Chapitre 6 : Fuis-moi, j'aime ça
Je pose ma main à plat sur le tronc d'un arbre et je reprend mes esprits. Depuis combien de temps je cours sans me retourner ? Mon souffle est court, j'ai un léger mal pour reprendre ma respiration correctement. Je ne suis pas un homme endurant, je n'ai jamais fait d'exercice physique de toute ma vie. Pourtant, je pense pouvoir tenir le temps d'une course mais je n'arrive même pas à enchaîner les mouvements. Je me sens bête soudainement. Ma réaction était peut être excessive.
Je lève la tête et respire un bon coup. C'est trop soudain pour une personne comme moi. Ce n'est pas une décision que je peux prendre à la légère. Me laisser aller au bras d'un homme, me faire courtiser telle une femme mais surtout, imaginer cet homme me prendre férocement dans les fourrées, je suis partagé entre l'envie de succomber et la raison. Je pourrais lui dire oui, je n'ai aucune contrainte, mais ma raison semble plus forte que le désir brûlant mes reins.
J'avance de quelques pas, essayant encore de remplir mes poumons. De grandes bouffées d'air chauds me parviennent, contrastant avec l'air froid de la nuit. Je risque à coup sûr une pneumonie à rester dehors si peu vêtu. Je me retourne dans l'espoir de rejoindre notre modeste camp mais il faut me rendre à l'évidence. J'ai couru dans tous les sens, sans respecter un trajet précis. Il fait nuit, la forêt est dense. Je suis bel et bien perdu. Une envie de crier se fait dans mon cœur, pour extérioriser toutes ces années de souffrance mais également, pour que quelqu'un vienne à mon secours.
Les épaules basses je retourne sur mes pas, ou du moins, j'essaie. Mes yeux n'étant pas habitués à ce manque de luminosité, je sais au fond de moi que je ne prend pas le même chemin que tout à l'heure. Dans tout les cas, il faut que j'avance. Quitte à retourner au château, ou bien au camp, mais il faut que je sorte de cette forêt. Elle est interdite pour diverses raisons. La journée, en empruntant le sentier principal, elle est fréquentable, mais la nuit c'est une toute autre histoire. Des brigands sont tapis dans l'ombre, des loups rôdent entre les sapins, et même parfois, de vielles légendes urbaines laissent penser que d'autres bêtes attendent de tomber sur un être perdu. Je suis cet être. Je ne sais pas me défendre. Je suis la cible idéal.
Un bruit de feuillage me fait tourner la tête par automatisme. Il est persistant, presque répété. Je sens au fond de moi un mauvais présage. Je secoue la tête, il faut que je me ressaisisse. Si je me laisse avoir par la forêt, elle me mangera sans état d'âme.
Je fais abstraction des bruits pour poursuivre ma marche. J'enjambe les racines d'arbre, je me faufile entre les ombres, j'évite de justesse les branches. Le parcours est jonché d'obstacle. C'est comme si Mère nature a elle même créée ces pièges pour protéger son écosystème.
Après ce qu'il me semble être une éternité, j'atterris dans un cul de sac, une petite clairière à l'ombre de la montagne. Elle fait le tiers de celle que je pensais revoir. Une source d'eau repose en son centre, l'eau étant étrangement mouvementée. La source est éclairé par la lune, laissant les étoiles se refléter sur la surface. C'est un jolie spectacle.
J'ai l'étrange envie de plonger dans ce liquide. Depuis combien d'années n'ai-je pas pris de bain ? Peut être depuis ma naissance. Je sais que ce n'est ni l'endroit, ni le moment d'avoir de pareil envie. Néanmoins, cette eau m'attire irrévocablement. Je me risque à m'approcher un peu plus. Mes pieds nus foulent l'herbe étrangement tiède. Je pose un genou à terre, face à la source, et me penche. Je trempe seulement un doigt, effleurant simplement l'eau. Je fais un mouvement de recul face à la chaleur qu'elle dégage. C'est une source d'eau chaude. En un endroit pareil, c'est impensable. La plupart du temps, on en trouve au centre des terres, dans les hautes montagnes. Du moins, c'est ce que j'ai lu dans les livres du roi.
- C'est donc ici que tu es venu te cacher.
Je sursaute, ma main sur le cœur. Je tombe sur mes fesses, sans comprendre.
Red Riot se tient là, entre deux arbres. Sa queue repose au sol, et frotte l'herbe de gauche à droite. Il a les bras croisés, son dos reposant contre l'écorce. Son regard est braqué sur moi, un air légèrement sévère déforme ses traits. Je ne dois pas être tout près de notre camp, il a dû me chercher pendant un petit moment pour avoir l'air aussi renfrogné.
Il s'avance vers moi, roulant légèrement des hanches. Je le détaille une nouvelle fois, comme par automatisme. Arrivé à ma hauteur il s'accroupit et pose sa main sur ma joue. Je ne bouge toujours pas, mais j'ai enlevé l'idée de m'enfuir. Il frotte mon œil de son pouce et sourit tristement.
- Tu sembles avoir pleuré. En serais-je la cause ?
Dans ses yeux, la passion s'éteint et laisse place à un autre sentiment. Du regret ?
Je m'assoie sur l'herbe, gardant sa main contre ma joue.
- Je suis fatigué, rien de plus. Je n'ai pas dormis depuis plusieurs heures, mon corps en pâtit.
Il semble satisfait de la réponse puisqu'il se lève pour prendre ses distances. Le simple fait de rompre le contact m'incommode. Je mentirais si je disais ne pas aimer quand il me touche. Pourquoi j'aime autant son toucher ?
- Le camp est assez loin, tu cours vite pour un humain. Il passe une main dans ses cheveux et soupire. Je n'ai pas d'autre choix, nous allons dormir ici pour cette nuit. Mes camarades nous rejoindrons demain.
