au soleil.

- Je suis simplement un peu... Stressé.

- De rencontrer les autres ?

Je grimace à la simple idée de ne plaire à personne. C'est une possibilité. Après tout, je suis le seul humain près d'eux et vu le regard de ses compagnons, cela ne semble pas les enchanter à l'idée de m'avoir avec eux pour un moment. Puis, vais-je seulement me plaire là-bas ? Ma vie sera t-elle comme je l'espère ? J'ai tant de questions en tête que je ne parviens pas à toutes les citer. C'est normal d'avoir peur de ne pas plaire puis, je ne peux pas plaire à tout le monde.

- En partie, j'ai peur d'être rejeté.

Malgré le fait que nous marchons, je vois bien ce petit froncement de sourcils qu'il arbore dès que je parle d'un sujet épineux.

- Tu ne peux pas être apprécié de tous mais crois moi, la seule façon pour toi d'être rejeté, c'est que moi-même je ne veuille pas de toi.

Je suis soulagé par ses paroles un cours instant. Mais ces derniers mots restent dans ma tête et résonnent de longues minutes. Qu'il ne veuille plus de moi, cela peut arriver à tout moment. Qu'il se lasse de moi, je suis certain que malgré tout, cela peut arriver.

Sa queue s'enroule autour de mes reins et le bout caresse ma hanche, soulevant mon chandail par la même occasion. Il se penche à mon oreille et son souffle chaud chatouille ma nuque.

- Crois moi, je ne suis pas prêt de me lasser.

Je n'ai pas le temps de rétorquer que l'un de ses compagnons, le dragon jaune, se met à sautiller, battant des ailes.

- Nous sommes arrivés, enfin ! Il commence à courir en sautillant, un énorme sourire sur le visage. Je commence à en avoir marre de marcher.

- Arrêtes de sauter dans tous les sens, tu vas encore tomber, te plaindre et te faire mal.

C'est un dragon noir et jaune, l'un de ceux qui ne m'a encore ni adressé la parole, ni regardé, qui a prononcé ces mots. Le dragon jaune arrête son manège mais continue de courir. Les autres commencent à faire de même et leurs pas se font plus rapides. Je me rends compte que j'ai commencé à ralentir, voir même, à m'arrêter.

Red Riot remarque mon embarras et, alors que les autres disparaissent dans la forêt, il vient vers moi, le regard tendre.

- Je peux comprendre ta réticence. Tu vas rencontrer un clan de créatures qui t'est totalement inconnu. C'est une réaction tout à fait normal et compréhensible. Mais saches que je suis là et rien ne t'arrivera.

Son regard associé à ses paroles réconfortantes font gonfler mon cœur sans que je m'en rende totalement compte. C'est un être qui semble fort et brute d'apparence mais il a les mots et les gestes pour réconforter une personne. Il est même très convaincant. J'accepte volontiers la main qu'il me tend. Nos doigts s'enlacent et sa queue trouve place dans le creux de mes reins.

Nous reprenons la marche, maintenant que nous ne sommes que tous les deux. Bizarrement, je me sens plus à l'aise que tout à l'heure. Je n'aime pas être entouré de monde, car j'ai la constante impression d'être le centre d'attention.

À force de marcher, je vois le changement de décor s'opérer autour de nous. Les sapins laissent place à des buissons, le sol devient plus dur à mes pieds et les alentours changent également de couleur. Peu à peu nous sortons enfin de la forêt et sans grande surprise, nous tombons devant l'entrée d'un modeste village. De grand mur fait de bois de cèdre avec des pics en leurs sommets encadrent une porte massive. À vue d'œil les murs s'étendent sur plusieurs kilomètres, c'est certain. Je n'en vois même pas le bout.

Ma main serre par instinct celle de Red Riot dans le but de trouver un soutien physique comme émotionnel. Il comprend car sa prise sur ma taille se fait plus ferme, me rapprochant de lui. Nous nous mettons face à la grande porte et Red Riot fait un mouvement de sa main libre. La porte s'ouvre enfin dans un bruit assourdissant. Il m'emboîte le pas et je le suis non sans trainer des pieds.

Quand nous sommes entrés, deux gardes habillés d'armures sont venus nous accueillir. Ils font une révérence et nous passons sans plus de cérémonie. Je suis quelques peu déboussolé par cet accueil mais très vite, mes yeux sont attirés par ce qui m'entoure.

C'est un village à même la roche, au pied d'un immense volcan qui, aux premiers abords, ressemble à s'y méprendre à une montagne. Je comprends alors pourquoi l'eau que j'ai trouvé hier était chaude et non glacé. Nous sommes sur les terres volcaniques, à des kilomètres de Drakna.

