Chapitre 29 : Ateas, notre défunt roi
Nous pénétrons Rokiā, Yuga à mes côtés, Lindel devant nous. Grâce à lui, il ne nous aura pas fallu longtemps pour convaincre les gardes de nous laisser passer. Quand nous arrivons devant la fontaine, au centre de la cité, l'endroit est désert. Plus de bruit, ni cri, ni de rire. Il ne doit rester que les enfants et les familles, cachés quelque part dans les hauteurs. Nous savons tous les trois ce que nous devons faire, et où aller.
- Il faut emprunter l'escalier pour accéder aux ruines. Nous informe Lindel en avançant devant nous, nous guidant à travers les maisons. Je ne sais pas exactement ce que tu dois faire, ni ce qui te fait croire que la réponse est ici. Dit-il en me regardant de biais. Mais j'ai confiance en toi, Izuku. Tu es sans nul doute, notre dernier espoir. Peu importe ce qu'il se cache derrière cette porte, je reste avec toi. Il me sourit et je lui rend. Nous arrivons enfin devant l'escalier après plusieurs minutes de marches. Près de moi, Yuga fait pâle figure, légèrement épuisé.
- Ne me dis pas que les ruines sont tout là-haut ? Je lui fais un faible sourire alors qu'il passe une mains dans ses cheveux fins. Tu as de la chance que je t'aime bien.
Nous commençons donc à grimper, courant à vive allure. L'épuisement n'est rien. La fatigue, je m'en moque. Il faut que je les sauve. Les Drākõn, les humains. Ils ont tous besoin de moi. Je ne sais pas exactement pourquoi je pense ça, je le sais au fond de moi. Cela a toujours été ainsi, ma place est ici. Nous arrivons à l'avant dernier étage qui mène aux ruines. Je regarde mes acolytes qui sont tout aussi éreintés que moi.
- Izuku ? À l'entente de mon nom, je pivote ma tête pour voir un visage que je ne connais que trop bien. Keigo se tient là, avec derrière lui plusieurs enfants apeurés. Que fais-tu ici ? Il paraît surpris, ce que je comprends parfaitement, mais il semble également effrayé. Tu ne devrais pas être là. Retourne au château, tu seras plus en sécurité là-bas.
- Non. Dis-je catégoriquement. Ma place est ici, Keigo. Je dois accéder aux ruines. Il le faut.
- Les ruines ? Mais quel est le rapport entre nos ruines et la bataille qui fait rage dehors ? Il avance, tandis qu'un autre Drākõn apparaît, sortant du renfoncement où les habitations sont cachés.
- Izuku est l'enfant de la prophétie, Keigo. Dit Lindel en prenant place près de moi. Celui qui guidera les humains et les Drākõn. Celui qui guidera notre peuple vers la paix.
Keigo pose sa main sur sa bouche et secoue la tête.
- Cela ne se peut. Comment pouvez-vous en être certain ? Il s'approche de moi et pose une main réconfortante sur mon épaule. Je ne veux pas que tu ais de telles responsabilités.
- Mais je le veux. Dis-je en prenant sa main dans la mienne. Eijiro ne m'a pas trouvé, c'est moi qui l'ai trouvé. C'est ma destinée, Keigo. Je le sais. Fais moi confiance, je t'en prie.
Il me regarde longuement, et pousse un profond soupire. Il regarde Yuga, puis Lindel, avant de s'adresser à moi.
- Je viens avec vous. Hors de question de laisser mon petit risquer sa vie. Je suis touchée par ses mots, comprenant qu'il me voit comme l'un des siens. Mais nous n'avons pas le temps de nous embrasser, le temps nous ai compté. Blue, garde les petits. Je vais avec Izuku. Le Drākõn bleu hoche la tête et incite les enfants à le suivre.
- Dépêchons-nous. Presse Yuga. Plus on perd du temps, plus des hommes meurent au combat. Nous acquiesçons tous les trois et reprenons notre ascension dans les hauteurs.
Quand nous arrivons enfin devant l'entrée des ruines, une atmosphère plane dans les environs. Cela n'a rien à voir avec la dernière fois. Je sens ce poids sur mes épaules, m'empêchant presque d'avancer. Pourtant, il faut que je puise dans mes dernières ressources pour mettre un pied devant l'autre et soulever ce mystère. Je pénètre dans la salle, là où les statues et la porte scellée nous attendent.