Je le regarde toujours, sans arriver à placer une phrase. Je n'ai pas l'habitude d'avoir le droit de parler sans risquer une brimade. Il faut que je m'y fasse, bien entendu.
Il ne tarde pas à se placer à mes côtés, regardant la source. Je me remet plus droit, pour éviter à mon corps des courbatures inutiles. Nous restons dans un silence apaisant, n'ayant rien à voir avec celui de tout à l'heure. Le bruit de l'eau, celui des feuilles, tout ceci est bon à entendre. Je savoure la nature, moi qui y goûte pour la première fois. C'est à la fois dangereux et paisible. Nous n'avons aucun feu, aucune protection et nous jouissons d'un moment de calme. C'est paradoxale dans un lieu comme celui ci.
- Vous n'allez pas dormir ?
Il se couche sur le sol au moment même où ces mots sortent enfin de ma bouche. Red Riot passe ses bras sous sa tête pour en faire un oreiller fortuite.
- C'est plutôt toi qui devrais dormir. Tu es plus fatigué que moi. Et puis, il faut bien que quelqu'un monte la garde.
Je fronce les sourcils, trouvant ce choix injuste.
- Nous pouvons nous relayer si vous le souhaitez.
Il penche la tête vers moi et souris de toutes ses dents.
- Ne sois pas bête. Tu as beau avoir un certain courage, tu n'es pas de taille face aux créatures qui rôdent en ces lieux.
Il ferme les yeux, ne me laissant pas dire un mot de plus. Je me sens vexé au plus au point. Je sais bien que je n'ai ni la carrure, ni les capacités pour combattre mais je peux tout de même veiller. Ce n'est pas cela qui va me tuer. Je regarde son visage endormi, ou plutôt, son visage apaisé. Ces paroles n'ont rien à voir avec celles de toute à l'heure. Je vois bien que ma tentative de fuite, si on peut l'appeler ainsi, ne l'a pas enchanté du tout. Il ne crie pas, ne me frappe pas, mais je l'entend dans ses paroles sèches et froides qu'il l'a très mal pris. Avec mon acte irréfléchi, je me met en danger, et lui aussi par la même occasion.
Je pose ma tête sur mes genoux et encadre mes jambes de mes bras. Un profond soupire théâtrale franchis mes lèvres.
- Tu ne comptes pas dormir, je me trompe ?
Je ne répond pas, encore légèrement vexé par ses paroles. Même si il a raison, il existe des manières différentes pour le dire. Je ne suis pas ce genre de personne à être pointilleux pour cela, car toute ma vie on m'a parlé de manière exécrable, mais j'ai peur qu'au fond, Red Riot n'ai été gentil avec moi que pour avoir mes faveurs.
Je l'entend se relever. Nous sommes si proches que ses épaules frôlent les miennes malgré sa taille.
- Serais-tu en train de faire la moue telle une femme le ferait ?
Je détourne le regard pour lui faire clairement comprendre que oui, c'est le cas. Un léger rire franchis ses lèvres et parviens à mes oreilles. Il est beaucoup trop proches, son souffle s'abat sur ma nuque.
- Je ne t'aurais pas imaginé si susceptible.
Il pose un doigt sur ma nuque et le fait descendre. Mon haut l'empêche d'aller plus loin, et heureusement car je n'aurais pas résisté. Il pose sa main à plat à l'arrière de ma tête et m'attrape la nuque férocement. Sans ménagement, il m'attire à lui, collant ma tête contre son torse. Bien malgré moi, je me retrouve entre ses jambes, mon corps plaqué contre sa peau bouillonnante. Il est bel et bien un être à part pour dégager autant de chaleur. Je l'envie alors que je frissonne à la moindre bourrasque. Je me met plus à l'aise, comme si ma position était normale et naturelle.
Il plonge sa tête dans mes cheveux et je le sens respirer mon odeur. Un frisson parcours mon corps car si j'ai bien compris, ils ont un très bon odorat.
- Sais-tu que tu sens la pêche ?
Je relève la tête, posant mes mains sur son torse, et plonge mes yeux dans les siens. Je retrouve alors le même regard onyx que tout à l'heure. Je n'ai pas peur de ces yeux et encore moins de ce qu'il est. Bizarrement, ce côté inconnu et étrange m'attire tel un aimant.
- Seulement la pêche ?
Il sourit, mordant sa lèvre avec force.
- Je sens également mon odeur imprégné dans tes vêtements. Il n'y a rien de plus satisfaisant pour moi.
Il plonge sa tête dans mon cou, embrassant la base de ma nuque. Je me laisse faire, laissant de côté mes doutes pour savourer pleinement ce moment d'intimité entre nous. Peu importe qu'il soit un homme d'une nuit. Il me fait me sentir vivant. Peut être est-il malveillant ou bien entreprenant. Peu importe, c'est ce qui me plaît chez lui. Je n'ai jamais eu d'idée préconçue. Je me fais mes propres idées de la vie grâce à mon expérience. Si je peux profiter un peu de ce que la vie a à m'offrir, autant accepter. Je ne peux me permettre de faire le difficile.
Je pose ma tête sur son torse dénudé, alors qu'il cale la sienne dans mes cheveux. Il entoure mon corps de ses bras, me pressant contre lui. Le rouge me monte aux joues mais j'en fais abstraction. Sa queue s'enroule autour de ma jambe en signe de possessivité mais également de protection. C'est ainsi que nous nous endormons, sans un mot de plus.
Je ne sais pas si la nuit sera courte, mais je sais d'avance qu'elle sera unique.
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Alors, à partir du prochain chapitre on entre dans le vif du sujet, j'espère que vous aimerez ! ^^
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