Je vois énormément d'habitation et d'échoppe différentes. Il y a de la couleur partout, sur les vêtements, les murs, les bannières. L'endroit respire la joie de vivre. Des cris d'enfants me parviennent aux oreilles et tout en marchant, je baisse les yeux. Deux petits êtres aux écailles rosées passent devant nous, se tenant la main. Des jumeaux, sans aucun doute. Leurs ailes et leurs cornes sont peu développés mais présentes. Ils sont incroyablement mignons à regarder.

Nous arrivons sur une place où un marché a lieu. Je vois des vendeurs de légumes, de fruit, de vêtements, de poterie. C'est comme si j'étais dans un autre monde. Alors c'est à ça que ressemble un village ? À quoi ressemble Drakna ? J'aurais tant aimé savoir.

Je ne fais même pas attention au fait qu'ils sont tous différents de moi. C'est même, à mon plus grand étonnement, la dernière chose que je regarde.

- Alors, cela te plaît ?

Je regarde Red Riot dont ses yeux sont d'un rouge éclatant. Je ne fais que hocher la tête, les yeux pleins d'étoiles.

- C'est merveilleux. Cet endroit respire la joie de vivre. C'est vraiment beau. Merci.

Il fronce les sourcils et penche la tête sur le côté.

- Pourquoi me remercies-tu ?

- C'est grâce à vous si je suis ici, dans cet endroit magnifique. Je sens que ma vie à vos côtés sera bien différente de celle que j'avais avant.

Alors que je m'attends à un sourire de sa part, car le mien était bien voyant, il ne me fait qu'une légère grimace en réponse. Sa main se détache de la mienne et il se frotte l'arrière du crâne. Ai-je dis une bêtise ?

- Justement, il faut que je te parle à ce sujet.

Je sens l'atmosphère changer. J'oublie un bref instant où je suis, ainsi que l'endroit où je me trouve. Je sens que quelque chose cloque car il recule de quelques pas. Je sens un courant d'air froid passer, me remettant à ma place.

- Je crois que j'ai oublié un léger détail.

- Je ne vais pas devenir votre compagnon ?

Je le vois baisser les yeux mais il ne me répond pas. M'aurait-il mentit à ce sujet ? Vais-je redevenir l'esclave que j'étais ?

Face à mon regard et à mon corps qui se tend, il se rattrape et s'empresse de me saisir par les épaules. Je sais très bien, je le sens, tous ces regards braqués sur nous. Nous faisons une scène en plein centre du village. Un humain et son "compagnon", en pleine scène de ménage. Je me raidis au contact de ses mains sur ma peau. Je me sens honteux. Ce n'est pas ce que je souhaitais montrer comme première impression, encore moins devant autant de monde.

- Tu vas devenir mon compagnon, et ça rien n'y changera. Simplement...

Une nouvelle fois il se tait, ne prenant même pas la peine de finir sa phrase. Je n'ai qu'une seule envie, qu'il me dise ce pourquoi il m'a fait venir au lieu de me mentir depuis tout ce temps. Même si je viens à devenir un esclave, finalement, cela ne me fera rien. Car toute ma vie j'en ai été un. La seule douleur que je ne voulais pas ressentir c'est celle de l'abandon. Ne pas m'accrocher, ne pas aimer. C'est mon unique souhait. Me serais-je fait avoir ?

- Izuku, je...

Red Riot n'a pas le temps de me dire ce qu'il souhaite. Le bruit des tambours se fait entendre autour de nous. Les gens s'écartent, certains en courant, d'autre en volant. Les vendeurs déplacent leurs carrioles pleines de marchandises et la place se vide. Au final, après tout ce brouhaha que moi seul ne comprend pas, il ne reste plus que moi et Red Riot.

Je commence à mieux voir les alentours avec la place vide. En face de moi, se dresse au loin taillé à même le volcan un immense édifice semblable à un château mais en plus rustique. Du bois, des torches, des os et de la pierre font tenir ce fort majestueux. C'est sans nulle doute la demeure du roi, celui qui règne sur ce village.

Red Riot se place devant moi, me protégeant avec son corps. J'ai l'impression de revenir quelque jour en arrière. Moi qui me faisait une joie d'avoir enfin quelqu'un qui m'aime et me considère comme son égal, me voilà à devoir faire face au roi. J'ai tout simplement oublié. Bien évidemment que Red Riot n'est pas le roi de ces lieux sinon il ne prendrait pas autant de temps pour m'accepter. Je dois sans doute passer un test d'acceptation ou ce genre de chose. Des bruits de lance retentissent. Les gardes frappent le sol et claquent leurs queues. Les villageois nous encerclent en peu de temps. Je me sens acculé. Ma seule armure, c'est Red Riot.