- Je n'ai jamais vu cette porte s'ouvrir en trente cinq ans d'existence. Dit Lindel en regardant les dessins gravées. Sais-tu ce que tu dois faire ?
- À peu près. Dis-je en m'avançant, faisant face aux gravures.
- Si tu nous cherches, nous serons juste dehors. Dit Yuga en poussant le petit rideau.
- Si quelque chose ne va pas, n'hésite pas à hurler. Me prévient Keigo en partant le second.
Lindel ne me fait qu'un signe de tête avant de disparaître à son tour. Je me retrouve donc seul avec moi-même dans une pièce éclairée par les lucioles silencieuses. Même dans un moment pareil, je ne peux ignorer la beauté des lieux. Je dois bien avouer, je ne sais pas exactement ce que je dois faire pour ouvrir cette porte, quand bien même elle s'ouvrirait, qui a t-il à l'intérieur ? Du bout de mes doigts, je caresse la pierre et retrace les hiéroglyphes que je ne peux déchiffrer. Dois-je dire une phrase ? Lire un texte ? Chanter ? J'aurais aimé avoir les instructions pour gagner du temps. Je regarde autour de moi pour avoir un indice, ou un dessin qui peut me mettre sur la piste, mais rien. Je vois seulement les même que ceux de ma dernière visite. Un dragon entouré d'humain et de Drākõn.
Doucement, je pose mon front sur la roche et ferme les yeux pour mieux réfléchir. J'entends à l'intérieur des murs un cliquetis, puis le bruit bruyant d'un système de piston. Je recule immédiatement, et le bruit devient assourdissant. Je pose mes mains sur mes oreilles, alors que les trois Drākõn entrent avec précipitation.
- C'est quoi ce bruit horrible ? Demande Keigo en me regardant effaré.
- Je ne sais pas. J'ai simplement posé la tête contre la roche, rien de plus.
- Le sol tremble ! Hurle Yuga à travers le bruit. La montagne va s'effondrer ?
- Je n'espère pas. Dit Lindel en me regardant. Je ne tiens pas à être celui qui expliquera cela au roi.
- Ne nous affolons pas. Dit Keigo en levant les mains, le sol cessant de trembler. Plus de peur que de mal.
Derrière nous, la porte grince et s'ouvre en deux. Il y avait une fente au milieu ? Nous sommes happés par un appel d'air, alors que la poussière se lève. Il faut plusieurs minutes pour qu'elle se dissipe, durant lesquels ils battent des ailes pour la faire partir. Nous mettons nos mains devant nos yeux tellement la lumière qui s'en dégage est éblouissante. Une lumière jaune et vif. J'avance d'un pas fébrile, secondé par mes trois acolytes. Nous tombons des nus devant le spectacle qui s'offre à nous.
Une chambre entièrement faite de dorure, des murs au plafond. Sur les côtés, des rivières de magma et plus loin, deux cascades de feu. Au moment où mon pied touche le sol doré, les torches s'allument une à une, éclairant l'endroit. Je vois alors passer devant moi le petit papillon lilas que j'ai rencontré il y a quelques jours. Je ne sais pas si c'est le même, mais ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Il virevolte devant mes yeux, et s'enfuit, partant au centre de la pièce. C'est alors que je vois le diamant se tenant dans son écrin. Reposant sur une plaque rouge vif, entouré d'escalier de joyaux, un immense dragon doré dort au centre de la pièce. Il est aussi grand que la montagne peut l'être. Je m'avance encore un peu, arrivant près d'un escalier qui mène au pied du dragon. Derrière moi, j'entends des murmures ainsi que mon prénom, mais je suis éblouie par tant de beauté.
Enfin près de lui, à seulement quelques mètres de son corps, je sens la chaleur de l'endroit m'envahir. Il se met enfin à bouger, montrant qu'il est bel et bien en vie. Il secoue sa tête, faisant tomber de la poussière d'or. Il ouvre ses yeux, et deux grandes pupilles oranges me regardent intensément. Il relève son long cou, et déploie ses ailes aux reflets blancs. Les cornes sur sa tête sont ornées de diamant et de rubis. Il est la créature la plus magnifique qui m'est été donné de voir en ce monde. Sa puissante queue se lève et fait voler deux torches quand il se tourne vers moi. Ses pattes avant, pourvus de griffes tranchantes, agrippent les rebords de son piédestal. Il baisse la tête, son museau en face de mon corps. Il inspire par les narines, et expulse des braises en expirant.
- Izuku Midoriya, quel honneur de te rencontrer enfin. Il s'assoit comme l'aurait fait un chien bien élevé, et regarde derrière moi. Cela fait longtemps que j'attends ta venue. Sa voix résonne dans ma tête, et c'est seulement quand il me regarde intensément que je me rends compte que ses lèvres n'ont pas bougées une seule fois.
- Qui êtes-vous ? Je demande de vive voix, mon corps tremblant.
- Tu n'as pas à avoir peur de moi. Il déploie ses ailes et hurle en direction du plafond. Son rugissement résonne dans la chambre, et fait trembler les murs. Je suis Ateas, le dragon de feu originel. Je suis celui qui est et qui fut. Il se remet bien droit, et ses yeux orangés m'adressent un regard indéchiffrable.
- Vous dites, que vous m'attendiez ? Il secoue la tête, faisant tomber encore plus de poussière dorée.
- Mon corps se meurt, mon enfant. Je suis né poussière et je mourrais poussière. J'ai gardé en moi mon souffle de feu pour rester en vie, et sauver les terres qui ont vus naître mes descendants.
- Mais, comment saviez-vous que cela allait arriver ? Vous êtes censé... Je ne termine pas ma phrase, mais il semble comprendre. J'ai l'impression de voir un sourire déformer ses crocs aiguisés.
- Cela était écrit dans les étoiles, et ce depuis ma naissance. Mon dernier descendant, à l'approche de ses trente ans, trouvera un compagnon humain qui sauvera son peuple, et les terres de vie. Il regarde sa patte, et fait cliqueter ses griffes sur le sol. Sachant cela, j'ai regardé l'homme que j'aimais mourir. J'ai laissé mon peuple s'éteindre pour conserver assez de force en moi. Les humains qui étaient encore en vie ont forgés cette montagne et ont créés ce refuge pour me protéger à travers les âges. Je ne savais pas quand tu arriverais, ni lequel de mes descendants seraient impliqués. Mais maintenant que tu es là, je sais que c'est toi que j'attendais. Personne d'autre n'aurait pu ouvrir la porte.
- Alors, pourquoi ne l'ai-je pas ouverte quand je suis venu la dernière fois ? Il se couche, et regarde derrière moi.
- Tu n'étais pas prêt. Aucun de vous ne l'étiez. Il faut du temps pour mûrir et arriver à maturité. Ce temps est arrivé.
- Que dois-je faire ? Je suis perdue. Il se relève et grogne férocement.
- Tu dois te battre, Izuku ! Il rugit encore, et je recule de quelques pas face à temps de démonstration de force. Pas pour tuer, ni asservir. Tu dois te battre pour sauver et aider les tiens. Tu es de sang royal. Ton destin était tout tracé, mais ce sont nos choix qui font notre histoire. N'allons pas tuer les humains et asservir leur monde. Il secoue la tête, et dépose son cou sur la sol. N'est-ce-pas la paix que tu souhaites ? Je le sens dans ton cœur, dans tes veines. Katsuki et Eijiro combattent en ce moment même pour donner au futur un espoir, mais seul toi est capable de le réaliser.
- Je ne suis pas de taille face au roi de Drakna. Leur armée est plus puissante et nombreuse.
- Peu importe le nombre et la force. C'est ce que tu as dans ton cœur qui règne. L'amour, l'amitié. Tu as découvert tout ça ici, sur les terres de Drākõnia. Mais tu as aussi vécu à Drakna. Tous les humains ne sont pas mauvais. Détruit le berger, et le troupeau sera perdu. Redonne leur un berger plus instruit, et ils suivront sans se poser de question.
- Vous pensez à mon oncle ? Il se lève, et marche doucement, regardant autour de lui.