Il déploie ses ailes et bat l'air. Sa queue frappe également le sol. Je sens la terre trembler sous mes pieds. Je comprends en cet instant que mon intégration est plus compliqué que prévu. Un bruit bestial me parvient aux oreilles. Il provient du château. C'est un cri étonnamment puissant. Mon corps frémit en pensant au roi. Il doit être puissant, fort, mais surtout, très féroce.

- Restes derrière moi.

Red Riot ne me regarde pas, mais je m'accroche à son épaule suite à ces mots. J'ai peur de ce qu'il m'attend dans les prochaines minutes.

Un battement d'aile retentit au dessus de nous. Une masse couleur or et chaire se pose devant nous en un mouvement souple. Le corps se relève, déployant fièrement ses ailes dorées. Je me fais honte moi même de le trouver attirant. Je comprends qu'il est le roi quand tout le monde pose un genou à terre. Les seuls à ne pas reproduire ce geste sont Red Riot et moi même. Cela ne semble pas lui plaire puisque sa queue massive s'abat sur le sol. Je jurerai avoir vu le sol trembler.

Il s'approche de nous mais reste à une bonne dizaine de mètre. Le voyant de plus près, toujours caché par Red Riot, je me permet de le détailler.

Il est grand même massif. Son torse est dessiné dans un rocher du pays du feu car il est divinement musclé. Une grande cicatrice barre sa peau, entre ses deux pectoraux. C'est un être fait de muscle et d'assurance. Son visage est dur mais beau. Tel un dieu grecque, son visage est finement sculpté sans aucune imperfection. Comparé à Red Riot, il a une plaque osseuse doré sur le front qui rejoint ses cornes immenses. Ils portent des dorures sur le cou, les poignées et les chevilles. Ses ailes font deux fois celles de mon sauveur et sa queue porte des épines en son bout. Il est clairement une bête faite pour le combat mais également pour l'envie. À le détailler sous toutes les coutures, j'en rougis. C'est le deuxième homme que je trouve beau.

- Tu penses que tes caprices peuvent passer du fait de ton rang ?

Sa voix rauque glisse dans mes reins aux premières paroles. Je glapis de peur. Red Riot ne bronche pas, toujours droit et fier.

- Ce n'est là pas un caprice mais bien un acte réfléchis.

- Tu amènes un humain en ces lieux et tu penses que je vais passer au dessus ?

Leur regard s'affrontent, rubis contre carmin. Des éclairs passent dans leurs yeux. Autour de nous personne ne pipe mot, personne ne bouge. Vont-ils se battre pour moi ?

- Je connais ta méfiance envers la race humaine. Néanmoins, cet humain n'a rien à voir avec les autres.

- Comment peux-tu le prétendre après quelques jours en sa compagnie ?

- Je ne le prétend pas. Je le sais.

Mes jambes se mettent à trembler. Il se rapproche de nous, une aura indescriptible autour de lui.

- Porterais-tu la main sur moi ? Demande Red Riot, un sourire inconnu sur son visage.

- Pour protéger le village, si je dois en venir aux mains avec toi, je le ferais.

- Est-ce que tu t'entends ? Jamais je ne viendrais avec la mort dans mes mains. Toi même tu le sais.

Un silence se fait. Il dure longtemps à mes yeux, peut être parce que je suis à leurs côtés et que cette aura qu'ils dégagent est oppressante.

- Il porte ton odeur. Comptes-tu faire de lui ton compagnon ?

Je vois dans les yeux du roi un sentiment étrange. J'ai une impression, comme si il se forçait à être vénéneux.

- Pas sans ton accord.

Les ailes du roi se rétractent et il croise les bras.

- Tu pourrais au moins me le montrer.

On aurait presque dit, si je n'étais pas si près, que cette action ressemblait à un caprice. Pourtant Red Riot s'exécute et me prend par les épaules. Il me met devant lui et hurle tout fier, en gonflant le torse.

- Ground Zero, mon roi, je te présente Izuku, notre futur compagnon.

Le roi baisse les yeux sur moi. Même si il est loin, je vois dans son regard la même profondeur que Red Riot m'a porté cette nuit. Je ne peux réprimer un frisson d'envie. Il sourit, d'un sourire carnassier.

Il se retourne et fait un mouvement de main.

- Suivez moi.

Bien entendu, c'est un ordre à exécuter immédiatement. Je dois suivre Red Riot qui ne lâche pas ma main jusqu'au château.

J'ai tout de même un regard pour les villageois qui nous observent partir sans un mot. Mais une phrase résonne dans ma tête continuellement. Une phrase qui m'a excité autant qu'elle m'a troublée.

"Notre futur compagnon"

Est-ce que cela veut bien dire ce que je suis en train de comprendre ?

Les réponses me seront apportées plus tard, j'en suis convaincu.

_____

Alors, vous aimez ce que vous lisez ? ^^

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top