- Yagi Toshinori reprendra le trône avec son fils et son compagnon. Il sera un roi juste et bon. Son cou passe derrière moi, et sa tête se retrouve près de mon corps. Son souffle est brûlant. Et toi, tu seras un père exemplaire. Un mari aimant, et aimé.
- Quel est votre rôle dans cette histoire ?
- Je vais te guider jusqu'à Yulïna, là où la bataille fait rage. Si je dois user de mon souffle pour vous protéger, je le ferais. Il reprend sa place initial dans un bruit de cliquetis, sa queue frappant le sol. Je te dois la vérité. J'aurais très bien pu te laisser seul et ne jamais prendre place dans cette montagne. Mes intentions étaient égoïste. Je voulais voir Katsuki, au moins une fois, et me dire que l'amour que j'avais porté à l'homme que j'aimais, n'avait pas causé la perte de ce monde.
Je m'avance vers lui, et dans un élan de tendresse, pose ma main minuscule sur sa patte gigantesque.
- Cela n'a rien d'égoïste. Katsuki est votre descendant légitime, celui dont le souffle égale le votre. Eijiro et moi l'aimons plus que notre propre vie. L'amour triomphera. Je recule, et adresse ses mots à Keigo, Lindel, et Yuga. Ateas va nous amener à Yulïna. Grâce à lui, nous allons arrêter ce massacre et résoudre ce conflit.
Ils viennent vers moi, mais reste à bonne distance du dragon.
- Tu peux lui parler ? Demande Lindel en jetant quelques coups d'œil derrière moi.
- Ateas ? Le dragon de la légende ? Demande Keigo en regardant lui aussi la dragon doré.
- C'est bien lui. Sa magie est faible, mais il lui reste assez de force pour nous conduire là-bas.
- Nous jeter dans la gueule du loup, ce n'est pas le programme que j'avais en tête. Dit Yuga en frottant sa nuque. Je ne veux pas mourir aujourd'hui, tu comprends.
- Personne ne mourra. Résonne la voix autour de nous, et dans nos têtes. Je ne laisserais pas le sang couler à flot. Il abaisse son corps au ras du sol, et nous fait signe. Montez sur mon dos, et accrochez vous à mes écailles.
D'un pas incertain, nous exécutons ses ordres en grimpant sur lui. Il se secoue entièrement et fait tomber plus de poussière qu'avant. Nous nous accrochons au niveau de son cou, l'un derrière l'autre.
- Vous êtes bien accroché ? Demande t-il pour être sûr.
- Oui, mais comment allez-vous sortir d'ici ? Il n'y a pas de porte à votre taille. Demande Keigo en rabattant ses ailes.
- Qui a parlé de porte pour sortir ? Il commence à grimper sur les escaliers de pierres précieuses, et arrivé près du plafond, il ouvre sa gueule en grand. Un souffle ardent, d'une force inouïe, fait fondre les parois en quelques secondes à peine. L'or s'écoule et retombe mollement, comme du vulgaire chocolat.
- Tout cet or gâché. Dit Yuga à ma gauche, et je ne peux m'empêcher de sourire.
Devant nous s'offre alors un tunnel menant au ciel.
- La montagne est un volcan ? Hurle Lindel alors que Ateas monte en s'agrippant aux parois.
- Un volcan aride, ne vous en faites pas. Répond le dragon céleste en atteignant la sortie.
- Et maintenant ? Je demande en raffermissant ma prise.
- Maintenant, nous nous envolons.
Sur mon épaule se pose le papillon, qui semble avoir lui aussi trouvé la sortie. Je sens alors Ateas bouger, et vois ses ailes se déployer avec grâce. Il est aussi large qu'une forêt, son envergure est incalculable à l'œil nu. D'un bond, il s'envole vers les cieux, disparaissant dans les nuages blancs. Je découvre alors un paysage inédit, une contrée inconnue. Le pays des étoiles. Fendant l'air en deux, battant des ailes avec force, Yulïna est à porté de main. J'espère ne pas arriver trop tard.
Attendez moi, mes compagnons, je viens à vous.
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Bonsoir, je voulais remercier les lecteurs assidus ainsi que les nouveaux qui viennent d'arriver ! Ça fait vraiment plaisir ^^
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